On dit souvent que les marchés « escaladent un mur d’inquiétudes ». Si c’est le cas, il semble que nous ne sommes pas au bout de nos peines. Nous nous attendons à ce que les principaux marchés boursiers atteignent de nouveaux sommets au cours des prochains mois, mais il existe des réserves et nous recommandons une approche prudente et vigilante.
18 juin 2025
Jim Allworth Stratégiste, PortefeuillesRBC Dominion valeurs mobilières
La première moitié de 2025 est en grande partie derrière nous. Voici notre regard sur les attentes liées aux marchés boursiers pour le reste de l’année et pour 2026.
Au fil du temps, la valeur des sociétés évolue avec leurs bénéfices, qui sont en grande partie déterminés par l’orientation et l’ampleur de la croissance du PIB. D’un point de vue négatif, les replis importants des marchés boursiers se produisent habituellement autour des périodes où les bénéfices des sociétés stagnent ou reculent purement et simplement.
Les pires et les plus longs replis pour tous les principaux marchés du monde ont été associés aux récessions aux États-Unis, ce qui nous amène à nous poser la question suivante : Une récession aux États-Unis est-elle susceptible de survenir au cours des 18 prochains mois?
Il y a quelques mois à peine, les consommateurs, les entreprises et les investisseurs sondés, profondément pessimistes, ont répondu par l’affirmative à cette question. Selon le point de vue majoritaire à ce moment, les États-Unis allaient plonger en récession dans la seconde moitié de cette année ou au début de l’an prochain, au plus tard. Ce creux extrême de la confiance des investisseurs a coïncidé avec un creux effrayant pour les cours boursiers : l’indice S&P 500, pour sa part, a chuté de près de 19 % en seulement six semaines, après quoi il s’est largement redressé, mais pas complètement.
Il en va de même pour les indices MSCI du Royaume-Uni et de l’Europe, ainsi que pour le TOPIX du Japon. Étonnamment, l’indice S&P/TSX du Canada, après avoir reculé d’un peu moins de 15 %, a atteint un nouveau sommet historique, ce qui en fait le seul indice important à en avoir atteint un jusqu’à présent. Fait d’autant plus remarquable que le secteur de l’énergie, poids lourd comptant pour environ 20 % de l’indice TSX, a souffert de la baisse des prix du pétrole et du gaz naturel pendant la majeure partie de cette période. En outre, étant le plus important partenaire commercial des États-Unis, l’économie canadienne est aux prises avec une incertitude commerciale et tarifaire massive.
Par ailleurs, les résultats des sondages sur la confiance mentionnés ci-dessus se sont tous quelque peu améliorés, mais, dans l’ensemble, ils sont pessimistes. C’est-à-dire qu’ils sont loin de l’optimisme excessif souvent annonciateur de problèmes pour les marchés boursiers. Il est également vrai que les sondages doivent être interprétés avec soin. Dans ce cas, malgré le pessimisme extrême des consommateurs et des chefs de la direction des sociétés, les dépenses des ménages et des entreprises sont demeurées résilientes.
Fait important, selon nous, l’« ampleur du marché », ou le soi-disant indicateur hausse-baisse pour l’indice S&P 500, a récemment établi un nouveau sommet historique, ce qui donne à penser que l’indice emboîtera bientôt le pas.
Compte tenu de ces données sur l’ampleur, nous croyons que les principaux indices boursiers mondiaux disposent d’une marge de progression pour un certain temps, mais il y a des réserves.
Les données négatives sur le PIB au premier trimestre nous rappellent qu’une importante incertitude demeure quant à l’incidence potentielle des tarifs douaniers sur l’économie américaine et sur tous ses partenaires commerciaux. La réticence de la plupart des sociétés à fournir des prévisions le montre bien. Nous croyons qu’une autre embellie durable des marchés boursiers nécessite un catalyseur qui ouvre une voie plausible à une croissance soutenue sans récession.
Le plus bienvenu serait un accord commercial entre les États-Unis et l’un de ses importants partenaires commerciaux – l’UE, la Chine, le Canada et le Mexique représentent environ 60 % des importations américaines. Jusqu’ici, aucun accord de ce genre n’a été conclu. Comme les tarifs douaniers suspendus devraient prendre effet dans le prochain mois, l’incidence sur l’inflation et la politique de la Réserve fédérale pourrait se faire sentir dans la seconde moitié de l’année. À l’heure actuelle, la banque centrale américaine semble hésiter à réduire les taux en amont d’un choc des prix qu’elle prévoit. Il en va de même pour les décideurs des autres banques centrales.
Les prévisions consensuelles de bénéfices pour l’indice S&P 500 demeurent sans réserve optimistes. Cette année, elles devraient s’établir à 265 $ par action de l’indice, en hausse de 7,5 %, et l’on s’attend à ce que l’an prochain, ce chiffre bondisse de 13 % pour s’établir à 300 $. Les investisseurs semblent avoir accepté ces estimations sans réserve : aujourd’hui, l’indice se négocie à 22,8 fois les prévisions de bénéfices de cette année et à 20,1 fois celles de l’an prochain. (Au moment du sommet de février du marché, qui devrait selon nous être bientôt franchi, les ratios de valorisation avaient grimpé à 23,2 fois et à 20,5 fois, respectivement.)
Lori Calvasina, chef, Stratégie sur actions américaines de RBC Capital Markets, LLC, souligne qu’il y a habituellement une certaine érosion des prévisions consensuelles au cours de l’année visée. En tenant compte de ce facteur et des prévisions de la société à l’égard d’une croissance terne du PIB, son estimation pour 2025 est plus modérée que la prévision consensuelle de 258 $. Si l’on applique un « facteur d’érosion » moyen à partir de maintenant, les bénéfices de 2026 pourraient avoisiner 273 $ l’action, ce qui représente tout de même une hausse respectable de 6 %. Selon ces estimations « érodées », les ratios cours-bénéfice (C/B) de l’indice S&P 500 à son récent sommet historique s’établissent à 23,8 fois et à 22,5 fois, respectivement.
Il convient de noter ici que les indices généraux du Canada, du Japon, de l’Europe et du Royaume-Uni se situent à des ratios beaucoup moins exigeants, soit entre 15 et 19 fois pour les trois premiers pays et seulement 13 fois pour le Royaume-Uni. L’écart du ratio C/B des quatre pays par rapport aux États-Unis se rétrécirait dans une certaine mesure si l’on tenait compte des différences de pondération sectorielle; le marché américain a une exposition beaucoup plus élevée au secteur des technologies dont le ratio C/B est élevé et beaucoup plus faible aux matières et à la finance, dont le ratio C/B est faible. Les écarts de valorisation qui subsistent sont largement attribuables à la prédominance des titres de croissance à mégacapitalisation, comme ceux des sept merveilles (Alphabet, Amazon, Apple, Meta Platforms, Microsoft, NVIDIA et Tesla), que l’on trouve dans l’indice S&P 500.
Les marchés, même ceux affichant un ratio C/B élevé, peuvent résister à certaines déceptions à court terme en matière de bénéfices, comme celles qui pourraient survenir dans la foulée de l’imposition complète de tarifs (et de tarifs de représailles) au deuxième semestre, à condition que les investisseurs demeurent confiants à l’égard d’une reprise complète en 2026. Toutefois, à notre avis, « résister » ne signifie pas « ignorer ». Un deuxième semestre cahoteux pour les bénéfices, s’il devait se produire, pourrait gruger périodiquement la confiance des investisseurs et produire des épisodes de volatilité à la baisse en cours de route. De plus, même si les prévisions d’une récession aux États-Unis en 2026, point de vue qui prévalait il y a deux mois, se sont largement dissipées, elles pourraient revenir sur la table tout aussi rapidement.
Au début de l’année, nous avons fait valoir que des catalyseurs étaient nécessaires pour rendre plausible une embellie soutenue des marchés boursiers. À notre avis, le plus important était des percées sur le plan commercial, et c’est toujours le cas. Toutefois, nous estimions toutefois qu’une trêve en Ukraine serait utile. Malheureusement, le conflit entre l’Ukraine et la Russie s’est intensifié dans l’intervalle, ce qui a fait fondre la probabilité de négociation d’un cessez-le-feu ou d’un règlement pacifique. Or, une relation déjà très tendue entre Israël et l’Iran menace de mener à une guerre pure et simple, et peut-être d’écarter en cours de route toute entente nucléaire entre les États-Unis et l’Iran. De plus, l’affrontement entre les puissances nucléaires l’Inde et le Pakistan, jusqu’à récemment très vif, perdure sans accaparer autant d’attention.
On dit souvent que les marchés « escaladent un mur d’inquiétudes ». Si c’est le cas, il semble que nous ne sommes pas au bout de nos peines. Mais il ne faut pas oublier que les marchés boursiers ne sont pas des oracles infaillibles qui prédisent correctement l’avenir. Ils représentent plutôt l’opinion collective des investisseurs sur ce qui les attend. Ces investisseurs bien humains peuvent changer d’avis et le font effectivement, souvent abruptement. De nombreuses raisons pourraient entraîner exactement ce genre de comportement au cours des prochains trimestres.
Nous nous attendons à ce que les principaux marchés boursiers atteignent de nouveaux sommets au cours des prochains mois. Mais nous croyons aussi qu’il faut penser au-delà de l’adage « la tendance est votre alliée ». Il est d’autant plus difficile de prendre de bonnes décisions de placement sous la pression de manquer quelque chose ou de la peur tout simplement.
Nous recommandons une approche prudente et vigilante.
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