En 2025, l’intelligence artificielle (IA) demeure au centre de l’attention médiatique, portée par une succession d’avancées majeures. Nous faisons le point sur l’IA, et les obstacles qu’elle doit encore surmonter, qu’ils soient techniques, économiques ou politiques.
3 octobre 2025
Frédérique Carrier Première directrice générale et chef, Stratégies de placement - RBC Europe Limited
Le 29 janvier 2025, une société technologique chinoise peu connue, DeepSeek, a lancé un modèle d’IA, R1, qui a ébranlé le secteur. Du fait de ses capacités de pointe, R1 semble être un modèle aussi bon que ceux créés par le chef de file américain OpenAI, le fabricant de ChatGPT. Toutefois, ce qui a le plus ébranlé le secteur, c’est son faible coût de développement de seulement 6 millions de dollars, une fraction de ce qu’exigeaient les modèles américains comparables.
En raison des restrictions à l’exportation imposées par l’ancienne administration Biden en octobre 2022, DeepSeek a dû se replier sur du matériel plus ancien. La société a donc poussé l’efficacité jusqu’à ses limites, en faisant des compromis délicats entre la précision et la puissance de traitement, reproduisant cette méthode à grande échelle et affinant tous les autres aspects de la performance. Cette approche a permis de maintenir des coûts de développement remarquablement bas tout en produisant un modèle très performant.
Pour couronner le tout, R1 de DeepSeek est un modèle à code source ouvert, c’est-à-dire mis à la disposition du public gratuitement. Les utilisateurs peuvent le télécharger et l’exécuter sur leurs propres ordinateurs ou serveurs, en préservant la confidentialité des données, et ils peuvent le conserver, le modifier ou l’adapter à leurs propres besoins. Autrement dit, n’importe qui, des particuliers aux grandes entreprises, peut créer des outils ou des applications sans demander d’autorisation ni payer des droits d’accès exorbitants.
Les modèles en code source ouvert se distinguent de la plupart des principaux modèles d’IA actuels, comme ceux de ChatGPT d’OpenAI, de Claude d’Anthropic ou de Gemini de Google, qui sont à code source fermé. Il n’en a toutefois pas toujours été ainsi. OpenAI a d’abord créé des modèles en code source ouvert, mais le laboratoire de San Francisco a décidé d’utiliser le code source fermé en 2018.
Les créateurs de modèles à code source fermé n’en partagent que des parties ou ne dévoilent que certains éléments du processus d’entraînement, et conservent la confidentialité de l’ensemble des renseignements, un peu comme une recette secrète. Les utilisateurs doivent compter sur ces sociétés pour assurer la maintenance complète du système d’IA ; ils sont donc vulnérables aux changements touchant les prix ou les règles d’accès par les créateurs de modèles.
Par exemple, dans le cas de ChatGPT, OpenAI est responsable de l’entraînement du modèle, de la maintenance du code qui l’exécute, de son exécution sur des serveurs puissants pour permettre aux utilisateurs d’y accéder instantanément et de l’ajout de fonctionnalités. Si OpenAI devait cesser de faire tout cela, les utilisateurs ne pourraient plus l’exécuter eux-mêmes.
La décision de DeepSeek de rendre son modèle d’IA de pointe à la fois abordable et largement accessible a donné à la Chine un avantage concurrentiel inattendu, car ce modèle pourrait se répandre et être adapté à bien plus grande échelle et à moindre coût que ceux de ses rivales occidentales. Cette annonce a profondément ébranlé l’écosystème technologique américain. Jusque-là, les États-Unis avaient confiance dans leur position de chef de file mondial de l’IA.
DeepSeek a peut-être attiré l’attention de l’Occident, mais les réalisations de la Chine en matière d’IA vont bien au-delà d’une seule société. Cela n’a rien d’étonnant, car des millions d’ingénieurs et de scientifiques sortent des universités chinoises chaque année, le pays dispose de la capacité électrique excédentaire nécessaire pour faire fonctionner les modèles d’IA avides d’énergie, et sa législation permissive en matière de planification permet la construction rapide de centres de données.
La Chine fait toutefois face à une importante contrainte : l’offre nationale de puces de pointe est insuffisante. Huawei, le chef de file du pays en matériel informatique, ne peut pas encore produire de puces haut de gamme en quantité suffisante. Néanmoins, la combinaison de ces conditions favorables, en plus d’une ingéniosité remarquable et d’efforts constants pour tirer le maximum d’efficacité des puces d’ancienne génération, a permis aux entreprises chinoises de lancer des modèles d’IA d’avant-garde (c.-à-d. des modèles d’IA à usage général hautement performants, qui peuvent accomplir de nombreuses tâches aussi, voire plus efficacement que les capacités des modèles les plus avancés d’aujourd’hui).
Rien qu’en juillet 2025, Alibaba, l’une des plus grandes sociétés chinoises de technologie et de commerce électronique, a lancé Qwen3, un modèle qui représente environ le quart de la taille des modèles d’IA les plus courants, ce qui le rend beaucoup plus écoénergétique, tout en maintenant des performances comparables. Entre-temps, Moonshot AI, une société d’IA moins connue, a dévoilé Kimi K2 en juillet, l’un des plus grands modèles en code source ouvert alors jamais lancés. Kimi K2 a fait belle figure au sein de références comme MATH-500, qui teste le raisonnement mathématique, surpassant les modèles américains d’avant-garde d’OpenAI (GPT-4) et d’Anthropic selon Venturebeat, une publication axée sur l’actualité technologique.
Malgré ces progrès, la Chine est encore à la traîne des États-Unis sur le plan de la productisation – transformation des modèles d’IA en outils agentiques ou en outils entièrement intégrés pouvant aider les utilisateurs de façon autonome à accomplir des flux des travaux complexes. Les outils agentiques prennent l’initiative et des décisions et effectuent des tâches multiétapes pour l’utilisateur, comme lire les demandes entrantes des clients, sélectionner les questions les plus urgentes, rédiger des ébauches de réponse et transmettre les problèmes complexes à un humain.
La rivalité technologique entre la Chine et les États-Unis dure depuis des années. Les deux pays considèrent que gagner la course à l’IA représente un avantage stratégique, car non seulement le gagnant pourra étendre son influence géopolitique en fournissant des systèmes d’IA à d’autres pays, mais cette victoire aura aussi d’importantes répercussions sur les applications militaires.
En 2025, les initiatives de la Maison-Blanche pour conserver une longueur d’avance dans la course à l’IA comprennent la publication de leur plan d’action en matière d’IA en juillet et la modification des restrictions sur les exportations de puces vers la Chine.
Au début de son deuxième mandat, le président américain Donald Trump a ordonné à son administration d’élaborer une stratégie d’IA pour le pays. Le plan d’action en matière d’IA repose sur trois piliers fondamentaux : l’accélération de l’innovation, l’expansion des infrastructures de centres de données et la promotion de la technologie américaine à l’étranger.
Selon la Brookings Institution, un groupe de réflexion américain, ce plan peut être salué parce qu’il met l’accent sur la promotion et la démocratisation de la recherche fondamentale et appliquée en matière d’IA, et qu’il répond à la nécessité de développer une main-d’œuvre prête à utiliser l’IA. Il soulève toutefois quelques préoccupations, notamment la possibilité que des mesures de sécurité adéquates soient compromises par l’accent mis sur l’accélération de l’innovation en matière d’IA aux États-Unis et sur la compétitivité mondiale. Une surveillance insuffisante, surtout dans les applications financières de l’IA, pourrait présenter un risque systémique important.
Malgré ces réserves, les chercheurs de Brookings estiment que, dans l’ensemble, ces facteurs pourraient renforcer les écosystèmes d’innovation régionaux aux États-Unis, à condition que le gouvernement fédéral apporte un soutien et un financement adéquats.
Source : Bureau exécutif du président, juillet 2025
L’administration Trump a aussi recours à des contrôles à l’exportation, une stratégie employée lors du premier mandat de Donald Trump et reprise par l’ancien président Joe Biden pour contrer la menace chinoise. Cette fois-ci, toutefois, les mesures de contrôle ont envoyé des signaux déroutants.
En avril 2025, l’administration Trump a interdit les exportations en Chine de puces H20 de NVIDIA, en raison des craintes que cette technologie renforce le secteur de la défense de Beijing. Après un lobbying intense de la part du secteur des semi-conducteurs, l’interdiction a été levée en juillet. Quelques semaines plus tard, Washington annonçait l’adoption d’un nouveau cadre : des licences d’exportation seraient octroyées à NVIDIA et à Advanced Micro Devices pour la vente de puces propres à la Chine, à condition de verser au gouvernement américain 15 % des revenus provenant de la vente de ces puces.
April 2018 : Restrictions initiales
L’administration Trump bloque la vente de puces de pointe à la société de télécommunications chinoise ZTE. (R)
Juin 2020 : Élargissement des restrictions
L’administration Trump élargit l’interdiction de vendre des puces de pointe au conglomérat chinois Huawei. (R)
2020–2021 : Pression sur les alliés
L’administration Trump fait pression sur ses alliés pour qu’ils imposent des restrictions similaires (p. ex. le gouvernement néerlandais empêche ASML de vendre son matériel pour semi-conducteurs le plus avancé à la Chine). (R)
Octobre 2022 : Maintien de l’interdiction d’exportation
L’administration Biden impose des restrictions générales sur l’exportation de puces haut de gamme (p. ex. H100) à toutes les entités chinoises en raison de préoccupations en matière de sécurité nationale. (D)
Novembre 2023
NVIDIA dévoile sa puce H20, qui respecte les restrictions en matière d’exportation imposées par les États-Unis.
Avril 2025 : Resserrement des restrictions
L’administration Trump interdit l’exportation de puces H20, considérées comme suffisamment puissantes pour soutenir le secteur de la défense de la Chine. (R)
Mai 2025 : Resserrement des restrictions
L’interdiction d’exportation est élargie pour inclure de nouveaux modèles (p. ex. la puce de pointe H200) afin de freiner les progrès technologiques de la Chine. (R)
Juillet 2025
Le gouvernement américain annule l’interdiction d’exporter des puces H20. Les interdictions d’exportation des puces H100 et H200 restent en vigueur. (R)
Août 2025 : Entente de versement d’une part des revenus
NVIDIA et AMD s’engagent à verser au gouvernement américain 15 % des revenus provenant de la vente de puces à la Chine en échange de licences d’exportation permettant de reprendre leurs ventes en Chine. (R)
R = Initiative d’une administration républicaine; D = Initiative d’une administration démocrate
Source : RBC Gestion de patrimoine
Cette volte-face fait ressortir la difficulté de trouver un équilibre entre les intérêts sécuritaires et économiques des États-Unis ; elle met en lumière les tensions entre les partisans de la ligne dure à l’égard de la Chine au sein du gouvernement américain, qui prônent un resserrement des contrôles à l’exportation, et les entreprises qui souhaitent accéder à la deuxième économie mondiale.
L’administration Trump semble s’être rangée aux vues de Jensen Huang, chef de la direction de NVIDIA, selon qui offrir à la Chine un accès aux puces d’IA de NVIDIA pourrait servir à la fois les intérêts de la société et les objectifs stratégiques des États-Unis en créant une dépendance de la Chine à l’égard de la technologie américaine. NVIDIA fournit non seulement les puces, mais aussi le matériel et l’infrastructure qui soutiennent l’ensemble des centres de données. Si les grandes entreprises chinoises d’IA comme Alibaba, ByteDance et Tencent construisent leurs centres de données à partir de matériel américain, Washington pourrait bénéficier d’un avantage géopolitique et d’une position de force dans le cadre de négociations futures avec la Chine. La logique veut que, si la technologie américaine était complètement interdite en Chine, Beijing accélérerait probablement ses efforts pour développer ses propres infrastructures d’IA.
La puce H20 avait été mise au point deux ans plus tôt par NVIDIA, spécialement pour le marché chinois et pour se conformer aux contrôles à l’exportation de 2022 de l’administration Biden. Elle a été conçue principalement pour l’inférence de l’IA, processus grâce auquel les modèles entraînés génèrent de l’information et suggèrent des décisions, mais il lui manque la puissance nécessaire pour entraîner de nouveaux modèles. En proposant une puce que la Chine pourrait utiliser, mais qui serait nettement moins puissante que les puces de la nouvelle génération H100 et H200, Washington a cherché à maintenir la dépendance de la Chine à l’égard du matériel informatique américain, tout en limitant sa capacité à progresser dans le domaine de l’IA de pointe.
De nombreux observateurs s’inquiètent du fait que l’orchestration de versements financiers au gouvernement américain prime désormais sur la sécurité nationale. Selon eux, la levée de l’interdiction d’exporter des puces H20 pourrait être une erreur stratégique, puisqu’elle fournirait à la Chine le matériel dont elle a besoin pour progresser à la vitesse grand V dans le domaine de l’IA.
Mais Chris Miller, auteur renommé de Chip War (La guerre des semi-conducteurs) et professeur d’histoire internationale à l’Université Tufts, offre un point de vue plus nuancé, tirant parti de son expertise du secteur mondial des semi-conducteurs et de la géopolitique. Il est d’avis que, malgré l’entente concernant les versements de 15 %, la sécurité nationale reste au cœur des politiques de M. Trump. Il soutient qu’en dépit des critiques visant la loi sur les semi-conducteurs promulguée par Joe Biden, l’administration Trump continue de verser les subventions promises dans le cadre de la loi de 2022 aux sociétés de semi-conducteurs et aux instituts de recherche. De plus, le gouvernement américain a acquis une participation de 9,9 % dans Intel, l’unique société américaine de semi-conducteurs spécialisée à la fois dans la conception et la fabrication de puces logiques de pointe. Selon M. Miller, l’administration américaine considère Intel comme un acteur important pour l’avenir du leadership technologique des États-Unis.
Reste à voir si la stratégie visant à rendre la Chine « dépendante » de la technologie américaine, selon les termes du secrétaire au Commerce Howard Lutnick, sera couronnée de succès. En août, selon Bloomberg, la Chine a exhorté les entreprises locales à éviter d’utiliser les processeurs H20 de NVIDIA, en particulier à des fins gouvernementales. Puis, en septembre, elle a interdit à ses plus grandes sociétés technologiques d’acheter les puces d’IA de NVIDIA afin de favoriser la production nationale.
Ce n’est pas d’hier que le ralentissement des progrès technologiques de la Chine représente une préoccupation des administrations américaines, et il est instructif d’examiner l’évolution de la politique des contrôles à l’exportation des États-Unis au fil du temps.
La première administration Trump s’est rendu compte de ce qui suit :
En conséquence, la stratégie du pays comportait deux volets :
Sous l’administration Biden, la stratégie a évolué comme suit :
Une autre évolution majeure dans le domaine de l’IA en 2025 a été le changement de sources de financement pour les investissements substantiels nécessaires à la construction d’infrastructures de soutien aux modèles d’IA.
Selon la société de services-conseils McKinsey, il faudra entre 3 700 milliards et 5 200 milliards de dollars d’ici 2030 pour que les centres de données à l’échelle mondiale puissent répondre à la demande de puissance informatique en IA, y compris le matériel, les processeurs, la mémoire, le stockage et l’énergie.
Les géants de la technologie prendront en charge une grande partie de ces efforts. Des sociétés comme Alphabet (Google), Amazon, Microsoft et Meta Platforms (Facebook), également appelées « fournisseurs à très grande échelle », construisent d’importants centres de données pour soutenir leurs services infonuagiques et leurs initiatives d’IA. Traditionnellement, elles ont souvent préféré autofinancer ces investissements, et étaient en mesure de le faire tout en conservant un bilan robuste et un endettement minimal. La situation est toutefois en train de changer en raison de l’ampleur des besoins de financement.
D’autres sociétés technologiques stimulent aussi la demande de financement de centres de données. OpenAI a formé, avec Oracle et SoftBank, une coentreprise pour investir jusqu’à 500 milliards de dollars dans des infrastructures d’IA aux États-Unis au cours des quatre prochaines années. En outre, de plus en plus de promoteurs immobiliers construisent des centres de données, ce qui alimente encore plus la demande de financement.
Les besoins de financement sont si importants que les entreprises se tournent vers différentes sources de financement. Les titres de créance gagnent en popularité : les emprunts de catégorie investissement des sociétés technologiques américaines ont augmenté de 70 % sur 12 mois au premier semestre de 2025, selon Bloomberg, et Alphabet a émis des obligations pour la première fois en cinq ans en avril 2025. Les entreprises plus petites ou en forte croissance, comme CoreWeave, ont même recours à des ententes d’emprunt utilisant comme garantie des processeurs graphiques, soit des puces spécialisées qui accélèrent les calculs d’IA.
La titrisation de la dette prend de l’ampleur. Elle consiste à regrouper les emprunts liés aux centres de données et à les vendre par tranches aux investisseurs, comme c’est le cas pour les prêts hypothécaires. Le marché de la titrisation de la dette liée aux centres de données, qui était pratiquement négligeable il y a cinq ans, a connu une croissance rapide et vaut maintenant près de 30 milliards de dollars, selon AInvest.
Le capital privé joue aussi un rôle important. En effet, les grandes sociétés de capital-investissement agissent de plus en plus comme des prêteurs directs pour les entreprises et les projets d’infrastructure, parallèlement à leurs placements en actions traditionnels. En août 2025, Meta a finalisé un accord de 29 milliards de dollars pour son projet de centre de données Hyperion, dont une partie de la dette de 26 milliards de dollars a été prise en charge par la société de gestion de placements PIMCO.
Les prêts et les investissements liés aux centres de données comportent des risques supplémentaires, qui vont au-delà des dépassements de coûts. Une surcapacité attribuable à des dépenses en immobilisations rapides peut se traduire par la sous-utilisation d’actifs. Ainsi, à la fin des années 1990, les sociétés américaines de télécommunications ont posé plus de 128 millions de kilomètres de câbles à fibre optique dans l’ensemble du pays après avoir surestimé la demande future. Les prix ont ensuite dégringolé et de nombreuses sociétés ont entamé des procédures de faillite.
Le risque technologique est aussi considérable. Une grande partie des dépenses actuelles est consacrée aux centres de données construits pour l’entraînement de puissants modèles d’IA, mais à mesure que la demande se réorientera vers l’exécution de ces modèles, les besoins en puissance de calcul pourraient diminuer, ce qui ferait chuter la valeur de ces actifs. Les puces plus récentes et plus performantes pourraient rendre moins utiles les installations anciennes, et certaines pourraient même nécessiter des systèmes de refroidissement novateurs, qui rendront désuets les centres de données actuels.
Selon nous, les fournisseurs à très grande échelle sont suffisamment diversifiés pour surmonter ces défis, même s’ils ont désormais des engagements importants en matière d’infrastructure et de capital ; ce ne sont plus des entreprises comportant peu d’actifs. Nous sommes d’avis que les petits investisseurs et prêteurs devront être particulièrement vigilants.
Certains observateurs se montrent optimistes quant à la rapidité des progrès de l’IA, nourrissant l’espoir que l’intelligence artificielle générale (un modèle d’IA doté de capacités cognitives comparables à celles de l’humain) et même la superintelligence artificielle (un modèle d’IA dont la portée intellectuelle dépasserait celle de l’intelligence humaine) puissent voir le jour de leur vivant. Le 30 juillet 2025, Mark Zuckerberg, chef de la direction de Meta Platforms, peut-être mû par l’ambition et sa volonté de bien se positionner par rapport à la concurrence, a déclaré que « le développement d’une superintelligence est désormais en vue ».
Un tel enthousiasme est compréhensible. Le rythme des progrès de l’IA a été remarquable. Lancé en 2019, le modèle GPT-2 d’OpenAI pouvait rédiger des paragraphes cohérents, mais produisait souvent des résultats dénués de sens. En revanche, au début de 2023, le modèle GPT-4 de la société avait suffisamment progressé pour passer l’examen du barreau américain, se classant dans la tranche supérieure de 10 % des candidats, selon Reuters. Fait remarquable, ce bond de performance n’a pas été obtenu en modifiant la science derrière l’IA, mais simplement en alimentant le modèle avec davantage de données et en utilisant des processeurs graphiques plus puissants.
D’autres, cependant, mettent en garde contre un excès d’enthousiasme. Rodney Brooks, pionnier de la robotique et ancien directeur du laboratoire d’informatique et d’intelligence artificielle du MIT, surtout connu en tant que fondateur de la société qui a conçu et fourni les robots de recherche et de sauvetage utilisés à Ground Zero après les attentats du 11 septembre, porte un regard lucide sur l’engouement actuel autour de l’IA.
Dans une entrevue accordée à Newsweek en février 2025, il a souligné que, bien que les modèles d’IA puissent utiliser le langage de façon fluide, ils sont essentiellement des dispositifs de reconnaissance de schémas, très doués pour repérer et reproduire ceux présents dans les données. À son avis, ce n’est pas la même chose que de véritablement comprendre ou penser par soi-même.
Il croit que le changement sera plus lent que prévu, car le déploiement de nouvelles technologies se heurte presque toujours à des obstacles pratiques tels que les coûts, l’intégration à d’autres systèmes et la réglementation. Et comme les modèles d’IA actuels ne font que reproduire des schémas, ils nécessitent encore une surveillance très étroite ; ils sont loin d’être « prêts à l’emploi », comme le laisse souvent entendre l’engouement. Enfin, il a insisté sur le fait que l’adoption de la nouvelle technologie par les entreprises sera fondée sur le rendement du capital investi, et non sur son caractère « séduisant ».
À cet égard, un rapport du MIT publié en juillet 2025 a révélé que 95 % des programmes pilotes d’IA générative menés dans les entreprises n’avaient pas été rentables, malgré des investissements de 30 à 40 milliards de dollars dans cette technologie jusqu’à présent. Les auteurs ont reconnu que plus de 80 % des organisations sondées avaient exploré ou mis à l’essai des outils tels que ChatGPT et Copilot, et que 40 % d’entre elles avaient souscrit un abonnement officiel à un grand modèle de langage. Fait intéressant, les employés de plus de 90 % des entreprises interrogées disent utiliser des outils personnels d’IA comme les robots conversationnels pour travailler, mais le rapport souligne que ces outils semblent surtout accroître la productivité individuelle, et non la rentabilité.
L’année 2025 a été déterminante pour le secteur de l’IA, et 2026 s’annonce tout aussi mouvementée. Voici quelques-uns des développements majeurs à surveiller au cours de l’année à venir :
Au-delà de ces avancées, qui continueront probablement de susciter l’enthousiasme, nous croyons que les investisseurs devraient également s’assurer que ces investissements et l’emploi de l’IA dans les entreprises produisent des rendements suffisants. Comme cela a presque toujours été le cas, le risque demeure que les investisseurs surestiment les avantages que la nouvelle technologie peut procurer à court ou à moyen terme.
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