Obligations de longue durée pour l’investisseur à long terme

Analyse
Perspectives

La hausse des taux signifie que les investisseurs ayant un horizon de placement à long terme peuvent trouver des occasions dans les obligations du Trésor américain assorties d’échéances longues.

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28 septembre 2023

Par Atul Bhatia, CFA

Selon nous, les récentes données fondamentales sur l’économie américaine sont généralement favorables aux obligations à long terme. L’inflation recule par rapport aux niveaux de 2022, les bilans des consommateurs sont de plus en plus fragiles et la croissance du budget américain devrait ralentir, même si la Réserve fédérale américaine (Fed) a indiqué qu’il est peu probable que les taux d’intérêt augmentent davantage et que la stabilité des prix aura préséance sur les facteurs de croissance lorsqu’il s’agit de procéder à des réductions de taux. Dans l’ensemble, nous croyons que le ralentissement de la croissance et la position anti-inflation de la banque centrale qui se dessinent devraient favoriser les titres d’État à long terme.

Toutefois, les marchés ont évolué dans une direction différente, les taux des obligations du Trésor à 30 ans ayant fortement augmenté en septembre. Bien que diverses théories aient été avancées pour expliquer la variation des cours, nous estimons que la réponse est simple (et, à notre avis, temporaire) : le manque d’appétit pour le risque lié aux titres de créance d’État à long terme.

Pour les investisseurs particuliers qui épargnent en vue des études de leurs enfants ou de leur propre retraite, nous croyons que les occasions de placement actuelles dans les titres à revenu fixe devraient servir de rappel convaincant de la puissance d’un horizon de placement à long terme.

Les suspects habituels

Avant de nous pencher sur les facteurs qui expliquent les récentes fluctuations des cours, il vaut la peine de jeter un œil à certaines des autres théories dont nous avons entendu parler.

La hausse de l’inflation est souvent citée, mais cette explication est incohérente avec d’autres signaux du marché. La mesure préférée de la Fed pour l’inflation, soit les attentes inflationnistes à moyen terme, a à peine bougé en septembre, car le swap indexé sur l’inflation à 5 ans dans 5 ans (soit une mesure par le marché de l’inflation annuelle prévue entre 2028 et 2033) a enregistré une hausse négligeable de 10 points de base. De plus, les projections directes du marché à l’égard de l’inflation sur 30 ans – l’écart de taux entre les obligations d’État à taux fixe et les obligations d’État indexées sur l’inflation – n’expliquent vraisemblablement qu’une partie de la variation globale des taux. Nous pensons qu’il est difficile de soutenir que les marchés sont effrayés par l’inflation, quand les investisseurs renoncent à « l’argent facilement gagné » que procurent les placements liés à l’inflation.

Une autre idée qui flotte dans l’air est que les craintes de défaillance suscitées par la hausse des niveaux d’endettement aux États-Unis poussent les investisseurs à délaisser les obligations à long terme. Ce point de vue ne tient toutefois pas compte du raffermissement du dollar ni des cours boursiers toujours élevés à l’échelle mondiale. De plus, l’expérience du Japon, qui affiche régulièrement des ratios dette/PIB deux fois plus élevés que ceux des États-Unis, est un contre-exemple simultané de faibles taux obligataires et d’endettement élevé.

Les obligations des deux côtés du Pacifique ne tiennent pas compte des niveaux d’endettement

Le Japon affiche un ratio de dette plus élevé et un taux de rendement sur 30 ans inférieur à celui des États-Unis.

Ratios dette/PIB des États-Unis et du Japon et les taux des obligations à 30 ans des deux pays

Graphique qui compare les ratios dette/PIB des États-Unis et du Japon et les taux des obligations à 30 ans des deux pays depuis 2004. Le graphique montre que les ratios de dette du Japon ont toujours été plus élevés que ceux des États-Unis, tandis que les taux obligataires demeurent inférieurs. Le graphique montre également que les ratios de dette plus élevés n’ont pas toujours été associés à des taux obligataires plus élevés.

  • Dette nationale du Japon en % du PIB (gauche)
  • Dette nationale des États-Unis en % du PIB (gauche)
  • Taux des obligations d’État japonaises à 30 ans (%, droite)
  • Taux des obligations d’État américaines à 30 ans (%, droite)

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Fonds monétaire international (FMI), Bloomberg; les ratios dette/PIB pour 2024 sont fondés sur les projections du FMI et les taux obligataires reflètent les niveaux de clôture du 26 septembre 2023.

Le vrai coupable

Selon nous, le principal facteur de la hausse des taux obligataires est simplement le manque d’appétit pour le risque chez les investisseurs qui ont toujours été des acheteurs clés de cette catégorie d’actif.

Les principaux détenteurs de titres du Trésor sont la Fed et les institutions étrangères. La Fed est actuellement engagée dans un resserrement quantitatif, ce qui lui permet de réduire intentionnellement ses placements en titres du Trésor. La politique de la Chine est moins transparente, mais la demande d’obligations d’État américaines est traditionnellement liée à sa politique d’achat de dollars. Selon des nouvelles récentes, le gouvernement chinois a changé de cap et décidé de soutenir le yuan, ce qui pourrait laisser la Chine en situation de vendeur net de dollars et probablement aussi de bons du Trésor. À l’extérieur de la Chine, les taux des obligations du Trésor rajustés selon le taux de change sont loin d’être attrayants pour les investisseurs japonais.

D’autres acheteurs soi-disant naturels d’obligations à long terme, y compris des caisses de retraite et des investisseurs particuliers, ont déjà effectué d’importants changements dans cette catégorie d’actif et connaissent des replis de leur évaluation à la valeur de marché. Même les investisseurs qui partagent notre point de vue sur les solides données fondamentales à long terme soutenant les obligations pourraient ne pas avoir d’espace dans leur répartition de l’actif pour ajouter des obligations à long terme.

Lorsqu’il y a une dislocation entre les forces de l’offre et de la demande sur le marché, nous nous attendons normalement à ce que les investisseurs ayant recours à l’effet de levier qui agissent rapidement, comme les fonds de couverture, comblent le vide. Nous pouvons penser à plusieurs raisons pour lesquelles cette situation ne se produit pas actuellement.

Premièrement, l’inversion de la courbe des taux signifie que l’achat de titres de créance à plus long terme est coûteux pour ces négociateurs, car le montant qu’ils déboursent pour les fonds empruntés est supérieur au montant des revenus générés par les obligations. Cette situation, connue sous le nom de portage négatif, répugne à la plupart des négociateurs. Les titres assortis d’échéances plus longues sont également volatiles, et comme le rendement des négociateurs institutionnels est souvent mesuré par des rendements ajustés en fonction de la volatilité, l’ajout d’un actif assorti de taux de rendement plus faibles et d’une volatilité plus élevée pourrait avoir un double effet. Cette situation a une incidence particulièrement importante sur l’appétit pour le risque à l’approche du quatrième trimestre, moment où de nombreux investisseurs institutionnels cherchent à protéger les rendements avant l’arrivée de la fin de l’année.

À notre avis, il est essentiel que les investisseurs se souviennent que ce type de dislocation se conclut souvent par un revirement marqué – soit lorsque les contraintes de risque s’estompent, soit lorsque les cours atteignent un point où le profil risque‑rendement est trop intéressant pour être ignoré.

Les données fondamentales finissent par dicter les valorisations, selon notre expérience, et nous croyons que les données fondamentales des obligations sont solides.

Arguments en faveur des obligations

Pour commencer, la Fed semble gagner la guerre contre l’inflation. Puisque l’inflation est nettement inférieure aux niveaux de l’an dernier, nous croyons que la banque centrale maintiendra sa détermination même si la croissance ralentit et que le chômage augmente. Après tout, les banques centrales et leurs dirigeants sont en fin de compte jugés en grande partie en fonction de leur capacité à établir la stabilité des prix, et nous pensons que cela donne aux décideurs les incitatifs institutionnels et personnels nécessaires pour maintenir une politique restrictive aussi longtemps que nécessaire.

Sur le plan de la croissance, le dynamisme de l’époque de la pandémie s’essouffle. Au moment d’écrire ces lignes, une paralysie potentielle imminente menaçait le gouvernement américain; même si les services gouvernementaux demeurent ouverts, nous pensons que des changements de nature expansionniste dans la politique budgétaire sont très improbables à court terme. De plus, il est peu probable que les sociétés dépensent massivement, car de plus en plus d’entre elles doivent refinancer leurs dettes contractées pendant la pandémie à des taux plus élevés en vigueur actuellement.

Les dépenses de consommation, la principale composante de l’économie américaine, subissent également des pressions. Selon un récent rapport de la Fed, seule la tranche supérieure de 20 % mesurée par le revenu dispose encore de l’épargne accumulée durant la pandémie. Les ménages à faible revenu sont donc confrontés à des soldes de cartes de crédit plus élevés, à des frais de service de la dette plus élevés, à des cours de l’essence plus élevés et à la reprise imminente des remboursements de prêts étudiants, le tout sans ou presque sans disposer de coussin excédentaire.

Par conséquent, les perspectives de croissance dépendent de l’emploi. Les marchés du travail ont surpassé les attentes consensuelles pendant un certain temps, mais des signes initiaux de ralentissement se sont manifestés dans les données objectives et les rapports isolés. De façon plus générale, la base de croissance est de plus en plus limitée. Cette tendance pourrait éventuellement susciter une certaine appréhension à l’égard de la croissance sur les marchés, ce qui favoriserait les obligations à notre avis.

Enfin, nous estimons que les valorisations des obligations sont intéressantes tant en termes absolus que par rapport aux actions.

Le temps joue-t-il en votre faveur?

Les institutions sont forcées de penser aux rendements des portefeuilles sur des horizons artificiellement courts – dont la durée est souvent de juste trois mois et dépasse rarement un an. En revanche, les investisseurs particuliers n’ont généralement qu’une ou deux dates importantes à l’esprit, et elles se situent souvent à plusieurs années ou décennies d’aujourd’hui. Cela donne à chaque investisseur un énorme pouvoir de recherche d’actifs dont les prix sont attrayants à moyen terme, même si les perspectives à court terme sont nébuleuses ou négatives. À notre avis, cette situation décrit en quelques lignes le marché des titres à revenu fixe d’aujourd’hui.


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