Tendances et occasions de placement dans les marchés émergents

Analyse
Perspectives

Grâce à l’amélioration des prévisions de croissance et aux changements économiques structurels, les marchés émergents attirent les placements, tant en actions qu’en titres à revenu fixe.

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18 mai 2023

Frédérique Carrier
Première directrice générale et chef, Stratégies
de placement - RBC Europe Limited

Afflux de fonds suivant l’améliorationdes données fondamentales

À l’inverse de la tendance observée l’année dernière, les investisseurs ont recommencé à faire des placements dans les marchés émergents (ME) en 2023. Selon EPFR Global, depuis le début de l’année, une somme de 39 milliards de dollars a été investie dans les actions des ME et un montant plus modeste de deux milliards de dollars a été affecté aux titres à revenu fixe des ME. Les investisseurs ont été séduits par l’apparence de changements structurels à long terme, comme un respect plus strict de l’orthodoxie monétaire et l’éventualité d’un supercycle des marchandises, alors que l’écart de croissance des ME par rapport aux marchés développés (MD) s’est grandement accru.

Nouvelle orthodoxie monétaire – De nombreuses banques centrales des ME ont fait preuve de prévoyance en commençant à resserrer leur politique monétaire bien avant les institutions comparables des MD. Étant donné l’administration précoce du remède, les cycles de hausse des taux d’intérêt s’achèvent et l’inflation tend à diminuer pour s’établir à moins de 10 % dans la plupart des pays. Selon les prévisions générales, les taux d’intérêt reculeront en Inde et dans la majorité des pays d’Amérique latine avant la fin de l’année, et dans certains pays d’Europe de l’Est l’année prochaine.

Le resserrement monétaire a également contribué au soutien des devises locales, puisque la forte augmentation des taux réels des obligations comparativement à ceux des MD a attiré des capitaux au cours des derniers mois. En ce moment, l’écart des taux réels dans six grandes économies des ME (Brésil, Indonésie, Inde, Mexique, Pologne et Afrique du Sud) est d’environ 5 %.

Un supercycle des marchandises ? – Les prix des marchandises ont connu un redressement spectaculaire depuis le milieu de 2020, profitant de la remise en marche des économies après la pandémie et de la demande accrue de minéraux industriels essentiels à la transition vers l’énergie propre. La hausse des prix s’est aussi accentuée en raison de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, laquelle a privé les marchés de deux fournisseurs importants. Par conséquent, les prix des métaux industriels et du secteur agricole sont nettement supérieurs aux dernières moyennes. Étant donné que la demande est en forte hausse et qu’il est difficile d’accroître rapidement l’offre, il est de plus en plus question d’un supercycle des marchandises.

Les prix des marchandises demeurent supérieurs à leur moyenne sur 5 ans

L’indice du Commodity Research Bureau au cours des cinq dernières années

Le graphique linéaire suit l’évolution de l’indice du Commodity Research Bureau, qui représente les marchandises industrielles et agricoles, au cours des cinq dernières années. L’indice est un indicateur représentatif des marchés mondiaux des marchandises. L’indice s’est effondré en réaction au déferlement de la COVID-19, mais il s’est rapidement redressé et a dépassé ses niveaux précédents à la suite de la remise en marche des économies. La guerre entre la Russie et l’Ukraine a propulsé les prix vers un sommet. L’indice a reculé depuis, mais il dépasse toujours sa moyenne de 479 sur cinq ans.

  • Indice Commodity Research Bureau (CRB)
  • Moyenne sur 5 ans

Nota : L’indice CRB suit l’évolution des marchandises industrielles et agricoles.

Sources : RBC Gestion de patrimoine et Bloomberg ; données prises en compte jusqu’au 12 mai 2023

De nombreux ME regorgent de ressources naturelles ; leur économie est donc étroitement liée aux prix des marchandises. Selon notre correspondant national de recherche, les actions du secteur des ressources naturelles représentent environ 15 % de la capitalisation boursière totale des ME. Les actions des ME tendent ainsi à profiter de la hausse des prix des marchandises.

Amélioration de l’écart de croissance – Dans l’ensemble, les prévisions générales de croissance économique des ME ont été revues à la hausse pour 2023, contrairement à celles des MD.

En 2023, le rehaussement des perspectives pour les pays asiatiques profitant de la remise en marche de la Chine et pour certains pays du Moyen‑Orient a plus que compensé la dégradation des prévisions visant l’Amérique latine, l’Europe de l’Est et l’Afrique. À mesure que les perspectives de croissance économique des MD se sont détériorées en raison des déboires des banques, l’écart de croissance économique des ME s’est amélioré par rapport aux MD. Par le passé, lorsque la croissance des ME dépassait celle des MD, les titres des ME avaient tendance à profiter d’un bon soutien, d’après notre correspondant national de recherche.

Les estimations générales laissent maintenant entrevoir une croissance de 4,2 % du PIB des ME en 2023, par rapport à 3,1 % en début d’année, alors que les prévisions de croissance du PIB des MD sont passées de 2,6 % à 0,9 %.

Évolution des prévisions de la croissance du PIB

Comparaison entre les marchés émergents (ME) et les marchés développés (MD)

Prévisions de janvier Prévisions de mai
Prévisions générales de croissance du PIB des ME 3,1 % 4,2 %
Prévisions générales de croissance du PIB des MD 2,6 % 0,9 %
Écart de croissance entre les ME et les MD 0,5 % 3,3 %

Sources : RBC Gestion de patrimoine et Bloomberg ; données prises en compte jusqu’au 15 mai 2023

Les prévisions de bénéfices des sociétés des ME ont aussi été revues à la hausse, contrairement à celles des MD. MSCI entrevoit maintenant une croissance des bénéfices de 2,1 % dans les ME en 2023, comparativement à la contraction de 2,7 % attendue au début de l’année. Les prévisions des bénéfices pour 2024 se sont également améliorées, soit de 13,7 % à 17,4 %, au cours de la même période.

Les ME continueront‑ils d’attirer des flux de capitaux ?

L’évolution de la situation est de bon augure pour la catégorie d’actifs, mais nous sommes d’avis qu’il faut la suivre de près, puisque les considérations cycliques pourraient revenir au premier plan.

L’orthodoxie monétaire présente des inconvénients – Les taux d’intérêt dépassent les 10 % dans plusieurs pays, par exemple en Hongrie, en Égypte et dans certains pays d’Amérique latine. Cette situation est intenable, surtout là où les économies et les entreprises sont criblées de dettes. Mark Dowding, chef des placements, BlueBay Asset Management LLP, fait remarquer que les tensions s’accentuent dans certains ME périphériques et que certains pays ont dû restructurer leur dette, dont la Zambie et le Ghana. Il croit que d’autres restructurations sont à venir, puisque les économies vulnérables composent avec la « combinaison toxique d’un endettement élevé et d’une hausse des taux aux États‑Unis ». Étant donné que la dette nationale de nombreux pays est en dollars américains, la hausse des taux d’intérêt de 500 points de base (pb) s’est avérée particulièrement douloureuse.

Eric Lascelles, économiste en chef de RBC Gestion mondiale d’actifs Inc., souligne que, du point de vue d’un investisseur en titres à revenu fixe des ME, la situation n’est pas alarmante parce que les pays en défaut de paiement et ceux qui subissent des contraintes (c.‑à‑d. là où l’écart entre les obligations locales et les obligations américaines dépasse les 1 000 pb) représentent moins de 3 % de la capitalisation boursière des ME.

Selon Polina Kurdyavko, chef des ME à RBC BlueBay, les responsables des politiques des ME ont acquis beaucoup de crédibilité en demeurant à l’avant‑scène du cycle de hausse des taux d’intérêt. Elle est toutefois d’avis que le défi consiste actuellement à délaisser une politique monétaire rigoureuse et une politique budgétaire relativement accommodante, adoptée pour contrer les effets de la pandémie de COVID‑19 et du conflit entre la Russie et l’Ukraine, pour une politique monétaire plus souple et des budgets plus prudents. À ses yeux, la mise en œuvre sera déterminante.

Un supercycle des marchandises en attente pour l’instant ? – Selon nous, il existe encore des occasions à long terme pour les marchandises, mais les prix ont diminué cette année en raison des inquiétudes soulevées par une éventuelle décroissance de la consommation à mesure que l’économie mondiale ralentit. Les prix de l’énergie et des métaux industriels ont diminué respectivement d’à peu près 15 % et 10 %.

Le sort de la plupart des marchandises industrielles est étroitement lié à la Chine, où la reprise semble inégale. En outre, cette reprise est inhabituelle en ce sens qu’elle repose sur la consommation des ménages, et surtout les services ; elle s’avérera donc probablement moins profitable pour les ME exportateurs de marchandises. La récente reprise du marché chinois du logement pourrait soutenir la demande de marchandises, mais seulement si le rebond actuel se poursuit et qu’il ne dépend pas exclusivement de la demande accumulée après la pandémie.

À la recherche d’occasions dans les ME

Nous pensons que les titres à revenu fixe constituent les occasions les plus attrayantes pour les investisseurs dans les ME, compte tenu de l’assouplissement graduel de la politique monétaire. À notre avis, les écarts de taux des obligations des ME font plus que compenser la détérioration de la qualité du crédit dans les pays subissant des contraintes. Il est donc primordial de demeurer sélectif.

L’équilibre des risques est plus délicat pour les actions des ME. Les valorisations sont favorables, puisque les titres de l’indice MSCI Marchés émergents se négocient à 11,9 fois le ratio cours/bénéfice prévisionnel et à 1,6 fois le ratio cours/valeur comptable. Toutefois, il est difficile de voir la catégorie d’actifs s’écarter des actions américaines en cas de concrétisation d’au moins un des trois risques exposés dans un récent article. Nous recommandons une pondération neutre pour l’Asie hors Japon.


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