Le Royaume-Uni, un pays propice à la stagflation ?

Analyse
Perspectives

L’économie britannique bat de l’aile et souffre d’une inflation de base persistante. Un gouvernement travailliste hériterait d’un contexte difficile. Néanmoins, nous trouvons des occasions à la fois dans les actions et les titres à revenu fixe.

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16 novembre 2023

Frédérique Carrier
Première directrice générale et chef, Stratégies
de placement - RBC Europe Limited

Une économie qui bat de l’aile

Les observateurs ont poussé un soupir de soulagement lorsqu’ils ont appris que le PIB du Royaume-Uni avait fait du surplace au troisième trimestre, déjouant les prévisions consensuelles de contraction. Les célébrations ont toutefois été de courte durée, puisque l’économie a à peine progressé en 2023.

En fait, nous croyons que les données économiques fléchiront davantage, car l’incidence de l’envolée des taux d’intérêt ne s’est pas encore fait sentir pleinement sur l’économie. Cette situation pourrait être en partie compensée par une amélioration des salaires réels à mesure que l’inflation ralentit. Tout dépendra du marché de l’emploi. Le risque est qu’il s’affaiblisse si la hausse des taux d’intérêt exerce des pressions sur les marges des sociétés. Pour l’instant, l’Office for National Statistics (ONS) estime que le taux de chômage s’est stabilisé à 4,2 % au cours de la période de trois mois terminée en septembre, après avoir atteint un creux de 3,6 % il y a un an. Selon les prévisions consensuelles, le PIB ne devrait croître que de 0,4 % en 2024, ce qui correspond aux projections pour 2023.

Malgré cette faiblesse économique, nous estimons que la Banque d’Angleterre maintiendra probablement son taux directeur (actuellement à 5,25 %) à un niveau élevé pendant la majeure partie de 2024. Exclusion faite des prix des aliments et de l’énergie, l’inflation a ralenti, mais demeure élevée, à 5,7 %. Au cours des prochains mois, une comparaison plus flatteuse sur un an pourrait mener à une baisse de l’inflation. Toutefois, Mark Dowding, chef des placements, BlueBay, RBC Global Asset Management (R.-U.), souligne que la Banque d’Angleterre sera à l’affût des attentes d’inflation à long terme et déterminera si elles demeurent élevées ou se désencrent. Le gouvernement s’est montré très ferme dans sa promesse de réduire l’inflation de moitié d’ici le mois prochain. Comme le point de départ était une inflation de plus de 10 %, les dirigeants ont semblé avoir préparé le public à une inflation d’environ 5 % à la fin de l’année. Plus on s’attend à une inflation élevée, plus le risque qu’elle s’ancre est grand.

Dowding a également présumé que les pressions inflationnistes pourraient s’accentuer si le gouvernement britannique annonçait de nouvelles réductions d’impôt dans son communiqué d’automne. Les finances du Royaume-Uni sont en piètre état, mais le gouvernement conservateur se trouve dans une situation précaire, ayant été à la traîne du Parti travailliste dans les sondages pendant près de deux ans. Il pourrait être tenté d’améliorer sa cote en adoptant des mesures généreuses en vue de ce qui devrait être une année électorale. Même s’il ne s’agit pas de notre scénario de base, le risque est que la Banque d’Angleterre doive encore relever son taux directeur en 2024 pour combattre l’inflation.

Selon RBC BlueBay, le risque de stagflation, un état caractérisé par une faible croissance économique, une inflation élevée et une hausse du chômage, est élevé au Royaume-Uni.

Y aura-t-il un changement de garde?

Étant donné que le Parti travailliste, traditionnellement de gauche, occupe une position dominante dans les sondages depuis plus d’un an, nous pensons qu’il vaut la peine de réfléchir à la façon dont il pourrait gouverner une fois au pouvoir.

Sous la direction de Sir Keir Starmer, le Parti travailliste a revu ses positions. Les politiques de sa frange radicale de gauche, qui consistaient notamment à imposer des impôts supplémentaires aux salariés à revenu élevé et à nationaliser les services publics, ont été abandonnées. Le parti semble avoir réussi à s’installer au centre et a considérablement amélioré ses liens avec le secteur des affaires. Dans l’ensemble, nous ne pensons pas qu’une victoire des travaillistes provoquerait de fortes réactions négatives sur les marchés financiers.

Les travaillistes ont une longueur d’avance sur les conservateurs depuis deux ans

Suivi des intentions de vote pour les élections parlementaires

Suivi des intentions de vote pour les élections parlementaires

Le graphique linéaire montre les intentions de vote des Britanniques pour les deux principaux partis, les conservateurs, qui sont au pouvoir, et les travaillistes, pour la période du 26 janvier 2020 au 8 novembre 2023. Depuis novembre 2021, les travaillistes ont une longueur d’avance. L’écart s’est nettement creusé à partir de septembre 2022 et le parti recueille 47 % des intentions de vote, contre 23 % pour les conservateurs.

  • Travaillistes
  • Conservateurs

Source : YouGov; données au 8 novembre 2023.

Lors de la récente conférence du Parti travailliste, M. Starmer a déclaré que son organisation visait à solidifier la relation avec l’Union européenne (UE), à harmoniser la réglementation de « certains secteurs » et à accepter une certaine surveillance de la Cour de justice de l’Union européenne. Elle souhaite également déréglementer le processus de planification pour les maisons neuves, renforcer les droits en matière d’emploi et poursuivre la transition vers une économie sobre en carbone.

Certains de ces objectifs peuvent être difficiles à atteindre. Il est peu probable, notamment, que l’UE accepte cette approche sélective, tandis que la déréglementation du processus de planification pourrait continuer de faire face à une vive opposition, car elle menace de changer le paysage. Il faut noter que le Parti travailliste prendrait les rênes d’un pays aux profondes séquelles – laissées non seulement par le Brexit, mais aussi par la plus forte vague de resserrement monétaire de la Banque d’Angleterre en 30 ans – et lourdement endetté, la dette brute par rapport au PIB s’approchant de 100 %. Autant de facteurs qui pourraient limiter la capacité d’un nouveau gouvernement à relancer l’économie.

Des occasions dans un marché non prisé

Nous reconnaissons que les perspectives économiques nationales sont difficiles, mais nous recommandons tout de même une pondération en actions du Royaume-Uni égale à celle du marché. Nous estimons que les caractéristiques défensives du marché devraient le maintenir en bonne position, compte tenu du contexte plus volatil que nous prévoyons pour l’économie et les actions mondiales en 2024. L’indice des actions de premier ordre du Royaume-Uni, l’indice FTSE 100, a une exposition relativement importante aux secteurs défensifs (comme les soins de santé et la consommation de base). De plus, il privilégie ceux de la « vieille économie », y compris l’énergie (environ 14 % de l’indice FTSE 100), un secteur où le profil risque-rendement est, selon nous, favorable à l’heure actuelle, compte tenu de la dynamique de l’offre restreinte, des valorisations bon marché et de l’accélération des bénéfices. Fait important, les valorisations boursières au Royaume-Uni sont peu contraignantes, alors que presque tous les secteurs se négocient à un escompte anormalement élevé par rapport aux données historiques.

Étant donné les perspectives économiques difficiles du pays, nous demeurons prudents à l’égard des actions britanniques. Nous continuons de recommander de privilégier les sociétés de grande qualité qui ont des activités diversifiées à l’échelle mondiale. Dans l’ensemble du marché, les ratios de valorisation de nombreuses sociétés mondiales cotées au Royaume-Uni demeurent nettement inférieurs à ceux de sociétés internationales comparables cotées dans d’autres marchés. Cet escompte, selon nous injustifié, du marché britannique sur ces sociétés mondiales représente une occasion pour les investisseurs à long terme.

Les titres à revenu fixe britanniques constituent une catégorie d’actif intéressante, les taux de rendement étant élevés et la Banque d’Angleterre se rapprochant du sommet de son cycle de hausses. Toutefois, nous sommes quelque peu préoccupés par le calendrier des émissions de titres du Trésor. Par conséquent, les investisseurs qui ne sont pas établis au Royaume-Uni devraient pondérer les obligations d’État britanniques de la même façon que le marché, en envisageant de les surpondérer à court terme.

Dans le cas des investisseurs établis au Royaume-Uni, le traitement fiscal des obligations d’État britanniques en fait un placement intéressant. Ces titres sont exonérés de l’impôt sur les gains en capital, de sorte qu’aucun impôt n’est dû sur les profits réalisés à l’échéance. Seul l’impôt sur le revenu du coupon doit être payé. Il s’agit d’une belle particularité pour les contribuables dont le taux d’imposition est plus élevé et qui, autrement, paieraient un impôt sur les gains en capital de 20 %.

Avec les contributions de Thomas McGarrity, CFA


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