Journée internationale des femmes : Susciter le changement dans le monde de l’entreprise en misant sur la « générosité radicale »

Femmes et santé
Présence communautaire

Ilana Ben-Ari était déterminée à favoriser le changement dans la société et avait une idée qui lui semblait pleine de promesses. Elle s’est dit que le reste prendrait forme en cours de route.

Partager

Ilana Ben-Ari était déterminée à favoriser le changement dans la société et avait une idée qui lui semblait pleine de promesses. Elle s’est dit que le reste prendrait forme en cours de route.

Son idée lui a valu de nombreux prix, une conférence TEDx et une mention dans le magazine Time. L’entreprise de Mme Ben-Ari, appelée Twenty One Toys , est maintenant présente dans 49 pays.

Les choses étaient fort différentes pour Mme Ben-Ari il y a tout juste quelques années. Elle avait un produit : un casse-tête tactile en bois qu’elle avait conçu initialement à l’intention des personnes ayant une déficience visuelle. On y jouait les yeux bandés, et il fallait collaborer pour réussir. Mme Ben-Ari avait vite réalisé que le « jouet axé sur l’empathie » qu’elle avait créé pouvait s’adresser à tout le monde.

« Le jour, je faisais des essais en mettant le casse-tête entre les mains d’étudiants ayant une déficience visuelle, puis le soir je refaisais la même chose, mais avec des adultes n’ayant aucune difficulté visuelle, dit Mme Ben-Ari, qui était alors étudiante en design industriel. Dans les deux cas, j’obtenais les mêmes réactions : sentiment de défi, frustration, mais aussi une extraordinaire créativité dans la communication. »

Ce qui l’a inspirée pour créer ce jouet, c’est le sentiment que les aptitudes non techniques comme la créativité et l’intelligence émotionnelle n’étaient pas prises en compte par le système d’éducation traditionnel.

« À la maternelle, les enfants sont extraordinairement créatifs. Leurs activités ne sollicitent pas seulement leur créativité, mais aussi leur capacité de collaborer et leurs aptitudes sociales et émotionnelles, dit-elle. Puis, juste avant leur entrée à l’école primaire, ces aspects cessent d’être une priorité, et on canalise fortement leur attention vers la lecture, l’écriture et l’arithmétique. »

L’étape suivante consistait à trouver une entreprise disposée à acheter son idée et à en faire un produit. Mme Ben-Ari s’est toutefois heurtée au même obstacle que nombre d’autres jeunes designers.

« À ma grande surprise, aucune entreprise n’était disposée à fabriquer des jouets faisant appel à l’empathie, lance-t-elle en riant. Je me suis dit que je pourrais sans doute le faire moi-même. »

Mise sur pied d’une entreprise

Elle a fondé Twenty One Toys et est parvenue à faire une première vente à un conseil scolaire ontarien. Elle faisait tout elle-même, s’efforçant d’adopter les attitudes qui caractérisent les propriétaires d’entreprise.

« J’avais cette idée préconçue selon laquelle lancer une entreprise, c’était réservé aux gens d’affaires sérieux, alors que mon expérience en design industriel ne m’avait pas préparée à un tel rôle, sans oublier que c’est un rôle perçu comme plus typiquement masculin. Je n’arrivais pas à m’imaginer propriétaire d’entreprise. »

Les prix ne se sont pas fait attendre, dont celui du « Meilleur produit » lors d’un concours organisé par l’Association of Chartered Industrial Designers. De son côté, le magazine Time décrivait le produit comme « l’une des six nouvelles technologies qui transforment les salles de classe de l’avenir ». Pour Mme Ben-Ari, il restait à trouver du financement, et elle n’avait ni expérience dans les affaires ni réseau de soutien.

« Je travaillais encore jusqu’à minuit ou deux heures du matin, dit-elle. La plupart des entrepreneurs ne se versent aucun salaire les premières années, et cela crée une difficulté énorme. »

Elle a alors entendu parler de SheEO .

Le succès de femmes comme base de soutien pour d’autres femmes

Lancé en 2015 et commandité par RBC, l’organisme sans but lucratif de Toronto offre un soutien et du financement à des entrepreneures selon une approche unique comportant un élément de financement participatif – et il se décrit lui-même comme « un moyen de faire appel à ce qu’il y a de meilleur dans les femmes en misant sur une générosité mutuelle radicale ».

Chaque année, SheEO recrute des groupes de 500 femmes « activatrices » qui versent chacune un don de 1 100 $ canadiens dans un fonds. Le fonds octroie ensuite des prêts sans intérêts à un petit groupe d’entreprises sélectionnées dirigées par des femmes. Les prêts, qui sont habituellement d’environ 100 000 $, sont remboursés sur une période de cinq ans.

« J’étais pessimiste en m’engageant dans ce processus, dit-elle. Une foule d’organismes affirment vouloir aider les femmes, mais je trouve difficile de déterminer quels sont ceux qui le font pour les bonnes raisons. »

Son pessimisme s’est toutefois vite dissipé. « Ça m’a fait vivre une expérience qui a profondément transformé ma vie », dit-elle.

L’un des moments intenses a été, au départ, celui où il a fallu négocier avec les quatre autres entrepreneures de sa cohorte la part des 500 000 $ d’investissements qui reviendrait à chacune. Selon les règles établies, la somme ne pouvait être divisée en parts égales ni être entièrement versée à une seule des entreprises.

« J’ai senti énormément d’amour et de soutien… mais cela ne veut pas dire que nous avons laissé de côté notre esprit critique, dit-elle. Nous avons exigé les unes des autres une attitude très responsable. En fait, nous ne nous sommes pas ménagées du tout. Nous avons présenté tous nos documents financiers. Et il fallait s’assurer que les fonds reçus par chacune auraient une incidence énorme, et que la personne serait en mesure de rembourser ce prêt. »

Faire partie de SheEO, cela voulait aussi dire bénéficier d’un accompagnement professionnel durant un an et être accueillie dans une communauté d’entrepreneures et de dirigeantes d’entreprise.

« Non seulement cela a donné le coup d’envoi du volet formation de mon entreprise, mais nous avons été présentés à certains de nos plus gros clients », dit Mme Ben-Ari. Celle-ci a aussi pu embaucher une employée à temps plein et lancer la production sans faire pression sur sa propre situation financière.

Faire croître une entreprise

Twenty One Toys s’apprête à lancer son prochain produit, nommé Failure Toy parce qu’il s’agit d’un jouet qui permet d’« apprendre à échouer ». Ce jouet remet en question l’idée selon laquelle l’échec est une chose qu’il faut craindre et cacher – et le présente plutôt comme une compétence à acquérir.

Mme Ben-Ari est maintenant elle-même une activatrice de SheEO, qui a récemment annoncé les noms des huit nouvelles entreprises sélectionnées pour recevoir du financement lors de son sommet annuel, à Toronto.

emily bland CEO SucSeed

Sur la photo : Emily Bland, chef de la direction de SucSeed

Tout comme Mme Ben-Ari, Emily Bland a eu de la difficulté à s’imaginer entrepreneure. Ayant grandi sur une ferme dans la région centrale de Terre-Neuve, elle a acquis une foule de connaissances liées à l’agriculture, mais a plutôt choisi d’étudier la comptabilité.

Toutefois, durant ses études à l’Université Memorial, à Terre-Neuve, elle s’est mise à réfléchir aux difficultés de sa province en matière d’approvisionnement alimentaire, ainsi qu’au prix élevé des fruits et des légumes importés qu’on y consomme.

Une entreprise pour changer les choses

« Les gens de certaines localités étaient insatisfaits de l’approvisionnement alimentaire. Un poivron moisi pouvait coûter 9 $ dans le nord du Labrador. Nous avons donc tenté ensemble de voir si nous pouvions changer les choses », dit-elle.

Dans le cadre du programme d’entrepreneuriat Enactus de l’Université Memorial, Mme Bland et un groupe d’étudiants ont conçu un système hydroponique pouvant permettre aux gens de faire pousser des légumes frais, sans sol ni lumière du soleil, à l’intérieur de leur maison.

« À l’époque, nous nous étions donné comme objectif ambitieux de mettre en place quinze de ces systèmes dans le nord du Labrador, dit-elle. Nous avions l’impression que nous pourrions sauver le monde si nous y parvenions. » Cependant, après la parution d’un article sur le projet dans un journal, l’équipe a été inondée de courriels.

L’équipe a établi un plan visant à fabriquer 100 unités du système et à utiliser une partie des profits pour faire don de quinze unités aux habitants du nord du Labrador. Un an plus tard, 500 systèmes avaient été déployés en divers points du pays, et l’équipe recevait des demandes d’acheteurs internationaux.

« Jusqu’à ce stade, le projet avait été géré comme un organisme entièrement fondé sur le bénévolat, dit Mme Bland. Mais lorsqu’il a acquis trop d’ampleur pour pouvoir être géré par une équipe de bénévoles, il a fallu commencer à embaucher des employés à temps plein. »

Mme Bland a soumis aux autres étudiants de l’équipe l’idée de démarrer une entreprise sociale, et a donné à celle-ci le nom de SucSeed. Elle a ensuite pris la décision de laisser tomber l’emploi en comptabilité qui l’attendait après l’obtention de son diplôme. « Deux semaines avant la date prévue pour mon entrée en fonctions, j’ai eu une sorte de révélation. J’ai réalisé que ma place était dans cette équipe de projet et qu’il fallait vraiment que je suive mon cœur », dit-elle.

Elle réfléchissait à l’évolution future de SucSeed lorsque quelqu’un lui a fait parvenir un lien menant au formulaire de demande de SheEO. La date limite était le jour suivant.

« Je me suis assise en pyjama avec un verre de vin, et j’ai rempli la demande, dit-elle. Et même si j’avais espoir qu’il en résulte quelque chose, je ne m’y attendais vraiment pas. J’ai reçu un appel m’informant que notre projet s’était classé parmi les sept premiers. J’ai ressenti un soulagement incroyable. »

Le financement accordé a permis d’accélérer la croissance de SucSeed, et l’entreprise explore maintenant les possibilités d’exportation vers les États-Unis et l’Europe. Selon Mme Bland, le réseau de SheEO lui a permis de jeter les bases d’une évolution qu’elle n’aurait peut-être pas amorcée autrement.

« Je crois qu’il y a un an, en m’engageant dans ce processus, je n’étais même pas certaine de vouloir devenir entrepreneure, dit-elle. Ce que SheEO m’a apporté personnellement, c’est l’assurance que je pouvais être moi-même. »

Durant le sommet annuel de SheEO qui s’est tenu à Toronto, l’organisme a fait connaître les noms des entreprises formant la nouvelle cohorte sélectionnée. Ces entreprises sont les suivantes : Aitken Frame Homes , CMNGD , Eve Medical , routine. , Saccade Analytics , SomaDetect , Think Dirty Inc et Wastenot Farms Inc .

Nous avons demandé à des entrepreneures canadiennes prospères de nous relater leurs débuts et de nous dire ce que nous pouvons faire pour aider les femmes qui démarrent une entreprise à réussir.

Articles connexes

Que sont-ils devenus ? Le Dr Howard Ginsberg, le Dr Arash Zarrine-Afsar et le diagnostic de cancer en 10 secondes

Bien-être 5 minutes de lecture
- Que sont-ils devenus ? Le Dr Howard Ginsberg, le Dr Arash Zarrine-Afsar et le diagnostic de cancer en 10 secondes

L’autonomisation des jeunes Autochtones par l’éducation

Communautés autochtones 5 minutes de lecture
- L’autonomisation des jeunes Autochtones par l’éducation

L’artiste canadienne Azza El Siddique combine matériaux et technologies pour aider les gens à voir l’art différemment

Art et culture 6 minutes de lecture
- L’artiste canadienne Azza El Siddique combine matériaux et technologies pour aider les gens à voir l’art différemment