Un monde fragmenté : risques et occasions à l’aube de la démondialisation

Analyse
Perspectives

Du fait que les relations commerciales sont plus fragmentées et que la lutte de pouvoir s’intensifie entre les États-Unis et la Chine, les investisseurs doivent se préparer à un nouveau modèle mondial.

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5 juin 2023

Kelly Bogdanova
Vice-présidente et analyste de portefeuille
Services-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis

Ce sommaire représente le premier article d’une série consacrée à la tendance à la démondialisation et à ses ramifications pour les investisseurs, les économies et les marchés financiers.

Les luttes de pouvoir géopolitique ne doivent pas être sous-estimées

La mondialisation a stimulé la croissance économique, les bénéfices des sociétés et les prix des actions pendant des décennies. Cependant, depuis plusieurs années, la mondialisation est au point mort. Le processus risque de se transformer en démondialisation, d’autant plus que les tensions géopolitiques persistent.

  • Les relations entre les États-Unis et la Chine sont enlisées dans la méfiance, les problèmes de sécurité et les tensions autour de Taïwan.
  • L’Arabie saoudite et les autres pays du Moyen-Orient ne considèrent plus les États-Unis comme leur principal allié. Ces pays ont noué des partenariats stratégiques étroits et formels avec la Chine.
  • Deux entités dans lesquelles la Chine, la Russie et l’Inde jouent un rôle essentiel – le groupe des pays BRICS et l’Organisation de Shanghai pour la coopération (OCS) – augmentent leur nombre d’adhérents, et les pays qui en font partie resserrent leurs liens. Leur influence économique augmente.

Le PIB des BRICS a dépassé celui du G7 en 2021 et la tendance devrait se poursuivre

Part du PIB mondial selon le plus haut PIB annuel en fonction de la parité de pouvoir d’achat en dollars américains

  • Pays du G7
  • Pays BRICS

Le graphique linéaire montre la part du PIB mondial fondé sur la parité de pouvoir d’achat pour les pays du G7 et des BRICS, sur une base annuelle, entre 1995 et 2028 ; les données de 2023 à 2028 représentent les projections du FMI. En 1995, il existait un écart prononcé entre les deux groupes, le G7 étant à 45 % et les BRICS à 17 %. La part du PIB du G7 dans le PIB mondial a fortement chuté depuis, tandis que celle des pays BRICS n’a cessé d’augmenter. Le FMI prévoit que cette tendance se poursuivra pendant sa période de projection jusqu’en 2028. En 2020, les pays du G7 et les BRICS avaient la même part de 31 % dans le PIB mondial. Par la suite, la part du G7 a baissé à 30,4 % tandis que celle des BRICS a atteint 31,6 % en 2022. D’ici 2028, le FMI prévoit que la part du G7 déclinera à 27,8 % et que celle des BRICS atteindra 33,6 %.

Part du PIB mondial selon le plus haut PIB annuel des pays BRICS et des pays du G7

* Les données de 2023 à 2028 représentent les projections du FMI.

Sources : RBC Gestion de patrimoine, base de données du FMI ; données prises en compte jusqu’au 17 mai 2023

Le problème pour l’Occident

Les BRICS et les pays de l’OCS tentent de former un « monde multipolaire » dans lequel plusieurs pays représenteraient des chefs de file mondiaux.

  • De nombreux pays BRICS et de l’OCS considèrent l’hégémonie occidentale menée par les États-Unis comme une chose du passé, ou quelque chose qui sera bientôt désuet.
  • Ils ont déclaré que le monde est sorti – ou est en train de sortir – de l’ère de l’après-guerre froide, où les États-Unis régnaient en maîtres et Washington et ses alliés imposaient leurs conditions.
  • Les BRICS et les pays de l’OCS disposent d’atouts économiques, combinés à d’importantes ressources en marchandises et minéraux de terres rares, qui leur permettent de faire valoir une approche multipolaire plus collective.
  • Cela dit, nous ne croyons pas que les États-Unis et leurs alliés accepteront facilement un tel modèle. Aucune puissance restée aux commandes pendant plus de 30 ans ne renoncerait à son rôle prédominant sans broncher.
  • Par conséquent, la lutte géopolitique pour le pouvoir va probablement persister et s’intensifier.

Pourquoi c’est important

Nous pensons que les changements majeurs dans les relations entre les grandes puissances modifient l’environnement des placements.

  • La lutte géopolitique pour le pouvoir crée des risques pour la croissance économique, les marchés et les secteurs – et donc pour les portefeuilles.
  • Toutefois, elle devrait s’accompagner d’occasions de placement.
  • Bon nombre de pays tentent de prendre des initiatives en matière de sécurité technologique, de sécurité énergétique, de sécurité alimentaire et de sécurité sanitaire, qui ont toutes trait à la sécurité nationale.
  • La Chine poursuit cette stratégie de renforcement de la souveraineté depuis de nombreuses années, en s’appuyant sur la planification économique et sur d’importantes dépenses en R et D.
  • Les États-Unis et leurs alliés ont récemment commencé à encourager le rapatriement des activités et la localisation en territoire ami (c.-à-d. l’élaboration et le renforcement des chaînes logistiques entre les alliés et les pays de la même idéologie).
  • Ces initiatives devraient bénéficier à un certain nombre de secteurs, parmi lesquels les technologies avancées en matière de semi-conducteurs, l’intelligence artificielle, la cybersécurité, les minéraux critiques et les terres rares, les technologies de la transition énergétique, les technologies des ressources en eau, certaines technologies industrielles et d’infrastructure, l’équipement militaire et spatial, la biotechnologie et les sciences de la vie.

Le protectionnisme semble faire son retour

S’écarter de la mondialisation comporte cependant des inconvénients. Selon nous, les idées de rapatriement des activités et de localisation en territoire ami ne sont rien de plus que le bon vieux concept de protectionnisme, habillé de nouveaux noms plus élégants.

  • Si le protectionnisme persiste à long terme – accompagné d’une accumulation de barrières commerciales, droits de douane et sanctions – nous pensons que des revers économiques sont à attendre.
  • Bon nombre de sociétés pourraient se trouver confrontées à des dépenses plus élevées, à des frictions accrues dans les chaînes logistiques, et à de plus grandes difficultés pour s’approvisionner en marchandises.
  • La directrice générale du Fonds monétaire international a écrit : « Le coût à long terme de la fragmentation économique, à elle seule, pourrait osciller entre 0,2 % de la production mondiale, dans un scénario de fragmentation limitée, et près de 7 % dans un scénario prononcé, soit à peu près l’équivalent de la production annuelle combinée de l’Allemagne et du Japon ».
  • La plupart des sources conviennent que si la coopération technologique entre les États-Unis et la Chine est fortement ralentie, les répercussions économiques pourraient être encore plus dommageables dans le monde.

Points à retenir pour les investisseurs

Nous croyons que ces tendances plaident en faveur d’une refonte de la répartition des portefeuilles.

  • Les sous-répartitions d’actifs en actions et titres à revenu fixe ne devront plus être considérées sous l’angle de la mondialisation coopérative.
  • Les répartitions devront être analysées sous l’angle de la fragmentation du commerce et des risques protectionnistes, en tenant compte du réalignement des relations entre les nations en blocs formels et informels.
  • Nous pensons que cela appelle à une gestion des placements plus active en fonction des pays, des secteurs d’activité et des sociétés.
  • Un certain nombre de secteurs stratégiquement importants pourraient en bénéficier. Mais si les tendances protectionnistes persistent à long terme, la croissance économique mondiale et les gains des marchés boursiers pourraient être plus modestes qu’ils ne l’ont été à l’ère de la mondialisation.

Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter le rapport complet : Un monde fragmenté : risques et occasions à l’aube de la démondialisation .


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