De nouvelles occasions se présentent tandis que les banques centrales adoptent des politiques monétaires divergentes

Analyse
Perspectives

Les banques centrales du monde entier suivant leur propre voie en matière de politique monétaire, nous avons analysé le contexte des titres à revenu fixe afin de cibler des occasions.

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10 août 2023

Frédérique Carrier
Première directrice générale et chef, Stratégies
de placement - RBC Europe Limited

Les taux élevés des obligations ont ravivé l’intérêt des investisseurs pour les titres à revenu fixe dans un contexte où la lutte contre l’inflation enregistre des progrès dans de nombreuses régions du monde et où la plupart des banques centrales des économies développées devraient mettre prochainement un terme à leur cycle de hausse. Cependant, le resserrement de la politique monétaire très souple du Japon pourrait accroître la volatilité. Nous continuons de déceler des occasions parmi les titres à revenu fixe des marchés émergents, où le cycle de baisse des taux a démarré pour de bon.

L’inflation continuera‑t‑elle de fléchir ?

L’inflation a chuté de façon marquée dans la plupart des régions. Elle a reculé pour s’établir à 3,2 % d’une année sur l’autre en juillet aux États‑Unis, et à 2,8 % en juin au Canada. En Europe, elle a également ralenti en juin, mais atteint encore 5,3 %. Même au Royaume‑Uni, où elle est restée obstinément élevée pendant la majeure partie de l’année, l’inflation a fléchi à 7,9 %, son niveau le plus bas depuis 15 mois.

Eric Lascelles, économiste en chef à RBC Gestion mondiale d’actifs, prévient toutefois que ces progrès ne devraient pas être considérés comme acquis. La hausse du prix du pétrole et des aliments ainsi que la croissance rapide des salaires pourraient les freiner.

Le prix du pétrole a monté en flèche, le WTI passant de 70 $ il y a un mois à plus de 84 $ le baril. Il en résulte donc une pression à la hausse sur le prix de l’essence.

Le prix des aliments pourrait aussi grimper davantage. La vague de chaleur intense de cet été dans le monde entier pourrait nuire aux récoltes sur au moins trois continents. De plus, la guerre entre la Russie et l’Ukraine, qui entrave les exportations de céréales ukrainiennes par la mer Noire, risque de perturber encore plus les chaînes d’approvisionnement.

M. Lascelles fait observer que la boucle prix‑salaires pourrait également alimenter l’inflation. Selon l’indice de croissance des salaires de la Réserve fédérale d’Atlanta, le rythme d’augmentation réel des salaires aux États‑Unis demeure élevé et a peu ralenti depuis l’an dernier, passant de 7,1 % à 6 % d’une année sur l’autre. Au Royaume‑Uni, la croissance des salaires a dépassé 7 % sur un an en mai.

Les banques centrales continueront de surveiller de près la croissance des salaires, bien que, selon nous, bon nombre d’entre elles ne tiendront pas compte de la hausse du prix des aliments et de l’énergie. Quoi qu’il en soit, la plupart des pays se réjouissent aujourd’hui des progrès réalisés dans la lutte contre l’inflation.

Le Japon fait figure d’exception. Après avoir assoupli ses restrictions liées à la pandémie, le pays a rouvert son économie à la fin de 2021, puis l’inflation s’est mise à progresser pour atteindre un sommet de 4,3 % en janvier 2023. La Banque du Japon a d’abord fait preuve d’une grande tolérance à l’égard de la hausse de l’inflation afin de raviver les attentes inflationnistes à long terme. Elle a donc emprunté une trajectoire de politique monétaire différente de celle des banques centrales des autres nations développées.

Vers la fin du cycle de relèvement des taux

La série de relèvements des taux par les banques centrales des États‑Unis, du Canada, du Royaume‑Uni et de l’Europe touche à sa fin.

Depuis que la Réserve fédérale (la Fed) a relevé à 5,50 % la limite supérieure de la fourchette cible du taux des fonds fédéraux en juillet, les marchés estiment que le cycle de hausse est probablement terminé. Nous sommes également de cet avis. En effet, nous prévoyons que les rapports sur l’indice des prix à la consommation et l’emploi, qui seront publiés avant la prochaine réunion de la Fed le 20 septembre, devraient montrer que les choses évoluent dans la bonne direction. Selon nous, la Fed pourrait alors être prête à mettre un terme à son cycle de resserrement.

La Banque du Canada, la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque d’Angleterre ont toutes relevé leurs taux d’intérêt de 25 points de base (pb) en juillet, les faisant passer respectivement à 5 %, 3,75 % et 5,25  %. Elles ont aussi adopté une approche largement fondée sur les données. Ainsi, nous pensons que la Banque du Canada et la BCE opteront pour le statu quo à leurs prochaines réunions, qui se tiendront en septembre. La Banque d’Angleterre fait figure d’exception. Les marchés s’attendent d’ailleurs à deux autres hausses, ce qui porterait le taux à un sommet de 5,75 %.

Japon : abandon de la politique monétaire hyperaccommodante

Les investisseurs ne devraient pas ignorer le fait que la Banque du Japon a décidé de resserrer sa politique monétaire extrêmement accommodante, qui l’a amenée à injecter des liquidités dans le système financier mondial. Le retrait de ces liquidités pourrait accroître davantage la volatilité des marchés des titres à revenu fixe.

Du fait de sa politique de contrôle de la courbe des taux, qui a été mise en place il y a sept ans pour contrer les risques de déflation, la Banque du Japon est contrainte d’acheter des obligations étalons à dix ans du gouvernement japonais pour maintenir les taux à un bas niveau.

En raison de la reprise de l’inflation au pays, cette politique a été assouplie pour la première fois en décembre 2022, soit lorsque la banque centrale a décidé de relever le plafond des taux de 0,25 % à 0,50 %. Comme l’inflation de base en juillet (hors prix des denrées périssables et de l’énergie) a atteint 4,3 % d’une année sur l’autre, elle a ensuite augmenté le plafond à 1 %. Par conséquent, le taux des obligations étalons à dix ans du gouvernement japonais est maintenant supérieur à 0,60 %, son niveau le plus élevé en neuf ans.

Baisse des taux directeurs

À l’opposé, dans les marchés émergents, le cycle de baisse des taux d’intérêt est déjà bien entamé. Par exemple, deux banques centrales d’Amérique latine les réduisent de façon énergique, ce qui ne manque pas d’attirer notre attention puisque nous considérons que les titres à revenu fixe des marchés émergents présentent des occasions intéressantes pour les investisseurs.

Les banques centrales du Brésil et du Chili ont relevé les taux de façon anticipée (un an plus tôt que la Fed dans le cas de la banque centrale brésilienne). Elles ont ensuite procédé à des hausses musclées, étant donné la grande sensibilité de leur économie aux prix des aliments et aux flux de capitaux. En outre, elles ont ainsi voulu prouver leur compétence puisqu’elles ne jouissent pas de la même réputation que la Fed en matière de lutte contre l’inflation. Pour la banque centrale du Brésil, c’était particulièrement important puisqu’elle n’est devenue indépendante qu’en 2021. L’inflation au Brésil étant passée d’un sommet de 12 % d’une année sur l’autre en avril 2022 à à peine plus de 3 %, soit à un niveau conforme à sa cible, la banque centrale a baissé les taux d’intérêt de 50 pb au début du mois d’août. Elle s’est engagée dans la même voie que le Chili, qui a réduit les taux de 100 pb en juillet.

Brésil et Chili : un resserrement musclé, une longue interruption, puis des baisses de taux

Taux d’intérêt au Brésil, au Chili et aux États‑Unis

Le graphique linéaire montre que, au cours des 16 premiers mois de la période allant de janvier 2021 au 9 août 2022, la banque centrale du Brésil a relevé le taux Selic de 2 % à 13,75 %, un niveau bien plus élevé que le taux américain et européen. Elle a maintenu ce taux pendant 11 mois avant de le réduire à 13,25 %. Pour sa part, la banque centrale du Chili a haussé son taux directeur de 0,5 % à 11,25 % au cours des 15 premiers mois, puis l’a maintenu pendant neuf mois avant de le faire passer à 10,25 % en juillet, soit une baisse de 100 pb. Ces deux cycles de hausse ont précédé celui de la Réserve fédérale américaine, qui a maintenu son taux à 0,25 % pendant les 15 premiers mois avant de le relever progressivement jusqu’à 5,5 %.

  • Taux des fonds fédéraux brésiliens (Selic)
  • Taux directeur du Chili
  • Taux des fonds fédéraux américains

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg. Données prises en compte jusqu’au 9 août 2023

Nous nous attendons à ce que d’autres banques centrales des marchés émergents ayant également pris des mesures préventives contre l’inflation emboîtent le pas au cours des prochains mois.

Des occasions à saisir

Les marchés obligataires ont été très volatils jusqu’à présent en août, et le taux des obligations du Trésor américain à 30 ans a connu l’une de ses hausses les plus rapides de l’année écoulée. Cette progression est attribuable à la vigueur de l’économie américaine et au recul de l’inflation. Ces facteurs pourraient inciter la Fed à intervenir de façon moins énergique, ce qui contribuerait à prolonger l’expansion économique. Cela dit, nous pensons que la politique monétaire divergente des banques centrales pourrait accroître la volatilité.

À notre avis, un tel contexte de volatilité pourrait offrir des points d’entrée intéressants aux investisseurs qui peuvent maintenant faire fructifier leur argent en profitant de taux rarement vus pendant la dernière décennie. Compte tenu de l’assouplissement progressif des politiques monétaires, nous continuons de déceler des occasions intéressantes pour les investisseurs parmi les titres à revenu fixe des marchés émergents, mais il est primordial de demeurer sélectif.


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