Une exposition hors du commun présentée au Qaumajuq a renforcé l’identité autochtone et célèbre l’art inuit.
Heather Igloliorte a été transportée de joie quand elle a aperçu pour la première fois le sac à main en peau de caribou. Fabriqué par sa grand-mère Suzannah, l’objet orné de perles fait partie de l’exposition inaugurale INUA, au pavillon d’art inuit Qaumajuq du Musée des beaux-arts de Winnipeg (WAG).
« J’ai fondu en larmes quand je l’ai vu pour la première fois, il est magnifique », a dit Mme Igloliorte, une universitaire inuite qui souligne que sa grand-mère se faisait appeler Susie.
Signifiant « c’est brillant, c’est lumineux » en inuktitut, Qaumajuq (se prononce kow-may-yourq) est un magnifique bâtiment de 3 700 mètres carrés (40 000 pi²) qui illumine le centre-ville de Winnipeg et qui est consacré à l’art, à la culture et aux traditions autochtones.
C’est grâce à X (anciennement Twitter) que Mme Igloliorte a retrouvé le sac à main de sa grand-mère ; un inconnu lui a écrit pour l’informer que sa grand-mère, Grace Arnold, avait reçu le sac à main en cadeau des mains de Susie un demi-siècle auparavant alors que les deux femmes étaient ensemble à l’hôpital.
Étant l’une des quatre conservatrices inuites de l’exposition INUA , qui a fermé ses portes en 2023, Mme Igloliorte a pu réserver au sac à main de Susie – un splendide exemple de perlage traditionnel – l’éclairage qu’il mérite. L’objet s’inscrit bien dans le thème intergénérationnel de l’exposition INUA. « C’est ce qui ressort dans toutes les œuvres : un respect pour nos origines, et une réflexion sur notre projet collectif et sur notre relation avec nos ancêtres et nos descendants », explique Mme Igloliorte. Le thème est incorporé dans le nom de l’exposition ; en effet, INUA, qui signifie « force de vie » en inuktitut, est également l’acronyme de Inuit Nunangat Ungammuaktut Atautikkut (les Inuits vont de l’avant ensemble).
Mme Igloliorte, titulaire de la chaire d’excellence en recherche du Canada sur les pratiques artistiques autochtones décoloniales et transformatrices à l’université de Victoria (Colombie-Britannique) et ses co-conservatrices (Krista Ulujuk Zawadski, Asinnajaq et Kablusiak) ont commencé à préparer l’exposition INUA il y a plusieurs années.
Elles ont rassemblé environ 100 œuvres provenant de 91 artistes inuits originaires de l’Inuit Nunangat et d’autres région circumpolaire, dont l’Alaska, le Groenland et les territoires urbains plus au sud. Parmi ces artistes figuraient le peintre Bronson Jacque (Nunatsiavummiut) et la créatrice de mode Martha Kyak (Nunavut).
Bien que l’exposition contienne des sculptures sur pierre plus traditionnelles, l’ampleur et la diversité des médias employés – du textile au son en passant par la vidéo et la photographie par drone – ont permis d’élargir la représentation de l’art inuit dans les galeries et les musées.
« Les œuvres mettent l’accent sur l’innovation, mais elles s’inscrivent dans une longue tradition de pratiques autochtones, explique Mme Igloliorte. Les Inuits ont toujours été des artistes. Il ne s’agit pas d’une pratique née dans les années 1950. L’art inuit existe depuis toujours. Les artistes inscrivent leur travail dans une longue tradition de créativité et de débrouillardise, transformant la matière qui leur est accessible. Il était important pour nous, à titre de conservatrices, de montrer l’art inuit dans toute sa diversité, sans nous limiter à un médium ou à un matériau particulier. »
« L’art est également essentiel pour raconter l’histoire des Inuits, précise Stephen Borys, directeur général du WAG. Leur territoire, leurs migrations, les pensionnats, la perte de ressources minérales naturelles, les enjeux de souveraineté, le changement climatique ; toutes ces histoires sont racontées par l’art. Le pavillon Qaumajuq est un moyen d’approfondir notre compréhension du Nord. »
RBC a commencé à soutenir le pavillon Qaumajuq en 2016 par un don de 500 000 $ de la RBC Foundation . Poursuivant son engagement envers la réconciliation, les artistes émergents et l’éducation, RBC a également commandité la série WAGxRBC, présentée aux quinzaines, qui permet de mettre en lien les visiteurs avec les artistes et les conservatrices au moyen de rencontres virtuelles, de tables rondes, de récits, d’ateliers artistiques, etc.
Aujourd’hui, le pavillon Qaumajuq présente l’aboutissement de 10 ans de réflexion sur la présentation de l’art inuit au musée. Cette réflexion s’est réellement amorcée lors d’événements nationaux importants, dont les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Le « chemin tracé » du WAG a été orienté par son cercle consultatif autochtone (Indigenous Advisory Circle), coprésidé par Heather Igloliorte et l’universitaire métis Julie Nagam, et par la relation du musée avec des partenaires comme RBC.
« De notre côté, ce fut vraiment un pas important dans la décolonisation du WAG, dit M. Borys. Puisque le musée possède la plus grande collection d’art inuit au monde et qu’il a présenté 200 expositions et publié 60 livres, on pourrait penser qu’il fait autorité. Mais en fait, la majorité de ce que nous avons fait auparavant l’a été à travers un prisme non autochtone. »
Stephen Borys affirme que le WAG appartient à tout le monde « et en particulier aux Autochtones qui passent depuis longtemps devant le musée sans s’y arrêter, ayant l’impression de ne pas y être à leur place ou les bienvenus ».
« Le pavillon Quamajug a changé notre vision du musée ; il a changé notre perception de ce que doit être un musée pour sa collectivité, ajoute-t-il. Il est possible de se transformer et de s’engager de façon significative dans la réconciliation. »
Cet article a été adapté du rapport annuel « Un chemin tracé » qui met en valeur les réussites des Autochtones et affirme l’engagement de RBC envers la collectivité autochtone. Lire le rapport 2024 .