La voie à suivre pour le Canada : six défis économiques pour le nouveau gouvernement fédéral

Analyse
Perspectives

Alors que le Canada forme un nouveau gouvernement, nous décomposons certains des principaux problèmes économiques auxquels le pays est confronté.

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29 avril 2025

Par Frances Donald et Cynthia Leach

Le Canada est à une croisée des chemins. Aux prises avec une détérioration des relations avec son principal partenaire commercial, un potentiel de croissance négligé et l’incertitude quant à la place qu’il occupera dans la nouvelle chaîne d’approvisionnement mondiale, il devra relever ces défis dans un contexte non seulement de ralentissement économique, mais aussi de changement de gouvernement.

On ignore encore l’incidence à court et à long terme de ce nouveau gouvernement ; les plateformes électorales ne sont, après tout, que des déclarations d’intentions.

Nous pouvons toutefois faire le bilan des principaux défis économiques à relever. En voici quelques-uns.

1. Les pressions exercées par les besoins immédiats découlant d’un ralentissement économique important

Les Services économiques RBC ne pronostiquent actuellement pas de récession technique, mais prévoient néanmoins  une croissance nulle et plus de pertes d’emplois d’ici la fin de l’année. Certains secteurs, comme l’automobile, l’acier et l’aluminium, et certaines régions, notamment l’Ontario et le Québec, ressentiront plus fortement cette contraction.

Par ailleurs, nous continuons d’observer des pressions accrues sur les Canadiens à revenu faible ou moyen , qui subissent des hausses de prix importantes alors que leurs revenus, corrigés de l’inflation, ne permettent même plus d’épargner. Compte tenu, de surcroît, de la hausse du taux de chômage, force est de conclure qu’une aide fédérale ciblée sera nécessaire.

2. … dans un contexte de faiblesse structurelle record

La politique budgétaire devra être axée sur une relance économique afin de stimuler la croissance potentielle, soit la productivité de la population active, actuellement en passe de chuter sous 1 % aux taux actuels.

L’enjeu n’est pas nouveau : cette croissance potentielle est en baisse continue depuis 65 ans au Canada comme dans les autres économies développées. Mais, comme l’a expliqué Carolyn Wilkins , première sous-gouverneure de la Banque du Canada, en 2024, l’époque est décisive.

Il existe de nombreuses pistes de solutions à la contraction de la croissance potentielle. L’ampleur et la portée des politiques en matière d’immigration auront leur importance, mais il en ira de même pour la résolution de la crise de productivité au Canada affectée notamment par les investissements des entreprises qui stagnent par rapport à ceux des économies similaires.

Comme il en a été question ici , il existe de nombreuses stratégies prometteuses, par exemple la facilitation du commerce interprovincial et la promotion de l’innovation, mais il sera crucial de voir, parallèlement, aux besoins à court et à long terme.

3. C’est la politique fiscale, et non la politique monétaire, qui permettra de surmonter les défis

La politique monétaire sur laquelle le pays s’appuie de longue date pour gérer son économie devra être mise de côté au profit d’une politique fiscale fédérale et provinciale ciblée.

À court terme, la Banque du Canada pourrait encore réduire ses taux d’intérêt, mais les effets de cette politique monétaire sont inégaux : certains secteurs ne seront pas suffisamment soutenus alors que d’autres pourraient l’être dans une mesure trop large qui stimulerait l’inflation.

La solution aux défis à plus long terme – promotion des investissements, déréglementation, et stimulation de la concurrence – est du ressort des gouvernements, le gouvernement fédéral en tête.

4. Rééquilibrage des priorités entre les mesures d’investissement social et économique

Ces dernières années, les Canadiens ont vu une augmentation importante des dépenses du gouvernement fédéral pour divers programmes sociaux, financées principalement par de l’emprunt plutôt que par des hausses d’impôts. Certains de ces programmes pourraient, à terme, « s’autofinancer » en favorisant une croissance économique accrue, mais pour l’instant, leurs coûts ont été couverts par des emprunts. Aujourd’hui, le gouvernement fédéral fait face à de nouvelles priorités, alors que ses marges financières sont limitées.

L’accessibilité financière et d’autres enjeux sociaux demeurent des préoccupations majeures, mais dans un contexte de bouleversements économiques et géopolitiques, il devient nécessaire de réorienter l’action publique pour stimuler les moteurs de création de richesse au Canada. Les investissements dans les entreprises seront au cœur de la relance de l’économie : il est essentiel d’éviter un recul dans un contexte d’incertitude et de corriger la tendance à la sous-performance.

Il ne suffira pas de simplement augmenter les dépenses publiques à travers des mesures fiscales ou des incitatifs. Dans certains cas, il faudra plutôt réduire l’intervention de l’État, notamment en simplifiant la réglementation et en allégeant les formalités administratives.

5. Trouver des moyens de rendre les dépenses sociales et autres dépenses « indispensables » plus favorables à la croissance

Le gouvernement prévoit plusieurs dépenses importantes à court et moyen terme, notamment dans les secteurs du logement, de la défense et de la santé.

Le logement et la santé sont des secteurs caractérisés par une faible productivité du travail et nécessitent une mobilisation importante des ressources économiques. En période de récession, où les ressources sont sous-utilisées, cela peut être bénéfique. Mais dans d’autres contextes, ce phénomène pourrait limiter la croissance économique dans d’autres secteurs en détournant des ressources des secteurs les plus productifs. À long terme, les dépenses dans certains secteurs pourraient ne pas stimuler de manière significative la croissance économique. Par exemple, les dépenses en défense permettent d’acquérir des biens destinés à la dissuasion, mais qui restent inutilisés tant que la situation ne l’exige pas.

Le Canada n’a pas à choisir entre croissance économique et ce type de dépenses, qui sont absolument nécessaires. Il peut simplement chercher à mieux faire. Les dépenses publiques dans ces domaines peuvent stimuler l’innovation, encourager le développement de technologies à double usage, créer des synergies avec d’autres secteurs de l’économie et ouvrir de nouveaux débouchés à l’international. Nous reviendrons bientôt sur ce sujet.

6. La capacité budgétaire n’est pas illimitée, mais elle peut amortir un choc tarifaire et financer des dépenses favorables à la croissance

Le faible taux de croissance que nous prévoyons actuellement ne nécessiterait pas de mesures de relance fédérales significatives, mais un choc tarifaire majeur, comme des droits de douane permanents de 25 % — un scénario pessimiste  que nous envisagions sérieusement il y a un mois — nécessiterait un effort fiscal beaucoup plus important. Nous avions précédemment estimé  qu’un montant pouvant atteindre 145 milliards de dollars serait nécessaire sur deux ans, ce qui ferait grimper le ratio de la dette fédérale par rapport au produit intérieur brut aux niveaux les plus élevés observés pendant la pandémie de COVID-19.

Les investisseurs, en tant que créanciers, sont les juges ultimes de la viabilité budgétaire. Bien que la dette brute consolidée du gouvernement du Canada soit élevée par rapport à celle de ses homologues notés triple A, sa dette nette est bien plus faible et la plus basse du G7. Le soutien gouvernemental en cas de récession potentielle est attendu par les marchés et ne devrait pas poser problème, à condition d’être bien ciblé et proportionné.

Le gouvernement devrait également avoir la capacité d’engager d’autres dépenses structurelles. Le Canada n’est pas le seul pays à faire face à de nouvelles dynamiques commerciales, et dans un contexte d’incertitude pesante sur les entreprises, devra intervenir pour accroître la résilience de l’économie. Toutefois, les attentes envers les finances publiques sont élevées.

Chaque dollar de dépenses publiques qui génère davantage de croissance aidera l’économie canadienne à progresser, tout en maintenant la dette fédérale sous contrôle.

Frances Donald est l’économiste en chef de RBC et supervise une équipe de professionnels de premier plan, qui fournissent des analyses et des informations économiques pour informer les clients de RBC dans le monde entier. Frances est une experte clé sur les questions économiques et est très recherchée par les clients, les dirigeants gouvernementaux, les décideurs et les médias aux États-Unis et le Canada.

Cynthia Leach Cynthia est économiste en chef adjointe à RBC, où elle s’intéresse à l’analyse économique et stratégique structurelle de l’équipe. Elle s’est jointe à l’équipe en 2020.

Cet article a été publié à l’origine le leadershipavise.rbc.com .


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