La relation de longue date entre les États-Unis et l’Europe est en train de changer, ce qui a de profondes conséquences pour la zone euro et son économie. Nous examinons l’incidence de cette métamorphose sur le secteur des entreprises et analysons les occasions de placement connexes.
1 mai 2025
Frédérique Carrier Première directrice générale et chef, Stratégies de placement - RBC Europe Limited
Les tarifs réciproques des États-Unis sont sur pause jusqu’au début de juillet 2025, mais des tarifs universels de 10 % sont toujours en vigueur, tout comme les droits de douane sectoriels de 25 % sur l’acier, l’aluminium et les voitures (avec des exclusions). L’administration Trump étudie la possibilité d’imposer des droits de douane sur les produits pharmaceutiques, le cuivre et le bois d’œuvre, les produits pharmaceutiques étant les plus importantes exportations de l’Union européenne (UE) vers les États-Unis.
Pour l’instant, comme on pouvait s’y attendre, les politiques commerciales des États-Unis pèsent sur la confiance des consommateurs et des entreprises en Europe. Ce qui nous surprend, toutefois, c’est que malgré le probable effet négatif que les droits de douane américains auront sur l’économie européenne, l’euro s’est apprécié de près de 10 % par rapport au dollar américain. La vigueur de l’euro témoigne généralement de l’optimisme croissant à l’égard de la zone euro. Or, cette fois-ci, les investisseurs internationaux, dont la confiance à l’égard des institutions américaines a été ébranlée, cherchent à diversifier une partie de leurs placements en dollars.
L’incertitude extrême entourant les politiques commerciales a incité le Fonds monétaire international à revoir à la baisse ses prévisions économiques pour les principales économies. Il s’attend maintenant à ce que le PIB de la zone euro progresse de 0,8 % et de 1,2 % en 2025 et 2026, respectivement, comparativement à 1 % et à 1,4 % en janvier.
Les révisions à la baisse ont été relativement modestes grâce aux mesures budgétaires de l’UE, lesquelles devraient, selon nous, atténuer le choc. Motivé par des signes indiquant que le traditionnel soutien à la sécurité des États-Unis pourrait être retiré, ou du moins réduit, le parlement allemand a récemment adopté un paquet d’aide budgétaire historique. Ce cadre comprend des investissements en infrastructures qui pourraient atteindre 500 G€ (ou 12 % du PIB annuel, ce qui est non négligeable) au cours des 12 prochaines années et l’assouplissement de la limite des déficits structurels pour permettre une hausse des dépenses en défense, une mesure qui supprime effectivement toutes les contraintes de dépense en défense. Par ailleurs, l’UE a proposé un plan pour s’attaquer d’ici 2030 aux lacunes dans les capacités de défense de la région. Aux termes de ce plan, le financement pourrait atteindre 800 G€ (pour plus de précisions sur ce plan, consultez notre article).
Compte tenu de l’instabilité des relations commerciales avec les États-Unis, l’UE cherchera-t-elle à se rapprocher de son deuxième partenaire commercial? Le premier ministre espagnol Pedro Sanchez a récemment rencontré le président chinois Xi Jinping à cette fin. L’Allemagne semble aussi très encline à entretenir de bonnes relations avec son principal partenaire d’exportation. En octobre 2024, le gouvernement allemand a voté contre l’imposition de droits de douane européens sur les véhicules électriques chinois dans le but de compenser les subventions gouvernementales accordées par Beijing. Même si un nouveau gouvernement est maintenant en place, le vote a mis en lumière à la fois la réticence de l’Allemagne à compromettre un marché d’exportation clé et le défi plus vaste d’élaborer une approche unifiée du commerce à l’échelle européenne.
En vertu du droit de l’UE, bien que les États membres individuels puissent engager des discussions particulières pour gérer les enjeux commerciaux qui touchent leurs intérêts nationaux, ils ne peuvent pas conclure des accords de libre-échange distincts avec des pays non membres de l’UE. La négociation d’accords commerciaux relève de la compétence exclusive de la Commission européenne, qui le fait au nom des 27 États membres.
Ces dernières années, l’UE a cherché à se dissocier graduellement de la Chine en raison du malaise croissant suscité par la domination du pays en tant que fournisseur clé, en particulier après que la guerre en Ukraine a révélé les risques liés à la dépendance de l’Allemagne au gaz russe. Cette volonté d’accroître l’autonomie stratégique a été plus évidente dans les secteurs jugés essentiels à la sécurité nationale.
Globalement, nous visons une résolution commerciale à long terme avec la Chine qui reflète une relation moins intense qu’il y a quelques années, une relation où les échanges commerciaux pourraient demeurer relativement fixes pour certains produits (p. ex., semiconducteurs, équipements de télécommunications), mais qui pourraient être relativement fluides pour d’autres (p. ex., produits électroniques grand public, textiles et vêtements, produits pharmaceutiques, aliments et boissons). La poursuite des échanges commerciaux avec la Chine de produits non sensibles pourrait aider à atténuer les effets des relations commerciales plus difficiles avec les États-Unis, selon nous.
Pour l’instant, les prévisions des analystes quant à la croissance des bénéfices des sociétés de l’indice MSCI de la zone euro pour le premier trimestre ont diminué depuis le début de l’année, passant de 7,0 % à -2,0 % sur 12 mois. Il s’agit d’un seuil relativement bas, étant donné que les effets de base sur 12 mois sont favorables, que les données régionales du premier trimestre ont été généralement encourageantes et que l’euro est demeuré faible et a donc eu un effet positif en janvier et en février.
Toutefois, nous nous attendons à ce que la vigueur de l’euro et l’incertitude entourant les droits de douane poussent les entreprises à émettre des prévisions moins ambitieuses pour leur exercice complet. Étant donné que les prévisions consensuelles de croissance des bénéfices pour 2025 s’établissent à 6 %, les prévisions de bénéfices pourraient être revues à la baisse si les politiques américaines induisent un ralentissement de la croissance mondiale et si l’euro maintient sa vigueur. Dans le passé, une appréciation de 10,0 % de l’euro a réduit d’environ 5,0 % les bénéfices par action. Selon nous, les actions les plus touchées sont les titres cycliques sensibles à la croissance mondiale, mais la faiblesse du dollar est également défavorable pour les sociétés de soins de santé européennes, qui tirent une grande partie de leurs revenus des États-Unis.
Selon nous, la croissance des bénéfices devrait rebondir tout juste sous la barre des 10 % en 2026 grâce au plan d’investissement budgétaire de l’Allemagne et aux effets de l’assouplissement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) qui commenceront à se faire sentir.
Au début de l’année, les valorisations en Europe se sont relevées de leurs bas niveaux, car l’activité économique s’est améliorée, la BCE a assoupli sa politique monétaire et l’Allemagne a adopté des mesures de stimulation budgétaire. L’incertitude entourant la politique commerciale des États-Unis et la possibilité réelle de droits de douane élevés ont fait baisser les valorisations. L’indice MSCI de la zone euro se négocie maintenant à 14,9 fois les estimations consensuelles de bénéfices pour 2025, ce qui est conforme à sa moyenne à long terme et près d’un creux historique par rapport à ses équivalents américains et mondiaux, sur une base ajustée en fonction des secteurs. Dans la mesure où une récession induite par les politiques américaines est évitée, soit notre scénario de base, nous considérons qu’il s’agit d’un point d’entrée intéressant.
Nous privilégions depuis longtemps les sociétés cotées en bourse en Europe qui sont des chefs de file mondiaux. De plus, nous recommandons d’ajouter de manière sélective une exposition à des sociétés susceptibles de bénéficier de l’élan budgétaire intérieur en cours, notamment certaines banques de qualité, ainsi que des sociétés du secteur des matières et des produits industriels, y compris des titres du domaine de la défense.
Avec l’apport de Thomas McGarrity, CFA
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