Par Jim Allworth
Aux États-Unis, les récessions ont toujours été associées à des marchés baissiers, non seulement pour les marchés boursiers américains, mais aussi pour les marchés canadiens et ceux d’autres économies développées. Il convient toutefois de souligner que les États-Unis ne sont pas encore en récession. Pour le juge officiel des récessions, le National Bureau of Economic Research (NBER), il faut un « déclin notable de l’activité qui se propage dans tous les pans de l’économie et qui dure plus de quelques mois » Si on ne constate pas de tel déclin pour l’instant, plusieurs éléments laissent entrevoir une récession en 2023.
1. L’histoire nous le dit. L’indicateur de récession avancé qui s’est révélé le plus fiable dans le passé, c’est-à-dire le niveau des taux d’intérêt à court terme par rapport aux taux à long terme, ou ce qu’on appelle la forme de la courbe de rendement, a signalé en juillet qu’une récession se profilait à l’horizon aux États-Unis, quand le taux des obligations du Trésor à un an a dépassé le taux des obligations à dix ans. Chaque fois qu’une telle « inversion » s’est produite dans le passé, une récession a eu lieu en moyenne un an plus tard.
L’indice économique avancé du Conference Board, dont le pouvoir prédictif s’est aussi toujours vérifié, est tombé en deçà du niveau où il se trouvait en septembre de l’année dernière. Une récession a toujours suivi un tel signal, en moyenne deux ou trois trimestres plus tard.
La plupart des autres indicateurs avancés de récession que nous suivons sont encore en territoire positif, mais ils s’orientent vers le point annonçant un recul de l’économie américaine au cours des prochains mois.
2. Les conditions financières sont tendues. À deux exceptions près (le repli survenu après la Deuxième Guerre mondiale et la récession de deux mois liée à la pandémie en 2020), les récessions aux États-Unis ont toujours été précédées par l’émergence de conditions financières tendues, caractérisées par des taux d’intérêt très élevés et la réticence croissante des banques à prêter.
L’inversion de la courbe de rendement en juillet, mentionnée ci-dessus, indiquait que les conditions de crédit commenceraient à devenir restrictives. Effectivement, les taux d’intérêt sont devenus prohibitifs pour bien des emprunteurs en raison du resserrement accéléré entrepris par les banques centrales, dont la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque du Canada.
En outre, il est de plus en plus difficile d’obtenir des prêts. Selon les trois dernières enquêtes menées auprès des responsables du crédit (que la Fed publie tous les trois mois), un nombre grandissant de banques américaines se montrent plus sélectives quant à l’octroi de prêts.
3. Les dépenses de consommation diminuent. La trajectoire des dépenses de consommation aux États-Unis, qui génèrent environ 70 % du PIB, revêt une importance capitale. Certes, l’épargne demeure excédentaire et les salaires augmentent. Cependant, la poussée d’inflation a fait baisser les revenus réels en deçà de ce qu’ils étaient il y a un an. Les dépenses personnelles réelles ont néanmoins continué d’augmenter, bien qu’elles semblent avoir perdu de leur force pendant l’importante période des Fêtes.
Une bonne partie de la future demande de biens a été repoussée en 2020 et 2021, étant donné que les fermetures liées à la pandémie ont rendu inaccessibles un grand nombre de services, tandis que les revenus des consommateurs sont restés robustes grâce aux programmes d’aide du gouvernement, dont la plupart ont maintenant pris fin. Une part non négligeable de la demande accumulée pour les services comme les voyages et les sorties au restaurant a été comblée en 2022. Les dépenses consacrées à ces services devraient toutefois ralentir en 2023.
Taux d’intérêt : nous prévoyons que 2023 sera une année de transition : les taux devraient augmenter encore un peu au premier semestre avant de régresser au deuxième.
Au cours des 70 dernières années, la Fed a généralement cessé de relever les taux d’intérêt et commencé à les réduire avant même le début de la récession. Compte tenu des préoccupations actuelles entourant l’inflation, tant la Fed que la Banque du Canada ont insisté sur les dangers d’un abaissement trop rapide des taux. Toutefois, il nous paraît peu probable que les taux diminuent avant que les données économiques se détériorent de façon notable, fort probablement vers le milieu de l’année.
Marchés boursiers : les récessions aux États-Unis s’accompagnent généralement de marchés baissiers à l’échelle mondiale. Depuis neuf mois, les commentaires des médias tiennent pour acquis que le marché baissier a déjà commencé. Ce n’est pas forcément le cas. Cependant, peu importe la direction que prendra le marché boursier au cours des prochains trimestres, il est peu probable, selon nous, qu’il évolue en ligne droite.
Quelques semaines avant les élections de mi-mandat aux États-Unis, la plupart des grands marchés boursiers ont amorcé un redressement qui semblait plus ferme que toute autre hausse à contre-courant observée en 2022.
Jusqu’à présent, presque tout le monde a qualifié cette reprise de simple rebond momentané dans un marché baissier. Il peut effectivement ne s’agir que de cela. Cependant, plusieurs facteurs nous portent à croire que la remontée actuelle pourrait continuer au début de 2023. Parmi ces facteurs, citons le repli de l’inflation, qui pourrait inciter la Fed à mettre fin aux hausses de taux, et le fait que l’indice S&P 500 a presque toujours produit de solides rendements au cours des mois qui ont suivi les élections de mi-mandat aux États-Unis.
Il reste à voir si toute remontée des actions qui se produira sera plus qu’un simple interlude haussier dans un marché présentant une tendance baissière prolongée.
Cela dit, nos indicateurs avancés les plus fiables annoncent l’arrivée d’une récession vers le milieu de l’année. Toutes les récessions aux États-Unis ont été associées à une chute des actions (non seulement sur les marchés américains, mais aussi dans tous les autres marchés boursiers importants). Par conséquent, nous nous attendons à ce que tout raffermissement des cours survenant au cours des prochaines semaines ou des prochains mois finisse par céder le pas à une autre période de déclin, compte tenu de la baisse des prévisions de bénéfices et de l’érosion de la confiance en l’avenir qui accompagnent habituellement une récession.
L’adoption d’un point de vue à long terme révèle que l’économie et les entreprises s’adaptent constamment à l’évolution des conditions. Cette adaptation est parfois difficile. Mais bien que les récessions soient pénibles, elles sont généralement très brèves. Au cours des 77 années depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’économie a été en récession pendant une période totalisant 12 ans, soit environ 15 % du temps.
D’après nous, la prise de décisions importantes de répartition de l’actif fondées sur l’hypothèse voulant que l’économie et des entreprises prospères aient du mal à s’adapter ou que les périodes difficiles durent plus longtemps que par le passé semble exagérée selon les données historiques.
En revanche, il nous semble approprié, à l’approche de 2023, de miser sur une stratégie qui met plus l’accent sur la qualité et les dividendes durables et d’éviter les risques propres à certaines sociétés qui pourraient se concrétiser en cas de récession.
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Stratégiste, Portefeuilles RBC Dominion valeurs mobilières
M. Allworth a conçu la politique de placement de RBC DVM et copréside le Comité des Services-conseils en gestion mondiale de portefeuille.
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