Été 2025 en Europe : la folie des grands titres

Analyse
Perspectives

L’Europe a fait couler beaucoup d’encre cet été. Nous faisons fi des manchettes pour repérer les segments du marché boursier européen qui, de notre avis, sont intéressants.

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21 août 2025

Frédérique Carrier
Première directrice générale et chef, Stratégies
de placement - RBC Europe Limited

À un rythme infernal

L’un des principaux piliers de la croissance dans la zone euro au cours des prochaines années sera la reprise des soutiens budgétaires en l’Allemagne. Selon RBC Marchés des Capitaux, les récentes annonces laissent entrevoir non seulement des dépenses considérables, mais aussi anticipées, « à un rythme infernal ».

Après de nombreuses années de prudence budgétaire, le gouvernement allemand a annoncé en mars qu’il :

  • créerait un fonds d’infrastructures de 500 milliards d’euros sur 10 ans, lequel ne serait pas pris en compte dans la limite d’emprunt du gouvernement; et
  • cesserait d’inclure les dépenses militaires supérieures à 1 % du PIB dans le calcul de cette limite.

À la fin de juin, le ministère des Finances fédéral a annoncé des chiffres concrets pour soutenir ces promesses.

Le gouvernement allemand gonflera son fonds spécial pour les infrastructures d’environ 58 milliards d’euros d’ici 2026 et affectera environ 25 milliards d’euros aux dépenses annuelles de défense. Le pic des stimulations, et du déficit budgétaire, est prévu pour 2026.

Qui plus est, les détails publiés par le ministère des Finances montrent qu’une part importante des dépenses est destinée à des domaines qui devraient stimuler la croissance de l’économie. En 2025 seulement, 22 milliards d’euros, soit environ 0,5 % du PIB allemand, seront consacrés à l’amélioration du secteur ferroviaire. Aussi, 4 milliards d’euros par année sont prévus pour le logement, 4 milliards d’euros pour la numérisation et 6,5 milliards d’euros pour l’éducation et les services aux enfants.

RBC Marchés des Capitaux s’attend à ce que ces dépenses favorisent substantiellement la croissance en Allemagne et, par conséquent, dans la zone euro en 2025 et 2026, mais elles devraient s’estomper par la suite. Cette conjoncture renforce la confiance de RBC Marchés des Capitaux dans ses prévisions de croissance pour l’ensemble de la région de 1,3 % et de 1,5 % pour cette année et l’année prochaine, respectivement, des prévisions qui sont légèrement supérieures à celles des analystes.

Les dépenses anticipées accentueront le déficit de l’Allemagne

Prévisions de déficit du ministère des Finances de l’Allemagne (% du PIB)

Prévisions de déficit du ministère des Finances de l’Allemagne (% du PIB)

Le graphique montre les attentes du ministère des Finances de l’Allemagne à l’égard du déficit du pays en pourcentage du PIB au début de l’année et après l’annonce budgétaire. Alors que le ministère s’attendait plus tôt à ce que le déficit soit de 1,5 % du PIB en 2025 et de 1,2 % pour 2026 et 2027, il s’attend maintenant à ce qu’il se situe entre 3 % et 4 % du PIB au cours des cinq prochaines années.

  • Prévisions de déficit avant l’annonce budgétaire
  • Prévisions de déficit après l’annonce budgétaire

Sources : Ministère des Finances allemand, Bundesbank, RBC Marchés des Capitaux, RBC Gestion de patrimoine

L’accord commercial, au-delà des manchettes

Les États-Unis et l’Union européenne (UE) ont conclu une entente à la fin de juillet qui introduit des tarifs de 15 % pour la plupart des exportations de l’UE, y compris les automobiles, les produits pharmaceutiques et les semiconducteurs. L’acier et l’aluminium demeurent assujettis à des droits de 50 % à l’échelle mondiale, mais des discussions sont en cours concernant d’éventuelles réductions.

De plus, la Commission européenne, qui a négocié les modalités de l’entente au nom des États membres, s’est engagée à ce que l’UE investisse 600 milliards de dollars dans l’économie américaine et à ce qu’elle achète pour 750 milliards de dollars d’exportations énergétiques des États-Unis au cours des trois prochaines années.

D’emblée, l’entente a été mal accueillie en Europe. Les tarifs de 15 % étant plus élevés que ceux de 10 % en vigueur depuis avril 2025; il semblait donc que l’UE avait capitulé. Cette entente a déçu de nombreux observateurs, étant donné que le marché européen, qui compte 450 millions de personnes avec un pouvoir d’achat par habitant élevé, est une force géoéconomique.

Cela dit, le tarif convenu est inférieur à celui de 30 % que le président Trump menaçait d’imposer en juin. Même si le taux de 15 % ne se compare pas favorablement aux droits de douane de 10 % du Royaume-Uni, les nombreux accords commerciaux conclus depuis avec d’autres partenaires commerciaux prévoient des droits d’au moins 15 %, ce qui nous donne à penser que l’UE n’est pas dans une mauvaise position concurrentielle après tout.

La Commission européenne n’a pas le pouvoir de faire appliquer les compromis qu’elle a négociés, soit de hausser les investissements et les achats d’énergie européens. Bien qu’elle puisse négocier des accords commerciaux, elle n’a aucune autorité sur les investissements privés et elle ne peut pas non plus dicter aux entreprises où s’approvisionner en énergie. L’équipe de la stratégie relative aux produits de base de RBC Marchés des Capitaux doute que les États-Unis puissent livrer une quantité d’énergie équivalant à 750 milliards de dollars à l’UE au cours des trois prochaines années.

Enfin, l’UE n’a pas abandonné sa réglementation des multinationales américaines sur le sol européen ni son pouvoir d’imposer une taxe sur les services numériques (elle tient toujours ces précieuses cartes dans ses mains).

Par ailleurs, il semble que Trump ait abandonné l’idée de traiter la taxe sur la valeur ajoutée imposée par les États membres de l’UE – une taxe de vente généralement supérieure à 20 % – comme une barrière fiscale injuste pour les exportations américaines.

Dans l’ensemble, nous pensons que cet accord n’est pas aussi défavorable à l’Europe que les premières réactions l’ont laissé entendre.

Optimisme soutenu?

Après un début d’année vigoureux et une reprise rapide suivant la correction induite par l’annonce du 2 avril sur les tarifs réciproques, les actions européennes ont stagné cet été, leur rendement ayant été éclipsé par celui du secteur américain des technologies et par les fluctuations de change. Or, dans l’ensemble, l’indice STOXX Europe hors Royaume-Uni a tout de même inscrit un rendement de plus de 13 % depuis le début de l’année en monnaies locales (y compris les dividendes), surpassant le rendement de 9,5 % de l’indice S&P 500 en dollars. Grâce à la dépréciation non négligeable du dollar américain par rapport à l’euro cette année, le rendement de l’indice STOXX Europe hors Royaume-Uni est d’environ 28 % en dollars américains.

Cette performance a été portée par les titres de valeur, notamment ceux des banques (en hausse de près de 60 % en monnaies locales). De plus, la construction et les matériaux, l’assurance, et les services publics ont tous progressé de plus de 20 %. La plupart des titres de qualité ont déçu les attentes, ce qui témoigne en partie de la rotation du marché vers les titres de valeur, mais aussi d’un éventail de facteurs idiosyncrasiques qui ont entraîné des révisions à la baisse des bénéfices.

Une résolution diplomatique du conflit en Ukraine pourrait agir comme catalyseur positif pour les actions européennes, à notre avis. L’espoir d’efforts de reconstruction pourrait émerger, mais ce scénario nécessiterait que les hostilités cessent de façon durable. Si tel était le cas, les banques, en particulier celles qui sont exposées à l’Europe centrale et orientale, pourraient en profiter, selon nous, tout comme les entreprises de construction et de granulats. La baisse des prix de l’énergie grâce à la réduction des coûts de transport et d’assurance pourrait également avantager la région, mais l’amélioration des prix sera probablement négligeable, cari l y a fort à parier que les sanctions de l’UE contre la Russie demeureront en place, même si un cessez-le-feu était décrété.

Globalement, l’optimisme à l’égard des actifs risqués européens pourrait s’améliorer à court terme dans la foulée des efforts diplomatiques apparemment fructueux, mais nous déconseillons tout excès d’optimisme quant à une fin immédiate et durable des hostilités, car les enjeux connexes sont complexes.

Quoi qu’il en soit, à la lumière de la reprise économique européenne attribuable à la baisse des taux d’intérêt, au programme budgétaire allemand et à l’engagement de la région à investir dans son secteur de la défense, nous sommes d’avis que les arguments en faveur des placements en Europe demeurent valides. L’indice STOXX Europe hors Royaume-Uni se négocie 16,2 fois les prévisions consensuelles de bénéfices sur 12 mois, ce qui est légèrement au-dessus de sa moyenne à long terme, et justifié, selon nous, compte tenu des meilleures perspectives de croissance à moyen terme pour la région.

Nous préférons toujours les secteurs qui sont susceptibles, selon nous, de profiter du paquet d’aides, comme certains segments du secteur des produits industriels, telle la défense, et les matières. À notre avis, les banques devraient profiter des meilleures perspectives de croissance à moyen terme de la région, tout en continuant d’offrir des dividendes intéressants et des occasions de rachats d’actions.

Avec l’apport de Thomas McGarrity, CFA


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