Bien des banques centrales ont commencé à signaler qu’elles seraient plus prudentes lors des prochaines hausses de taux. Ce n’est pas le cas de la Réserve fédérale américaine, qui fait maintenant cavalier seul.
3 novembre 2022
Thomas Garretson, CFA Premier stratégiste, PortefeuillesStratégies des titres à revenu fixeServices-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis
Par Thomas Garretson, CFA
Cette semaine, c’était au tour de la Fed et de la Banque d’Angleterre de tenir leur réunion. À l’approche de ces événements, les marchés ont senti un certain assouplissement, amorcé par la Banque du Canada qui a décrété une hausse de taux moins élevée que prévu de 50 points de base (pb) le 26 octobre. Le lendemain, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé une deuxième hausse de 75 pb, mais s’est gardée de mentionner expressément de prochaines augmentations. Cette prudence a soulevé des doutes quant à la nécessité de porter les taux directeurs au‑delà du niveau « neutre » et en territoire restrictif sur le plan économique, même si les pressions inflationnistes demeurent fortes.
Dans ce contexte, les marchés s’attendaient à ce qu’à l’occasion de la réunion de cette semaine, la Fed annonce elle aussi une approche plus conciliante et fort attendue, en mettant fin aux hausses de taux massives. Conformément aux attentes générales, la Fed a confirmé un ralentissement probable du rythme des relèvements après une quatrième hausse de taux consécutive de 75 pb, et ce, dès la prochaine réunion de décembre, selon les déclarations du président Jerome Powell en conférence de presse. Toutefois, quelques instants plus tard, M. Powell a une fois de plus dissipé l’impression que la Fed pourrait lever le pied dans sa lutte contre l’inflation.
Dans un premier temps, les marchés ont bien accueilli le communiqué sur la politique monétaire et M. Powell semble en avoir été conscient, avant de poursuivre avec certaines de ses déclarations les plus fermes. Les indices boursiers ont alors plongé, tandis que les taux des obligations du Trésor ont grimpé.
Fait important, même si les hausses s’avèrent plus modérées, le niveau final visé pourrait être plus élevé que prévu précédemment. Ce niveau était estimé à 4,75 % aussi récemment que lors de la réunion de la mi‑septembre de la Fed. M. Powell a mentionné que le resserrement opéré au cours des neuf derniers mois, soit une hausse totale de 375 pb, la plus importante pour toute période semblable depuis 1980, n’avait eu pas d’effet marqué sur les dernières données sur le marché du travail et l’inflation. Comme le montre le graphique de la page précédente, déterminer jusqu’où porter les taux n’est pas une mince affaire : le niveau final est passé de 2,75 % à la réunion de mars à 3,75 % en juin et enfin à 4,75 % en septembre. À notre avis, la Fed ne sait pas vraiment quel doit être ce niveau final, ce qui ne fait qu’alimenter l’incertitude et la volatilité sur les marchés américains.
Le graphique linéaire montre que le sommet des taux d’intérêt prévu par la Fed pour ce cycle n’a cessé de monter depuis le début de l’année. Il est passé de seulement 2,75 % à la réunion de mars du Comité fédéral de l’open market à 4,75 % dans la dernière mise à jour des prévisions économiques de la Fed. Le président de la Fed, Jerome Powell, a laissé entendre que le niveau pourrait être encore plus élevé, si bien que RBC Marchés des Capitaux a relevé ses prévisions de taux final à 5,25 % d’ici mars 2023.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg et RBC Marchés des Capitaux, Sommaire des prévisions économiques de la Réserve fédérale
Par conséquent, comme la Fed semble inflexible et qu’il n’y a guère de raisons de douter de sa détermination, RBC Marchés des Capitaux a relevé ses prévisions pour le taux directeur final de 4,7 % à 5,2 %, niveau qui serait atteint en mars 2023 à l’aide de hausses successives de 50 pb, 50 pb et 25 pb en décembre, février et mars, respectivement.
Jusqu’à présent, on avait l’impression que la Fed porterait les taux à un niveau élevé, mais peut‑être pas excessif, et qu’elle les y maintiendrait pour une période prolongée, le temps que se déroule l’« atterrissage en douceur » souhaité. À notre avis, toutefois, le risque que la Fed poursuive sur sa lancée jusqu’à ce que quelque chose se brise ne fait que s’accentuer ; du fait des taux plus élevés, elle devra faire marche arrière plus rapidement, étant donné que la probabilité d’un « atterrissage brutal » sera plus grande. Comme on dit, plus on tombe de haut, plus la chute est dure.
Et cette perspective semble… convenir à la Fed ? En conférence de presse, M. Powell a clairement indiqué que, selon lui, les risques associés à une intervention trop molle étaient plus importants que ceux liés à une intervention trop musclée. Il a affirmé que si le resserrement s’avérait excessif, la Fed pourrait recourir avec force à ses outils pour soutenir l’économie. En revanche, si elle ne parvenait pas à maîtriser l’inflation à cause d’un resserrement insuffisant, l’inflation pourrait s’enraciner. De tels propos signifient essentiellement que si la Fed a tort, il lui suffira de réduire les taux.
Tandis que la Fed continue de ne rien céder aux marchés en insistant sur le fait que les taux pourraient bien dépasser les prévisions, la Banque d’Angleterre a adopté une tactique différente. Elle a déclaré qu’il pourrait y avoir une récession de deux ans si les taux directeurs atteignaient effectivement les niveaux élevés attendus par les marchés, soit plus de % en 2023.
Ainsi, même si la Banque d’Angleterre a annoncé une hausse de taux de 75 pb, la plus importante en plus de 30 ans, elle a repoussé fermement les attentes du marché en adoptant un ton résolument conciliant. La livre a reculé de près de % par rapport au dollar dans la foulée de la réunion. La vigueur du dollar, qui était déjà source de tensions dans le monde, est donc revenue à l’avant‑scène puisque la Fed fait maintenant cavalier seul.
M. Powell a indiqué que la piste pour l’atterrissage en douceur de l’économie raccourcissait. Cependant, nous croyons que l’éventail des occasions liées aux hausses de taux musclées n’en est que plus vaste pour les investisseurs en titres à revenu fixe. Comme le montre le graphique, les rendements en revenu des indices globaux d’obligations de catégorie investissement du monde entier frôlent des sommets de plusieurs décennies. Toutefois, M. Powell a aussi souligné que la Fed pourrait être contrainte de faire marche arrière tout aussi rapidement. Autrement dit, la période pendant laquelle les investisseurs peuvent profiter de niveaux historiquement attrayants pourrait s’avérer plus courte que ne l’espèrent certains.
Le graphique linéaire montre que les rendements en revenu des indices globaux d’obligations mondiales de catégorie investissement s’approchent de certains sommets de la dernière décennie, sous l’effet des interventions musclées des banques centrales en 2022 visant à relever les taux directeurs à court terme. Ainsi, le taux de l’indice global des obligations du Trésor américain Bloomberg se situe à 4,4 %, celui de l’indice global des obligations américaines, à 5,0 % et celui de l’indice global des obligations mondiales, hors obligations américaines, à 2,7 %.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, indices d’obligations Bloomberg
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