Un atterrissage en douceur de l’économie se profile-t-il à l’horizon ?

Analyse
Perspectives

Selon les prévisions de la Fed, les taux ont presque atteint leur altitude de croisière. Cependant, les turbulences continuent. Nous expliquons les possibles répercussions des décisions de la Fed pour les investisseurs.

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21 septembre 2023

Thomas Garretson, CFA
Premier stratégiste, Portefeuilles
Stratégies des titres à revenu fixe
Services-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis

N’éprouvez-vous pas une impression de déjà vu ? À la veille de la réunion sur la politique monétaire de la Fed, les marchés s’attendaient à un assouplissement. La Fed est sortie de sa réunion et, sourire en coin, a rappelé à tous qui commande.

Voilà comment s’est déroulée la majeure partie du cycle de resserrement en cours. Bien qu’elle ait décidé de ne pas relever les taux lors de deux de ses trois dernières réunions – dont celle de cette semaine –, et qu’elle progresse à petits pas vers la fin du cycle, la Fed a encore trouvé le moyen de serrer la vis aux marchés.

Un atterrissage très en douceur

Dans la foulée de la réunion de cette semaine, les actions ont subi des pressions, l’indice S&P 500 reculant de 2 % par rapport aux niveaux d’avant la réunion. De leur côté, les taux des obligations du Trésor ont atteint des sommets inégalés en plus de dix ans sur l’ensemble de la courbe. Pourtant, l’essentiel de la réunion s’est avéré globalement conforme aux attentes du marché : les dernières données économiques ouvrent largement la voie à un atterrissage en douceur de l’économie.

Comme le montre le premier graphique, les prévisions économiques de la Fed ont été revues à la hausse de façon notable et avaient donc de quoi satisfaire le marché. Pour 2024, l’activité économique mesurée par la croissance du produit intérieur brut (PIB) nominal a été relevée de 40 points de base à 4,0 %, comparativement au taux de 3,6 % prévu en juin. Sans surprise, la prévision de croissance plus forte s’accompagne de perspectives plus favorables pour le marché du travail. Les estimations pour le taux de chômage à la fin de 2024 s’établissent maintenant à 4,1 % seulement, contre 4,5 % auparavant. De plus, elles ne décollent pas de ce niveau durant tout l’horizon prévisionnel de la Fed, soit jusqu’en 2026. Actuellement, le taux de chômage est de 3,8 % selon le dernier rapport sur l’emploi publié en août.

Modifications importantes aux prévisions de la Fed pour l’économie et les taux

Modifications importantes aux prévisions de la Fed pour l’économie et les taux

Le graphique illustre l’évolution des principales prévisions de la Fed concernant l’économie et les taux, entre la réunion de juin et celle de septembre. Les prévisions de croissance économique sont passées de 3,6 % à 4,0 % pour 2024, tandis que celles visant le taux de chômage ont baissé de 4,5 % à 4,1 %. La Fed estime également que le taux directeur demeurera élevé pendant longtemps et qu’il finira l’année à 5,1 %, contre 4,6 % auparavant.

  • Fourchette des prévisions
  • Prévision médiane

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Réserve fédérale ; la fourchette montre la tendance centrale, laquelle exclut les valeurs aberrantes.

On peut se demander si ces projections sont réalistes ou un peu trop optimistes. Nous penchons pour la deuxième option. Toutefois, si la Fed joue son va-tout sur un atterrissage en douceur, pourquoi le taux directeur prévu pour la fin de l’année prochaine année a-t-il monté à 5,1  % ? Cela signifie qu’il n’y aurait qu’une seule baisse de taux en 2024 par rapport au niveau actuel.

Voilà ce qui arrive quand les taux cessent de tenter de plaire à tous et commencent à s’attaquer à la réalité

Il serait pardonnable d’avoir supposé que les responsables de la Fed aient jumelé les attentes d’une économie plus vigoureuse et d’un taux de chômage plus bas à des prévisions d’inflation plus élevées ; hélas, ce n’est pas le cas.

Cela explique sans doute pourquoi le marché a un peu mal réagi à la dernière réunion de la Fed.

Dans les faits, la Fed a réduit ses attentes inflationnistes pour l’année en cours et laissé celles de 2024 inchangées à 2,5 % pour l’inflation globale des dépenses personnelles de consommation (DPC) et à 2,6 % pour l’inflation de base (hors aliments et énergie). Étant donné que la Fed a les yeux rivés sur l’inflation et que celle-ci s’est nettement améliorée au cours des derniers mois, une hausse aussi marquée des taux anticipés sur l’horizon prévisionnel a peut-être surpris les marchés, même s’ils intègrent depuis des mois le scénario de taux élevés pendant longtemps.

Nous pensons que le véritable enjeu, pour l’économie et les actifs à risque, concerne le niveau des taux réels. Comme le montre le dernier graphique, d’après les prévisions de la Fed, les taux réels prévus – c’est-à-dire le taux des fonds fédéraux moins le taux d’inflation globale des DPC – ont gagné plus de 50 points de base pour les prochaines années et s’approchent de leurs niveaux les plus élevés depuis 2007. En outre, si l’inflation ralentit davantage que le prévoit la Fed, comme le pensent les analystes sondés par Bloomberg, les taux réels ne pourront qu’augmenter. Les valorisations boursières sont extrêmement sensibles aux taux réels, tout comme l’activité économique. Une hausse des taux réels accentuerait donc aussi les risques d’erreur de politique de la Fed.

Pousser jusqu’à la limite ? Les prévisions de la Fed montrent une longue période de taux directeurs ajustés à l’inflation élevés

Taux des fonds fédéraux ajusté en fonction de l’inflation

Le graphique linéaire montre le taux des fonds fédéraux « réel », c’est-à-dire ajusté en fonction de l’inflation. D’après la mise à jour des projections de la Fed, qui tablent sur un taux directeur plus élevé, mais une inflation stable, les taux réels devraient se rapprocher de leurs niveaux les plus hauts depuis 2007.

  • Taux directeur « réel »
  • Taux directeur « réel » selon les projections de la Fed

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg ; le taux « réel » correspond au taux des fonds fédéraux moins le taux d’inflation globale des DPC sur 12 mois.

Il existe deux catégories de prévisionnistes : ceux qui ne savent pas, et ceux qui ne savent pas qu’ils ne savent pas

Comme toujours et ainsi que le président de la Fed, Jerome Powell, tenait encore à souligner, ces chiffres ne sont rien de plus que des prévisions fondées sur les données récentes. Celles-ci se sont certes améliorées, mais les projections demeurent largement incertaines. Les dernières prévisions de la Fed dénotent à la fois l’espoir de meilleurs résultats économiques et la volonté de mettre en œuvre une politique fondée sur le scénario le plus favorable.

Les turbulences du marché ont augmenté en conséquence, mais la Fed agit uniquement en fonction des données. Autrement dit, elle ignore tout autant que quiconque ce que l’avenir nous réserve. De fait, la probabilité d’une dernière hausse de taux cette année s’établit à 50 % d’après le marché des contrats à terme sur les fonds fédéraux, et c’est aussi ce que la Fed continue d’anticiper. En outre, alors que la Fed maintient ses projections de taux à plus de 5,00 % pour la fin de la prochaine année, le marché s’attend plutôt à ce qu’ils avoisinent 4,75 %.

Tout bien considéré, notre avis sur la politique de la Fed demeure généralement le même : les hausses de taux sont probablement terminées, et la balance des risques semble encore pencher pour plusieurs baisses de taux, à titre « d’assurance », l’année prochaine, à mesure que l’activité économique et l’inflation ralentiront.

Le taux de l’obligation du Trésor américain à 10 ans (le titre de référence) s’est rapproché de 4,50 %, le niveau auquel nous pensions qu’il culminerait. Mais pourrait-il continuer de monter et frôler 5,00 % ? Il ne s’agit pas encore de notre scénario de base, mais peu de choses semblent susceptibles d’entraver sa progression pour le moment. Peu importe, il constitue une manne pour les investisseurs en titres à revenu fixe – ou pour l’ensemble des investisseurs, à l’heure actuelle – et nous continuons de recommander de profiter de ces rendements en revenu.


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