Que signifient les initiatives politiques de la Chine pour les investisseurs ?

Analyse
Perspectives

Le gouvernement de la Chine a annoncé des politiques qui pourraient avoir de vastes répercussions sur les marchés boursiers, les marchandises et la croissance économique.

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4 avril 2023

Par Jasmine Duan

  • À la surprise de nombreux participants au marché, les plus hauts responsables de l’économie ont été maintenus en poste. Cette continuité, combinée aux solides antécédents du nouveau premier ministre, laisse entrevoir une orientation politique expansionniste, stable et favorable au marché.
  • La cible de croissance du PIB en 2023, fixée à environ 5 %, semble atteignable, et l’économie de la Chine devrait donc soutenir la croissance mondiale.
  • Le gouvernement cherche à améliorer la stabilité financière, à accroître l’autonomie scientifique et technologique, à renforcer la sécurité des données et à développer l’économie numérique.
  • La réglementation la plus stricte du secteur immobilier est probablement chose du passé, même si nous pensons que le gouvernement évitera les mesures de relance généralisées.
  • La réouverture de la Chine est globalement avantageuse pour les produits de base, mais les répercussions varieront vraisemblablement selon les marchandises.
  • Nous pensons que les actions chinoises bénéficient de conditions idéales : le programme politique est favorable aux entreprises, l’économie progresse et l’amélioration des bénéfices ne devrait pas tarder à suivre. Par ailleurs, les valorisations boursières sont encore inférieures à la moyenne.

Les « deux sessions » : réunions annuelles des principales instances politiques de la Chine

Les « deux sessions » désignent les réunions annuelles des deux principales instances politiques de la Chine : le Congrès national du peuple (CNP), qui est l’Assemblée législative nationale et l’organe suprême du pouvoir de l’État, et la Conférence consultative politique du Peuple chinois (CCPPC), l’organisme consultatif politique le plus important. Les réunions comprennent des représentants élus de chaque région, groupe ethnique et secteur de la société.

Les deux sessions de cette année ont revêtu une grande importance, car elles ont permis d’établir le plan d’action pour le développement à long terme de la Chine au cours des 25 prochaines années, à partir du schéma élaboré lors du très important 20e Congrès national du Parti communiste chinois (PCC), qui s’est tenu en octobre 2022. Cette année marque un jalon dans la marche prévue de la Chine vers la réalisation du deuxième objectif centenaire, qui est de faire de la Chine un pays socialiste moderne à tous les égards d’ici 2049.

La plus grande surprise : les hauts responsables de l’équipe économique sont maintenus en poste

Les nominations du président et du premier ministre de la Chine étaient largement attendues. Le président Xi Jinping a été réélu pour un troisième mandat. Li Qiang, ancien secrétaire du parti à Shanghai, a été nommé premier ministre.

À la surprise de nombreux participants au marché, les plus hauts responsables de l’équipe économique ont été maintenus en poste. Yi Gang, Liu Kun et Wang Wentao ont vu leur mandat renouvelé à titre de gouverneur de la Banque populaire de Chine, de ministre des Finances et de ministre du Commerce, respectivement. La plupart des ministres conservent leurs postes, y compris ceux des Transports, de l’Éducation, de l’Industrie et de la Technologie de l’information. Nous croyons que cette approche reflète la volonté du gouvernement de privilégier la stabilité et la continuité politique.

Les décideurs chinois se concentrent sur la réforme institutionnelle

Le Congrès national du peuple a approuvé un plan de réforme des institutions gouvernementales qui vise à optimiser et à ajuster leurs responsabilités dans le but d’améliorer l’efficacité et la coordination de la gouvernance. À notre avis, le plan de réforme atteste de l’intensification des efforts déployés par le gouvernement chinois pour améliorer la stabilité financière et économique, accroître l’autonomie scientifique et technologique, renforcer la sécurité des données et favoriser le développement de l’économie numérique. Le maintien en poste d’importants responsables devrait faciliter la mise en œuvre de la réforme pendant la période de transition.

Sur le plan de la réglementation financière, il y a eu des changements notables. La Chine mettra en place une administration nationale de réglementation financière relevant directement du Conseil des affaires d’État (le gouvernement populaire central), qui sera chargée de réglementer les institutions financières hors du secteur des valeurs mobilières. L’administration proposée remplacera l’actuelle Commission chinoise de réglementation du secteur bancaire et de l’assurance. Soulignons que certaines fonctions de la Banque populaire de Chine et de la Commission chinoise de réglementation des valeurs mobilières (CSRC), comme la protection des investisseurs, seront transférées à la nouvelle administration. La CSRC deviendra un organisme gouvernemental relevant directement du Conseil des affaires d’État, un statut supérieur à celui dont elle dispose actuellement.

Principaux domaines de la réforme institutionnelle

Sources : Agence de presse Xinhua, RBC Gestion de patrimoine

Nous pensons que les changements proposés visent à promouvoir une réglementation intégrée dans le secteur financier et à éviter l’arbitrage réglementaire. Ils auront pour effet de regrouper les fonctions de réglementation sous la nouvelle administration. En décidant de conserver la CSRC et de rehausser son statut, la Chine démontre peut-être qu’elle entend développer le marché boursier et stimuler le financement par actions, selon nous.

Le ministère des Sciences et Technologies sera restructuré afin d’accroître l’autonomie du pays dans ces domaines et de promouvoir le développement de technologies fondamentales. Ainsi restructuré, le ministère cherchera à accélérer les percées et les innovations technologiques majeures et à faciliter l’application de nouvelles technologies. Nous croyons que ces changements favoriseront l’intégration des sciences et des technologies avec les besoins de développement économique et social, renforçant l’apport de ces secteurs à l’industrie.

Afin de mieux coordonner la réglementation des données et de faciliter le développement du secteur numérique, un bureau national des données sera créé et administré par la Commission nationale du développement et de la réforme (CNDR), le principal organisme de planification économique du pays. Le bureau sera chargé de faire avancer le développement des institutions fondamentales liées aux données, de coordonner l’intégration, le partage, le développement et l’application des ressources de données, et de promouvoir la planification et la construction d’une économie et d’une société numériques.

Croissance économique : une cible pragmatique

Le gouvernement chinois a fixé sa cible de croissance du PIB en 2023 à environ 5 %. Contrairement à de nombreux participants au marché qui s’attendaient à un objectif plus élevé, nous croyons qu’il s’agit d’une cible pragmatique et réalisable. Compte tenu des incertitudes économiques auxquelles la Chine fait face, dont les vulnérabilités économiques mondiales, nous pensons que le gouvernement veut conserver une marge de manœuvre pour composer avec les risques imprévus.

La cible de croissance de 5 % est issue d’un rapport du gouvernement qui signalait également que la gestion des principaux risques financiers et économiques serait une priorité pour 2023. À notre avis, la Chine cherchera à établir de solides fondations pour une croissance économique de qualité à moyen et à long terme, plutôt que de galvaniser la croissance à court terme au moyen de mesures de relance musclées.

Cibles de croissance du PIB de la Chine et croissance réelle lors des dix dernières années

Cibles de croissance du PIB de la Chine et croissance réelle lors des dix dernières années

Graphique montrant les cibles officielles de croissance du PIB de la Chine et la croissance réelle du PIB au cours des dix dernières années. Objectifs de croissance du PIB : 2013-2014, autour de 7,5 % ; 2015, environ 7 % ; 2016, 6,5 % à 7 % ; 2017-2018, autour de 6,5 % ; 2019, 6 % à 6,5 % ; 2020, aucun objectif en raison de la COVID-19 ; 2021, au-dessus de 6 % ; 2022, autour de 5,5 % ; 2023, autour de 5 %. Croissance réelle : 2013, 7,8 % ; 2014, 7,4 % ; 2015, 7 % ; 2016, 6,8 % ; 2017, 6,9 % ; 2018, 6,7 % ; 2019, 6 % ; 2020, 2,2 % ; 2021, 8,4 % ; 2022, 3 % ; prévisions générales de Bloomberg pour 2023, 5,3 %.

  • Réel
  • Cible

Objectifs de croissance du PIB : 2013-2014, autour de 7,5 % ; 2015, environ 7 % ; 2016, 6,5 % à 7 % ; 2017-2018, autour de 6,5 % ; 2019, 6 % à 6,5 % ; 2020, aucun objectif en raison de la COVID-19 ; 2021, au-dessus de 6 % ; 2022, autour de 5,5 % ; 2023, autour de 5 %. ^Les données sur la croissance en 2023 sont les prévisions générales de Bloomberg.

Sources : Rapports de travail du gouvernement chinois, Bloomberg, RBC Gestion de patrimoine

Le nouveau premier ministre Li Qiang a envoyé des messages forts en faveur de la croissance lors de sa première conférence de presse. Ses remarques nous ont semblé pragmatiques et favorables au marché. Li a indiqué que des « combinaisons de politiques macroéconomiques » seraient utilisées pour accroître la demande intérieure, promouvoir les réformes et l’innovation, et limiter les risques. Il a également fait état de son expérience professionnelle au sein des administrations locales des régions économiquement développées de Zhejiang, Jiangsu et Shanghai, et a encouragé les décideurs politiques à « visiter les communautés locales pour recueillir l’opinion du public » dans le cadre de leurs fonctions. Il a déclaré que « les représentants gouvernementaux ne devraient pas seulement appliquer les freins, mais aussi appuyer sur l’accélérateur », ce qui laisse entrevoir une politique plus expansionniste, selon nous.

Marché du logement : effet moins négatif sur la croissance cette année

Dans le rapport du gouvernement, la politique de lutte contre la spéculation sur le marché du logement n’a été mentionnée que dans les « réalisations passées » et n’a pas été incluse dans les propositions de politique pour 2023. Ce changement semble indiquer que la réglementation la plus stricte du secteur immobilier est chose du passé.

La demande apparente de pétrole en Chine remonte peu à peu après la réouverture

Millions de barils par jour

La demande apparente de pétrole en Chine

Graphique linéaire montrant la demande apparente de pétrole en Chine au cours des dix dernières années. La demande remonte peu à peu après la réouverture.

Nota : Selon l’AIE, la demande apparente est une estimation de la demande intérieure. Le calcul varie d’un pays à l’autre ; en Chine, la demande apparente est définie comme étant la production des raffineries et les importations nettes de produits (ajustées en fonction de la combustion de mazout et la combustion directe de brut, la contrebande et les variations des stocks).

Source : Bloomberg, Bureau national des statistiques, Administration générale des douanes de la Chine, RBC Gestion de patrimoine ; données mensuelles jusqu’en janvier 2023

Le rapport a toutefois réitéré le thème d’une limitation des risques, conjuguée à la promotion d’un développement stable du secteur immobilier. Nous pensons que le gouvernement évitera les mesures de relance généralisées, mais qu’il continuera de soutenir les « grandes entreprises immobilières de qualité supérieure ».

Nous nous attendons à ce que le marché immobilier se redresse graduellement et qu’il freine moins la croissance du PIB cette année. Selon les données du Bureau national des statistiques sur les prix des logements dans 70 villes, le prix moyen pondéré d’un logement dans le marché primaire a augmenté de façon séquentielle en février, après correction en fonction des variations saisonnières. L’augmentation des prix des logements a été généralisée dans toutes les catégories de villes, et la proportion de villes ayant connu une hausse séquentielle des prix de l’immobilier a bondi sur les marchés primaire et secondaire.

Marchandises : la réouverture est bénéfique, mais des rendements divergents sont attendus

Michael Tran, stratégiste, Marché mondial de l’énergie à RBC Capital Markets, LLC, croit que même si la réouverture de la Chine est globalement avantageuse pour les produits de base, les répercussions varieront vraisemblablement selon les marchandises. La confiance à l’égard des métaux comme le cuivre et le minerai de fer a rapidement augmenté après la réouverture de la Chine, les investisseurs tablant sur une accélération de l’activité industrielle. Toutefois, les prix du pétrole brut WTI et Brent ont fléchi récemment, en raison des tensions dans le secteur financier mondial et des inquiétudes quant à leurs effets potentiels sur la croissance économique aux États-Unis et en Europe.

De l’avis de M. Tran, la divergence de rendement des différentes marchandises est logique compte tenu de la demande chinoise. Il a récemment écrit que « les investisseurs en marchandises considèrent les opérations sur métaux comme la première résultante de la réouverture ; en revanche, les marchandises liées à la consommation et aux comportements sociaux (comme les produits pétroliers) sont à la traîne, pour l’instant, mais rattraperont leur retard une fois que les comportements sociaux auront fait preuve d’une vigueur constante ». Les dernières données de la Chine ont confirmé la dynamique positive de l’économie durant la réouverture, grâce à la consommation et aux investissements dans les infrastructures.

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), une hausse des voyages aériens et une reprise de la demande en provenance de la Chine pourraient faire grimper la demande mondiale de pétrole à des sommets records en 2023. L’AIE estime que la demande mondiale de pétrole devrait s’accélérer au cours de l’année, passant de seulement 710 000 barils par jour au premier trimestre à 2,6 millions de barils par jour au quatrième trimestre. Même si la réouverture de la Chine devrait soutenir la production et les prix du pétrole brut, les difficultés économiques des États-Unis et de l’Europe risquent de freiner la demande mondiale de pétrole si les deux régions tombent en récession.

Répercussions sur les placements en actions

À notre avis, les « deux sessions » devraient dissiper les inquiétudes des investisseurs au sujet des perspectives de croissance de la Chine et des orientations politiques de la nouvelle équipe de dirigeants. Nous pensons que les actions chinoises bénéficient actuellement de conditions idéales : le programme politique est favorable aux entreprises, l’économie progresse et l’amélioration des bénéfices ne devrait pas tarder à suivre. Par ailleurs, la faible inflation rend possible l’adoption de politiques expansionnistes. Qui plus est, les valorisations boursières demeurent en deçà de leur moyenne historique sur cinq ans. La montée récente des tensions entre les États-Unis et la Chine ainsi que l’agitation des marchés boursiers mondiaux liée aux banques régionales des États-Unis et au secteur bancaire européen ont entraîné un repli des indices boursiers de la Chine qui, à notre avis, permet aux investisseurs d’établir graduellement des positions.

Nous préférons les sociétés qui sont en mesure de profiter du redémarrage de l’économie chinoise. La réforme des entreprises d’État nous apparaît aussi comme un thème qui devrait avoir un effet positif à moyen et à long terme. L’approfondissement des réformes des entreprises d’État et le renforcement de la compétitivité de ces dernières font partie des principales tâches du gouvernement cette année. Plusieurs responsables ont récemment déclaré que les entreprises d’État étaient sous-évaluées sur le marché financier. Lors du Congrès national du peuple, le directeur général de la Bourse de Shanghai, Cai Jianchun, a demandé à ce que les valorisations des entreprises d’État centrales soient relevées à un « niveau raisonnable ». À mesure que les réformes se poursuivent, nous croyons que les entreprises d’État pourront améliorer leur rentabilité. Grâce à une bonne gouvernance d’entreprise et à des versements de dividendes convenables, elles pourraient procurer des rendements supérieurs. Les sociétés des secteurs défensifs pourraient aussi constituer, selon nous, des endroits intéressants où investir en période de volatilité sur le marché.


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