Devant la nécessité d’agir rapidement dans les paysages prioritaires, Canards Illimités Canada utilise l’intelligence artificielle pour aider à cartographier et à classifier les milieux humides des Prairies.
Le Canada abrite environ 25 % des milieux humides du monde, mais nous risquons de perdre ces habitats plus rapidement que nous ne pouvons le mesurer. Les milieux humides sont les écosystèmes les plus menacés de la Terre ; ils disparaissent partout dans le monde à un rythme trois fois plus rapide que les forêts.
Pour répondre à cette urgence, Canards Illimités Canada utilise l’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage automatique pour cartographier certains des milieux humides les plus à risque du pays et cerner rapidement les besoins de conservation avant qu’il ne soit trop tard.
Dans le cadre d’un projet appuyé par Techno nature RBC , l’organisme de conservation à but non lucratif cartographie environ 30 000 kilomètres carrés d’habitat prioritaire en Alberta qui pourraient être envisagés pour le développement ou l’agriculture.
« Nous travaillons actuellement avec RBC sur les zones hautement prioritaires de la sauvagine qui n’ont jamais été cartographiées en détail de façon appropriée », affirme Lyle Boychuk, gestionnaire des systèmes d’information géographique et des programmes d’inventaire de la région des Prairies de Canards Illimités Canada, qui supervise le projet. Au terme de plus de 30 ans de recherche et de modélisation, ces milieux ont été désignés comme des emplacements clés pour la reproduction de la sauvagine. Ils comprennent les zones entourant le lac Buffalo, Pine Lake, les plaines de l’Est, le District d’irrigation de l’Est et Calgary.
Les méthodes traditionnelles de cartographie manuelle ont été jugées trop coûteuses ou trop lentes pour mettre à jour efficacement les cartes à une telle échelle.
Des spécialistes de la télédétection de Canards Illimités Canada ont plutôt mis au point de nouveaux processus pour automatiser la partie du travail qui prend le plus de temps. Ils utilisent l’apprentissage automatique pour analyser des images et classifier les milieux humides, en combinant à des observations en trois dimensions de lidar (qui mesure la surface de la Terre en utilisant la lumière sous la forme d’un laser à impulsion) diverses données actuelles fournies par les satellites.
Les milieux humides du Canada sont diversifiés et dynamiques. Ils peuvent être classés dans la catégorie des marais, tourbières, fens, marécages ou eaux libres et être de grande ou de petite taille.
Non seulement les milieux humides sont des habitats essentiels pour la faune, mais ils sont aussi de plus en plus appréciés comme tampon naturel contre les effets des changements climatiques . Ils filtrent l’eau et aident à atténuer les inondations. Ils absorbent et stockent également de grandes quantités de carbone dans leurs sols.
Les paysages ciblés pour le projet de Canards Illimités Canada en Alberta sont remplis de ce que les géographes appellent des « nids-de-poule », soit les dépressions superficielles formées par les glaciers il y a 12 000 ans. Aujourd’hui, beaucoup de celles-ci disparaissent à mesure que la demande pour les terres arables augmente.
« Les Prairies ont la particularité d’abriter de très très petits milieux humides ; il y en a littéralement des millions. L’eau y est abondante ou rare, selon l’année ou la saison. Nous traversons des cycles de sécheresse/humidité, humidité/sécheresse à la suite desquels les milieux humides changent, leur végétation change. Certains milieux humides apparaissent pendant des semaines ou des mois ou peuvent être complètement à sec pendant de longues périodes lors d’un épisode de sécheresse », souligne M. Boychuk.
Pour évaluer avec précision les conditions de ces milieux humides dans les Prairies, il faut les examiner sur des périodes différentes et en trois dimensions. Canards Illimités Canada a prouvé qu’il est possible d’utiliser un processus d’apprentissage automatique pour analyser des quantités massives de données et d’images de sources multiples et les fusionner en une représentation fiable des milieux humides sur le terrain.
« Ce dans quoi l’algorithme excelle, c’est dans l’établissement d’une référence ou d’une « normale ». Il peut incorporer des images multitemporelles provenant de différentes années et de différentes périodes de l’année. Et nous pouvons le faire de façon constante, ce qui est beaucoup plus efficace qu’en interprétant une seule photo aérienne », dit M. Boychuk.
Selon M. Boychuk, les travaux en cours en Alberta auront une importance à l’échelle du continent.
Ces milieux humides font partie de la région des marmites torrentielles des Prairies de l’Amérique du Nord, qui est reconnue comme un habitat essentiel pour la sauvagine et les oiseaux migrateurs et où se trouverait environ un tiers de toutes les espèces d’oiseaux en péril au Canada.
« Évidemment, nous nous concentrons sur la sauvagine. C’est notre enjeu. Évidemment, notre travail a beaucoup de retombées positives, outre la sauvegarde des populations de canards », dit-il.
« Nous sommes en train d’amasser des données qui seront publiques et qui auront de la valeur pour d’autres, en plus d’être utiles pour nos propres programmes. Ultimement, cela contribue à l’atteinte des objectifs fixés pour la sauvagine à l’échelle du continent et pour l’amélioration de la biodiversité », explique M. Boychuk.
Personne ne connaît vraiment l’état actuel des milieux humides du Canada, car il n’existe pas d’inventaire national complet ni de système de contrôle qui tienne compte de l’évolution de la situation (bien que Canards Illimités Canada fasse des efforts concrets pour changer la donne ).
Canards Illimités Canada a commencé à utiliser la photographie aérienne et l’imagerie par satellite dans les années 1980 pour interpréter et classifier des millions d’acres de milieux humides en appui à des programmes de conservation.
En 2002, Canards Illimités Canada, en collaboration avec Environnement Canada, l’Agence spatiale canadienne et le Conseil nord-américain de conservation des terres humides, a créé une base de données, l’Inventaire canadien des terres humides (ICTH), avec l’appui de plus de 150 partenaires œuvrant pour la conservation.
La base de données de l’ICTH n’est que partiellement terminée, mais elle continue de croître au fil des projets. (Vous pouvez voir les progrès réalisés sur le site Web canards.ca .)
Les informations sont utilisées pour cibler les efforts de conservation là où ils sont le plus nécessaires, évaluer les changements dans les milieux humides, et fournir des données scientifiques aux gouvernements ainsi qu’aux groupes de conservation et industriels qui s’en servent pour l’élaboration de leurs politiques et protocoles d’aménagement du territoire.
Boychuk, qui a commencé sa carrière de programmeur informatique dans les années 1990, souligne qu’il n’y a jamais eu de période plus excitante pour travailler dans ce domaine.
Canards Illimités Canada ainsi que ses partenaires des Prairies et de l’ensemble du Canada utilisent des outils et des technologies de pointe pour mener à bien les programmes de conservation, depuis les applications des systèmes d’information géographique (SIG) pour le travail sur le terrain, en passant par les citoyens scientifiques, jusqu’aux drones permettant de concevoir des projets de restauration des milieux humides.
« Nous faisons des choses qui n’étaient pas nécessairement impensables il y a quatre ou cinq ans, mais qui auraient été inaccessibles à cause du coût. À cette époque, la préservation de l’habitat n’était pas considérée comme une priorité sociale suffisamment importante pour justifier les dépenses », dit M. Boychuk.
Le développement d’outils au moyen de l’IA et de l’apprentissage automatique pour résoudre des problèmes environnementaux suscite beaucoup d’enthousiasme, mais les données à elles seules ne représentent que la moitié de la solution. Les gens doivent continuer de se préoccuper des milieux humides.
« Il faut évidemment voir au-delà des algorithmes. Il faut avoir de grandes connaissances sur les milieux humides pour utiliser ces modèles efficacement. Nos connaissances techniques sont importantes, mais les connaissances de notre entreprise et l’accès au savoir de nos scientifiques et spécialistes des milieux humides le sont tout autant. Nous avons du personnel opérationnel qui nous aide sur le terrain. »
« Au-delà de la technologie, notre vaste expérience est un atout indéniable », conclut Boychuk.
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