Le débat de la Fed sur son double mandat

Analyse
Perspectives

Les questions concernant les mandats de la Réserve fédérale, soit la stabilité des prix et le plein emploi, sont nombreuses. Nous examinons ce que les investisseurs devraient savoir à un moment où les prochaines décisions de la banque centrale manquent de clarté.

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8 mai 2025

Thomas Garretson, CFA
Premier stratégiste, Portefeuilles
Stratégies des titres à revenu fixe
Services-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis

En termes non équivoques – qui pourraient être bien accueillis dans un monde fortement dominé par l’incertitude –, la réunion de la Réserve fédérale américaine (Fed) cette semaine a été essentiellement sans conséquence.

Toutefois, certains événements mineurs témoignant de thèmes plus généraux qui méritent d’être explorés, selon nous.

Dans un nouveau libellé ajouté à son énoncé de politique officielle, la Réserve fédérale américaine a souligné que « le Comité est attentif aux risques touchant les deux volets de son double mandat et juge que les risques d’une hausse du chômage et de l’inflation ont augmenté ».

Dans son allocution, son président, Jerome Powell, a ajouté que « si les fortes hausses des tarifs douaniers qui ont été annoncées sont soutenues, elles devraient entraîner une hausse de l’inflation, un ralentissement de la croissance économique et une augmentation du chômage ».

Ce thème, bien sûr, se reflète également de plus en plus dans une vaste gamme de prévisions d’analystes. Le premier graphique montre à quel point les économistes de RBC Marchés des Capitaux s’attendent à ce que l’inflation s’écarte de la cible annuelle de 2,0 % de la Fed et à ce que le chômage dépasse le taux de chômage à inflation stationnaire de 4,2 % estimé par la Fed.

L’inflation et le chômage ont tous deux dépassé les objectifs de la Fed, mais dans une plus grande mesure pour l’inflation

Estimations de l'inflation et du chômage par rapport aux cibles

Le graphique montre à quel point RBC Marchés des Capitaux s’attend à ce que l’inflation s’écarte de la cible annuelle de 2,0 % de la Fed et à quel point le chômage pourrait dépasser le taux de « plein emploi » de 4,2 % estimé par la Fed. L’inflation devrait dépasser la cible de la Fed de 1,4 point de pourcentage au quatrième trimestre de 2025 et le taux de chômage de 0,6 point de pourcentage.

  • Écart de l’inflation
  • Écart du chômage

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg; prévisions de RBC Marchés des Capitaux pour l’indice des prix à la consommation et le taux de chômage en date d’avril 2025

Briser la tension

Comme M. Powell l’a souligné à plusieurs reprises lors de sa conférence de presse, les perspectives d’une hausse de l’inflation et du chômage créent des « tensions » quant au double mandat de la Fed, soit la stabilité des prix et le plein emploi, et à la façon dont elle gère ses outils de politique monétaire pour le réaliser.

La question est donc de savoir à quel mandat la Fed accordera la priorité lorsqu’elle décidera d’agir.

Notre raisonnement actuel est relativement simple : les effets inflationnistes des tarifs douaniers se feront sentir en premier et dans une plus grande mesure, ce qui maintiendra la Fed sur la touche jusqu’à sa réunion de septembre. À ce moment-là, la croissance du chômage, si elle se concrétise, déclenchera la première d’une série de réductions de taux – trois cette année, selon nous, puis trois autres l’an prochain – même dans un contexte d’inflation élevée. Toutefois, l’inflation commencera à s’estomper et le chômage se stabilisera jusqu’en 2026.

Il va sans dire que, même dans le meilleur des contextes, les prévisions ne sont que des prévisions. À l’heure actuelle, toute prévision ne vaut probablement pas beaucoup mieux que la pire des hypothèses. Mais cela semble être un cadre simple et équitable avec lequel travailler.

Les attentes inflationnistes ont-elles un effet déstabilisateur?

Même si la Fed a souligné que la croissance économique actuelle demeure solide et que l’inflation n’est que modérément élevée, le thème suivant qui a été abordé lors des récentes réunions a été les attentes concernant ces deux éléments. M. Powell a régulièrement déclaré que la tâche de la Fed consiste à éviter que l’effet inflationniste ponctuel des tarifs douaniers ne se transforme en un problème d’inflation persistant.

Comme le montre le second graphique, cet objectif semble menacé. Les attentes d’inflation des consommateurs ont fortement grimpé depuis le début de l’année. Même si M. Powell a minimisé ce fait à la réunion de mars, indiquant qu’il est trop tôt pour tirer une conclusion, quatre mois marquent presque une tendance, selon nous, et les données préliminaires pour mai attendues la semaine prochaine pourraient la prolonger.

Des décennies de stabilité relative quant aux attentes d’inflation chamboulées

Variation prévue des cours durant les cinq à dix prochaines années

Variation prévue des cours durant les cinq à dix prochaines années

Le graphique linéaire montre les attentes d’inflation à long terme des prix à la consommation au cours des 25 dernières années. Les attentes ont été relativement stables autour de la médiane de 2,8 % pendant la majeure partie de la période. Au cours des derniers mois, toutefois, les attentes à l’égard de l’inflation ont bondi à 4,4 %, soit beaucoup plus que jamais au cours des 25 dernières années.

  • Attentes d’inflation à long terme des prix à la consommation
  • Médiane

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg, enquêtes sur la consommation de l’Université du Michigan

Cette dynamique ne doit pas être ignorée. Au cours des dernières décennies, la Fed a largement atteint son objectif d’« ancrer » les attentes d’inflation. Dans l’ensemble, et même au pire de la récente vague d’inflation, les attentes se sont maintenues dans une fourchette étroite. Cette tendance, si elle se poursuit, pourrait signaler un changement important dans l’humeur des consommateurs en ce qui a trait aux prix.

Nous nous demandons si cette série de craintes inflationnistes induites par les tarifs douaniers ne sortait pas d’une véritable vague d’inflation qui n’a semblé atteindre un creux que récemment. Dans ce cas, il pourrait s’agir d’un épisode ponctuel. Mais le fait de se produire si tôt après un cycle inflationniste ne pourrait qu’alimenter un autre cycle où nous pourrions voir les entreprises augmenter leurs prix et les travailleurs chercher à obtenir des gains salariaux pour compenser l’effet de la hausse des prix, et ainsi de suite.

L’intensification des attentes d’inflation présente également des risques économiques – si les consommateurs craignent une hausse des prix, ils pourraient dépenser maintenant, et c’est peut-être ce qui maintient actuellement l’activité économique. Toutefois, compte tenu des questions grandissantes concernant la capacité des consommateurs à dépenser et des craintes croissantes à l’égard de leur volonté de dépenser, une consommation supérieure maintenant pourrait signifier une consommation inférieure plus tard.

En mode attente

Même si la réunion de la Fed n’a pas fait dévier les marchés dans quelque direction que ce soit, l’annonce d’un cadre d’accord commercial avec le Royaume-Uni aujourd’hui a eu cet effet. L’indice S&P 500 a grimpé à 5 700, tandis que le taux de rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans a augmenté à 4,33 %.

Nous avons continué de recommander une pondération du marché à l’égard des actions et des titres à revenu fixe des États-Unis, mais la volatilité récente et l’incertitude du marché entraînent un contexte précaire. En date d’avril, RBC Marchés des Capitaux prévoyait que l’indice S&P 500 allait atteindre un niveau de clôture de 5 550 à la fin de l’année, ce qui correspond à une baisse de près de 3,0 % par rapport aux niveaux de négociation actuels. Parallèlement, RBC Marchés des Capitaux prévoit que le taux des obligations du Trésor à 10 ans clôturera l’année à 3,75 %. Si le taux de rendement obligataire devait baisser à ce niveau, en plus des coupons obtenus, l’appréciation du cours des obligations se traduirait par un rendement total juste au-dessus de 7,0 %.

Si les craintes à l’égard des tarifs douaniers et des échanges commerciaux continuent de s’apaiser, il existera peut-être un léger potentiel de hausse par rapport à ces deux prévisions. Mais dans un contexte comme celui-ci, il est peut-être préférable de suivre l’exemple de la Fed et d’être en mode attente.


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