Les bénéfices des sociétés américaines annoncent‑ils une décélération de la croissance en 2023 ?

Analyse
Perspectives

Dans un contexte d’incertitude économique, nous analysons les risques de baisse potentiels et voyons pourquoi des perspectives favorables pourraient être de mise.

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26 janvier 2023

Kelly Bogdanova
Vice-présidente et analyste de portefeuille
Services-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis

À un moment où l’avenir de l’économie américaine suscite de l’inquiétude, les participants au marché portent une attention particulière aux résultats du quatrième trimestre de 2022 et aux prévisions de croissance des bénéfices et des revenus en 2023.

Selon les prévisions générales, les bénéfices trimestriels diminueront modérément au quatrième trimestre de 2022, se maintiendront au premier trimestre de 2023, et la croissance reprendra par la suite. Si l’économie entrait effectivement en récession, ces prévisions s’avéreraient à notre avis trop optimistes.

Les investisseurs devraient surtout se demander dans quelle mesure le marché a déjà pris en compte d’autres reculs des bénéfices.

Aux États‑Unis, les bénéfices semblent sur le point de diminuer à court terme

Bénéfices trimestriels par action du S&P 500 : données réelles en bleu foncé, estimations moyennes en bleu pâle

Bénéfices trimestriels par action du S&P 500

Le graphique à colonnes montre les bénéfices par action trimestriels des sociétés du S&P 500 depuis 2019. Les résultats réels vont du premier trimestre de 2019 au troisième trimestre de 2022 et les estimations générales, du quatrième trimestre de 2022 au quatrième trimestre de 2023. Les bénéfices ont légèrement augmenté jusqu’au quatrième trimestre de 2019, pour s’établir à près de 42 $ l’action. Ils se sont ensuite effondrés au premier et au deuxième trimestres de 2020, au cours desquels ils ont chuté à un creux d’environ 28 $ l’action en raison de la COVID-19. Par la suite, ils ont régulièrement augmenté, atteignant près de 58 $ l’action au deuxième trimestre de 2022. Une légère baisse s’est produite au troisième trimestre de 2022. Selon les prévisions générales, les bénéfices diminueront encore au quatrième trimestre de 2022 et au premier trimestre de 2023, et s’établiront à près de 53 $ pour chacune des deux périodes. Les prévisions générales annoncent ensuite une remontée vers la fin de l’année et des bénéfices d’environ 59 $ l’action au quatrième trimestre de 2023. Comme l’explique le rapport, ces estimations sont incertaines en raison des risques économiques.

Sources : RBC Gestion de patrimoine, système I/B/E/S de Refinitiv ; données en date du 25 janvier 2023.

Une déception qui pourrait être pire

Aux États‑Unis, la période de publication des résultats du quatrième trimestre a bien commencé, compte tenu des conditions économiques difficiles.

Le quart des sociétés ont dévoilé leurs résultats jusqu’à présent. Si la tendance se maintient, les bénéfices des sociétés de l’indice S&P 500 reculeront de 2,7 % sur 12 mois. Il s’agirait là du taux de croissance le plus faible depuis le troisième trimestre de 2020, période correspondant à la fin de la phase la plus prononcée de la crise de la COVID‑19.

Le principal facteur de recul des bénéfices globaux est la pression subie par les sociétés axées sur la technologie dans divers secteurs (c.‑à‑d. tech+). Abstraction faite de ce segment, les résultats du quatrième trimestre sont beaucoup plus favorables, puisque la croissance des bénéfices atteint 4,7 % d’une année sur l’autre.

En ce qui a trait aux attentes générales, les taux de dépassement des bénéfices et des revenus, respectivement établis à 2 % et à 0,5 %, s’avèrent décevants. Ils ne sont toutefois pas négatifs, comme ils auraient pu l’être si les résultats d’une vaste gamme de secteurs s’étaient heurtés à un mur.

Si le taux de dépassement des bénéfices se maintient pendant le reste de la période de publication des résultats, notre correspondant national de recherche estime que la croissance des bénéfices des sociétés du S&P 500 au quatrième trimestre ne sera que légèrement négative, soit ‑ 0,7 % sur 12 mois au lieu des ‑ 2,7 % que laissent entrevoir les estimations générales actuelles.

Autres éléments à retenir pour le quatrième trimestre :

  • Les titres de croissance dépassent les titres de valeur sur le plan de la croissance des bénéfices et des revenus, et la catégorie des titres de croissance affiche un meilleur taux de dépassement des bénéfices.
  • Les sociétés axées sur le marché intérieur enregistrent une meilleure croissance des bénéfices que celles mettant davantage l’accent sur le marché mondial.
  • Les marges de profit sont faibles dans l’ensemble, s’établissant à ‑ 8,9  % environ d’une année sur l’autre, ce qui n’est pas étonnant compte tenu des sommets records atteints antérieurement par les marges et du ralentissement de l’économie. La faiblesse des marges pourrait entraîner la mise en œuvre d’autres mesures de réduction des coûts dans les entreprises.
  • La contraction des marges ne se limite pas au secteur tech+. Elle s’observe aussi dans les secteurs des matières, de la finance, des soins de santé et de la consommation de base.
  • Certaines entreprises composent encore avec des problèmes liés à la chaîne logistique ou aux pénuries de main‑d’œuvre, mais dans une moins grande proportion que lors des trimestres précédents.
  • Un plus grand nombre d’entreprises ont annoncé des mises à pied, surtout dans le secteur tech+.
  • Quelques‑unes des plus grandes sociétés des secteurs de la consommation de base et des produits industriels soutiennent qu’elles disposent encore d’un pouvoir d’établissement des prix ; elles continuent de profiter de l’inflation.
  • Dans l’ensemble, les banques ont annoncé une forte croissance des prêts et une hausse de la croissance du revenu net d’intérêts et des marges nettes d’intérêts. Par contre, les sociétés menant des activités liées aux marchés des capitaux ont observé un affaiblissement à cet égard.

Des conditions changeantes

Le marché boursier s’intéresse presque toujours davantage à l’avenir qu’au passé, surtout lorsqu’il est question de bénéfices.

Durant la période de publication des résultats du quatrième trimestre, les équipes de direction se sont généralement montrées optimistes quant aux trimestres à venir. Certaines équipes ont toutefois indiqué que l’incertitude économique compliquait les prévisions, et quelques‑unes ont été carrément pessimistes à propos de la situation macroéconomique.

En raison du programme de resserrement vigoureux de la Réserve fédérale et des appréhensions liées à l’affaiblissement de l’économie, les estimations générales concernant les sociétés du S&P 500 pour l’ensemble de l’année 2023 ont considérablement reculé, soit d’environ 252 $ par action au printemps dernier et au début de l’été à 227 $ actuellement. Le marché en a déjà tenu compte, ce qui explique en partie le repli marqué du S&P 500 en 2022.

Trajectoire des estimations générales du bénéfice par action annuel pour le S&P 500 au fil du temps en dollars américains

Estimations générales du bénéfice par action annuel pour           le S&P 500

Graphique linéaire illustrant l’évolution des estimations du bénéfice par action annuel entre janvier 2021 et le 25 janvier 2023. Les estimations pour 2022 ont d’abord été de 197 $, puis ont augmenté constamment jusqu’au printemps et à l’été de 2022 pour culminer à environ 230 $. Elles ont ensuite diminué pour atteindre 220 $ actuellement. Les estimations pour 2023 se sont d’abord établies à 219 $ l’action, se sont élevées à près de 252 $ à la fin du printemps et au début de l’été de 2022, puis ont baissé sensiblement pour se fixer à 227 $ présentement.

  • Estimation pour 2023
  • Estimation pour 2022

Sources : RBC Gestion de patrimoine, FactSet ; données quotidiennes prises en compte jusqu’au 25 janvier 2023.

Estimations générales de la croissance des bénéfices et des revenus du S&P 500 et par secteur pour 2023

Secteur Bénéfices Revenus
Indice S&P 500 3,2 % 8,4 %
Services de communications 6,5 % 9,7 %
Consommation discrétionnaire 25,5 % 11,8 %
Consommation de base 5,7 % 10,1 %
Énergie -15,5 % -4,0 %
Finance 12,1 % 12,2 %
Soins de santé -3,9 % 9,2 %
Produits industriels 11,2 % 9,4 %
Technologie de l’information 3,2 % 9,7 %
Matières -12,0 % 2,8 %
Immobilier -1,0 % 11,7 %
Services publics 7,4 % 6,7 %

Sources : RBC Gestion de patrimoine, système I/B/E/S de Refinitiv ; données en date du 25 janvier 2023.

Nous pensons que de nombreux investisseurs institutionnels (gestionnaires de fonds communs de placement, de caisses de retraite et de fonds de couverture) présument que les bénéfices de 2023 pourraient s’avérer modérément inférieurs aux prévisions générales de 227 $ par action des analystes du secteur. Par exemple, selon l’équipe Stratégie sur actions américaines, RBC Marchés des Capitaux, certains investisseurs institutionnels entrevoient un bénéfice approximatif de 210 $ par action pour 2023. Nous croyons également que le marché s’attend déjà à une diminution approximative de 5 % de l’estimation de 227 $ par action au cours des semaines et mois à venir.

Malgré les vulnérabilités que nous notons dans les estimations pour 2023, les perspectives des bénéfices semblent « moins mauvaises » que lors des périodes de crise économique précédentes. Même si une récession se concrétise et amène des réductions encore plus marquées, en deçà de 210 $, des prévisions générales de bénéfices des sociétés du S&P 500, les dépenses des ménages et le marché de l’emploi devraient être relativement plus solides que lors des dernières contractions économiques. En outre, les bénéfices des sociétés du S&P 500 ont tendance à mieux tenir le coup durant les périodes inflationnistes de crise économique que pendant les périodes non inflationnistes. Il en est ainsi parce que certains secteurs parviennent à compenser au moins en partie la faiblesse de la demande en raison de l’effet combiné du pouvoir d’établissement des prix et de l’inflation.

Lori Calvasina, cheffe, Stratégie sur actions américaines, RBC Capital Markets, LLC, souligne que le S&P 500 a par le passé atteint un creux de trois à six mois avant la fin d’une période d’assombrissement des perspectives de bénéfices. Le creux du marché survient habituellement bien avant que la proportion des sociétés haussant leurs estimations excède celle des sociétés les révisant à la baisse.

En conclusion, l’estimation relative au S&P 500 pour 2023 risque encore de baisser, ce qui pourrait accentuer la volatilité ou provoquer un recul de l’indice. Nous croyons toutefois que le marché a déjà absorbé bon nombre de mauvaises nouvelles.


Au Québec, les services de planification financière sont fournis par RBC Gestion de patrimoine Services Financiers. qui est autorisé comme une société de services financiers dans cette province. Dans le reste du Canada, les services de planification financière sont disponibles à travers RBC Dominion valeurs mobilières.


Kelly Bogdanova

Vice-présidente et analyste de portefeuille
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