L’or a atteint de nouveaux sommets dans un contexte marqué par l’incertitude des investisseurs. Quelles sont les prévisions pour la future ?
3 août 2020
Par Richard Tan, CFA
Le prix de l’or a atteint de nouveaux sommets en 2020 dans un contexte marqué par l’incertitude des investisseurs, la volatilité des marchés et les mesures de relance des banques centrales. Christopher Louney, stratège, Marchandises à RBC Marchés des Capitaux, SARL, fait le point sur les prévisions concernant l’or au second semestre et au-delà, et examine les liens entre le métal précieux et les tendances macroéconomiques.
Christopher Louney : À notre avis, l’évolution du prix de l’or cette année est largement attribuable au climat d’incertitude actuel. D’autres facteurs macroéconomiques jouent un rôle important, comme les taux d’intérêt faibles ou négatifs qui maintiennent les prix de l’or à un niveau élevé, mais c’est l’incertitude qui est le dénominateur commun de plusieurs des principaux thèmes actuels qui poussent les investisseurs à s’intéresser à l’or. La volatilité des marchés boursiers, malgré la robustesse des valorisations dans plusieurs secteurs, apporte naturellement son lot d’incertitudes. Les perspectives concernant la reprise économique et la pandémie de COVID-19 elle-même sont aussi fort probablement un facteur clé dans la perception qu’ont les investisseurs de l’or. Il s’agit, à notre avis, de la principale raison pour laquelle le volume des placements dans les produits aurifères négociés en bourse a connu une croissance record cette année. C’est l’incertitude qui a incité un grand nombre d’investisseurs à se tourner vers l’or en 2020, et c’est probablement ce qui les poussera à conserver leurs actifs dans ce segment.
Le rendement de l’or s’est dissocié de sa corrélation négative historique avec le S&P 500.
Sources : Bloomberg, RBC Marchés des Capitaux ; données prises en compte jusqu’au 10 juillet 2020
Les données du début de 2020 font apparaître un repli considérable dans la plupart des segments où il y a une demande physique d’or. En Inde et en Chine, les marchés qui comptent le plus de consommateurs, la demande a diminué respectivement de 46 % et de 17 % d’une année sur l’autre au premier trimestre. À elle seule, la demande dans le segment de la joaillerie a chuté de 39 % sur un an à l’échelle mondiale, et le segment de l’industrie, qui est certes beaucoup moins important, ne s’en est pas mieux tiré au premier trimestre. Les données du premier semestre n’ont pas été inspirantes non plus. Dans des conditions normales, il serait facile de considérer que cette baisse est due en grande partie à la sensibilité au prix de plusieurs catégories de consommateurs, et cela a eu évidemment une incidence cette année. L’or a atteint des sommets, et comme la demande des consommateurs fluctue en fonction du prix, elle peut être freinée par la dégradation des perspectives économiques et l’incertitude entourant la croissance des revenus. Cette tendance se maintiendra probablement durant le reste de l’année. Toutefois, en ce qui a trait à la demande concernant les joailleries, les lingots et les pièces, le facteur principal de la hausse a été la fermeture des magasins de détail et les importantes frictions dans la chaîne d’approvisionnement des détaillants (causées par les commandes à domicile) lorsque la COVID-19 est devenue une pandémie mondiale.
La demande des banques centrales a été particulièrement forte pendant un certain temps. Elle avait atteint un sommet historique au cours des dernières années et on s’attendait à ce qu’elle soit soutenue et se maintienne à un niveau élevé. Ce segment a représenté dernièrement jusqu’à 14 % de la demande, de sorte qu’un ralentissement aurait des répercussions importantes. Nous nous attendons toujours à ce que la demande des banques centrales demeure généralement forte. Cependant, une partie de la croissance prévue a été anéantie par la décision de la Russie d’arrêter ses achats d’or à partir d’avril et, selon nous, par l’impossibilité des banques centrales des pays tributaires du pétrole d’acheter de grandes quantités compte tenu de la situation du marché de l’or noir. Certains estiment que la crise économique actuelle pourrait amener des pays à liquider leurs avoirs en raison de leur endettement. Mais, en réalité, ces avoirs auraient une incidence négligeable sur le niveau d’endettement de la plupart des pays, même s’ils étaient monétisés intégralement. Dans un tel contexte, nous pensons encore que la demande des banques centrales demeurera relativement forte.
Comme cela a été le cas à la suite de la dernière crise, beaucoup se demandent maintenant si les politiques budgétaires et monétaires actuelles feront grimper l’inflation, ce qui entraînerait dans le même temps une hausse des cours de l’or. Bon nombre d’investisseurs considèrent que l’or est un rempart contre l’inflation, en partant du principe qu’il peut prendre de la valeur lorsque le pouvoir d’achat du dollar chute. Certains redoutaient une explosion de l’inflation dans la foulée de la crise financière de 2008–2009 et de la mise en œuvre de politiques monétaires accommodantes sans précédent au cours des années qui ont suivi. Cette flambée de l’inflation ne s’est jamais concrétisée, mais l’or a tout de même gagné du terrain pendant un certain temps. À notre avis, la situation actuelle présente des similitudes : les gouvernements ont adopté des mesures de relance, quel qu’en soit le coût, les bilans des banques centrales continuent d’augmenter, et les titres de créance à taux négatif continuent de s’accumuler à l’échelle mondiale. Les banques centrales continuent d’injecter de l’argent dans l’économie au moyen de stratégies comme l’assouplissement quantitatif, et les pays continuent de contracter des dettes afin de soutenir leur économie. Certains analystes estiment qu’un tel niveau d’emprunt à l’échelle mondiale finira par entraîner une forte inflation. Notre scénario de base n’anticipe pas une hausse vertigineuse des prix, mais ce serait un facteur qui pourrait favoriser notre scénario haussier pour l’or.
Le coût associé à l’opportunité de détenir de l’or décroît lorsque les taux réels sont bas.
Nous avons attribué une probabilité de seulement 10 % à notre scénario baissier. En ce qui concerne le prix de l’or, la forme que prendra la reprise économique est le facteur qui fera pencher la balance d’un côté ou de l’autre entre nos scénarios. Les risques de baisse, tout comme les risques de hausse, sont également liés à la COVID-19 et à son incidence sur l’économie, ainsi qu’aux politiques monétaires et budgétaires qui visent à en atténuer les répercussions. La flambée actuelle des cas de COVID-19 aux États-Unis nous permet de conclure qu’il est peu probable que notre scénario baissier se réalise. Cependant, nous devons aussi tenir compte de ce qui pourrait entraver la progression de l’or que nous observons depuis le début de l’année. Que se passerait-il, par exemple, si la situation s’améliorait soudainement ? Bien qu’un tel revirement soit, selon nous, peu probable, celui-ci pourrait s’articuler autour de l’annonce d’un vaccin. Nous devons garder à l’esprit cette éventualité compte tenu des rapides avancées de la recherche.
R : Réel ; E : Estimation ; P : Prévision.
Sources : Bloomberg (données historiques), RBC Marchés des Capitaux ; données prises en compte jusqu’au 3 août 2020.
Nous évaluons à 90 % la probabilité que l’or s’échange dans la fourchette des scénarios de base/moyen à haussier. Dans notre scénario de base, le prix moyen de l’or atteint 1 942 $ l’once au quatrième trimestre, alors que dans notre scénario haussier, nous le voyons monter à plus de 2 400 $ l’once au dernier trimestre de 2020 et dépasser les 3 000 $ l’once au début de 2021. Actuellement, l’or s’échange au-dessus des prix les plus élevés enregistrés auparavant ; force est d’admettre que le métal jaune a connu une progression fulgurante en 2020. Les entrées de produits négociés en bourse ont fracassé des records, malgré l’incertitude. Nous continuons de surveiller la réaction des États et des régions aux prises avec une augmentation des cas de COVID-19 étant donné que la pandémie a des répercussions sur l’économie et le prix de l’or. Les risques ont augmenté, mais cette augmentation ne se limite pas nécessairement à ce que nous anticipons, et il existe des moyens d’intégrer dans la durée notre scénario haussier. Il est tout à fait clair qu’à l’heure actuelle nous continuons d’avoir pleinement confiance dans nos différents scénarios (de base/moyen et haussier).
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Christopher Louney est analyste en chef au sein de l’équipe Stratégie marchandise mondiale de RBC Marchés des Capitaux. Il est responsable des secteurs des métaux et de l’énergie ainsi que de l’analyse des activités des investisseurs multiproduits. Il est souvent cité dans les médias financiers et a été invité à s’exprimer à titre de spécialiste des marchandises sur des réseaux de télévision comme CNBC, Bloomberg et BNN.
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