Sur fond de nervosité des marchés et de changement à la tête du pays, le Royaume-Uni doit composer avec diverses difficultés économiques. Nous analysons les facteurs susceptibles d’avoir des répercussions sur les placements.
17 novembre 2022
Frédérique Carrier Première directrice générale et chef, Stratégies de placement - RBC Europe Limited
Le Royaume-Uni semble être la première des grandes économies avancées à entrer en récession. Il n’y va pas en position de force, puisque c’est le seul pays du G7 dont les niveaux de production stagnent encore en deçà de ceux atteints avant la pandémie ; de fait, l’économie a dû accuser les chocs du Brexit et de la crise énergétique de cette année, en plus des répercussions de la COVID-19.
Le graphique à barres montre la croissance du PIB du T4 de 2019 au T3 de 2022 pour chaque pays du G7. L’économie du Royaume-Uni est la seule qui est maintenant moins importante qu’avant le début de la pandémie en 2020, affichant une contraction de 0,4 %. L’économie des autres pays a crû, soit de 4,2 % aux États-Unis, de 2,1 % au Canada, de 1,8 % en Italie, de 1,1 % en France, de 0,6 % au Japon et de 0,2 % en Allemagne.
* Les données sur le Japon sont seulement disponibles jusqu’au 2e trimestre 2022
Source : Organisation de coopération et de développement économiques
Au troisième trimestre, le PIB britannique s’est contracté de 0,2 % sur trois mois, tandis que les ventes au détail ont chuté pendant les mois d’août et de septembre. Les principaux indicateurs d’octobre laissent également entrevoir un effondrement. La consommation, locomotive de l’économie, piétine du fait de la crise paralysante du coût de la vie et de l’inflation de plus de 11 % dont les consommateurs font les frais.
Les difficultés ne sont pas prêtes de disparaître : le gouvernement a annoncé des coupes budgétaires et hausses d’impôts draconiennes, même si la Banque d’Angleterre resserre la politique monétaire.
Le nouveau premier ministre, Rishi Sunak, impose l’austérité dans une tentative de rétablir la crédibilité après que l’acte d’imprudence budgétaire de sa prédécesseure, Liz Truss, a augmenté la prime de risque sur les actifs britanniques. Les mesures d’austérité de M. Sunak, d’un montant total estimé à environ 1,9 % du PIB au cours des cinq prochaines années, visent à ramener le ratio de la dette au PIB – avoisinant 103 % à la fin de 2021 – à un niveau soutenable.
Entretemps, la Banque d’Angleterre, première grande banque centrale à avoir entamé un cycle de resserrement en 2021, a augmenté les taux d’intérêt pour atteindre 3 % jusqu’à présent. Grâce à une politique budgétaire désormais plus réfléchie, nous pensons que la Banque d’Angleterre desserrera probablement la vis à l’avenir. RBC Marchés des Capitaux estime que le taux directeur atteindra 3,75 % à la fin du cycle actuel de resserrement, soit un taux inférieur aux estimations générales de 4,9 %.
Les taux d’intérêt plus élevés ont déjà des répercussions sur le marché du logement. Le financement des prêts hypothécaires s’est nettement resserré à la suite de l’expansion budgétaire malheureuse annoncée par Mme Truss en septembre. Les taux hypothécaires qui ont diminué depuis lors, restent toutefois élevés. Au Royaume-Uni, environ 30 % des prêts hypothécaires sont à taux fixe pendant une période de deux ans, puis pourront être refinancés à des taux beaucoup plus élevés. Des sondages, dont un récent mené par le site Web immobilier britannique Rightmove, laissent entendre que les prix de l’immobilier sont en train de chuter.
Comme les consommateurs britanniques sont particulièrement sensibles au marché du logement, ceci tend à montrer que les efforts de la Banque d’Angleterre ont l’effet recherché de freiner la demande.
Les espoirs du gouvernement de donner un coup de pouce à l’industrie en supprimant la réglementation de l’UE s’avèrent jusqu’à présent infondés. L’examen de cinq décennies de règlements européens est un travail de titan ; le premier ministre, M. Sunak, a renoncé à ses propositions ambitieuses de parvenir à ce tour de force dans les cent premiers jours de sa prise de fonctions. Par ailleurs, des groupes de gens d’affaires tels que la Confederation of British Industry ont prévenu que l’allègement de la réglementation en tant que tel pourrait alourdir les coûts des entreprises déjà confrontées à des heures difficiles, selon le Financial Times.
En fin de compte, on assistera probablement à une récession tirée en longueur. Les prévisions générales pour l’économie britannique laissent présager une contraction de 0,5 % en 2023, avec toutefois un risque à la baisse au fur et à mesure que les prévisions intègrent l’impact des mesures d’austérité. La récession pourrait durer en 2023.
Selon nous, une politique monétaire plus prudente nécessitera de tolérer une inflation persistante et un affaiblissement de la livre sterling.
Les décisions prises par les politiciens (imprudence fiscale suivie de l’austérité en période de récession) et par la société dans son ensemble (Brexit) ont placé l’économie britannique sur une trajectoire difficile. Nous sommes d’avis que l’économie finira par se remettre, quoiqu’un changement de cap contribuerait sans doute à accélérer son rétablissement.
Un tel revirement pointe peut-être à l’horizon. M. Sunak fait exception à ses trois prédécesseurs depuis 2016, au sens où il ne semble pas acharné à vouloir la confrontation à tout prix à l’égard du principal partenaire commercial du pays, l’UE. Au début du mois de novembre, M. Sunak est devenu le premier ministre depuis 2007 à participer à un sommet du Conseil britannico-irlandais ; un sommet bilatéral avec la France a été annoncé pour le premier trimestre de 2023. Selon nous, une solution au différend sur le protocole visant l’Irlande du Nord, les procédures douanières destinées à éviter une frontière physique en Irlande depuis le Brexit, concourrait à réduire l’incertitude qui a touché les placements depuis que le Royaume-Uni a voté en faveur d’un départ de l’UE en 2016.
Étant donné la situation économique rendue plus fragile à cause de l’austérité, nous conservons une recommandation de sous-pondération sur les actions britanniques dans le cadre d’un portefeuille mondial.
Nous pensons toutefois que les actions britanniques continuent de présenter des occasions intéressantes, étant donné qu’elles s’échangent à une forte décote historique par rapport à d’autres marchés, même en tenant compte des écarts au niveau de la répartition sectorielle. Pour les investisseurs en quête de revenu, l’indice FTSE All-Share a enregistré le rendement en dividendes le plus élevé – plus de 4 % – parmi les principaux marchés boursiers régionaux.
Nous continuons de privilégier fortement les sociétés à vocation internationale. Les ratios de valorisation de nombreuses multinationales de premier plan cotées au Royaume-Uni sont maintenant bien inférieurs à ceux de leurs pairs inscrits à la cote d’autres marchés. Malgré leur rendement très exemplaire en 2022, les sociétés du secteur de l’énergie en particulier conservent, selon nous, des valorisations intéressantes, à la vue de la perspective des prix du pétrole et du gaz qui devraient continuer de culminer à long terme. Nous restons sélectifs en ce qui concerne les actions britanniques à vocation nationale étant donné notre prudence vis-à-vis des dépenses de consommation.
Avec la collaboration de Thomas McGarrity, CFA
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