La reprise du marché boursier vue sous un autre angle

Analyse
Perspectives

Certains signes semblent indiquer que la remontée des actions américaines devrait durer. Toutefois, le portrait des bénéfices reste flou.

Partager

13 juillet 2023

Kelly Bogdanova
Vice-présidente et analyste de portefeuille
Services-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis

Depuis un certain temps, nous sommes d’avis que le marché annonce l’imminence d’un point d’inflexion pour les profits des sociétés de l’indice S&P 500 ainsi que l’atteinte d’un creux au deuxième trimestre pour les bénéfices, que les sociétés ont véritablement commencé à dévoiler cette semaine.

Le S&P 500 a gagné 10 % environ depuis le début de mai et il est remonté à son niveau le plus élevé depuis avril 2022. Le marché a inscrit des gains en réaction à la diminution considérable des révisions à la baisse des prévisions de résultats, au recul de l’inflation et à l’apaisement des préoccupations d’ordre économique.

Les gains observés sur le marché jusqu’à présent ont été enregistrés en grande partie par sept titres importants axés sur la technologie, mais le fait que la progression s’est étendue à d’autres secteurs et industries depuis le début de juin est un autre signe de changement éventuel pour les bénéfices.

Le marché brosse‑t‑il un tableau trop favorable ?

Nous pensons que la trajectoire de croissance de l’économie américaine sera le critère décisif. À notre avis, la progression des profits prévus en 2024 dépend fortement de l’avènement ou non d’une récession.

Les bénéfices du deuxième trimestre et les prévisions des sociétés pour les trimestres à venir pourraient fournir des indications sur la future trajectoire de l’économie et des bénéfices.

D’après les prévisions générales, les bénéfices devraient toucher un creux au deuxième trimestre de 2023

Bénéfices trimestriels par action des sociétés du S&P 500 (données réelles en bleu foncé, estimations générales en bleu pâle)

Bénéfices trimestriels par action des sociétés du S&P 500

Le graphique à barres montre le bénéfice trimestriel par action des sociétés du S&P 500 du premier trimestre de 2021 au quatrième trimestre de 2024. Les données pour la période se terminant au premier trimestre de 2023 sont les résultats réels. Les données relatives au deuxième trimestre de 2023 et aux périodes suivantes reflètent les prévisions moyennes. Au T1 de 2021, le bénéfice par action du S&P 500 était d’environ 49 $. Il a augmenté chaque trimestre pour atteindre près de 56 $ au deuxième trimestre de 2022. Au cours des trois trimestres suivants, il a diminué pour s’établir à environ 53 $ au premier trimestre de 2023. Selon les prévisions générales pour le deuxième trimestre de 2023, le bénéfice continuera de reculer, à 52 $. Il devrait ensuite augmenter pendant les deux trimestres suivants pour se fixer à 57 $ au quatrième trimestre de 2023. D’autres hausses l’an prochain pourraient porter le bénéfice par action à près de 65 $ au quatrième trimestre de 2024.

Les prévisions de croissance des bénéfices en 2024 dépendent, selon nous, de la possibilité qu’une récession économique soit évitée.

Sources : FactSet, système I/B/E/S de Refinitiv, correspondant national de recherche ; données en date du 12 avril 2023

Prévisions de profits

Selon les prévisions générales, les bénéfices des sociétés du S&P 500 au deuxième trimestre devraient reculer de 7,0 % d’une année sur l’autre.

Nous croyons que le résultat s’avérera moins pire que prévu et surtout que cette situation est largement anticipée. Selon nous, il s’agit de l’une des raisons pour lesquelles l’ampleur de la performance du marché s’est accrue dernièrement.

Après avoir tout considéré pour la période de publication des résultats et pris en compte les dépassements de bénéfices, notre correspondant national de recherche entrevoit un repli d’environ 3,4 % des bénéfices au deuxième trimestre, au lieu d’un recul de 7,0 %.

  • Les secteurs de l’énergie et des matières devraient peser lourdement sur les résultats du deuxième trimestre en raison des comparaisons très difficiles avec l’année précédente, durant laquelle les prix des produits de base étaient beaucoup plus élevés. D’après les prévisions générales, les bénéfices de ces deux secteurs devraient diminuer respectivement de 45 % et de 28 % sur 12 mois.
  • Abstraction faite des secteurs de l’énergie et des matières, le portrait est plus reluisant, puisque les prévisions générales laissent entrevoir une croissance de 1,4 %. Ce résultat augmentera peut‑être de quelques points de pourcentage si les dépassements de bénéfices se concrétisent, comme nous nous y attendons.
  • Les actions axées sur la technologie de trois secteurs (regroupées dans la « catégorie élargie de la technologie ») et le secteur des produits industriels ont des obstacles plus difficiles à surmonter que la plupart des segments du marché. Les estimations générales ayant été revues à la hausse à l’approche de la période de publication des résultats, ces actions ont connu une remontée. Pour conserver et renforcer leurs gains récents, les sociétés en question devront à notre avis présenter de bons résultats au deuxième trimestre et formuler des prévisions optimistes. Certains problèmes pourraient toutefois se produire. Nous surveillerons étroitement les commentaires des entreprises industrielles et des sociétés de semi‑conducteurs pour évaluer les tendances économiques aux États‑Unis et sur la scène mondiale.
  • Selon les prévisions générales, la croissance des bénéfices de la catégorie élargie de la technologie devrait surpasser celle du reste du marché pour les deuxième, troisième et quatrième trimestres. On ignore toutefois si cette éventualité a déjà été prise en compte dans la foulée de l’essor de ce groupe jusqu’à présent cette année. Les réactions des titres aux indications prospectives des sociétés devraient nous donner des indices.
  • Le secteur des soins de santé compose avec des comparaisons difficiles liées à la COVID par rapport à l’année précédente. Nous pensons cependant que les perspectives de bénéfices s’amélioreront au cours des prochains trimestres, ce qui explique en grande partie pourquoi nous voyons ce secteur d’un bon œil.
  • Les marges bénéficiaires des sociétés du S&P 500 seront examinées de près. L’inflation a diminué, mais la croissance des salaires persiste jusqu’à présent. Cette combinaison peut nuire aux marges pour les trimestres à venir, compte tenu de la diminution du pouvoir de tarification découlant de la baisse de l’inflation et des fortes pressions liées à la hausse des salaires.
  • Les indications des sociétés pour les prochains trimestres joueront sans doute, comme d’habitude, un rôle important dans la performance du marché durant la période de publication des résultats. En raison de l’incertitude économique liée au cycle de resserrement rigoureux de la Réserve fédérale, nous nous attendons à ce que peu d’entreprises fassent preuve d’audace. La plupart des équipes de direction se limiteront sans doute à faire part de leurs perspectives pour les troisième et quatrième trimestres, laissant ainsi les prévisions des bénéfices pour 2024 dans une zone grise.
  • Une autre raison explique pourquoi nous ne sommes pas enclins à accorder beaucoup d’importance aux prévisions générales pour 2024 à l’heure actuelle. Nous considérons que les estimations des analystes sectoriels de Wall Street pour la prochaine année s’apparentent davantage à des « devinettes », puisque la plupart des sociétés ont été plutôt muettes à propos de leurs attentes pour 2024.

Selon les prévisions générales, la croissance s’avérera à peu près nulle au troisième trimestre, puis elle augmentera

Croissance des bénéfices des sociétés du S&P 500 sur 12 mois (données réelles en bleu foncé, estimations générales en bleu pâle)

Croissance des bénéfices des sociétés du S&P 500 sur 12 mois

Le graphique à barres illustre la variation d’une année sur l’autre en pourcentage de la croissance des bénéfices de l’indice S&P 500, du premier trimestre de 2022 au quatrième trimestre de 2024. Les données allant jusqu’au premier trimestre de 2023 sont réelles, mais celles portant sur le deuxième trimestre de 2023 et après traduisent les estimations moyennes. La croissance s’est établie à 9,6 % au premier trimestre de 2022, puis a reculé tout au long de l’année pour tomber à -4,7 % au quatrième trimestre de 2022. Au premier trimestre de 2023, elle a diminué de 1,5 %. Selon les prévisions, elle baissera de 7,0 % au deuxième trimestre de 2023 et remontera ensuite autour de zéro pendant le troisième trimestre. Par la suite, les estimations générales laissent entrevoir des hausses et la croissance pourrait atteindre 12,6 % au quatrième trimestre de 2024.

Les prévisions de croissance des bénéfices en 2024 dépendent, selon nous, de la possibilité qu’une récession économique soit évitée.

Sources : FactSet, système I/B/E/S de Refinitiv, correspondant national de recherche ; données en date du 12 avril 2023

Optimisme prudent

Nous conservons une pondération neutre pour les actions américaines, compte tenu de l’incertitude liée à la croissance de l’économie et des bénéfices plus tard cette année et l’année prochaine.

Nos indicateurs économiques avancés continuent de signaler des risques accrus de récession. Étant donné la nature binaire des bénéfices potentiels pour la prochaine période de 12 à 18 mois – moindres en cas de récession, ou assez conformes aux prévisions générales en l’absence de récession ou dans l’éventualité d’un raffermissement de l’économie –, nous jugeons prudent de maintenir la pondération des actions américaines au niveau recommandé à long terme dans les portefeuilles.

La valorisation excessive du marché constitue un autre facteur nous empêchant d’opter pour une surpondération. Le ratio cours/bénéfice (C/B) du S&P 500 selon les prévisions générales pour les 12 prochains mois, qui est de 19,2, se classe au 84e centile des observations faites depuis 1985, d’après les calculs effectués à l’aide des données du système I/B/E/S de Refinitiv. En d’autres termes, le ratio C/B a atteint un niveau aussi haut dans 16 % des occasions seulement ou moins. Selon le ratio cours‑bénéfice/croissance des bénéfices de 1,99 par rapport à la moyenne à long terme de 1,3, le résultat est encore plus élevé, soit au 98e centile des mesures historiques.

L’effet combiné de l’évaluation excessive du marché et de ce que nous considérons comme étant des prévisions générales optimistes des bénéfices pour le quatrième trimestre de 2023 et 2024 laisse peu de place aux déceptions de nature économique.


RBC Gestion de patrimoine est une division opérationnelle de Banque Royale du Canada. Veuillez cliquer sur le lien « Conditions d’utilisation » qui figure au bas de cette page pour obtenir plus d’information sur les entités qui sont des sociétés membres de RBC Gestion de patrimoine. Nous n’approuvons ni ne recommandons le contenu de cette publication, qui est fourni à titre d’information seulement et ne vise pas à donner des conseils.

® / MC Marque(s) de commerce de Banque Royale du Canada utilisée(s) sous licence. © Banque Royale du Canada 2024. Tous droits réservés.


Kelly Bogdanova

Vice-présidente et analyste de portefeuille
Services-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis

Articles connexes