Les jeunes Autochtones trouvent résilience et apaisement grâce à des services de santé mentale

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Le Sommet de la jeunesse autochtone vise à apaiser les traumatismes intergénérationnels et à démontrer la résilience des peuples autochtones.

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Michele Young-Crook, Anishinabe du clan de l’ours, savait dès l’enfance qu’elle voulait réussir et devenir financièrement autonome. Elle voulait une vie meilleure que celle qu’elle avait connue, et ce souhait s’est intensifié après la naissance de ses enfants.

« Je voulais une vie plus riche, surtout après avoir donné naissance – j’ai eu ma fille en 2007. Je me suis alors demandé ce que je pourrais faire pour améliorer ma situation, pour m’améliorer. »

Aujourd’hui mère de trois enfants âgés de 4, 10 et 14 ans, elle est directrice générale de la National Aboriginal Trust Officers Association (NATOA), une organisation caritative axée sur le développement, de même que sur la promotion de la gestion et de l’exploitation de fiducies autochtones. Elle a été bénévole au sein de l’organisation pendant de nombreuses années avant de gravir les échelons.

Son parcours n’a toutefois pas toujours été facile. Elle a longtemps été tourmentée par des crises d’anxiété et de panique, a été victime d’intimidation et d’exclusion au secondaire, et a lutté contre des idées suicidaires au début de la vingtaine. Elle a également souffert de forte anxiété après la naissance de deux de ses enfants.

« Je sais qu’il n’existait pas beaucoup de ressources en santé mentale quand j’étais plus jeune. J’allais voir les conseillers d’orientation de l’école et je tentais d’approcher d’autres gens, mais il y avait toujours, je pense, une stigmatisation. Même si elle n’est pas aussi importante qu’avant, elle persiste », dit Mme Young-Crook.

« Il y avait peu de véritables ressources à l’époque. Le service Jeunesse, J’écoute n’était pas ce qu’il est aujourd’hui. Je suis reconnaissante d’avoir pu m’en sortir grâce à des personnes qui m’ont soutenue et aidée à réaliser ma valeur. »

Aujourd’hui, Mme Young-Crook se sent beaucoup mieux et ses crises de panique ont diminué. Malheureusement, tout le monde n’a pas cette chance. Le taux de suicide dans les collectivités autochtones est en hausse.

« Nous perdons des amis, ou des membres de notre famille. J’ai perdu beaucoup de personnes de cette manière au fil des ans… Je voulais donc faire quelque chose », dit-elle.

Création d’un réseau de soutien pour les jeunes Autochtones

Mme Young-Crook a constaté l’incidence de la pandémie de COVID-19 sur le moral des gens, en particulier chez les jeunes. Membre d’un comité pour l’éducation autochtone, elle a entendu les étudiants dire à quel point ils se sentaient abattus. Plusieurs sont aux prises avec des problèmes de toxicomanie et de violence physique et psychologique, mais n’ont aucun moyen d’y faire face.

« Il n’existe aucune ressource spécialisée pour les jeunes Autochtones. Je souhaitais leur fournir des mécanismes d’adaptation, dit-elle, ajoutant que les quelques ressources prétendument disponibles n’étaient plus en service ou contenaient de l’information périmée.

Poussée à agir à la lecture d’une publication d’un chef autochtone qui exprimait son chagrin d’avoir enterré plus d’une demi-douzaine de jeunes de sa collectivité en peu de temps, Mme Young-Crook savait que son organisation pouvait faire quelque chose.

Elle a passé des semaines à réunir des milliers de courriels provenant de tous les groupes de Premières nations, de Métis et d’Inuits du Canada, et communiqué avec les nombreux jeunes autochtones avec lesquels elle avait noué des liens au fil des ans pour leur proposer l’organisation d’un sommet.

Pendant trois jours, à l’automne 2020, plus de 200 jeunes Autochtones de toutes les régions du Canada se sont réunis en ligne pour un sommet virtuel qui, selon certains, a préservé leur santé mentale en pleine pandémie. Le sommet a offert à ces jeunes adultes, privés d’activités, de sports et de cours en personne et d’un sentiment d’appartenance à leur collectivité pendant la COVID-19, une rare occasion de rétablir des liens.

La santé mentale au centre des préoccupations

Favoriser les occasions offertes aux femmes et aux jeunes Autochtones et renforcer leur littératie financière joue un rôle important dans le mandat de la NATOA, dit Mme Young-Crook, mais ces objectifs sont beaucoup plus difficiles à atteindre sans soutien à la santé et au bien-être mental.

« Tout commence par l’état d’esprit. Si l’état d’esprit n’est pas bon, il est difficile de prendre des décisions », ajoute-t-elle. La recherche sur les traumatismes intergénérationnels et les habitudes de consommation, par exemple, suggère que certaines personnes dépensent de l’argent pour obtenir un sentiment momentané de bonheur et d’euphorie.

« Il faut trouver le moyen de remédier à cela afin d’assurer l’accumulation d’un patrimoine intergénérationnel », dit-elle.

« Nous essayons de démontrer qu’une fois qu’une personne va mieux et qu’elle a établi une nouvelle relation avec l’argent, elle apprendra à épargner. Elle remplacera l’euphorie liée à la dépense par celle liée à l’épargne et fera de meilleurs choix. »

Les fiducies autochtones servent à protéger et à gérer les activités commerciales et les fonds de règlement découlant des revendications territoriales et des droits fonciers issus de traités. Au fil des ans, les groupes autochtones du Canada ont créé, à des fins d’investissement à long terme, un nombre croissant de fiducies dont les revenus apportent également une aide immédiate aux collectivités.

Réussite dans les collectivités

Le sommet de la NATOA sur la santé mentale, les connaissances financières et l’entrepreneuriat a permis à de jeunes Autochtones dès 16 ans de rencontrer leurs pairs en ligne et d’entendre des anciens et d’autres leaders communautaires.

Mme Young-Crook explique que les participants ont particulièrement apprécié les sujets liés à la santé mentale, comme l’autothérapie, la séance de questions-réponses avec un conseiller en santé mentale et les interventions de représentants de jack.org.

« [Les participants] ont dit que cet événement avait sauvegardé leur santé mentale », affirme Mme Young-Crook.

« Ils se sentaient tellement démunis, n’ayant pas discuté depuis longtemps avec d’autres jeunes Autochtones par suite de l’annulation des événements annuels habituels. » 

Quatre des jeunes qui ont participé au sommet de 2020 ont créé des entreprises qui sont toujours en activité. D’autres se sont sentis suffisamment confiants pour retourner aux études. Une participante, croyant ne pas pouvoir exercer un métier parce qu’elle était une femme, a été tellement inspirée par une femme de métier sur place qu’elle étudie maintenant pour devenir électricienne. Une autre participante est en train de démarrer un programme d’activités sans inscription pour les jeunes.

« Nous avons eu tant de bons résultats, » dit Mme Young-Crook. Elle espère poursuivre sur cette lancée.

La NATOA organisera en 2021 un autre sommet virtuel pour la jeunesse autochtone parrainé par RBC, et prévoit passer à un sommet en personne en 2022 si la situation sanitaire le permet. L’organisation souhaite que des cadres autochtones de RBC y présentent des conférences sur le thème de la littératie financière. De plus, elle a déposé une demande de financement pour un projet avec le gouvernement du Canada visant à accroître la sensibilisation aux jeunes Autochtones et à la santé mentale.

Résilience et apaisement

Mme Young-Crook explique que la santé mentale était le principal sujet dont les gens voulaient discuter durant le sommet de 2021. « Nous devons leur donner les bons outils, ajoute-t-elle. C’est encore plus vrai aujourd’hui, après la découverte bouleversante de ces milliers de tombes sur les terres des pensionnats du pays. »

« Lorsque nous avons ajouté le thème de la santé mentale au sommet, il a été très bien accueilli », dit-elle, ajoutant que la présence des anciens au cours de ces discussions a eu un grand effet.

« Les anciens sont les gardiens du savoir, et nous avons constaté que lorsqu’ils étaient présents, les jeunes étaient plus enclins à parler. Je pense que c’est une question de confiance : la présence des anciens est réconfortante. »

L’un des anciens qui a pris la parole au sommet de 2020 a raconté sa propre expérience : suicide de membres de sa famille, lutte contre la toxicomanie et ses propres pensées suicidaires. Par ailleurs, tous les anciens qui ont pris la parole étaient des survivants des pensionnats, ce qui a bien ému Mme Young-Crook. Sa propre grand-mère, qui l’a élevée, a perdu plusieurs de ses frères et sœurs dans les pensionnats.

« Seize d’entre eux y ont été internés, et seulement huit ou neuf en sont revenus », dit-elle. Soulignant l’importance d’enseigner aux jeunes Autochtones des mécanismes d’adaptation, Mme Young-Crook espère que ces mécanismes contribueront à apaiser les traumatismes intergénérationnels et à démontrer la résilience des peuples autochtones.

Entendre [les anciens] parler de leur guérison et de leur capacité à être présents pour les autres et pour les prochaines générations a vraiment trouvé écho chez les jeunes, leur faisant prendre conscience que nous sommes tous liés.

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