Quels sont les facteurs ayant rassuré les marchés durant la période de perturbations dans le secteur bancaire ?

Analyse
Perspectives

Nous exposons les quatre raisons pour lesquelles le marché boursier a su traverser les turbulences, ainsi que nos réflexions sur les principaux risques à partir de maintenant.

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30 mars 2023

Kelly Bogdanova
Vice-présidente et analyste de portefeuille
Services-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis

Si vous aviez été en vacances sans votre téléphone intelligent, vous ne sauriez peut-être même pas que les marchés ont récemment connu leur période la plus angoissante depuis le début de la crise de la COVID-19 en 2020.

Quelques semaines seulement après la frayeur causée par le système bancaire de part et d’autre de l’Atlantique, l’indice S&P 500 est à peu près revenu au niveau où il se trouvait au début des crises de Silicon Valley Bank (SVB) et de Credit Suisse, et d’autres marchés importants sont également sortis de leurs creux.

Les principaux indices boursiers n’ont pas réagi outre mesure aux tensions dans le secteur bancaire

Rendement à partir du moment précédant immédiatement l’effondrement de SVB

Quatre grands indices boursiers

Graphique linéaire montrant l’évolution de quatre grands indices boursiers cette année du 8 au 29 mars : S&P 500, Hang Seng, STOXX Europe 600 et S&P/TSX (Canada). Chaque indice a reculé dès le début de la débâcle de SVB Financial, mais a rebondi par la suite. Quand ils ont atteint leurs creux, les indices S&P 500, Hang Seng, STOXX Europe 600 et S&P/TSX étaient en baisse de 3,4 %, 5,2 %, 5,4 % et 4,7 % respectivement. Chacun d’eux a ensuite entrepris une remontée. Depuis le 8 mars, les indices S&P 500 et Hang Seng ont gagné un peu de terrain, progressant dans l’ordre de 0,9 % et de 0,7 %. Les indices STOXX Europe 600 et S&P/TSX ont respectivement cédé 2,3 % et 2,5 %.

  • S&P 500
  • STOXX Europe 600
  • Hang Seng
  • S&P/TSX Canada

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg ; données pour la période du 8 mars 2023 au 29 mars 2023

Pourquoi les marchés n’ont-ils pas été secoués outre mesure par les tensions dans le système financier ?

Les autorités en place ont prouvé qu’elles avaient appris certaines leçons : les autorités financières américaines et européennes ont réagi beaucoup plus rapidement lors de l’effondrement de SVB et de Credit Suisse qu’au début de la crise financière mondiale. À l’époque, le secrétaire au Trésor, Hank Paulson, et le président de la Réserve fédérale (Fed), Ben Bernanke, étaient pour ainsi dire restés les bras croisés et avaient laissé Lehman Brothers faire faillite en 2007, ce qui devait déclencher une terrible réaction en chaîne à l’échelle mondiale.

Les autorités ont-elles agi à la perfection cette fois-ci ? Non. Nous avons déjà découvert certaines choses qu’elles auraient pu mieux faire. Nous devons cependant leur reconnaître le mérite d’avoir stoppé l’hémorragie. Fait important, leurs actions rapides démontrent qu’elles sont prêtes à intervenir de nouveau si d’autres institutions financières subissent les contrecoups de cette situation. Nous pensons que les gestes posés ont renforcé la confiance des déposants, des investisseurs et des marchés boursiers.

Seules les banques en difficulté, peu nombreuses d’ailleurs, semblent recourir aux programmes d’urgence de la Fed : les institutions financières américaines ont principalement accès à deux instruments de la Fed pour combler les manques de liquidités, soit l’escompte officiel et le nouveau programme de financement à terme bancaire (BTFP). Les fonds obtenus au moyen de l’escompte officiel ont monté en flèche au cours des deux semaines suivant la crise de SVB ; ils étaient même comparables à ceux observés durant la crise financière mondiale de 2008-2009. Les institutions ont également eu recours au BTFP, mais dans une moindre mesure que l’escompte officiel.

Qui plus est, RBC Marchés des Capitaux estime que la majorité des fonds obtenus par l’entremise de ces programmes ont servi à procurer des liquidités à deux des institutions en faillite (SVB et Silvergate Bank) et à aider la First Republic Bank, qui a reconnu éprouver des problèmes de liquidité. Selon nous, tout cela prouve que les problèmes qu’éprouve actuellement le système bancaire américain sont davantage propres à certaines entreprises que systémiques. Notre collègue du secteur des titres à revenu fixe a très bien su résumer la situation dans son article intitulé « Quelques banques en crise ne constituent pas une crise bancaire ».

La Fed semble prête à changer de cap : à notre avis, l’effondrement de SVB et la fuite consécutive des dépôts observée dans d’autres banques régionales ont transmis un message sans équivoque à la Fed : une position axée sur une trop forte hausse des taux n’est plus tenable parce que le système bancaire régional ne peut plus soutenir des hausses prohibitives sans un important soutien externe de la Fed elle-même.

Nous pensons donc que la hausse de taux de 25 points de base de la Fed la semaine dernière sera la dernière ou l’avant-dernière du présent cycle de relèvement, et ce, même si l’inflation est encore élevée. RBC Marchés des Capitaux prévoit une poursuite du recul de l’inflation au cours des prochains mois, non pas encore jusqu’à l’objectif de 2 % de la Fed, mais assez pour donner une certaine marge de manœuvre à la banque centrale.

Par le passé, dans les mois suivant l’interruption d’un cycle de hausse des taux de la Fed, le S&P 500 a généralement progressé. En outre, dans les mois suivant une première baisse de taux, le marché a souvent augmenté à un rythme supérieur à la moyenne.

La raison l’a emporté : la plupart des gestionnaires de fonds et des investisseurs individuels ont déjà traversé des périodes de volatilité, dont la liquidation extrême consécutive à la COVID-19 et la reprise rapide qui a suivi, sans compter l’importante liquidation durant la crise financière mondiale de 2008-2009, que les marchés ont surmontée en connaissant un redressement considérable pendant de nombreuses années subséquentes. Les investisseurs à long terme ont peut-être appris qu’il n’est habituellement pas souhaitable de réagir précipitamment aux tensions observées sur le marché et, à tout le moins, qu’il est souvent sage de temporiser jusqu’à ce que la situation se stabilise.

Comme toujours, soyez vigilants

La stabilisation des marchés boursiers ne signifie évidemment pas qu’il n’y aura plus de répercussions.

Pour évaluer les tensions dans le système bancaire, les participants au marché surveilleront de près les fonds obtenus au moyen de l’escompte officiel et du BTFP de la Fed. Les données pour une semaine complète seront publiées dans l’après-midi du 30 mars, et d’autres le seront aussi par la suite.

Les retraits de dépôts bancaires font également l’objet d’une étroite surveillance. Les données de la Fed indiquent que les retraits dans les petites banques ont atteint un niveau record au cours de la semaine se terminant le 15 mars. Toutefois, des nuances s’imposent. Les 25 plus grandes banques ont enregistré d’importants afflux de dépôts. De plus, des données démontrent que beaucoup de fonds sont passés de comptes d’épargne et de chèques traditionnels à des comptes du marché monétaire, qui procurent habituellement des taux de rendement plus élevés. Les données de la Fed sur les dépôts pour une semaine complète seront publiées le 31 mars, et d’autres seront aussi dévoilées dans les prochaines semaines.

À notre avis, le déplacement des dépôts bancaires traditionnels vers des comptes du marché monétaire est important. Il en ressort que les banques pourraient, à l’avenir, subir des pressions croissantes afin d’égaler les taux du marché monétaire ou d’inciter les grands déposants à utiliser les fonds du marché monétaire internes plutôt que de transférer leurs dépôts vers les fonds du marché monétaire des autres institutions financières. Par exemple, certaines grandes banques américaines viennent tout juste d’implanter de nouveaux instruments de marché monétaire internes à rendement élevé. En fin de compte, nous pensons que les banques n’ont pas intérêt à accorder des taux concurrentiels pour les dépôts. Cette éventualité est susceptible d’avoir de nombreuses conséquences qui pourraient notamment limiter la volonté ou la capacité des banques à prêter et nuire à leur rentabilité, en particulier pour les petites banques.

Les participants au marché resteront vraisemblablement sur leurs gardes jusqu’à ce qu’ils constatent une diminution considérable des sorties de dépôts dans les petites banques, ainsi qu’une baisse marquée du recours aux programmes d’urgence de la Fed relatifs aux liquidités. Nous pensons que cette évolution aura lieu au fil du temps.

Nous croyons également que les risques de récession sont plus élevés maintenant, compte tenu des défis constants liés aux taux d’intérêt avec lesquels doivent composer les banques et l’économie en général. Nous pensons que les normes de prêt des banques, qui faisaient déjà l’objet d’un resserrement avant l’effondrement de SVB, deviendront encore plus strictes. En temps normal, cette situation est un important signe avant-coureur d’une récession.

Même si l’économie connaît effectivement une récession – ce qui se produira selon nous –, il s’agira peut-être de la récession la plus anticipée de l’histoire moderne. Les analystes et les économistes, y compris nous-mêmes, discutent sans arrêt des risques de récession depuis des mois. Nous pensons qu’une récession a déjà été prise en compte, du moins en partie, dans le cours des actions. Cette anticipation est l’une des raisons du recul de 16,0 % du S&P 500 par rapport à son sommet historique du début de 2022 et de sa baisse encore plus marquée l’automne dernier.

À court terme, le marché boursier se concentrera probablement sur l’ampleur de l’incidence du resserrement du crédit sur les tendances économiques et les risques de récession, et sur la période de publication des résultats du premier trimestre, qui commencera vraiment à la mi-avril.

Nous continuons de recommander une pondération neutre des actions américaines, cherchant ainsi à établir un équilibre entre l’intensification des risques économiques et de volatilité, d’une part, et ce qui est déjà pris en compte dans le marché à notre avis, d’autre part.


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