Les chiffres derrière les droits de douane américains

Analyse
Perspectives

Les perceptions douanières américaines enregistrent une nette augmentation. Dans un contexte marqué par l’incertitude juridique et la répercussion progressive de la hausse des coûts, il est important de trouver un équilibre entre la bonne santé des entreprises et les risques politiques pour bien structurer son portefeuille.

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25 septembre 2025

Par Joseph Wu, CFA

Attention à l’écart dans les droits de douane

Selon le Yale Budget Lab et la Tax Foundation, le taux des droits de douane moyen pondéré appliqué aux importations est estimé entre 17 % et 19 %, soit une forte hausse par rapport à 2 % au début de l’année et le plus haut niveau depuis les années 1930.

Malgré de nombreuses annonces très médiatisées, l’augmentation des droits de douane s’est révélée moins importante que prévu. En date d’août 2025, les perceptions de recettes douanières donnent à penser que le taux moyen des droits de douane était plus proche de 10,5 %, ce qui est bien en deçà des estimations générales (voir la figure). Cette différence a contribué à maintenir les répercussions économiques à un niveau moindre que ce que l’on craignait au départ, les effets sur la croissance et l’inflation étant moins marqués.

Estimation du taux des droits de douane américains

Recettes douanières nettes du Trésor en pourcentage des importations de biens (par mois)

Recettes douanières nettes du Trésor en pourcentage des importations de biens (par mois)

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg, le Yale Budget Lab et The Tax Foundation ; données prises en compte jusqu’au 19 septembre 2025.

Le graphique linéaire montre le taux moyen estimé des droits de douane américains sur la base des recettes nettes des droits de douane du département du Trésor américain en pourcentage des importations de marchandises de 2015 jusqu’au 19 septembre 2025. Les droits de douane ont augmenté de façon spectaculaire en 2025, passant d’environ 2,4 % en mars à plus de 10 % en septembre.

L’écart entre le taux des droits de douane généralisés et le taux de perception réel s’explique principalement par deux dynamiques.

Réorientation des échanges commerciaux et rajustements des chaînes logistiques : les droits de douane élevés sur certains pays et certains produits incitent les entreprises à trouver des solutions de rechange. Par exemple, les droits de douane élevés sur les biens chinois ont poussé les entreprises à reconfigurer leurs chaînes logistiques en privilégiant des pays auxquels on impose des droits moins élevés, ou en se tournant vers d’autres marchés ou d’autres produits frappés de droits de douane plus bas. Les effets de la réorientation et de la substitution des échanges atténuent l’incidence des droits de douane généralisés, puisque les importations se poursuivent, mais par des canaux moins coûteux.

Exemptions : une grande partie des importations américaines est exonérée des droits de douane en vertu des accords de libre-échange existants. Par exemple, l’Accord États-Unis–Mexique–Canada (AEUMC) prévoit des exemptions considérables pour les produits canadiens et mexicains, et Services économiques RBC estiment que près de 90 % des importations américaines en provenance du Canada sont exemptes de droits de douane.

Ensemble, ces facteurs signifient que, même si les biens assujettis aux droits de douane sont soumis à des taux historiquement élevés, le fardeau économique réel a jusqu’à présent été plus modeste que ne l’indiquent les données globales.

Quelqu’un paie

Même s’ils sont inférieurs aux estimations, le coût total des droits de douane (taxes à l’importation) reste considérable. Les recettes tirées des droits de douane américains se chiffrent maintenant à environ 30 milliards de dollars par mois, ce qui porte les perceptions à 354 milliards de dollars en rythme annualisé, soit environ 275 milliards de dollars de plus qu’en 2024.

Recettes provenant des droits de douane américains

Recettes douanières nettes du Trésor (mensuelles, G$ US)

Recettes douanières nettes du Trésor (mensuelles, G$ US)

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg ; données prises en compte jusqu’au 19 septembre 2025.

Le graphique montre les recettes mensuelles tirées des droits de douane des États-Unis depuis 2015. Les recettes mensuelles étaient inférieures à 10 milliards de dollars jusqu’en mars 2025, date à laquelle elles sont passées d’environ 8 milliards de dollars à près de 30 milliards de dollars par mois.

Reste à savoir qui assumera ultimement les coûts. En principe, ils peuvent être répartis entre les exportateurs étrangers (en baissant les prix pour demeurer concurrentiels), les entreprises américaines (qui réduisent leurs bénéfices en absorbant les droits de douane) ou les consommateurs (en augmentant les prix).

Jusqu’à présent, ce sont les entreprises américaines qui assument une part importante du fardeau. L’indice des prix à l’importation aux États-Unis, qui fait le suivi du coût des importations hors droits de douane, est demeuré stable cette année, tandis que l’inflation a augmenté un peu moins que prévu. Ces tendances nous portent à croire que les entreprises ont probablement absorbé une part considérable du coût des droits de douane, du moins pour le moment, plutôt que de le répercuter entièrement.

Ce scénario pourrait toutefois ne pas durer éternellement. Si les taux des droits de douane restent élevés lorsque les stocks constitués avant l’imposition des droits de douane seront épuisés, la réticence à augmenter les prix pourrait faiblir, à mesure que la pression pour défendre la rentabilité augmentera. Au fil du temps, le fardeau des droits de douane pourrait se répercuter de manière plus visible sur les consommateurs.

Une aura d’imprévisibilité persistante

L’avenir de la politique commerciale des États-Unis semble loin d’être tracé, et d’autres revirements surviendront probablement. En novembre, la Cour suprême des États-Unis devrait entendre les arguments dans une affaire portant sur la légalité de certains droits de douane. En cas de renversement, l’administration Trump pourrait être contrainte de reconfigurer ses mesures commerciales et de remplacer des droits de douane existants par des nouveaux dans des cadres d’imposition différents. En raison de cette incertitude juridique, les entreprises et les marchés doivent composer avec un large éventail de résultats possibles, puisque les droits de douane de remplacement pourraient être supérieurs ou inférieurs aux taux en vigueur aujourd’hui.

L’ambiguïté juridique s’ajoute à une conjoncture déjà instable ; les effets secondaires des tensions commerciales continuent de se faire sentir et l’AEUMC devrait être revu l’an prochain. Bien que la politique commerciale américaine ait généralement évolué favorablement pour les marchés et l’économie, nous n’excluons pas la possibilité de nouvelles préoccupations à l’égard de la croissance et de l’inflation dans les mois à venir, alors que les effets des droits de douane se répercuteront pleinement sur l’économie.

Malgré les risques politiques, la résilience des données fondamentales des sociétés, soutenue en partie par la vigueur continue du thème de l’investissement dans l’intelligence artificielle, a contribué à atténuer ces vents contraires. Selon les estimations générales de Bloomberg concernant l’indice MSCI All Country World, les bénéfices mondiaux devraient encore augmenter de 9 % en 2025 et de 11 % en 2026. La stabilité des rendements des sociétés dans un contexte d’exploitation difficile a permis aux investisseurs de regarder au-delà de l’évolution des droits de douane.

Nous sommes d’avis qu’après avoir équilibré les solides données fondamentales des sociétés par rapport aux valorisations optimistes et aux risques persistants liés à la politique, il demeure judicieux de rapprocher la répartition des actions et du risque près de leurs cibles stratégiques tout en mettant l’accent sur les sociétés de qualité et en diversifiant les placements parmi les secteurs et les régions.


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