Journée internationale des femmes 2019 : Un plan d’affaires pour sauver des vies

Femmes et santé
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Jessica Oblak, au centre, met actuellement à l’essai son dernier modèle d’uniforme médical fait à partir d’un tissu comportant de fines particules de cuivre.

Infirmière autorisée spécialisée en soins intensifs, Jessica Oblak est tombée un jour par hasard sur des vêtements techniques de sport comportant des nanoparticules de cuivre, qui ont des propriétés déodorantes et antibactériennes. Cette découverte a fait naître en elle une idée qui l’a amenée à s’engager dans une démarche d’entrepreneure pour contribuer à sauver des vies.

Dans sa pratique, Mme Oblak a été témoin des effets dévastateurs, et parfois mortels, que les infections contractées en milieu hospitalier peuvent avoir sur les patients. C’est ce qui l’a amenée à lancer en 2017 Copper Medical , une entreprise qui fabrique, à l’intention du personnel hospitalier, une gamme de vêtements dont le tissu comporte de fines particules de cuivre qui ont comme propriété de tuer les microorganismes pathogènes et d’en diminuer la transmission.

« Très jeune, je savais déjà que ce que je voulais faire, c’était aider les gens, dit Mme Oblak, qui a obtenu en 2015 un diplôme en sciences infirmières de l’Université métropolitaine de Toronto, située à Toronto. Je suis donc devenue infirmière. Et dans une large mesure, je crois que c’est ainsi que j’ai développé la passion qui m’a amenée à lancer cette entreprise.

« Travailler dans un hôpital nous rappelle constamment que la vie est courte et qu’il est important de se laisser guider par ses rêves », ajoute Mme Oblak, qui s’est classée parmi les trois finalistes du programme Pitch for the Purse du Forum for Women Entrepreneurs, ce qui lui a donné l’occasion de présenter son plan d’affaires devant plus de 600 personnes réunies lors d’un gala. 

Les infections contractées en milieu hospitalier sont un problème de santé coûteux à l’échelle mondiale. Selon l’Organisation mondiale de la santé , ce problème touche chaque année des centaines de millions de patients et est une cause importante de mortalité.

Transmis par contact physique, la majorité des microorganismes pathogènes courants qui causent des infections dans les hôpitaux sont également résistants aux antibiotiques et peuvent survivre pendant des semaines ou des mois sur des surfaces comme l’acier inoxydable et le plastique. Étant donné l’état déjà affaibli de son système immunitaire, un patient qui contracte une infection à l’hôpital peut devoir demeurer hospitalisé beaucoup plus longtemps. L’infection peut même entraîner de graves complications qui dureront toute la vie ou provoquer le décès du patient.

Malgré les efforts accrus déployés durant la dernière décennie afin de limiter les infections de ce type, les gens qui travaillent dans le secteur des soins de santé estiment qu’il faut faire davantage. Au Canada, selon l’Agence de la santé publique , sur les 200 000 cas d’infections contractées chaque année dans des établissements de soins de santé, 8 000 entraînent le décès. Le traitement des infections de ce type coûte chaque année plus d’un milliard de dollars aux Canadiens.

On connaît depuis longtemps les propriétés antibactériennes du cuivre, et plus de 500 substances comportant des alliages de cuivre, comme le bronze et le laiton, sont reconnues comme des produits antimicrobiens par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA). Cependant, à l’échelle mondiale, seul un nombre très limité, bien que croissant, d’hôpitaux utilisent dans leurs salles des matériaux à base de cuivre et explorent leur efficacité dans la lutte contre la transmission des infections contractées en milieu hospitalier.

Mme Oblak a décidé de se concentrer sur les vêtements médicaux – un secteur représentant en Amérique du Nord 10 milliards de dollars US – parce que ce secteur semble financièrement le plus propice à une action, mais aussi pour une autre raison plus importante encore : personne d’autre n’avait entrepris d’initiative en ce sens.

Les médecins, les infirmières et d’autres membres du personnel hospitalier entrent quotidiennement en contact avec du sang et d’autres fluides corporels, dit Mme Oblak, de sorte que leurs vêtements deviennent un réservoir potentiel de microorganismes. Souvent, les employés apportent leurs vêtements médicaux chez eux afin de les laver. Cependant, il peut être difficile, à la maison, de laver ces vêtements dans de l’eau à 71 °C, la température recommandée par les CDC (Centers for Disease Control and Prevention) des États-Unis pour tuer les bactéries.

En tant qu’infirmière n’ayant pas d’expérience dans les affaires ni dans le secteur du textile, Mme Oblak a dû surmonter de nombreuses difficultés. Il lui a notamment fallu trouver le tissu nécessaire et apprendre à gérer une entreprise. Elle s’est inscrite à des cours de l’Université de Toronto et a découvert le programme E-Series (« série Entrepreneure »), une formation intensive de trois jours offerte par le Forum for Women Entrepreneurs. Mme Oblak a participé au volet Juventas du programme, qui s’adresse aux jeunes entrepreneures et est commandité par RBC Fondation.

« C’est un risque énorme, un risque financier. Il faut avoir la passion, la détermination et le courage nécessaires pour relever ce défi. Il faut accepter qu’il y aura de bons et de mauvais moments, surmonter chacune des difficultés qui se présentent et vraiment se centrer sur sa vision », dit Mme Oblak, qui a fait le choix de réduire son horaire de travail à temps plein comme infirmière et accepté de faire des quarts de nuit et de fin de semaine pour pouvoir s’investir dans Copper Medical.

« C’est le prix à payer, mais je n’ai aucun regret », ajoute-t-elle. Elle considère toutefois qu’elle a de la chance, particulièrement en tant que fondatrice d’entreprise, et déclare que jusqu’ici l’expérience a été très positive.

Selon Mme Oblak, il est essentiel d’avoir un mentor. Elle-même en a trois à l’heure actuelle. Ces personnes ne sont pas de son secteur. Elles l’aident à s’y retrouver relativement à divers aspects comme le démarrage d’une entreprise, la formulation d’un argumentaire de vente et l’élaboration de prototypes de tissu.

Jusqu’ici, le plus difficile a été de trouver le tissu dont elle avait tant besoin. Finalement, en août 2017, elle a repéré l’inventeur et fabricant qui détient le brevet du tissu à base de cuivre, et en septembre, elle était fin prête à poursuivre le développement de son idée commerciale.

Les communications avec l’entreprise sont bonnes, dit Mme Oblak, mais le fait de ne pas pouvoir suivre en temps réel l’élaboration du tissu a créé des difficultés.

« Je suis une personne très pratique et je tiens à participer au processus », dit Mme Oblak, qui prévoit faire un voyage lorsque viendra le moment d’amorcer la production.

Mme Oblak et le fabricant de textiles avec lequel elle traite en Asie sont en train d’élaborer un nouveau tissu, et ils ont fait l’essai de divers mélanges dans leur recherche de caractéristiques comme l’élasticité, l’ajustement, le confort et le style. Ils procèdent beaucoup par essais et erreurs, et Mme Oblak en est actuellement à l’essai d’une quatrième version de l’échantillon de tissu.

L’objectif ultime de Mme Oblak est d’élargir son projet pour inclure la literie d’hôpital (draps, taies d’oreiller, etc.) et traiter directement avec les hôpitaux. Toutefois, comme l’utilisation du cuivre est encore relativement nouvelle en milieu hospitalier, Mme Oblak estime que d’autres recherches portant sur son efficacité et sa durabilité devront être effectuées.

« Je ne veux pas simplement fabriquer des vêtements médicaux comportant des particules de cuivre, dit Mme Oblak ; je veux en fabriquer de meilleurs. Les journées de travail dans un hôpital durent de huit à seize heures – c’est épuisant. Si les vêtements médicaux ressemblent à des pyjamas, c’est parce qu’ils doivent être confortables.

« Je suis infirmière. Je suis ma propre cliente. Je fais un travail qui reflète mes aspirations », ajoute-t-elle.

Nous avons demandé à des entrepreneures canadiennes prospères de nous relater leurs débuts et de nous dire ce que nous pouvons faire pour aider les femmes qui démarrent une entreprise à réussir.

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