Bien réfléchir à un atterrissage en douceur

Analyse
Perspectives

Récession ou atterrissage en douceur? C’est la grande question. Compte tenu de l’incertitude qui entoure les placements, nous nous penchons sur la meilleure façon de structurer les portefeuilles.

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14 Décembre 2023

Frédérique Carrier
Première directrice générale et chef, Stratégies
de placement - RBC Europe Limited

La question que tout le monde se pose est de savoir si l’économie américaine connaîtra un atterrissage en douceur en 2024 ou succombera à une récession. Chaque possibilité est analysée et interprétée selon les biais des participants aux marchés. Cette attention découle de la « dépendance aux données » de la Réserve fédérale américaine, qui laisse les marchés à la merci de chaque publication de données.

Prenons l’exemple des données récentes. Après que le nombre d’emplois non agricoles aux États-Unis eut augmenté de 199 000 en novembre (prévisions consensuelles : 185 000), la plupart des analystes se sont entendus pour dire que cette situation laissait entrevoir un marché de l’emploi très sain et, ainsi, une économie forte et la perspective d’un atterrissage en douceur. Ceux qui craignaient qu’une contraction de l’économie pointe à l’horizon se sont plutôt concentrés sur la hausse annuelle moyenne des salaires horaires de 4 %, un niveau incompatible avec la cible d’inflation de 2 % de la Réserve fédérale américaine (Fed). Dans cette optique, une telle croissance des salaires indique que les taux d’intérêt devront rester aux niveaux actuels pendant encore un certain temps, ce qui pourrait entraîner une récession.

Dans l’article vedette de Perspectives mondiales – Panorama 2024, Jim Allworth, stratégiste, Placements, RBC Dominion valeurs mobilières Inc., souligne que le débat ne sera pas définitivement clos avant un certain temps. En fait, c’est le comité pour l’évaluation des cycles économiques (Business Cycle Dating Committee) du National Bureau of Economic Research (NBER) qui décide de la date officielle du début d’une récession. Et cette annonce survient habituellement environ un an après le début d’une récession.

Un cadre utile

Compte tenu de la volatilité des données économiques qui, au mieux, offrent des indices contradictoires ou au pire sont de piètre qualité, il peut être utile d’utiliser un cadre pour évaluer la conjoncture macroéconomique.

Nous sommes dans le camp de ceux qui s’attendent à une légère récession aux États-Unis l’an prochain. La combinaison des taux d’intérêt élevés et des normes restrictives d’octroi de prêts des banques actuellement en vigueur a historiquement entraîné des récessions. Les atterrissages en douceur ont été caractérisés par une hausse des taux d’intérêt, mais sans resserrement manifeste des normes de crédit.

Les normes d’octroi de prêts aux entreprises américaines se sont resserrées

Pourcentage net des banques qui resserrent les normes de crédit pour les prêts commerciaux et industriels

Pourcentage net des banques qui resserrent les normes de crédit pour les prêts commerciaux et industriels

Le graphique linéaire montre le pourcentage net de banques qui resserrent les normes d’octroi de prêts commerciaux et industriels aux grandes et petites entreprises et utilise les données du sondage de la Fed auprès des responsables des prêts principaux sur les pratiques de prêts des banques. Un pourcentage positif indique que les normes d’octroi de prêt aux entreprises se resserrent, et vice-versa. Depuis le troisième trimestre de 2022, les normes de crédit se sont considérablement resserrées, atteignant un sommet au troisième trimestre de 2023, et quelque 50 % des banques ont resserré leurs normes. Le pourcentage a quelque peu diminué depuis, mais plus de 33 % des banques ont tout de même resserré leurs normes de crédit.

  • Grandes et moyennes sociétés
  • Petites sociétés

Note : sondage d’octobre 2023 auprès des responsables des prêts principaux sur les pratiques de prêts des banques

Sources : Réserve fédérale américaine, Macrobond, RBC Gestion mondiale d’actifs, RBC Gestion de patrimoine

L’économiste en chef de RBC Gestion mondiale d’actifs Inc., Eric Lascelles, abonde dans le même sens, estimant la probabilité d’une récession à 70 % au cours des 12 prochains mois.

Cela dit, la probabilité d’un atterrissage en douceur demeure de 30 %, ce qui n’est pas négligeable. Pour notre part, nous reconnaissons que les changements apportés à la politique monétaire et budgétaire au cours des dernières années pourraient se traduire par une croissance un peu plus faible, plutôt que par une récession.

Il vaut donc la peine d’examiner les épisodes d’atterrissage en douceur et d’observer comment l’indice S&P 500 a réagi.

Influence légère

Depuis le milieu des années 1950, il n’y a eu que trois atterrissages en douceur, ce qui est certes un petit échantillon : dans les années 1960, au milieu des années 1980 et au milieu des années 1990. Lors de chacun de ces épisodes, l’indice S&P 500 s’est très bien comporté, progressant en moyenne de plus de 30 %.

Paul Danis, responsable de la répartition de l’actif à RBC Brewin Dolphin, souligne que des circonstances particulières ont contribué à chacune de ces remontées. Lors de l’atterrissage en douceur de 1966, la Fed a assoupli sa politique monétaire très rapidement, ce qui a alimenté la reprise. Cette remontée a toutefois été de courte durée, car la Fed a été forcée de reprendre le resserrement de sa politique monétaire pour juguler l’inflation, qui s’était de nouveau enflammée, et le marché boursier s’est dûment redressé.

Lors de l’épisode de 1984, le taux réel des fonds fédéraux dépassait 6 %. La forte baisse, à 1 %, a contribué à la robustesse des rendements boursiers.

Le troisième atterrissage en douceur a eu lieu au milieu des années 1990, une période de mondialisation rapide qui a limité l’inflation et stimulé les marges bénéficiaires. Ces facteurs ont alimenté la plus longue et la plus forte remontée parmi les trois épisodes.

Continuer d’être constructif

Selon nous, la récente hausse du nombre d’emplois non agricoles laisse entrevoir une probabilité moindre d’une récession imminente. Selon nous, cette situation ouvre la voie à de nouveaux plafonds pour les marchés boursiers. L’indice S&P 500 s’est redressé de 14 % depuis la fin d’octobre, car la Fed a suspendu ses hausses de taux et les perspectives d’un atterrissage en douceur se sont améliorées. Cette remontée nous porte à croire que la possibilité d’un scénario d’atterrissage en douceur est quelque peu à la baisse, mais nous croyons que les marchés boursiers pourraient disposer de plus de marge de manœuvre.

Il nous semble que l’économie américaine est sur le point de commencer la nouvelle année sur des bases assez solides pour maintenir la croissance des bénéfices de l’indice S&P 500, mais probablement pas dans une aussi grande mesure que les prévisions consensuelles actuelles pour 2024 (245 $ par action, en hausse de 11,4 % par rapport aux prévisions de 220 $ pour 2023) le laissent entrevoir. À notre avis, toute croissance des bénéfices laisserait une marge de manœuvre pour que les cours boursiers progressent d’ici la fin de 2024, même si l’on ne s’entend toujours pas sur la direction que les choses prendront.

Nous continuons de recommander une pondération des actions mondiales et des actions américaines égale à celle du marché. Notre position tient compte de la vaste gamme de résultats possibles pour l’économie américaine : atterrissage en douceur, croissance moyenne, légère récession ou autre.

Nous croyons toutefois que les investisseurs devraient envisager de limiter la sélection de titres individuels aux sociétés de grande qualité ou à celles qu’ils se contenteraient de détenir tout au long du cycle économique. Il s’agit ici de sociétés dotées d’un excellent modèle d’affaires ou d’une équipe de gestion de qualité, qui produisent de solides flux de trésorerie et qui affichent un bilan sain.

À notre avis, les portefeuilles qui maintiennent leur valeur à un niveau supérieur à la moyenne seront les mieux placés pour profiter des occasions qui se présenteront inévitablement lorsque la croissance économique reprendra son rythme de croisière.


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