La prochaine étape de la Chine dans un ordre économique en évolution

Analyse
Perspectives

La période de mondialisation intense qui a suivi la guerre froide tire à sa fin : que fera le moteur mondial du secteur manufacturier pour s’adapter au nouveau paradigme économique ?

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14 août 2023

Par Jasmine Duan

La série « Un monde fragmenté : risques et occasions à l’aube de la démondialisation » de RBC Gestion de patrimoine explore la tendance à la démondialisation et des ramifications de cette tendance pour les investisseurs, les économies et les marchés financiers.

  • Un « découplage » entre l’Occident et la Chine est irréaliste, car les chaînes logistiques sont très complexes et interconnectées. La Chine gagne des parts de marché dans le secteur manufacturier mondial en progressant dans la chaîne logistique.
  • La Chine a démontré par le passé sa capacité à contrebalancer l’incidence des restrictions technologiques. Son vaste secteur manufacturier et ses chaînes logistiques bien établies devraient former une base solide pour l’innovation technologique.
  • Il y a plus de dix ans, le pays a commencé à délaisser la fabrication de composants bas de gamme à forte intensité de main‑d’œuvre pour se tourner vers la fabrication de toute un éventail de produits de haute technologie.
  • Le marché intérieur chinois est trop important pour être ignoré par les multinationales. Toutefois, nous pensons que ces sociétés doivent trouver une stratégie pour profiter des occasions en Chine tout en gérant efficacement les risques associés.
  • La transformation des chaînes logistiques dont nous sommes témoins s’inscrit dans l’évolution naturelle du commerce international. Nous croyons que la Chine pourra tirer son épingle du jeu, comme l’ont fait beaucoup d’autres pays dans l’histoire moderne.

Les manchettes soulignent souvent le rôle de la géopolitique et de la pandémie de COVID‑19 dans la relocalisation des chaînes logistiques des multinationales occidentales hors de la Chine. Cette situation alimente à son tour un récit qui présente ces facteurs comme les principaux catalyseurs du changement dans les chaînes logistiques mondiales et dans le secteur manufacturier en Chine.

Alors que les échanges commerciaux passent d’une intense période de mondialisation à une phase plus fragmentée, les facteurs géopolitiques jouent effectivement un rôle. Les gouvernements promeuvent et encouragent le rapatriement et la délocalisation dans un pays allié des activités manufacturières, et de nombreuses multinationales cherchent à diversifier leurs chaînes logistiques.

Toutefois, pour la Chine, il nous semble que la situation est plus complexe et moins pessimiste que ne le laissent entendre les grands médias.

D’abord, la grande complexité des chaînes logistiques mondiales, conjuguée à l’ampleur du secteur industriel et des compétences manufacturières de la Chine, rend, à notre avis, la rupture complète avec la Chine indésirable et irréaliste pour bon nombre de multinationales dans un avenir proche.

Ensuite, depuis des années, le secteur manufacturier et les chaînes logistiques mondiales de la Chine ont évolué en fonction de forces indépendantes des frictions commerciales et politiques actuelles entre les États‑Unis et ce pays.

À notre avis, même si les tendances au rapatriement et à la délocalisation dans un pays allié s’accélèrent dans les pays développés, les relations mutuellement avantageuses que la Chine noue avec plusieurs multinationales depuis plus de 40 ans lui permettront de continuer à s’intégrer dans le cadre mondial de l’économie et de l’investissement.

Les chaînes logistiques sont beaucoup plus interconnectées et complexes qu’on ne peut l’imaginer

Les sociétés qui fabriquent des produits complexes disposent souvent de quatre couches ou plus de milliers de fournisseurs.

Selon le cabinet de consultants McKinsey & Co., les entreprises de technologie comptent 125 fournisseurs de premier échelon (c.‑à‑d. les fournisseurs directs du produit final ou des composants entièrement construits qui servent à créer le produit final) et plus de 7 000 fournisseurs à tous les échelons, en moyenne.

Un constructeur d’automobiles compte en général environ 250 fournisseurs de premier échelon, mais ce chiffre peut atteindre 18 000 sur l’ensemble des chaînes logistiques.

La complexité des chaînes logistiques mondiales entraîne souvent des interdépendances entre les sociétés des pays ayant des produits ou des matières en amont.

Par exemple, à mesure que les 10 pays de l’ANASE* de l’Asie du Sud‑Est ont développé leurs compétences manufacturières, ils ont renforcé leurs liens avec les chaînes logistiques manufacturières de la Chine. En 2012, les membres de l’ANASE ont importé de Chine pour 177 milliards de dollars de marchandises. En seulement 10 ans, ce chiffre a plus que doublé pour atteindre 388 milliards de dollars en 2021.

Les importations de la Chine dans l’ANASE ont plus que doublé dans la dernière décennie

En dollars américains (milliards)

Valeur des importations des pays de l’ANASE en provenance de la Chine, de 2012 à 2021

Graphique linéaire montrant la valeur des importations des pays de l’ANASE en provenance de la Chine, de 2012 à 2021. Le graphique montre que les importations ont augmenté de façon constante avec les années et ont plus que doublé, passant de 177 milliards de dollars en 2012 à 388 milliards en 2021.

* L’Association des nations de l’Asie du Sud‑Est (ANASE) est une organisation intergouvernementale régionale composée de 10 pays membres : Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei, Cambodge, Laos, Myanmar et Vietnam.

Sources : Statista, RBC Gestion de patrimoine ; données annuelles prises en compte jusqu’en 2021

Les pays de l’ANASE demeurent fortement dépendants des intrants et des biens d’équipement de la Chine, qui sont indispensables aux produits fabriqués dans ces pays. Si les multinationales souhaitent produire davantage de biens dans ces pays dans les prochaines années, nous estimons que la production chinoise jouera aussi un rôle important dans les chaînes logistiques.

L’énorme empreinte des usines de la Chine

Beaucoup connaissent l’étiquette « Fabriqué en Chine », mais l’ampleur et la portée du secteur manufacturier chinois sont peut‑être encore sous‑estimées.

Depuis plus d’une décennie, le secteur manufacturier chinois se classe au premier rang à l’échelle mondiale. D’après les Nations Unies, en 2021, la Chine représentait 30 % de la production manufacturière mondiale. À titre comparatif, l’UE dans son ensemble représentait 16 %, les États‑Unis 15 %, le Japon 6 % et l’Allemagne 5 %.

À l’heure actuelle, la Chine est le seul pays au monde qui se conforme aux normes de toutes les sections relatives au secteur manufacturier du système de classification statistique de référence des Nations Unies. La capacité de production de la Chine est donc très étendue. Plusieurs sociétés chinoises se classent au premier rang mondial dans leur secteur.

L’essor de la Chine en tant que leader de la propriété intellectuelle contribue également à la complexité et à la progression de son secteur manufacturier.

En 2019, la Chine a dépassé les États‑Unis pour devenir la plus grande source de brevets internationaux déposés en vertu du Traité de coopération en matière de brevets (PCT) de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).

La Chine a déposé le plus grand nombre de demandes de brevet en vertu du Traité de coopération en matière de brevets (PCT) en 2022

Les 10 pays qui ont déposé le plus grand nombre de demandes de brevet en vertu du Traité de coopération en matière de brevets (PCT)

Graphique à barres montrant les 10 pays qui ont déposé le plus grand nombre de demandes de brevet en vertu du Traité de coopération en matière de brevets (PCT) de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. La Chine a déposé 70 015 demandes, suivie des États-Unis (59 056), du Japon (50 345), de la République de Corée (22 012), de l’Allemagne (17 530), de la France (7 764), du Royaume-Uni (5 739), de la Suisse (5 367), de la Suède (4 471) et des Pays-Bas (4 092).

Sources : Base de données statistiques de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (février 2023), RBC Gestion de patrimoine

Alors que la Chine passe d’un centre manufacturier à faible coût à un centre qui se concentre de plus en plus sur l’innovation et les technologies complexes de fabrication, nous pensons que le pays maintiendra sa domination manufacturière tout en réalisant des percées dans des domaines émergents et stratégiques tels que les véhicules électriques (VE), les télécommunications, le génie biologique, l’intelligence artificielle (IA), et plus encore.

Les compétences manufacturières deviennent plus technologiquement avancées

Ces dernières décennies, la Chine a mis en place des chaînes logistiques complètes dans divers secteurs, et ce, principalement grâce au processus de localisation des multinationales et aux coentreprises stratégiques. Ces collaborations ont permis à la Chine d’acquérir des technologies et du savoir‑faire, et ont jeté les bases de sa propre innovation technologique.

Ces dernières années, les pays occidentaux ont commencé à imposer des restrictions à l’accès de la Chine à des technologies essentielles, comme l’IA, l’informatique quantique et les semiconducteurs de pointe. Ces mesures suscitent des inquiétudes quant à la capacité de la Chine à progresser dans les chaînes logistiques et à atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés en matière d’« autosuffisance technologique ».

La Chine pourrait ainsi se heurter à des difficultés dans son développement technologique et risquerait de le ralentir. Cependant, il est important de rappeler que ce pays a démontré par le passé sa capacité à contrebalancer l’incidence des restrictions technologiques. La station spatiale Tiangong et le développement des VE en sont deux exemples.

Tiangong : d’une position marginale à une puissance spatiale indépendante

La Station spatiale internationale (SSI) est un programme coopératif entre les États‑Unis, l’Europe, la Russie, le Canada et le Japon. Jusqu’en juin 2023, elle a accueilli des astronautes de 21 pays différents.

En 2011, le Congrès américain a adopté une loi, signée par le président, qui interdit à la National Aeronautics and Space Administration (NASA) de financer ou de s’engager dans une coopération bilatérale directe avec la Chine. Cette interdiction a pour effet d’empêcher la Chine de se joindre à la SSI.

Par conséquent, la Chine a consacré la décennie suivante à mettre au point et à lancer des modules individuels afin de créer sa propre station spatiale permanente, Tiangong, ou « Palais céleste », en 2023.

Tiangong a marqué l’indépendance de la Chine dans l’espace. Elle permet au pays de mener des recherches scientifiques de pointe et représente une étape importante qui change la donne pour la Chine dans sa position de puissance spatiale mondiale. La SSI devrait cesser de fonctionner en 2031, et Tiangong serait alors la seule station spatiale en service.

Industrie automobile : d’une technologie émergente à une technologie de pointe

Une chaîne logistique complète développée au cours des dernières décennies a ouvert la voie au progrès technologique de la Chine dans l’industrie automobile.

En règle générale, plus l’échelle de production est grande dans un segment de fabrication particulier, plus il est facile d’améliorer l’efficacité de la production, la qualité des produits et la technologie.

La Chine a cherché à surmonter les obstacles technologiques en mettant en place des politiques nationales et un soutien en capital, en encourageant les talents du pays et en formant des alliances stratégiques et mutuellement bénéfiques avec d’autres pays.

Le développement de l’industrie automobile en Chine, en particulier les progrès rapides dans la technologie des VE, donne un aperçu de la capacité du pays à intensifier sa production dans la fabrication de produits de haute technologie.

Le secteur automobile en Chine a connu une croissance rapide après la période de réforme et d’ouverture du gouvernement à la fin des années 1970 et dans les années 1980. L’industrie a créé des coentreprises avec des constructeurs automobiles étrangers telles que Volkswagen, General Motors et Honda.

Au début, l’industrie automobile chinoise s’est fortement appuyée sur les technologies étrangères, notamment en ce qui concerne la conception des moteurs et des systèmes de transmission, qui sont des composants essentiels des véhicules à combustion interne.

Au fil du temps, la Chine a élaboré des chaînes logistiques automobiles et des capacités de production étendues, tout en promouvant activement le perfectionnement d’ingénieurs qualifiés.

Au début des années 2000, la Chine a commencé à explorer les véhicules à énergie de remplacement. Dans les années 2010, le gouvernement a lancé une série de politiques destinées à soutenir la recherche et le développement et à encourager l’adoption des VE.

Bon nombre des technologies et des techniques de production appliquées à la fabrication de véhicules traditionnels peuvent être transférées à la fabrication de VE. Par ailleurs, les principaux composants et technologies d’un VE comprennent la batterie, le moteur électrique et le système de contrôle électronique, qui diffèrent grandement des composants d’un véhicule traditionnel à moteur à combustion interne.

Grâce à un solide savoir‑faire en matière de fabrication et à des incitations publiques, l’industrie automobile chinoise a pu échapper aux contraintes technologiques des systèmes de transmission traditionnels à combustibles fossiles et réaliser des percées dans le domaine des technologies plus avancées et plus propres.

Selon un récent rapport de Patent Result, la Chine domine les brevets relatifs à la recharge de VE. De 2010 à 2022, les sociétés chinoises ont déposé 41 011 demandes de brevet dans ce domaine, soit 52 % de plus que le Japon et près de trois fois le nombre de brevets américains à cet égard. La Chine est maintenant le plus grand exportateur de nouveaux VE, dépassant le Japon, les États‑Unis et l’Europe.

La Chine se détourne de la fabrication à forte intensité de main‑d’œuvre

D’autres facteurs, qui ont peu à voir avec les frictions géopolitiques actuelles entre les États‑Unis et la Chine, ont également contribué à la transformation des chaînes logistiques et des processus de fabrication en Chine. Ils découlent principalement du développement économique interne de la Chine.

Au cours des 20 dernières années, l’économie chinoise a fortement progressé et le coût de la main‑d’œuvre a plus que doublé. Les industries à forte intensité de main‑d’œuvre, telles que la fabrication de chaussures et de vêtements, ont donc dû se délocaliser vers des pays où la main‑d’œuvre est plus accessible, dans bien des cas vers les pays de l’ANASE.

Ce processus remonte au début de la modernisation du secteur manufacturier en Chine, qui date de plus de 10 ans.

Certaines industries à forte intensité de main‑d’œuvre ont commencé à quitter les centres manufacturiers côtiers pour s’installer dans des villes et des provinces moins développées de l’intérieur des terres.

Plus tard, en raison de l’augmentation du coût de la main‑d’œuvre dans ces régions, la production a migré à l’étranger, des usines chinoises apparaissant dans les pays de l’ANASE. Parmi les investissements manufacturiers chinois dans la région, citons le textile, les appareils électroniques grand public, les chaînes logistiques de VE, les produits pharmaceutiques et plus encore.

En 2021, la Chine est devenue la troisième source internationale d’investissement direct à l’étranger dans les pays de l’ANASE, avec un apport de 14 milliards de dollars, après les 40 milliards des États‑Unis et les 21 milliards que les pays de l’ANASE investissent entre eux.

Diversification des chaînes logistiques : moins importante que celle annoncée

Malgré un certain degré de diversification des chaînes logistiques au détriment de la Chine, ce changement n’est pas aussi important qu’on pourrait le supposer. Le secteur des appareils électroniques et des machines, qui constitue la plus grande catégorie de biens dans le commerce mondial, en offre un bon exemple.

La Chine domine les exportations de ce secteur, mais les pays de l’ANASE ont légèrement pris le relais ces dernières années. La valeur des exportations de produits électroniques de la Chine vers les États‑Unis a diminué de 10 points de pourcentage entre 2018 et 2021. Selon une étude de Macro Polo, un groupe de réflexion américain lié au Paulson Institute (fondé par Hank Paulson, ancien secrétaire au Trésor américain), ce sont les pays de l’ANASE qui ont comblé la majeure partie de la marge.

On pourrait facilement tirer la conclusion que la Chine a perdu du terrain par rapport aux pays de l’ANASE dans le secteur manufacturier à l’échelle mondiale. Toutefois, les données illustrent une situation bien différente. Les gains des pays de l’ANASE dans ce secteur sont relativement faibles ; la part de marché de la région a légèrement augmenté, passant d’environ 3  % en 2010 à quelque 5 % en 2021, tandis que la part de la Chine est passée de 20 % à 30 % pendant la même période.

Les données nous indiquent que, même si une partie de l’assemblage final des produits manufacturés s’est déplacée de la Chine vers les pays de l’ANASE, la capacité globale de fabrication de la Chine est restée élevée.

La Chine a progressivement remplacé les industries à forte intensité de main‑d’œuvre par des industries manufacturières plus avancées et à plus forte valeur ajoutée. Le boom des exportations de trois produits liés aux énergies renouvelables, à savoir les véhicules à énergie nouvelle, les piles solaires et les batteries au lithium, est un excellent exemple de cette transformation structurelle.

L’économie de la Chine se complexifie tandis que le pays progresse dans la chaîne logistique

Classement selon l’indice de complexité économique du Harvard Growth Lab ; « 1 » étant l’économie la plus complexe

Classement selon l’indice de complexité économique du Harvard Growth Lab

Graphique linéaire montrant le classement de plusieurs pays (Japon, États-Unis, Chine, Mexique, Inde et Vietnam) selon l’indice de complexité économique, de 1995 à 2020. Le Japon est le pays au classement le plus élevé de l’indice depuis 1995. Le classement de la Chine s’est amélioré ; le pays est passé du 46e rang en 1995 au 18e rang en 2020. Le classement des États-Unis a légèrement fléchi au fil des ans (le pays était 14e en 2020), tandis que le Mexique est passé du 29e rang en 1995 au 20e rang en 2020. L’Inde et le Vietnam sont passés des 60e et 46e rangs aux 107e et 57e rangs, respectivement.

  • Japon
  • États-Unis
  • Chine
  • Mexique
  • Inde
  • Vietnam

Nota : Le développement économique exige l’accumulation de savoirs productifs et leur utilisation dans un éventail grandissant d’industries de plus en plus complexes. L’indice de complexité économique (ECI) du Harvard Growth Lab évalue l’état actuel des savoirs productifs d’un pays donné. À mesure que le volume et la complexité des exportations du pays augmentent, son classement se rapproche de « 1 ». Par exemple, le Japon a toujours eu le rang le plus élevé (1), alors que le Vietnam a actuellement le plus faible (57), bien que son classement s’améliore.

Sources : Harvard Growth Lab, RBC Gestion de patrimoine

Parallèlement, la Chine a modifié son modèle commercial, s’éloignant du commerce de transformation, qui repose sur la fourniture de matières ou de composants. Historiquement, le commerce de transformation a été employé par les fabricants cherchant à accéder à des intrants spécialisés ou à réduire le coût de la main‑d’œuvre. Sa part dans les exportations totales de la Chine est tombée à environ 20 %, contre 55 % en 2000. Dans le même temps, les valeurs unitaires des exportations de produits finis ont poursuivi leur hausse, témoignant d’une amélioration continue de l’industrie.

La valeur des exportations de véhicules bondit tandis que le secteur manufacturier chinois se complexifie

En dollars américains (millions)

Valeur des exportations mensuelles de téléphones mobiles et de véhicules pour la Chine, de mai 2020 à mai 2023.

Graphique linéaire montrant la valeur des exportations mensuelles de téléphones mobiles et de véhicules pour la Chine, de mai 2020 à mai 2023. En mai 2020, les exportations de véhicules ont totalisé 1 305 millions de dollars, et elles sont en hausse depuis (le dernier relevé était de 7 758 millions de dollars). La valeur des exportations de véhicules a rattrapé celle des téléphones mobiles, une catégorie d’exportation habituellement importante (dernier relevé : 8 101 millions de dollars).

  • Téléphones cellulaires
  • Véhicules

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg ; données mensuelles prises en compte jusqu’en juin 2023

La Chine demeurera‑t‑elle une destination de placement attrayante ?

La Chine et les multinationales ont noué des relations mutuellement bénéfiques après la période de réforme et d’ouverture dans les années 1970 et 1980. La Chine a acquis des technologies et un savoir‑faire en gestion auprès des multinationales, et ces dernières ont profité de faibles coûts de production en Chine et de bénéfices plus élevés (ce qui, selon nous, a dynamisé les cours des actions), tout en accédant au vaste marché intérieur du pays.

Cependant, les multinationales ont récemment commencé à réévaluer l’environnement opérationnel et leurs plans d’investissement en Chine.

Dans une enquête menée par l’American Chamber of commerce in China, la proportion de multinationales qui considèrent la Chine comme l’une de leurs trois principales priorités d’investissement a chuté de 78 % en 2012 à 45 % en 2022.

Les répondants à l’enquête s’inquiètent surtout du contexte politique de la Chine, du ralentissement de la croissance économique attendu par les multinationales, et de l’incertitude globale concernant les relations économiques et politiques entre les États‑Unis et la Chine. D’autres préoccupations découlent du vieillissement de la population chinoise et de l’accès restreint du pays à des technologies clés. L’intensification de la concurrence des sociétés chinoises pose également des problèmes aux multinationales.

Malgré ces craintes, nous estimons que la Chine offre encore des occasions à ne pas ignorer.

Le PIB de la Chine représentant 18 % du total mondial, nous croyons que la taille de l’économie chinoise exige à elle seule l’attention des multinationales. Le pays compte la plus grande classe moyenne du monde. D’après les estimations de McKinsey, plus de 40 % à 50 % de la population chinoise vivront dans des villes à revenus élevés d’ici 2030.

Dans des secteurs tels que l’automobile, les articles de luxe et les équipements industriels, le marché chinois génère entre 25 % et 40 % du chiffre d’affaires mondial. À notre avis, il est donc difficile pour les multinationales de choisir de ne pas entrer en concurrence sur le marché chinois.

Pat Gelsinger, le président et chef de la direction d’Intel, a reconnu qu’il était très important de maintenir l’accès au marché chinois des semiconducteurs, compte tenu des possibilités de revenus – d’autant plus que ces revenus aident à financer la recherche et le développement d’Intel et son expansion interne.

En juillet, lors d’une discussion dirigée dans le cadre de l’Aspen Security Forum, M. Gelsinger a déclaré ceci : « Actuellement, la Chine représente de 25 % à 30 % des exportations de semiconducteurs. Si j’ai 25  % ou 30 % de marché en moins, alors je dois construire moins d’usines. Nous pensons que nous voulons maximiser nos exportations dans le monde […]. On ne peut pas renoncer à un marché de 25 % ou de 30 %, au marché qui connaît la croissance la plus rapide au monde, et espérer continuer de financer la recherche et le développement et le cycle de fabrication que nous avons mis en place. Nous voulons maximiser [nos exportations]. Et en ce moment, les semiconducteurs sont le deuxième produit d’exportation vers la Chine en importance, derrière le soja qui est une catégorie stratégique, et il n’y a pas de troisième produit qui s’en approche. C’est stratégique pour notre avenir. Nous devons continuer à financer la recherche et le développement, la fabrication, et tout le reste. »

Pour saisir les occasions en Chine et gérer les risques en même temps, les multinationales disposent de plusieurs options pour organiser leurs chaînes logistiques, notamment l’adoption d’une approche « en Chine, pour la Chine », selon laquelle les composants sont fabriqués en Chine pour le marché intérieur. Elles pourraient aussi opter pour une stratégie de diversification hors Chine, qui consiste à établir une autre chaîne logistique régionale à l’extérieur du pays pour desservir la Chine et les marchés voisins, ou à maintenir une chaîne logistique mondiale dont la Chine constitue l’une des composantes.

Élargir, et non réduire, les liens commerciaux

La diversification des chaînes logistiques mondiales n’est pas forcément un jeu à somme nulle.

Les chaînes logistiques à forte intensité de main‑d’œuvre se détournant de la Chine, des pays comme le Vietnam, l’Inde, le Cambodge et le Mexique pourraient accroître leur part dans le secteur manufacturier à l’échelle mondiale. Les tendances au rapatriement et à la délocalisation dans un pays allié devraient aussi profiter à certains secteurs en Occident.

La dépendance de la Chine à l’égard des matières et des biens en amont signifie toutefois que le pays peut encore agrandir son secteur manufacturier et progresser dans les chaînes logistiques.

La Chine poursuit ses échanges avec des pays à travers le monde et cherche à développer ses relations commerciales. Plutôt que de se « démondialiser  », la Chine connaît une évolution des échanges commerciaux et se concentre sur le renforcement de son initiative, la Ceinture et la Route et sur la coopération avec des pays et des régions comme la Russie, le Moyen‑Orient, l’Asie centrale et les pays de l’ANASE. Ce changement vise à réduire la dépendance de la Chine à l’égard de l’Occident et à étendre les liens commerciaux avec davantage de pays, ou avec les 80 % du reste de la population mondiale.

Cela dit, tous les changements dans les chaînes logistiques ne s’avéreront pas nécessairement rentables. Dans certains cas, les pays pourraient développer des capacités de production redondantes pour des raisons de sécurité nationale, ce qui pourrait faire grimper les prix des produits finaux.

Par exemple, les puces fabriquées dans les usines de Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) aux États‑Unis coûteront probablement entre 15 % et 20 % plus cher que celles produites à Taïwan et en Chine, selon la société de recherche et de conseil sur les semiconducteurs SemiAnalysis.

Une évolution, et non une rupture

La démondialisation est un sujet complexe et devient récemment une notion à connotation géopolitique. Pourtant, sous la surface, on constate que le passage d’une période de mondialisation intense (des années 1980 à 2008) à une phase plus fragmentée constitue une évolution naturelle du commerce et des échanges internationaux. Pour plus de clarté, on peut remplacer le terme « démondialisation » par l’idée de « transformation des chaînes logistiques ».

En théorie, cette évolution s’apparente à une optimisation de l’affectation des ressources par les forces du marché de l’offre et de la demande pour trouver un équilibre naturel dans une période où la sécurité nationale et le renforcement de la souveraineté sont prioritaires. L’évolution pourrait dépendre des coûts, de la complexité de la fabrication, ainsi que des structures juridiques et politiques, entre autres.

Tout au long de l’histoire moderne, de nombreuses économies ont réussi à transformer leurs chaînes logistiques, notamment le Royaume‑Uni, les États‑Unis, le Japon et les « quatre tigres asiatiques » (Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong et Singapour). Nous ne croyons pas que la Chine connaîtra une expérience différente.


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