L’investisseur milliardaire Warren Buffett a déclaré qu’il prévoyait laisser à ses enfants « assez d’argent pour qu’ils aient le sentiment de pouvoir tout faire, mais pas trop pour leur permettre de ne rien faire ». Ses intentions sont bonnes. Comme beaucoup de personnes très fortunées, Warren Buffett comprend que le transfert de patrimoine à la génération suivante est un cadeau, mais peut aussi être un fardeau pour les bénéficiaires s’il n’est pas correctement géré.
Les parents qui transmettent trop de richesses, trop tôt, risquent de démotiver leurs enfants de poursuivre leurs propres carrière et passions, ce qui peut leur être nuisible sur le plan économique et affectif avec le temps. Il y a aussi un risque que le patrimoine transféré trop tôt, ou sans planification adéquate, soit mal géré, ce qui peut avoir des répercussions économiques et sociales plus larges.
L’Economist Intelligence Unit (EIU) a mené une étude, commandée par RBC Gestion de patrimoine, auprès de 1 051 personnes fortunées, dont 259 au Canada, de mars à mai 2018. L’enquête intitulée Le nouveau visage de la richesse et de l’héritage explore le sens donné à l’héritage et à la richesse selon la région, le sexe et la génération.
Selon Le nouveau visage de la richesse et de l’héritage, 74 % des femmes interrogées au Canada estiment avoir l’obligation de transmettre des valeurs à la génération suivante.
L’histoire a montré que le patrimoine transféré peut ne pas durer assez longtemps pour créer un héritage pour plusieurs générations; d’où le dicton : « être en bras de chemises en trois générations », ce qui signifie que la richesse acquise en une génération sera perdue d’ici la troisième.
Il y a aussi le problème de ne pas bien préparer les enfants au patrimoine qu’ils recevront, y compris les attentes quant à la façon dont il devrait être dépensé, investi et potentiellement donné à des causes philanthropiques. Ces décisions sont souvent basées sur les valeurs familiales, qui peuvent ne pas toujours être bien communiquées d’une génération à l’autre.
Étant donné qu’on estime que 4 000 milliards de dollars de richesses seront versés aux héritiers au Canada, au Royaume-Uni et aux États-Unis au cours des prochaines décennies, il y a beaucoup en jeu.
« Si la génération actuelle parvient à transférer efficacement ses connaissances et son patrimoine, cela pourrait accroître la probabilité que les générations futures soient mieux préparées à préserver le patrimoine, à stimuler la croissance économique et à redonner à leurs communautés », déclare le Rapport sur le transfert de patrimoine 2017 de RBC Gestion de patrimoine.
Préparer le transfert de patrimoine : aborder le sujet
Beaucoup de familles ne sont pas préparées à transférer le patrimoine et à le recevoir. Le manque de communication et de planification est souvent à blâmer.
Le rapport de RBC Gestion de patrimoine montre que seulement 26 % des répondants ont mis en place une stratégie complète pour transférer leur patrimoine à la génération suivante, et que seulement 35 % des héritiers affirment être préparés par leurs bienfaiteurs avant de recevoir le patrimoine.
« Même lorsqu’une discussion de base a eu lieu, celle-ci n’abordait généralement que la valeur monétaire, sans aucune indication sur la façon dont le donateur voulait qu’elle soit gérée et utilisée », explique Anthony Maiorino, vice-président et chef, RBC Services de planification patrimoniale, à Toronto.
M. Maiorino affirme que l’un des principaux problèmes est le fait que les familles ont du mal à parler de l’héritage : les parents ne veulent pas forcément révéler l’état de leur patrimoine ou les enfants ne veulent pas forcément discuter d’un moment où leur mère et leur père ne seront plus là.
« Pour beaucoup d’entre nous, ce n’est pas une chose facile », ajoute M. Maiorino. « Certains d’entre nous évitent d’aborder le sujet, parce qu’évoquer la fin de la vie nous met mal à l’aise, ou nous ne voulons pas contrarier les membres de notre famille avec une discussion sur “quand je ne serai plus là”. D’autres peuvent avoir une dynamique familiale complexe, qui semble propice à éviter ces types de discussions », poursuit‑il.
Selon lui, dans certains cas, les parents pensent que leurs enfants préfèrent ne pas en parler, « mais je pense que, si c’est fait correctement et au bon moment, les enfants seraient tout à fait disposés à avoir cette conversation ». « Je pense que l’une des principales idées fausses est que les enfants ne veulent pas en parler. »
M. Maiorino explique que les parents n’ont pas à fournir de détails sur leurs biens, mais peuvent plutôt discuter de généralités sur ce qu’ils possèdent et la façon dont ils aimeraient le voir géré ou utilisé. Il recommande d’avoir une série de conversations, en commençant lorsque les enfants sont assez âgés pour comprendre et apprécier l’importance de la gestion du patrimoine.
Selon lui, les conversations ne se passent pas toujours bien, surtout au début. Pourtant, M. Maiorino estime qu’il est important de maintenir un dialogue ouvert et de continuer à essayer. « Si, au début, la discussion se passe mal, réessayez à plusieurs reprises. »
L’objectif est de dissiper toute confusion potentielle et de prévenir de futurs désaccords ou d’éviter de blesser les sentiments des enfants à propos de la répartition ultérieure des biens. Par exemple, les parents peuvent souhaiter que leurs enfants utilisent un héritage pour financer l’éducation d’un petit-enfant, ou continuer à faire des dons à un organisme de bienfaisance local qui leur tient à cœur.
« Il est important de parler à l’avance à vos proches et à vos bénéficiaires de vos intentions et de vos souhaits», explique M. Maiorino. « Cela permet de fournir un raisonnement et des conseils, qui peuvent s’avérer extrêmement utiles à l’avenir en donnant à l’héritier une direction à suivre et en éliminant les conjectures émotionnelles. »