Art Toronto présente la mythologie de Rajni Perera pour les futures diasporas

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Commanditée par RBC à l’occasion de la foire Art Toronto, Rajni Perera fait son entrée dans la collection de la banque en produisant une œuvre singulière inspirée d’un accès inédit à cette collection.

Rajni Perera artist materials art toronto

Au stand RBC de la foire Art Toronto, Rajni Perera dévoile la plus récente et la plus importante commande de sa fameuse série Traveller. Ce dévoilement fait suite au vernissage de l’exposition TRAVELLER à la galerie Patel Division Projects, où une foule de curieux s’est pressée pour admirer l’univers insolite de Perera.

Dans un avenir plus ou moins lointain, le monde actuel aura disparu et les Voyageurs (Travellers), soit la future diaspora, devront s’adapter à une nouvelle réalité : navette entre la terre et d’autres mondes, déplacements à travers des terres inhospitalières, disputes territoriales incessantes.

Malgré la fin du monde tel que nous le connaissons, Perera envisage l’avenir avec optimisme ; elle imagine la diaspora se protégeant au moyen d’une armure ancestrale composée d’histoires, de textiles et de bijoux. Perera aurait pu s’en tenir à une métaphore, mais son intérêt pour la science-fiction l’a poussée plus loin. Ses Voyageurs sont des êtres futuristes qui prennent vie sur la toile, le visage détourné ou caché derrière une armure polychrome.

rajni perera working in studio ahead of art toronto

« Depuis le début de ma carrière, et même dans ma production de fin d’études à l’École d’art et de design de l’Ontario, mon travail a toujours contenu beaucoup de science-fiction, de fantaisie et de surréalisme, explique Perera. Je m’intéresse beaucoup aux survivants de la fin du monde – qui sont-ils, et à quoi ressemblent-ils ? Qu’utilisent-ils pour se protéger ? Comment se débrouillent-ils dans ce monde dévasté ? »

Pour Perera, la série des Voyageurs crée une mythologie pour la future diaspora, et elle utilise le langage de la science-fiction pour y parvenir. Née à Colombo (Sri Lanka), Perera a vécu en Australie et aux États-Unis avant d’immigrer au Canada avec sa famille. Dès son plus jeune âge, elle a été attirée par l’animation japonaise. « Au Sri Lanka, nous captions des émissions japonaises ; alors, parmi les premières choses que j’ai vues à la télé, il y avait Robotech et la version d’origine d’Astro Boy, explique-t-elle. Quand je suis arrivée en Amérique du Nord, je regardais Sailor Moon et les émissions de fin de soirée de Teletoon. »

Poussée par cette passion, elle a bientôt découvert les réalisations de Hiyao Miyazaki et les grands succès du Studio Ghibli, comme Princess Mononoke et Kiki’s Delivery Service. « Ces animations épiques étaient d’une grande beauté plastique, mais je me suis finalement rendu compte que j’étais surtout attirée par les mythes qu’on y évoquait. Quand on a quitté un pays pour un autre, on a besoin de se nourrir de choses inspirantes pour trouver la force nécessaire. »

Après l’École d’art et de design de l’Ontario, Perera a financé ses propres expositions. « Personne ne voulait présenter mes œuvres ; je pouvais les vendre, mais je ne pouvais pas les présenter dans une galerie. » Cette période lui a permis de développer ses compétences commerciales et promotionnelles, non seulement pour établir sa pratique et assurer la subsistance de sa famille, mais aussi pour attirer l’attention des galeries et pour créer une communauté autour de son travail. Peu après avoir conclu un contrat de représentation avec Devan Patel (galerie Patel), elle a rencontré l’équipe du commissariat d’exposition de RBC, en 2017. Le projet Artistes émergents RBC a financé la production du catalogue de l’exposition Migrating the Margins, à la galerie d’art de l’Université York, où on présentait le travail d’artistes émergents de Scarborough. Perera faisait partie du groupe.

« Ma rencontre avec Stefan et Corrie a changé beaucoup de choses, affirme Perera en parlant de Stefan Hancherow et Corrie Jackson, tous deux conservateurs associés à RBC. L’idée que je me faisais des collectionneurs et des institutions a changé considérablement ; ils attirent l’attention sur des aspects qui resteraient autrement dans l’ombre. »

Par sa commandite, l’Équipe RBC a aussi manifesté sa confiance envers Perera.

On perçoit des allusions à la résilience dans son travail, en particulier dans la série des Voyageurs, mais Perera affirme qu’elle ne se sent pas responsable de centrer son message sur la politique identitaire. « C’est ma responsabilité d’artiste de créer de façon honnête et réfléchie, et de créer un miroir, dit-elle. En fin de compte, une œuvre d’art est un miroir, n’est-ce pas ? Si vous ne vous reconnaissez pas, l’œuvre ne vous touchera pas. »

close up of rajni pereras hand and painting for art toronto

Pour la commandite de RBC, dévoilée lors de la foire Art Toronto, Rajni Perera a fait son entrée dans la collection de la banque en produisant une œuvre singulière inspirée d’un accès inédit à cette collection. Dans le cadre de sa collection, RBC commandite des artistes émergents qui s’inscrivent dans l’histoire de l’art du Canada.

En parcourant la Collection d’œuvres d’art RBC, Perera a pu jauger le genre de risques que prend l’équipe du commissariat d’exposition, remarquant au passage que la collection contenait peu d’œuvres figuratives. « Ça m’a plu de constater à quel point mon travail se démarque du reste de la collection. Mais je reste quand même à l’aise de faire partie de l’ensemble. »

Même si la pièce commanditée par RBC fait partie de la série des Voyageurs, Perera considère qu’elle est un peu différente des autres. Le format de l’œuvre lui a donné l’occasion d’essayer de nouvelles choses et d’utiliser des procédés à sec.

« Je voulais me mettre au défi et repousser un peu les limites de la série », dit-elle.

L’armure du Voyageur est parcourue d’un motif qui rappelle la dentelle Beeralu, typique de l’économie coloniale du Sri Lanka. Le personnage porte un étrange bijou en laiton. « J’explore beaucoup la mode et la bijouterie, et j’essaie d’imaginer ce qu’elles pourraient devenir dans 5 000 à 10 000 ans. »

close up of rajni perera painting tree ahead of art toronto

Le Voyageur fait face à une structure en dôme, qui, selon l’artiste, est un projet de cénotaphe d’Étienne-Louis Boullée à la mémoire du physicien Isaac Newton. Perera rend ainsi hommage à un théoricien important de l’âge d’or de la science-fiction, qui a marqué ses lectures de jeunesse.

Comme l’explique l’artiste, le cénotaphe se voulait beaucoup plus qu’un tombeau en l’honneur du physicien ; il était également conçu comme un lieu de rassemblement communautaire. Et ce Voyageur devant le dôme est « une sorte de figure mythique ou déifiée … « Je pensais à Saraswati, la déesse de la musique, de l’étude et de la quête intellectuelle. »

La figure s’immobilise, mais son vêtement poursuit son mouvement vers l’avant, une autre technique que Perrera souhaite développer dans sa série. Cela donne l’impression à l’observateur qu’il passe devant les lieux à bonne vitesse à bord d’un véhicule futuriste, et que son regard est attiré par un Voyageur qui sort du cénotaphe, un signe d’espoir ; optimiste, Perera croit que même après la fin du monde, les diasporas, peu importe où elles se retrouvent, se réuniront dans leur armure ancestrale pour discuter de ce qui les lie, comme la musique et la quête du savoir.

« J’ai l’impression que la plupart des œuvres sur le thème des diasporas sont axées sur les traumatismes, la tristesse et Ies difficultés, explique-t-elle. De mon côté, j’aime aller dans la direction opposée et exprimer la beauté et l’espoir … afin de créer un récit de victoire. »

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