Après avoir surpassé les attentes prudentes dans la première moitié de l’année, l’économie mondiale pourrait faire face à de nouveaux défis découlant de l’incertitude entourant la politique commerciale et de l’inflation au cours des prochains mois.
3 septembre 2025
Par Joseph Wu, CFA
Malgré toutes les perturbations causées par la politique commerciale des États‑Unis, l’économie mondiale s’est jusqu’ici révélée plus robuste que prévu. La croissance a ralenti, mais l’on a évité la récession que de nombreux économistes prévoyaient après la salve tarifaire du « jour de la libération » de l’administration Trump en avril. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette résilience.
La croissance de 3,3 % du PIB supérieure à la tendance en 2024 a permis à l’économie mondiale de bien se comporter au début de l’année, ce qui a contribué à atténuer les chocs commerciaux subséquents. Au début de 2025, les entreprises et les consommateurs ont en grand nombre devancé leurs achats en prévision de la hausse des tarifs douaniers, ce qui a temporairement fait grimper la production et les volumes d’échanges. Les dépenses gouvernementales ciblées dans plusieurs grandes économies ont apporté une certaine stabilité, tandis que la flambée des dépenses liées à l’IA menée par les États-Unis a renforcé la demande. La croissance soutenue des salaires a également aidé les ménages à résister à l’incertitude économique dans la première moitié de l’année.
Toutefois, la deuxième moitié de 2025 pourrait poser des pièges à l’économie. À mesure que les États-Unis concluront les négociations avec leurs partenaires commerciaux et que les taux tarifaires se stabiliseront à des niveaux plus élevés, l’effet favorable lié au devancement des achats devrait s’estomper. Le ralentissement prévu des importations aux États-Unis au cours des prochains mois, comme en témoignent les prévisions consensuelles de Bloomberg, pourrait freiner la croissance dans le reste du monde. Par ailleurs, l’inflation accrue pourrait éroder le pouvoir d’achat des ménages américains et réduire leur consommation, tandis que les sociétés, qui se méfient toujours de l’imprévisibilité politique et sont aux prises avec des conditions de demande nébuleuses, pourraient reporter les investissements jusqu’à ce que la visibilité s’améliore.
Toutefois, quelques raisons expliquent un optimisme prudent, selon nous. À mesure que la politique commerciale des États-Unis deviendra plus claire, que les gouvernements déploieront des paquets d’aide ciblés et que les chaînes d’approvisionnement s’adapteront, nous nous attendons à une modeste reprise en 2026 (voir le graphique). Néanmoins, nous croyons que la fourchette des résultats possibles demeure exceptionnellement large, car ces facteurs atténuants s’atténueront, mais ne compenseront pas entièrement l’effet du ralentissement induit par les tarifs douaniers plus élevés des États-Unis.
Le graphique à colonnes montre la croissance annualisée par rapport au trimestre précédent du PIB du monde, des États-Unis, du Canada et de la zone euro dans la première moitié de 2025 et les estimations trimestrielles pour la deuxième moitié de 2025 et la première moitié de 2026.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg (prévisions consensuelles pour les États-Unis, le Canada et la zone euro), correspondants nationaux de recherche (prévisions mondiales); données jusqu’au 21 août 2025.
Les perspectives à l’égard de la politique monétaire sont assombries par l’incertitude persistante entourant la croissance et l’inflation, mais le portrait d’ensemble donne à penser que les grandes banques centrales pencheront probablement vers un assouplissement de leur politique monétaire, les modèles de Bloomberg indiquant que les taux directeurs devraient baisser au cours des six à douze prochains mois.
L’ampleur des réductions de taux varie d’un pays à l’autre, mais il convient de noter que plusieurs grandes banques centrales ont déjà réduit leurs taux cette année (voir le graphique à la page suivante), à la fois pour atténuer les effets délétères des frictions commerciales sur la croissance et parce que l’inflation intérieure s’est stabilisée près des niveaux cibles. Comme la demande mondiale devrait encore diminuer à court terme, nous sommes d’avis que la préférence pour le soutien monétaire devrait persister.
La situation aux États-Unis est plus compliquée. L’inflation demeure supérieure à la cible de 2 % de la Réserve fédérale et, comme certains indicateurs donnent à penser que les pressions sur les prix pourraient s’intensifier de nouveau, tout changement de cap vers une baisse de taux sera probablement un exercice d’équilibre prudent. Après la publication de données décevantes sur l’emploi en juillet et les importantes révisions à la baisse des données des deux mois précédents, les marchés ont devancé à septembre leurs prévisions d’une baisse de taux aux États-Unis. Néanmoins, le fragile équilibre entre le retour de l’inflation à sa fourchette cible et le soutien de la croissance souligne à quel point les attentes à l’égard du taux directeur sont devenues tributaires des données.
Bien que la plupart des banques centrales à l’extérieur des États-Unis semblent enclines à réduire davantage leur taux directeur si les conditions le justifient, la Fed semble relativement plus limitée dans un contexte de pressions inflationnistes plus prononcées. Comme les marchés obligataires mondiaux intègrent déjà une série de baisses de taux au cours des 12 prochains mois, nous croyons que la trajectoire des taux obligataires dépend maintenant de si ces réductions se matérialisent conformément aux attentes.
Le graphique à colonnes montre les taux directeurs de la Réserve fédérale américaine, de la Banque du Canada, de la Banque centrale européenne et de la Banque d’Angleterre en décembre 2024 et en août 2025, ainsi qu’une projection fondée sur les swaps indexés sur le taux à un jour pour août 2026 au 21 août 2025.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg; données jusqu’au 21 août 2025; taux directeur prévu provenant des modèles de taux d’intérêt de Bloomberg dérivés des swaps indexés sur le taux à un jour.
Jusqu’à présent, les marchés boursiers et des obligations de sociétés ont absorbé avec un sang-froid remarquable les chocs générés par les changements radicaux de la politique commerciale des États-Unis. Le rebond rapide par rapport aux ventes massives d’avril reflète deux changements importants dans la façon dont les investisseurs perçoivent la volatilité politique.
Le premier est le scepticisme croissant à l’égard de la mise en œuvre des tarifs aux États-Unis. Les marchés, qui ont observé à maintes reprises l’administration Trump retirer ses menaces tarifaires les plus répressives depuis avril, traitent de plus en plus ces annonces comme des manœuvres et réagissent donc de façon plus ordonnée.
Le deuxième est l’adaptabilité des sociétés, car elles semblent mieux en mesure de composer avec les perturbations de la chaîne d’approvisionnement que ce que l’on craignait initialement. Il est vrai que le fardeau est inégalement réparti parmi les secteurs, mais l’incidence globale semble plus gérable que ne le laissaient entrevoir les pires scénarios. À cet égard, les tarifs douaniers ne sont pas différents des autres incertitudes auxquelles les sociétés doivent s’adapter – et celles-ci se sont montrées capables de composer avec l’évolution des conditions d’exploitation au fil du temps.
Bien que les marchés soient souvent ébranlés par les manchettes politiques et économiques, les paramètres fondamentaux des sociétés tendent à être plus importants à long terme. Les événements macroéconomiques sont d’autant plus pertinents qu’ils sont perçus comme ayant une incidence sur la rentabilité. Après avoir stagné en avril et en mai, les prévisions de bénéfices se sont stabilisées et ont repris une tendance à la hausse (voir le graphique à la page suivante). Les prévisions consensuelles laissent maintenant entrevoir une croissance des bénéfices à l’échelle mondiale d’environ 9 % cette année et de 11 % en 2026, des perspectives qui procurent aux marchés une robuste fondation, ce qui permet aux investisseurs de faire abstraction des turbulences liées à la politique commerciale.
Le graphique linéaire compare les estimations du bénéfice par action prévisionnel sur 12 mois pour l’indice S&P 500, l’indice MSCI Monde tous pays et l’indice MSCI Monde tous pays hors États-Unis du 1er janvier au 21 août 2025. Les estimations sont indexées à 100 le 1er janvier 2025. Dans l’ensemble, les trois estimations ont augmenté. L’estimation de l’indice S&P 500 a diminué au printemps 2025, et celle de l’indice MSCI Monde tous pays a reculé à l’été 2025, mais ces trois indices ont repris une trajectoire haussière.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, prévisions consensuelles de Bloomberg, données jusqu’au 21 août 2025.
Les marchés financiers ont réussi à surmonter les nombreuses manchettes négatives en 2025, ce qui a déconcerté les pessimistes. Cette situation s’explique en grande partie par le fait que la réalité a dépassé les attentes, ce qui a aidé les marchés à franchir le proverbial mur d’inquiétudes.
Les craintes d’une récession qui ont prévalu dans la foulée des salves tarifaires des États-Unis en avril ont été suivies d’une résilience relative. Les frictions commerciales ont incontestablement érodé la croissance des grandes économies. Toutefois, les décideurs se sont attaqués aux freins en déployant des paquets d’aide monétaire et budgétaire, ce qui a contribué à faire en sorte que la croissance, bien qu’elle a ralenti, ne se transforme pas en contraction.
Les sociétés aussi se sont montrées adaptables aux pressions de la chaîne d’approvisionnement, comme en témoignent les bénéfices stables. Même s’il pourrait y avoir une certaine complaisance à l’égard des répercussions commerciales, qui persistent, les perspectives à l’égard des bénéfices demeurent optimistes, selon nous.
Toutefois, après une forte remontée depuis avril, les valorisations des actifs semblent maintenant refléter un haut niveau d’optimisme. L’indice MSCI Monde tous pays se négocie maintenant à 19,1 fois les prévisions de bénéfices sur 12 mois (voir le graphique), en hausse par rapport à 15,6 fois au pire de la correction au début d’avril et nettement au-dessus de la moyenne sur 10 ans de 16,5 fois. Par ailleurs, le rendement offert par les obligations de sociétés en contrepartie des risques de crédit est tombé à des niveaux historiquement médiocres.
The line chart shows the forward price-to-earnings ratio of the MSCI All Country World Index from 2015 through August 21, 2025, along with the average over that period of 16.4x. The index has been above its average valuation since the beginning of 2024, except for a brief drop in early April.
Sources : RBC Gestion de patrimoine et Bloomberg; données jusqu’au 21 août 2025.
Tant que le cycle économique demeure intact, les bénéfices devraient continuer d’augmenter et de soutenir les prix des actifs. Toutefois, comme les valorisations laissent peu de marge de manœuvre en cas de déception, les investisseurs devraient se préparer à des épisodes de volatilité occasionnels. Dans ce contexte, sur le plan du positionnement du portefeuille, nous sommes d’avis qu’il est raisonnable de privilégier la qualité et de maintenir une vaste diversification à l’échelle des régions et des secteurs.
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