Malgré la forte incertitude, nous entrevoyons des occasions. Nous présentons nos réflexions.
2 juin 2022
Par Joseph Wu, CFA
Les nouvelles données continuent de pointer vers une expansion économique, mais à un rythme plus lent. Plusieurs facteurs freinent la croissance : l’instabilité provoquée par la guerre entre la Russie et l’Ukraine, l’anémie des économies de la Chine et de l’Europe, ainsi que le changement de cap de la Réserve fédérale (Fed) et d’autres banques centrales. Celles‑ci resserrent énergiquement leur politique monétaire et, par conséquent, les conditions financières, pour contrer l’inflation résolument élevée.
À notre avis, la question déterminante pour les investisseurs est de savoir si le ralentissement actuel, surtout aux États‑Unis, n’est qu’une faiblesse momentanée qui sera suivie d’un rebond, ce qui arrive assez souvent lors des cycles d’expansion, ou s’il s’agit d’un signe précurseur de récession.
Toutefois, les bilans des sociétés sont excellents, et la croissance de l’emploi et des salaires va bon train. De plus, les ménages jouissent d’une bonne situation financière, notamment d’une épargne considérable dans laquelle ils pourront puiser pour dépenser. Nous estimons donc que les deux principaux moteurs de l’économie américaine, soit la consommation des particuliers et les investissements des entreprises, devraient demeurer assez robustes pour alimenter la croissance au cours des prochains trimestres. Au vu de ces éléments, et de notre feuille de pointage sur la récession qui demeure rassurante, le risque de récession nous paraît raisonnablement modéré pour les 12 prochains mois, même s’il est bien réel et croissant.
Néanmoins, nous sommes conscients que les risques pesant sur ces prévisions optimistes, liés aux obstacles mentionnés précédemment, s’accentuent. Nous croyons par conséquent que les inquiétudes relatives à une « fin de cycle » perdureront jusqu’à ce que les marchés aient une meilleure idée de la trajectoire de l’inflation, de la politique de la Fed et de la durabilité de l’expansion actuelle aux États‑Unis.
Les marchés des obligations ont été malmenés au cours des 12 derniers mois, les hausses des taux ayant exercé des pressions baissières généralisées sur les prix. Certes, les rendements négatifs causent une frustration bien compréhensible. Selon nous, toutefois, la récente déroute des obligations comporte certains avantages possibles dont les investisseurs devraient tenir compte.
Premièrement, quand les prix des obligations baissent, leurs rendements en revenu augmentent. Ainsi, les rendements attendus ont grimpé en flèche du fait de la récente liquidation. Sous l’effet de ce rajustement à la baisse, les rendements en revenu de la plupart des grands segments du marché obligataire se sont non seulement fortement améliorés par rapport à l’an dernier, mais ils ont aussi approché ou dépassé leur moyenne établie depuis 2002. De plus, les écarts de taux, qui mesurent le surcroît de rendement pour le risque de crédit par rapport aux obligations du Trésor, se sont creusés, de sorte que les obligations de société pourraient générer des rendements excédentaires intéressants.
Le graphique à barres montre le rendement à l’échéance des indices Bloomberg suivants : obligations du Trésor américain, obligations de sociétés américaines, obligations de sociétés américaines à rendement élevé et ensemble des obligations de ME libellées en USD, et ce, au 31 mai 2021 au 31 mai 2022 et la moyenne depuis 2002. Obligations du Trésor américain : 31 mai 2021 = 0,9 % ; 31 mai 2022 = 2,8 % ; moyenne = 2,4 %. Obligations de sociétés américaines : 31 mai 2021 = 2,2 % ; 31 mai 2022 = 4,2 % ; moyenne = 4,2 % Obligations de sociétés américaines à rendement élevé : 31 mai 2021 = 4,8 % ; 31 mai 2022 = 7,2 % ; moyenne = 8,2 %. Ensemble des obligations de ME libellées en USD : 31 mai 2021 = 3,9 % ; 31 mai 2022 = 6,3 % ; moyenne = 6,3 %.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg ; données prises en compte jusqu’au 31 mai 2022
Deuxièmement, maintenant que les taux obligataires ont décollé des creux historiques, ils sont assez élevés pour offrir une meilleure protection contre d’autres hausses de taux. Ils renforcent aussi le rôle de facteur de diversification des titres à revenu fixe dans les portefeuilles multiactifs, pour absorber les chocs durant les périodes de turbulences sur les marchés boursiers.
Le contexte de hausse des taux a entraîné des pertes en capital à court terme pour les obligations. En revanche, les rendements en revenu globaux beaucoup plus élevés, combinés à la capacité de diversification accrue, semblent indiquer que les actifs à revenu fixe commencent à produire une certaine valeur.
Mis à part dans les marchés émergents, les bénéfices prévisionnels sur 12 mois ont fait preuve d’une résilience impressionnante. C’est tout particulièrement le cas de l’indice composé S&P/TSX du Canada, fortement pondéré en ressources (voir le tableau). Pourtant, les ratios cours/bénéfice (C/B) prévisionnel qu’acceptent de payer les investisseurs pour ces bénéfices attendus ont fortement diminué. En effet, le ralentissement de l’économie mondiale ainsi que la hausse des taux d’intérêt (et d’actualisation), qui réduit la valeur actuelle des bénéfices futurs, ont incité les investisseurs à exiger une prime de risque plus élevée pour détenir des actions.
En raison de l’incertitude grandissante suscitée par l’économie, la production de bénéfices gagnera en importance, d’après nous. Même si la croissance ralentit, nous prévoyons qu’elle restera positive et que les bénéfices auront augmenté dans 12 mois. Or, les marchés boursiers suivent habituellement les tendances des bénéfices (au‑delà du court terme). Par conséquent, si la hausse des bénéfices se concrétise au cours des trimestres, les prix des actions bénéficieront d’un soutien fondamental.
Les corrections du marché, quoique toujours inquiétantes, sont courantes et constituent un aspect normal du cycle d’investissement. Mais surtout, ces phases du cycle créent souvent des occasions pour les investisseurs à long terme : ils peuvent profiter de prix relativement plus attrayants qui favorisent les résultats à long terme.
À notre avis, les investisseurs devraient rester alertes en raison de la vaste gamme de résultats possibles pour l’économie et les bénéfices au cours des 12 prochains mois. Toutefois, si comme nous le croyons, le ralentissement actuel ne compromet pas la croissance, alors les valorisations d’un certain nombre d’actifs commencent à devenir très intéressantes.
En définitive, le rapport risque‑rendement des actions et des obligations nous semble beaucoup plus attrayant qu’il y a quelques mois. C’est notamment le cas les titres de créance de société plus risqués, comme les obligations à rendement élevé, dont le potentiel de rendement attendu ajusté à la volatilité est sans doute comparable à celui des actions.
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