Effondrement de Silicon Valley Bank : répercussions et réactions

Analyse
Perspectives

Alors que la débâcle de SVB perturbe les marchés, nous examinons l’intervention rapide des organismes de réglementation et le « coût » de cette intervention, ainsi que ses répercussions sur les hausses de taux de la Fed.

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13 mars 2023

Kelly Bogdanova
Vice-présidente et analyste de portefeuille
Services-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis

Les organismes de réglementation américains ont décidé de protéger les déposants de Silicon Valley Bank, du groupe SVB Financial Group, presque aussi rapidement que la banque s’est effondrée. À l’ère numérique, les choses évoluent à la vitesse de l’éclair ; même les organismes de réglementation peuvent secouer leur inertie habituelle et agir promptement quand il le faut.

D’après Gerard Cassidy, analyste principal du secteur bancaire américain à RBC Capital Markets, LLC, le geste que les organismes de réglementation ont posé conjointement dimanche à l’égard de SVB et les autres décisions visant à soutenir le système bancaire ont réduit l’éventuel risque de contagion lié à la faillite de Silicon Valley Bank.

Les organismes de réglementation ont fermé SVB vendredi, entraînant la plus grande débâcle d’une institution financière depuis la crise financière mondiale de 2008. La banque fournissait principalement des services financiers à des entreprises en démarrage du secteur de la technologie, ainsi qu’à des sociétés de capital-risque et de capital-investissement. Il s’agissait d’un modèle d’affaires unique au sein du système bancaire américain, surtout parmi les banques inscrites en bourse.

SVB a connu une croissance fulgurante durant la pandémie de COVID-19. À ce moment-là, les liquidités étaient abondantes grâce aux mesures monétaires et budgétaires et les sociétés financées par capital-risque ont amassé des niveaux records de capital. La banque a alors enregistré une forte hausse de ses dépôts et de ses actifs. Selon la Fed, Silicon Valley Bank se situait fin 2022 au 16e rang du classement national selon les actifs.

Les clients de SVB ont commencé à retirer leurs dépôts en 2022, lorsque le financement par capital-risque a amorcé un déclin en raison du cycle de hausses de taux sans précédent de la Fed. Ils se sont fortement accélérés au cours des deux dernières semaines. D’importantes pertes non réalisées dans le portefeuille d’obligations plombaient le bilan de la banque. De plus, son plan visant à mobiliser des fonds sur le marché public a échoué jeudi dernier. La sortie rapide de dépôts importants qui a suivi a entraîné le bilan de cette banque vieille de 40 ans dans une position très précaire et intenable. À notre connaissance, jamais auparavant une banque américaine cotée en bourse ne s’est effondrée aussi soudainement.

Rapidité et fermeté

M. Cassidy, de RBC, compare le Trésor américain, la Réserve fédérale et la FDIC aux « chapeaux blancs » des vieux westerns.

Non seulement les déposants de SVB assurés par la FDIC seront protégés (ceux dont les dépôts ne dépassent pas le seuil standard de 250 000 $), mais les trois organismes de réglementation ont aussi décidé collectivement que les déposants non assurés, détenant des comptes beaucoup plus importants, seraient entièrement remboursés. Le deuxième groupe représente environ 90 % des dépôts de la banque. M. Cassidy a écrit : « [Traduction] Il s’agit d’un élément clé du plan qui devrait redonner confiance aux déposants des autres institutions.  »

Une autre institution financière régionale était aux abois la semaine dernière : Signature Bank, établie à New York, a fermé dimanche. La décision des organismes de réglementation de garantir les dépôts s’applique également à cette banque. Fait intéressant, cette banque était principalement axée sur le secteur des cryptomonnaies.

Si les organismes de réglementation n’avaient pas pris la décision controversée de protéger les grands déposants de SVB, la fuite des dépôts aurait peut-être continué à vive allure dans d’autres banques régionales, y compris dans certaines ayant des modèles d’affaires plus traditionnels. Cela aurait pu provoquer de graves problèmes faisant boule de neige dans les systèmes financiers des États-Unis et du monde entier.

Les organismes de réglementation ont également adopté d’autres dispositions visant à renforcer la stabilité du système financier, notamment la création d’un programme de financement à terme destiné aux banques, qui octroie aux institutions financières américaines admissibles des prêts à court terme assortis de modalités plus souples. La Fed facilite l’accès au financement pour les banques par l’intermédiaire de son escompte officiel, comme elle l’a fait pendant la crise financière.

Nous croyons que ces mesures collectives apporteront un soutien aux actions des banques régionales et à l’ensemble du groupe bancaire américain. M. Cassidy a écrit : « [Traduction] Nous nous attendons à d’autres turbulences sur les marchés des actions bancaires [lundi], mais nous prévoyons que les cours se stabiliseront, car les investisseurs réaliseront que le déclin de la liquidité causé par les retraits massifs des dépôts est terminé grâce aux mesures annoncées par la Réserve fédérale, le Trésor américain et la FDIC. »

Les actions des banques américaines ont produit des rendements nettement inférieurs à ceux de l’indice S&P 500, surtout ces derniers temps

Variation en pourcentage depuis le 1er mars 2021

Rendement de l’indice S&P 500, de l’indice du groupe des banques S&P et de l’indice sectoriel sélect de banques régionales S&P, depuis le 1er mars 2021

Le graphique linéaire montre le rendement de l’indice S&P 500, de l’indice du groupe des banques S&P et de l’indice sectoriel sélect de banques régionales S&P, du 1er mars 2021 au 10 mars (indice sectoriel sélect des banques régionales S&P) et au 13 mars à midi (S&P 500, indice du groupe des banques S&P). Les trois indices ont grimpé et culminé au début de 2021. Ils ont ensuite reculé tous les trois, en évoluant en dents de scie. Cependant, l’indice S&P 500 a mieux résisté que les deux indices bancaires, qui se sont fortement repliés récemment. Pour la période de deux ans, le S&P 500 a cédé 0,5 %, tandis que l’indice du groupe des banques S&P a reculé de 20,9 % et l’indice sectoriel sélect des banques régionales S&P, de 23,3 %.

  • S&P 500
  • Indice sectoriel sélect de banques régionales S&P
  • Indice du groupe des banques GICS niveau 2

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg ; données quotidiennes. Données finales pour le S&P 500 et le groupe des banques du S&P à la mi-séance du 13 mars 2023, à 11 h 30, heure de l’Est. Données pour certaines banques régionales du S&P en date du 10 mars 2023, les plus récentes disponibles.

Mais qui paie la facture ?

Nous ne considérons pas cette intervention comme un renflouement pur et simple, à l’instar de ceux effectués lors de la crise financière mondiale de 2008-2009, mais plutôt comme une sorte de sauvetage. Et elle aura probablement un coût.

Selon la déclaration commune des organismes de réglementation, « [Traduction] aucune perte liée à la résolution de Silicon Valley Bank ne sera répercutée au contribuable (…). Toute perte subie par le fonds d’assurance des dépôts pour aider les déposants non assurés sera recouvrée au moyen d’une cotisation spéciale des banques, comme l’exige la loi. »

À notre avis, cela signifie que le coût de l’assurance-dépôts pourrait augmenter pour les banques américaines et être réparti sur l’ensemble du système bancaire.

Alors, si ce n’est pas le contribuable américain, qui, en fin de compte, paiera la note ? À ce stade précoce, nous estimons logique de présumer que la hausse du coût de l’assurance-dépôts sera prise en compte dans le cours des actions des banques et pourrait entraîner une augmentation des frais pour les clients des banques, peut-être les plus importants. Mais il pourrait n’y avoir aucun « coût » si les actifs sous-jacents de SVB sont vendus à un prix suffisamment élevé.

Nous nous attendons à ce que la décision des organismes de réglementation de transférer le coût de la crise de SVB à l’ensemble du secteur bancaire et, par conséquent, aux actionnaires et aux clients soulève de nombreux débats au cours des jours et des semaines à venir, et sans doute pendant plus longtemps. De notre point de vue, les décisions majeures touchant le secteur bancaire, en particulier celles prises en temps de crise, font rarement l’unanimité et sont rarement dépourvues de biais politique.

La presse financière, les médias sociaux et Wall Street ont déjà commencé à désigner les responsables de l’affaire SVB. Toutefois, il faudra probablement un certain temps pour démêler les tenants et les aboutissants de l’effondrement de la banque, c’est-à-dire à en trouver les coupables. Le blâme sera peut-être partagé par beaucoup, y compris par les organismes de réglementation et les décideurs eux-mêmes, sans oublier la direction de SVB et peut-être même certains clients de la société.

Quels contrecoups ?

Étant donné qu’il est encore tôt, de nombreuses questions demeurent sans réponse en ce qui concerne les contrecoups de la crise de SVB, notamment :

  • la vulnérabilité du système bancaire américain aux retraits numériques massifs effectués à la vitesse de l’éclair ;
  • l’aléa moral lié au fait d’imposer à l’ensemble du secteur bancaire le coût d’une situation extrême découlant de l’effondrement d’une banque importante ;
  • l’efficacité et la pertinence des règles comptables des organismes de réglementation américains et de leurs obligations de déclaration ;
  • l’incidence que cet événement et toute modification future de la réglementation des banques pourraient avoir sur le financement par capital-risque et le financement des entreprises en démarrage dans le secteur de la technologie et d’autres secteurs innovants ;
  • les conséquences économiques plus générales de ce problème du système financier, étant donné que certains indices économiques avancés signalent déjà une récession ;
  • les répercussions possibles sur le cycle de hausses des taux de la Fed.

Il faudra probablement du temps avant que ces questions soient résolues, mais en ce qui concerne la dernière sur le cycle de hausses des taux de la Fed, nous pensons que la réponse prend déjà forme. À la fin de la semaine dernière, lorsque la crise de SVB a atteint son paroxysme, les attentes du marché relatives aux hausses de taux de la Fed ont commencé à baisser.

Avant la faillite de SVB, la Fed jonglait avec un marché du travail encore vigoureux et l’inflation persistante. À présent, elle doit aussi donner la priorité aux faiblesses du système financier.

La Fed aime dire qu’elle prend ses décisions à propos des taux d’intérêt en fonction des données. Nous croyons que la crise de SVB constitue une donnée majeure que la Fed ne pourra pas ignorer. À notre avis, la Fed devrait, au vu de cette crise, mettre fin au cycle de relèvement sans tarder, afin de laisser le système financier et l’économie absorber les hausses substantielles déjà mises en œuvre.


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