Les actions et le conflit entre les É.-U. et l’Iran

Analyse
Perspectives

Dans cet article, nous expliquons pourquoi il n'est pas si étonnant que les tensions n'aient pas perturbé les marchés outre mesure et pourquoi nous demeurons optimistes à l’égard des actions.

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Après une année 2019 exceptionnelle, durant laquelle le S&P 500 a dégagé son deuxième meilleur rendement annuel pour ce cycle haussier, les marchés boursiers ont été secoués par la situation géopolitique en ce début de 2020.

2019 se classe au deuxième rang des rendements annuels du présent cycle haussier
Rendement annuel du S&P 500 (hors dividendes)
Rendement annuel du S&P 500 (hors dividendes) chart

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg.

L’attaque de drone meurtrière des États-Unis contre un puissant général de l’armée iranienne et la riposte de l’Iran – le pays a lancé des missiles balistiques contre des bases américaines en Irak – ont avivé la nervosité des marchés boursiers, du moins en attendant qu’on en sache plus sur les frappes de l’Iran et que les deux parties tentent de calmer le jeu.

Globalement, les marchés financiers ont réagi de façon modérée au conflit entre les deux pays, en dépit de la gravité des événements et des risques importants qui persistent. Leur confiance est-elle excessive ?

Déjà vu

En fait, cette relative indifférence des marchés boursiers à une crise géopolitique constitue la norme plutôt que l’exception.

L’indice S&P 500 a fléchi de 6,2 % en moyenne lors des 18 principaux conflits militaires ou heurts survenus depuis la Deuxième Guerre mondiale que nous avons évalués. Sans être négligeable, il s’agit d’un déclin modéré, semblable à ceux observés dans divers scénarios fréquents, y compris certains n’ayant aucun lien avec des affrontements armés.

Réactions de l’indice S&P 500 à divers actes de guerre ou de terrorisme depuis la Deuxième Guerre mondiale
Événements Date de début Nbre de jours de bourse jusqu’au creux Variation en % jusqu’au creux Nombre de jours de bourse pour regagner le terrain perdu
Actes de guerre ou huerts
États-Unis
Avion-espion américain abattu en URSS 7 mai 1960 2 -0,6 % 4
Débarquement de la baie des Cochons 15 avr. 1961 6 -3,0 % 14
Crise des missiles à Cuba 16 oct. 1962 6 -6,3 % 13
Incident du golfe du Tonkin (Vietnam) 2 août 1964 4 -2,2 % 29
Offensive du Tet (Vietnam) 29 janv. 1968 25 -6,0 % 46
Campagne cambodgienne (Vietnam) 1er mai 1970 18 -14,9 % 86
Invasion de la Grenade par les É.-U. 25 oct. 1983 11 -2,8 % 15
Période précédant l’invasion du Panama par les É.-U. 15 déc. 1989 2 -2,2 % 8
Période précédant la guerre du Golfe (Tempête du désert) 1er janv. 1991 6 -5,7 % 13
Bombardement de la Yougoslavie par l’OTAN sous la direction des É.-U. 24 mars 1999 3 -4,1 % 11
Capture d’un avion-espion américain en Chine 1er avr. 2001 3 -4,9 % 7
Guerre en Afghanistan 7 oct. 2001 1 -0,8 % 3
Période précédant la guerre en Irak 5 févr. 2003 24 -5,6 % 28
Autres pays
Invasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord 25 juin 1950 15 -12,9 % 56
Période précédant la guerre des Six Jours (6 juin) 14 mai 1967 15 -5,6 % 20
Guerre du Kippour, embargo pétrolier arabe 6 oct. 1973 42 -16,1 % 6 ans*
Guerre soviéto-afghane 24 déc. 1979 7 -2,3 % 10
Invasion du Koweït par l’Irak, occupation de champs pétroliers 2 août 1990 50 -15,9 % 131
Moyenne 14 -6,3 % 30
Terrorisme    
Prise d’otages à l’ambassade des É.-U. en Iran 4 nov. 1979 3 -1,0 % 6
Marines américains tués au Liban 23 oct. 1983 12 -2,5 % 15
Attentat d’Oklahoma City 19 avr. 1995 1 -0,1 % 3
Attentats des ambassades des É.-U. en Afrique 7 août 1998 5 -2,5 % 7
Attentats par avions contre le WTC et le Pentagone 11 sept. 2001 5 -11,6 % 19
Attentats dans le train à Madrid 11 mars 2004 3 -1,7 % 5
Attentats dans le métro à Londres 7 juill. 2005 Pas de recul du S&P ; FTSE -1,4 %
Attentats à Paris (Bataclan, restaurants) 13 nov. 2015 1 -1,1 % 2
Attentat du 14 juillet à Nice 14 juill. 2016 1 -0,1 % 2
Moyenne 4 -2,6 % 7

* D’autres facteurs économiques et liés à la politique monétaire ont eu une incidence négative sur le nombre de jours qu’il a fallu au marché pour regagner le terrain perdu ; cela n’est pas pris en compte dans le nombre moyen de jours de bourse requis pour regagner le terrain perdu.

Source : RBC gestion de patrimoine, RBC Gestion mondiale d’actifs, Wikipédia, archives de la Sécurité nationale de l’Université George-Washington, institut naval des États‑Unis ; les données tiennent compte dans la mesure du possible de l’incidence de la situation qui avait cours avant l’événement.

Notre analyse des précédents différends géopolitiques montre que la réaction du marché ne dure que 30 jours en moyenne, même si nombre d’événements ont eu des effets plus durables, parfois à très long terme.

Dans certains cas, les actions se sont inclinées à l’approche d’un conflit géopolitique, alors que les tensions s’intensifiaient, puis elles se sont redressées peu de temps après.

Comme le montre le tableau, quelques événements ont provoqué un choc plus important sur le marché, entraînant un plongeon du S&P 500 de l’ordre de 10 % à 15 %. Parmi les quatre actes de guerre ciblés, indiqués en rouge, deux ont eu lieu au Moyen-Orient : d’abord en 1973, au moment de la guerre du Kippour et de l’embargo sur le pétrole décrété par l’Arabie saoudite, puis en 1990 lorsque l’Irak a envahi le Koweït et saisi ses champs pétrolifères.

Tout peut arriver

Il est encore trop tôt pour déterminer si les tensions entre les États-Unis et l’Iran se sont suffisamment apaisées pour lever l’essentiel des risques liés au marché.

Selon l’équipe des produits de base de RBC Marchés des Capitaux, qui s’intéresse particulièrement au pétrole du Moyen-Orient, « […] la situation n’est pas près d’être réglée. Tant que l’Iran demeure sous le coup de sanctions écrasantes, sans aucun répit en vue, la voie diplomatique semble exclue. En outre, l’assassinat du général Soleimani confortera sans doute les partisans de la ligne dure en Iran, qui n’ont aucune intention d’accéder aux principales exigences de Washington concernant les activités nucléaires du pays, son soutien aux groupes armés interposés et son programme de missiles balistiques. Le redémarrage du programme nucléaire iranien constitue d’ailleurs un enjeu clé, puisqu’il représente une autre ligne rouge pour le président Trump et son homologue israélien, Benjamin Netanyahu. »

En ce qui concerne les risques géopolitiques, nous conseillons toujours aux investisseurs de présumer que de tels événements se produiront à l’occasion et qu’ils pourraient provoquer un repli temporaire des actions de 5 % à 10 % ou, parfois, une correction plus longue et plus marquée.

Les données fondamentales mènent le bal

Cependant, nous sommes d’avis qu’au bout du compte, ce sont les tendances de l’économie et des bénéfices qui dictent l’évolution des marchés boursiers mondiaux et américains. La politique de la Réserve fédérale (Fed) joue aussi un rôle déterminant, parce qu’elle peut stimuler ou freiner l’expansion économique.

D’après nous, le PIB des États-Unis et les bénéfices des sociétés américaines croîtront en 2020, du moins modérément. Nous prévoyons que la Fed laissera ses taux d’intérêt inchangés pour le moment et conservera une orientation accommodante. En 2020, tous ces facteurs devraient se traduire par des rendements boursiers modestes ainsi que par des périodes de consolidation et de volatilité.

L’indice S&P 500 se négocie à 18,8 fois la prévision de RBC Marchés des Capitaux concernant les bénéfices en 2020, à savoir 174 $ par action, comparativement à une moyenne sur cinq ans de 16,7 fois. Même si cette valorisation demeure élevée et qu’elle est peu susceptible d’augmenter beaucoup, elle n’est pas déraisonnable pour autant, compte tenu de l’extrême faiblesse des taux d’intérêt. Lori Calvasina, chef du groupe de la stratégie de placement en actions américaines de RBC Marchés des Capitaux, SARL, prévoit que le S&P 500 terminera l’année à 3 460, ce qui représente un gain de 7,1 %.

Nous sommes à l’aise avec une pondération en actions neutre ou conforme à l’indice de référence pour les portefeuilles, dans la mesure où la majorité des indicateurs de récession laissent entrevoir une expansion continue de l’économie américaine et où le conflit entre les États-Unis et l’Iran ne représente pas une menace majeure pour la trajectoire de l’économie et des bénéfices, tant aux États-Unis qu’à l’échelle mondiale.


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