La nervosité gagne les obligations à long terme

Analyse
Perspectives

Il est peu probable que la volatilité des marchés se dissipe bientôt. Toutefois, même si les marchés des titres à revenu fixe ont raisonnablement bien résisté aux facteurs externes cette année, la prochaine source de volatilité pourrait provenir du marché obligataire mondial lui-même.

Partager

18 juin 2025

Thomas Garretson, CFA
Premier stratégiste, Portefeuilles
Stratégies des titres à revenu fixe
Services-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis

Points importants

  • Même si la plupart des banques centrales ont continué de réduire les taux à court terme au premier semestre de l’année, les taux des obligations d’État à long terme ont défié les baisses de taux et remonté.
  • Bien qu’il existe de nombreuses raisons pour lesquelles les taux des obligations à long terme augmentent, les niveaux des dettes souveraines et les risques, en particulier aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Japon, deviennent de plus en plus des facteurs à prendre en compte.
  • Quoiqu’il existe un risque, nous continuons de croire que la détérioration des données fondamentales de l’économie sera le principal facteur influant sur les taux de rendement, qui s’estomperont modestement au deuxième semestre de l’année.

Si la volatilité était le principal narratif du marché pour le premier semestre de l’année, nous nous attendons à ce que le deuxième semestre de l’année soit encore plus volatil.

Les marchés obligataires mondiaux ont dû composer avec des problèmes sur de nombreux fronts et de toutes parts. Des enjeux comme les risques d’inflation liés aux tarifs douaniers ont été favorables à des taux de rendement plus élevés, où la possibilité d’un ralentissement de la croissance économique induit par ces tarifs jouerait en faveur de taux de rendement plus faibles.

Même si la guerre commerciale semble s’être quelque peu dissipée en arrière-plan pour l’instant, l’incertitude règne quant aux tarifs douaniers, qui devraient avoir des répercussions dans la seconde moitié de l’année. Comme c’est souvent le cas, une source de volatilité est plus susceptible d’être simplement remplacée par une autre. Le prochain risque pour les marchés obligataires mondiaux pourrait provenir de l’intérieur, soit des obligations d’État.

Des taux d’intérêt plus bas et des taux de rendement plus élevés

Le premier graphique souligne les risques émergents liés aux finances publiques. Même si la plupart des grandes banques centrales – à l’exception de celle du Japon – ont réduit les taux d’intérêt à court terme, les taux des obligations d’État à long terme n’ont pas suivi; ils ont pris la direction opposée.

Par exemple, depuis que la Réserve fédérale a procédé à la première d’une série de réductions de taux en septembre 2024, lesquelles se sont finalement élevées à 100 points de base, les taux des obligations du Trésor à long terme ont augmenté d’autant; une situation semblable s’est produite au Royaume-Uni.

Bien que l’augmentation des taux de rendement à long terme au Japon ne soit pas aussi surprenante compte tenu des modestes hausses de taux d’intérêt de la Banque du Japon (BdJ), la récente flambée s’explique en grande partie par la faiblesse inattendue de la demande des investisseurs lors des adjudications d’obligations en mai. Les investisseurs semblent être restés à l’écart en raison des préoccupations grandissantes quant à la détérioration de la trajectoire budgétaire du Japon.

Malgré les réductions de taux des banques centrales, les taux de rendement obligataires continuent de grimper

Variation des taux directeurs des banques
          centrales et des taux des obligations à 30 ans depuis septembre 2024

Le graphique montre la variation des taux directeurs des banques centrales et des taux des obligations à 30 ans depuis septembre 2024, ainsi que la cote de solvabilité globale des principales agences de notation pour l’Allemagne (note AAA; taux directeur de -185 pb; taux obligataire de +30 pb), le Canada (note AAA; taux directeur de -175 pb; taux obligataire de +30 pb), les États-Unis (note AA+; taux directeur de -100 pb; taux obligataire de +100 pb), le Royaume-Uni (note AA; taux directeur de -75 pb; taux obligataire de +81 pb) et le Japon (note A+; taux directeur de +25 pb; taux obligataire de +85 pb).

  • Variation du taux directeur des banques centrales
  • Variation des taux de rendement des obligations d’État à 30 ans

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg; indique la variation nette entre le 1er septembre 2024 et le 30 mai 2025; notes de crédit composées des principales agences de notation; utilisation de l’Allemagne comme indicateur pour l’Union européenne; réductions de taux par la Banque centrale européenne indiquées.

Orientation budgétaire

C’est là que réside ce qui pourrait être la prochaine source de volatilité des marchés cette année : les craintes à l’égard des titres de créance d’État.

Même si les taux obligataires à long terme ont également augmenté en Allemagne et au Canada, malgré des réductions de taux encore plus importantes décrétées par la Banque centrale européenne et la Banque du Canada, la hausse plus modeste pourrait simplement être le reflet de l’atténuation des préoccupations concernant le crédit.

Après la décote par Moody’s de la note de crédit américaine en mai, les États-Unis ont maintenant une note de crédit moyenne de AA+, le Royaume-Uni, une note de AA et le Japon, une note de A+. Qu’en est-il du Canada et de l’Allemagne? Ces deux pays sont toujours notés AAA et, selon nous, ils suscitent peu d’inquiétudes sur le plan budgétaire.

Le Royaume-Uni a surmonté ses propres préoccupations budgétaires au cours des dernières années, les marchés obligataires ayant notamment réagi vigoureusement contre les réductions d’impôt précédentes et les plans d’expansion du déficit en 2022. Au premier trimestre de cette année, les besoins de financement du gouvernement britannique ont atteint l’un des plus hauts niveaux jamais enregistrés, le taux des obligations d’État à 30 ans ayant dépassé 5,6 %, soit son plus haut niveau depuis 1998.

Et que dire des États-Unis? Même si la détérioration de la situation budgétaire n’a rien de nouveau – et que les marchés ont plutôt bien résisté pendant des décennies – les choses risquent de culminer plus tard cette année.

Dans sa décision, Moody’s a indiqué qu’elle s’attend notamment à ce que la grande et belle loi, appelée en anglais « One Big Beautiful Bill Act », alourdisse le déficit de 4 000 milliards de dollars au cours des dix prochaines années et que les déficits annuels augmentent à environ 9 %, en supposant une croissance économique stable et le plein emploi. Un ralentissement de la croissance ou un véritable repli économique ne ferait probablement qu’accroître le déficit.

Même si la version définitive du projet de loi reste à voir et que le Sénat semble pencher davantage en faveur d’une version moins susceptible d’aggraver le déficit, nous croyons que les déficits aux États-Unis continueront presque certainement d’aller dans la mauvaise direction.

Pour cette raison, les adjudications d’obligations d’État et la façon dont les gouvernements prévoient se financer continueront de retenir l’attention. Après la flambée des taux de rendement en mai, la Banque du Japon semble avoir réussi à calmer les marchés en laissant planer l’idée de réduire les émissions d’obligations à long terme si la demande est insuffisante. Aux États-Unis, le département du Trésor pourrait également emprunter cette voie s’il y a des signes de manque d’intérêt à l’échelle nationale et internationale. Cela pourrait contribuer à maintenir les taux de rendement à long terme à des niveaux plus bas, mais il existe également des risques d’émissions et de refinancement à court terme, sans parler du fait que le département pourrait déjà trop dépendre du financement à court terme. Il y a peut-être de mauvaises options et des options pas si mauvaises, et pareille situation pourrait être une source persistante de volatilité.

Répercussions économiques

Enfin, l’optimisme des marchés pourrait être excessif. Les actifs risqués mondiaux semblent avoir été soutenus par les mesures d’assouplissement des banques centrales, mais il pourrait ne s’agir que d’un assouplissement fictif.

Par exemple, lorsque la Fed a commencé à réduire les taux à court terme en septembre dernier, le taux de référence des obligations du Trésor à dix ans était de 3,6 % et le taux hypothécaire moyen à 30 ans, de 6,6 %. À la fin de mai, ces deux paramètres étaient plus élevés, à 4,4 % et à 7,0 % respectivement.

Malgré les efforts de la Fed et d’autres banques centrales pour assouplir leur politique monétaire, ces efforts n’ont peut-être pas eu l’effet souhaité. Le poids des taux plus élevés des obligations d’État – qui ont tendance à avoir un effet à retardement – pourrait encore représenter un risque pour l’activité économique à l’échelle mondiale jusqu’à la fin de l’année.

Il y a des risques, mais les investisseurs sont rémunérés en contrepartie

Les taux obligataires mondiaux semblent coincés entre la menace d’une inflation persistante et l’augmentation des niveaux d’endettement dans le scénario optimiste et entre le ralentissement de la croissance économique et la hausse du chômage dans le scénario pessimisme.

L’hypothèse la plus simple serait que les taux de rendement demeurent confinés dans une fourchette étroite pendant le reste de l’année. Cela dit, nous pensons qu’un ralentissement de la croissance finira par être le facteur dominant des taux de rendement, et que les taux mondiaux diminueront légèrement à la fin de l’année.

S’il y a un potentiel de hausse à cause de l’augmentation des bilans des États, c’est parce que les investisseurs en titres à revenu fixe ont maintenant plus d’options et plus de rendement. Comme le montre le deuxième graphique, l’ère qui a suivi la crise financière mondiale marquée par des dépenses publiques prudentes, une croissance anémique et des niveaux de rendement inexistants semble de plus en plus susceptible d’être reléguée aux annales. Il y a des risques, mais, au moins, les investisseurs sont maintenant rémunérés en contrepartie.

L’ère des faibles taux est derrière nous

Rendement de l’indice Bloomberg Global Aggregate Bond

Rendement de l’indice Bloomberg Global Aggregate Bond

Le graphique montre le rendement moyen de l’indice Bloomberg Global Aggregate Bond depuis 2001. Après avoir fléchi fortement après la crise financière mondiale de 2008, il a atteint, depuis 2021, des niveaux supérieurs à 3,0 % à ceux considérés comme normaux avant cet épisode.

  • Récession
  • Après la crise financière mondiale

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg


RBC Gestion de patrimoine est une division opérationnelle de Banque Royale du Canada. Veuillez cliquer sur le lien « Conditions d’utilisation » qui figure au bas de cette page pour obtenir plus d’information sur les entités qui sont des sociétés membres de RBC Gestion de patrimoine. Nous n’approuvons ni ne recommandons le contenu de cette publication, qui est fourni à titre d’information seulement et ne vise pas à donner des conseils.

® / MC Marque(s) de commerce de Banque Royale du Canada utilisée(s) sous licence. © Banque Royale du Canada 2025. Tous droits réservés.


Thomas Garretson, CFA

Premier stratégiste, Portefeuilles
Stratégies des titres à revenu fixe
Services-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis

Entrons en contact


Nous voulons discuter de votre avenir financier.

Articles connexes