La Réserve fédérale américaine continue de lutter contre l’inflation dans un contexte où l’économie se détériore, mais nous estimons que les taux des titres à revenu fixe américains ont rarement semblé en meilleure posture.
22 septembre 2022
Thomas Garretson, CFA Premier stratégiste, PortefeuillesStratégies des titres à revenu fixeServices-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis
La Réserve fédérale (Fed) continue de suivre le rythme qu’elle impose elle-même, comme en témoignent un autre relèvement substantiel des taux et les perspectives survoltées en matière de taux. Ce sont toutefois les conséquences de ces hausses sur l’économie qui attiraient notre attention durant la réunion de cette semaine sur la politique monétaire. Comme l’a affirmé le président de la Fed, Jerome Powell, en août, lors du symposium économique de Jackson Hole, l’avenir s’avérera probablement « éprouvant » pour les consommateurs, un constat que semblent confirmer les dernières prévisions de la Fed.
La Fed espère encore une « récession de croissance » selon la mise à jour de ses prévisions et la conférence de presse de M. Powell à l’issue de la réunion. La réaction des marchés s’est avérée moins optimiste, puisqu’il y a eu une forte liquidation des actions et une accentuation considérable de l’inversion de diverses mesures de la courbe des taux des titres du Trésor, ce qui nous donne à penser que l’on appréhendera encore un « atterrissage brutal » de l’économie dans les semaines et mois à venir.
Quelles épreuves la hausse des taux pourrait-elle infliger ? Comme le montre le graphique, après le relèvement de 75 points de base (pb) de cette semaine pour atteindre une limite supérieure de 3,25 % et s’installer en territoire « restrictif », suivant les propos de M. Powell, la Fed prévoit maintenant un relèvement des taux à 4,5 % environ d’ici la fin de l’année en cours et à 4,75 % l’an prochain ; il s’agit là de taux bien supérieurs à nos attentes – et aux prévisions de tous, visiblement.
Le graphique linéaire indique l’évolution du taux directeur de la Réserve fédérale au cours des vingt dernières années. Les projections actualisées de la Réserve fédérale à sa réunion de septembre montrent une progression continue des hausses de taux cette année jusqu’à la borne supérieure de 4,50 %, une nouvelle hausse devant porter le taux à 4,75 % en 2023. Les marchés s’alignent sur un taux de 4,50 % pour cette année, mais s’attendent à ce qu’il commence à baisser l’an prochain.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg ; données du marché fondées sur le prix des contrats à terme sur taux des fonds fédéraux ; niveau restrictif fondé sur la limite supérieure des prévisions de taux à plus long terme de la Fed.
Ces prévisions constituent le fondement de cette « récession de croissance » qu’espère la Fed : une croissance inférieure au potentiel, que la Fed évalue encore à 1,8 %, pour une certaine période, puis une croissance réelle attendue d’à peine 1,2 % l’année prochaine et de 1,7 % en 2024, avant un retour de la croissance économique à 1,8 % en 2025, sans doute en raison des baisses de taux prévues par la Fed. En outre, on anticipe une hausse du chômage à 4,4 % en 2023 et en 2024, puis une diminution à 4,3 % en 2025, ces taux étant tous supérieurs aux estimations du « plein emploi » de la Fed à 4,0 %, ainsi qu’un retour de l’inflation à l’objectif de 2,0 % en 2025. Ainsi donc, rien d’exceptionnel, mais les choses pourraient être pires.
Si nous prenons la Fed au mot – et il y a peu de raisons de ne pas le faire à court terme, même si nous sommes plus préoccupés par le long terme que les décideurs – et que les taux atteignent 4,5 % en décembre, il s’agira d’un resserrement de la politique monétaire de 425 pb sur une période de neuf mois.
Il va sans dire qu’une telle situation a peu de précédents, à part l’ère Volcker dans les années 1980. Certains diront que les taux demeurent historiquement bas, mais c’est l’ampleur des hausses qui importe, à notre avis, surtout en raison de l’effet retardé de la politique monétaire sur l’économie. Nous croyons que les décideurs tiendront compte de cela en définitive, à mesure que ce cycle de hausse de taux s’approche de sa fin.
À cet égard, les Services économiques RBC conservent une perspective prudente et s’attendent à une légère récession au début de 2023, qui mènera à des taux de chômage se rapprochant de 5 %, avant que la Fed n’annonce des baisses de taux au deuxième semestre de la prochaine année. La Fed ne le déclare peut-être pas ouvertement, mais un tel scénario pourrait correspondre à son véritable objectif, à notre avis. Comme l’a souligné M. Powell lors de sa conférence de presse, une stabilisation rapide des prix dans l’économie devrait favoriser une expansion plus durable, comme celles que nous avons vues durant la majeure partie des 30 dernières années.
L’inflation soutenue laisse encore sans réponse la question de savoir si la Fed parviendra à réduire l’inflation, mais les marchés ont tranché. En mars, lorsque la Fed a lancé sa campagne de hausse des taux, le marché des titres du Trésor indexés sur l’inflation s’attendait à une inflation de près de 5,0 % au cours des deux prochaines années ; aujourd’hui, cette attente s’établit à 2,4 % à peine. Il en va de même pour l’ensemble de la courbe des taux des obligations du Trésor indexées sur l’inflation. Le graphique montre la variation des rendements en revenu réels des investisseurs depuis mars ; maintenant, ces rendements en revenu sont non seulement supérieurs à 0 %, mais ils ont aussi atteint leurs plus hauts niveaux depuis 2009.
Le graphique linéaire montre comment les taux sont montés en flèche depuis que la Réserve fédérale a commencé à les relever et la façon dont les anticipations inflationnistes du marché ont radicalement chuté. Le taux réel que les investisseurs obtiennent donc des obligations du Trésor se situe à présent à son plus haut niveau depuis 2009.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg
Par exemple, le taux nominal des titres du Trésor à 2 ans était d’environ 2,0 % à la fin de mars, mais, comme on l’a mentionné précédemment, l’inflation attendue et prise en compte par les marchés était de près de 5 %, ce qui donne un rendement en revenu « réel » de -3,0 %. Cette situation s’est inversée depuis, puisque le taux nominal des titres du Trésor à 2 ans est maintenant de 4,1 % avec une inflation attendue d’à peine 2,4 %, soit un rendement en revenu réel de près de 2,0 %, un résultat rarement vu au cours des dernières décennies et qui devrait, à notre avis, susciter l’intérêt des investisseurs.
Comme le montre le graphique, les efforts déployés par la Fed jusqu’à présent ont fait croître le rendement potentiel des titres américains à revenu fixe dans de nombreux secteurs, avec des rendements en revenu approchant ou atteignant des sommets inégalés en dix ans. Les obligations de sociétés de catégorie investissement affichent maintenant un taux de 5,2 %, comparativement à une moyenne d’à peine 4,3 % sur 20 ans.
Le graphique montre le niveau où se situent les taux à court, à moyen et à long terme des principaux indices de titres à revenu fixe américains (obligations du Trésor, obligations globales, obligations de sociétés de catégorie investissement et obligations municipales) par rapport à leurs fourchettes des dix dernières années. La plupart se situent à des sommets de dix ans. Les taux indiciels actuels sont les suivants. Obligation du Trésor : court terme, 4,0 % ; moyen terme, 3,9 % ; long terme, 3,8 %. Obligations globales : court terme, 4,4 % ; moyen terme, 4,5 % ; long terme, 4,7 %. Obligations de sociétés de catégorie investissement : court terme, 4,8 % ; moyen terme, 5,1 % ; long terme, 5,5 %. Obligations municipales : court terme, 2,9 % ; moyen terme, 3,4 % ; long terme, 4,6 %.
Nota : Les barres montrent des fourchettes de rendement en revenu de dix ans (sauf 2020).
Sources : RBC Gestion de patrimoine, indices d’obligations Bloomberg.
Après avoir été ignorés par les investisseurs pendant une grande partie des dix dernières années, et peut-être à juste titre étant donné les rendements potentiels anémiques, nous croyons que les titres à revenu fixe semblent de nouveau pertinents pour une vaste gamme d’investisseurs du fait des taux atteignant des niveaux historiquement attrayants. Toutefois, comme on l’a indiqué précédemment au sujet des hausses de taux et des éventuelles baisses de taux : là aujourd’hui, disparus demain. Selon notre scénario de base, le ralentissement de la croissance mondiale exercera une pression sur la Fed en définitive, et la banque centrale mettra un terme au cycle de hausse des taux cette année, soit à un niveau inférieur à 4,5 %.
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