Monnaie numérique de banque centrale et avenir de l’argent

Analyse
Perspectives

De plus en plus de banques centrales s’intéressant aux monnaies numériques, nous passons en revue leurs avantages et leurs inconvénients. Selon nous, elles résultent de l’évolution technologique et ne constituent pas une révolution.

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29 août 2023

Par Atul Bhatia, CFA

Points clés

  • Compte tenu de la baisse de l’utilisation des espèces partout dans le monde, les paiements électroniques progressent, ce qui a conduit un nombre croissant d’États à envisager le lancement d’une version numérique de leurs monnaies.
  • Les monnaies numériques de banque centrale, ou MNBC, assurent en théorie des paiements plus rapides et moins coûteux, permettent aux personnes actuellement en dehors du système bancaire traditionnel d’accéder aux infrastructures financières, et pourraient réduire le risque de non-règlement ainsi que les délais dans les échanges internationaux.
  • En dépit de l’engouement pour les MNBC, nous considérons que les nombreuses préoccupations en matière de sécurité, de protection des renseignements personnels et de gouvernance surpassent les gains d’efficience théoriques. À notre avis, il sera difficile de réunir le soutien politique nécessaire pour défendre avec vigueur un projet de dollar numérique.
  • Nous pensons que la Réserve fédérale continuera de privilégier des améliorations technologiques progressives plutôt que de prendre le risque de transformer l’infrastructure des paiements.
  • En conclusion, les comptes ouverts auprès de banques commerciales et le numéraire devraient rester au cœur de l’architecture financière aux États-Unis dans un proche avenir.

L’argent numéraire est peut-être roi, mais sa couronne semble avoir perdu un peu de son éclat dernièrement. Les résultats des sondages montrent que les consommateurs du monde entier préfèrent de plus en plus le paiement électronique au paiement en numéraire : plus de 70 % des répondants de pays aussi divers que la Suède et la Corée du Sud souhaitent se passer d’espèces. Dans le même temps, la production et la mise en circulation de la monnaie, ainsi que la lutte contre les faux billets, sont des processus coûteux et difficiles. La solution évidente serait que les banques centrales émettent les monnaies sous un format électronique, un concept connu sous le nom de monnaie numérique de banque centrale ou MNBC.

L’idée d’une MNBC est un phénomène mondial, avec des dizaines de pays qui en étudient la faisabilité et une poignée d’entre eux qui ont déjà mis en place une sorte de monnaie qui s’en approche. Compte tenu de l’hégémonie de la devise américaine, nous orientons notre discussion sur un possible dollar numérique et concluons par un bref point de vue sur le cas de la Chine, l’un des pays chefs de file dans le lancement d’une monnaie numérique.

Des habitudes liées à l’âge ? Les jeunes utilisent les espèces moins souvent

Pourcentage des paiements selon le moyen utilisé, par tranche d’âge

Pourcentage des paiements selon le moyen utilisé, par tranche d’âge

Le graphique à colonnes montre comment l’utilisation des moyens de paiement varie selon l’âge. Il met en évidence une utilisation accrue des espèces chez les personnes plus âgées, les 55 ans et plus réglant 20 % de leurs achats en numéraire. Les moins de 45 ans utilisent presque deux fois moins souvent les espèces que les plus de 55 ans. Cette différence s’explique par un recours plus important des générations plus jeunes au crédit et aux emprunts.

  • Espèces
  • Carte de crédit
  • Carte de débit
  • ACH
  • Appli de paiement mobile
  • Autre

Source : Federal Reserve Bank de San Francisco ; ACH = chambre de compensation automatisée

Sa désignation de monnaie numérique entretient la confusion

Comme pour de nombreuses innovations du secteur financier, nous pensons que la rhétorique l’a emporté sur la précision des mots. Aussi, lorsque les gens parlent de monnaies numériques de banque centrale, ils n’entendent pas nécessairement la même chose. Pour nous, une véritable MNBC instaure un système dans lequel les individus détiennent des devises directement auprès d’une banque centrale, sous un format électronique, sans aucun moyen de convertir leurs fonds en devises physiques.

Bien qu’elles soient numériques, les MNBC ne sont pas des cryptomonnaies. Une des caractéristiques intrinsèques d’une cryptomonnaie est que son émission n’est pas contrôlée par une institution. Le bitcoin, par exemple, est créé par ceux que l’on appelle les mineurs, autrement dit les utilisateurs qui effectuent le travail de calcul en arrière plan nécessaire au fonctionnement du système et qui, en récompense, sont rémunérés en bitcoins. La MNBC, en revanche, demeure une monnaie fiduciaire, qu’une banque centrale peut décider de créer ou de détruire dans le cadre de sa politique monétaire. Certaines des MNBC à l’étude par les banques centrales s’appuient sur l’architecture numérique utilisée par les cryptomonnaies, comme la vérification de la chaîne de blocs, mais il s’agit, à notre avis, d’un aspect accessoire. Fondamentalement, un dollar numérique reste un dollar, et la quantité de monnaie en circulation est déterminée par la Réserve fédérale (la Fed), et non par une formule.

Malgré l’accent mis sur le format numérique, nous pensons que la principale différence entre un système de monnaie numérique et un système de monnaie physique réside dans la façon de tenir les registres de propriété.

Place des MNBC dans le paysage monétaire

Place des MNBC dans le paysage monétaire

Il s’agit d’un diagramme de Venn qui montre le chevauchement entre trois caractéristiques de différents types de paiement : responsabilité de la banque centrale, format électronique et accès généralisé. Les MNBC se trouvent à l’intersection des trois cercles, les espèces se situent dans la zone entre la responsabilité de la banque centrale et l’accès généralisé, les réserves dans la zone entre la responsabilité de la banque centrale et le format électronique, et les cryptomonnaies ainsi que les banques en ligne dans la zone entre le format électronique et l’accès généralisé.

Source : RBC Gestion de patrimoine

Dans le cas des dollars physiques, les registres de propriété sont éparpillés. Les fonds déposés par un particulier sur un compte bancaire ne sont généralement connus que de la banque et du déposant. Les fonds peuvent être transférés de façon totalement anonyme, sous forme d’espèces. De plus, même lorsqu’ils sont transférés par virement, les enregistrements relatifs au mouvement seront distincts : par exemple, la banque du payeur saura quel compte débiter, mais elle n’aura aucune information sur le bénéficiaire. La banque réceptrice créditera son client, mais elle ignorera tout du payeur.

Ce système n’est pas du tout efficient, puisqu’une seule opération oblige facilement quatre institutions distinctes à mettre à jour leurs registres et que le transfert peut prendre plusieurs jours avant d’être finalisé. Ce système fonctionne pourtant efficacement depuis des siècles.

Dans le cas d’un dollar numérique, l’efficience est le mot d’ordre. Les registres de propriété sont entièrement électroniques et agrégés, ce qui simplifie les mouvements entre les comptes et permet de les enregistrer instantanément. En pratique, les particuliers et les entreprises auraient des comptes ouverts directement auprès de la Fed, et par exemple, l’achat d’épiceries impliquerait simplement un transfert de MNBC du compte Fed d’un client vers celui de l’épicier. Puisque les deux comptes seraient détenus au sein de la même institution, la banque centrale pourrait transférer instantanément et librement les fonds, éliminant les délais inhérents à notre système bancaire fragmenté actuel.

Ce type de dématérialisation n’est pas nouveau. Les États-Unis sont notamment passés par ce processus dans les années 1980, lorsque les titres de propriété des obligations du Trésor américain ont cessé d’être des titres physiques pour prendre la forme de titres inscrits en compte. D’un point de vue conceptuel, ce changement s’apparentait à ce qui est envisagé ici : remplacer un actif physique – les obligations émises sous forme papier avec des coupons détachables – par une inscription dans une base de données centrale qui enregistre la propriété des titres. L’inscription en compte a permis de simplifier les transferts et de régulariser le paiement des coupons, générant des gains d’efficience significatifs sur le marché des obligations du Trésor. Les MNBC et l’inscription en compte des obligations sont des processus relativement similaires.

Un moyen de paiement rapide et bon marché

De façon générale, nous voyons deux principaux avantages pour les pays qui choisissent de mettre en place une MNBC.

En premier lieu, elle réduirait les coûts et favoriserait l’accès aux services de paiement. Aux États-Unis, par exemple, environ 5 % de la population américaine n’a pas de compte bancaire et dans la plupart des petites entreprises, le coût du traitement des paiements, principalement des frais sur carte de crédit, représente entre 2 % et 5 % de leurs chiffres d’affaires. Une MNBC éliminerait ces coûts et permettrait à toute la population d’avoir accès au système bancaire, générant des économies et des gains d’efficience qui seraient perçus positivement, même dans une économie de la taille des États-Unis. Pour les pays avec un plus grand nombre de personnes non bancarisées ou dans lesquels les frais de paiement sont plus élevés, les gains potentiels seraient encore plus importants.

En second lieu, une MNBC réduirait les délais de traitement des opérations et le risque lié au flottant, puisque les fournisseurs attendent que les paiements soient portés au crédit de leurs comptes. Ce problème concerne principalement les grandes opérations des sociétés et les échanges internationaux. Aussi, la possibilité de générer des transferts immédiats dans un système financier fermé peut atténuer certains types de risques de fraude et réduire considérablement les pertes de revenus d’intérêts.

Les MNBC peuvent offrir d’autres avantages comme limiter la contrefaçon, réduire les coûts de production et de mise en circulation, et contribuer potentiellement à la mise en œuvre des politiques. Toutefois, nous considérons que ces avantages sont d’une importance secondaire. À notre avis, l’argument économique en faveur d’une MNBC repose sur son efficacité à réduire les coûts liés aux frictions financières dans l’ensemble de l’économie.

Pourquoi est-ce que la Réserve fédérale n’est pas prête à adopter une MNBC de sitôt ?

En règle générale, les économistes aiment l’efficience, mais l’inconvénient est que les systèmes efficients manquent de redondance, celle-là même qui apporte de la stabilité. Nous pensons qu’avoir un point de défaillance unique pour les paiements en dollars dans un monde où le billet vert est utilisé dans toute forme d’échanges commerciaux serait, en bref, une très mauvaise idée. Les États-Unis deviendraient immédiatement la cible favorite des pirates et des voleurs, sans parler des terroristes ou de ses rivaux géopolitiques. Une analyse même superficielle de l’histoire de la sécurité électronique met en évidence les dangers de la centralisation des données et des richesses.

Abstraction faite de potentiels actes malveillants, qu’adviendrait-il en cas de dysfonctionnement du logiciel à la suite d’une mise à jour ? Aux États-Unis, les départs de vols intérieurs ont même été annulés parce qu’un contractuel avait accidentellement supprimé les mauvais fichiers au sein d’un système d’information crucial de la Federal Aviation Administration, le régulateur américain de l’aviation civile. Cet incident a certes causé des problèmes, mais dans un monde dollarisé, ce serait une catastrophe si les activités économiques étaient bloquées durant quelques jours, heures, ou même minutes.

La Fed utilise déjà des systèmes de paiement critiques, mais ceux-ci ne sont généralement connectés qu’aux institutions de dépôt ou aux banques régionales de la Réserve fédérale. Tenter de sécuriser un système comportant des centaines de millions de points d’accès à des billions de dollars, 24 heures sur 24, sept jours sur sept est une tâche herculéenne. Nous pensons que la technologie et les pratiques actuelles sont insuffisantes pour garantir véritablement la sécurité d’un système fondé sur les MNBC.

En dehors de ces questions de sécurité, la centralisation de renseignements financiers sensibles et leur mise à la disposition au gouvernement soulèvent également des préoccupations quant à la protection des renseignements personnels. Aux États-Unis, la citation à comparaître permet déjà aux autorités fédérales d’avoir un large accès aux données financières des individus, mais l’agrégation de tous les renseignements financiers dans un seul endroit constitue un changement majeur susceptible d’accroître le risque d’abus de ces informations.

Une autre crainte est que le gouvernement pourrait interférer dans certaines opérations. Prenons, par exemple, les États américains où l’usage de la marijuana est désormais légalisé. Bon nombre d’entreprises de ce secteur peinent déjà à trouver une banque. Toutefois, ces difficultés seraient bien moindres comparativement aux potentielles incidences d’une exclusion par la Fed dans un monde où la MNBC serait la seule monnaie d’échange. La simple décision de stopper les dépenses de marijuana mènerait ces entreprises, pourtant considérées comme légales dans les états où elles opèrent, à la faillite ou mettrait fin à leur système d’échange.

Même avec la mise en place de mesures de protection des renseignements personnels, nous pensons que les pouvoirs qu’une MNBC pourrait conférer à la Fed, qui est déjà une institution extrêmement puissante, conduiraient presque inévitablement à une politisation de la banque centrale. Nous n’osons imaginer la manière dont se dérouleraient les audiences de confirmation au Sénat américain pour la nomination du président de la Fed, dans un monde où cette personne pourrait en pratique contrôler le système des paiements. À notre avis, ces considérations politiques pourraient rapidement primer sur les qualifications en matière de politique monétaire des futurs candidats.

La MNBC ne s’imposera pas de sitôt

Dans l’ensemble, nous sommes d’avis qu’il est difficile de trouver de solides arguments théoriques en faveur de l’adoption d’une infrastructure MNBC. Les avantages en matière d’efficience sont réels et significatifs, mais ils ne peuvent tout simplement pas justifier la création d’un point de défaillance unique dans l’infrastructure cruciale des paiements.

Dans la pratique, nous observons de multiples obstacles à la création d’un dollar numérique. Historiquement, les États-Unis n’ont jamais été les premiers à adopter une innovation financière. Ils ont été l’un des derniers pays à mettre en place les cartes de crédit à puce et demeurent le premier pays où les chèques papier sont les plus utilisés. Plus de 5 % des paiements sans numéraire aux États-Unis se font encore en signant de petits morceaux de papier ; ce qui est difficilement compatible avec l’arrivée imminente des portefeuilles de monnaie numérique.

Nous observons également une forte opposition de la part des acteurs existants de l’infrastructure financière. L’an dernier, les deux plus grands réseaux de cartes de crédit aux États-Unis ont déclaré plus de 50 milliards de dollars de chiffre d’affaires, des revenus qui seraient immédiatement et gravement menacés si la MNBC offrait une solution alternative gratuite.

L’ensemble du système bancaire serait touché par la mise en place d’une MNBC. Tout au moins, nous prévoyons qu’un dollar numérique entraînerait une hausse des coûts de financement des banques. En effet, si la Fed offrait une solution alternative instantanée et gratuite, les déposants détenant des comptes non rémunérés n’auraient alors aucun intérêt à rester dans un système bancaire commercial compliqué. Si la Fed se mettait à rémunérer les dépôts – la monnaie numérique ne serait plus simplement un substitut aux espèces, mais elle permettrait également de créer de l’argent numérique – alors le risque que représente la MNBC pour les banques augmenterait de façon exponentielle. À ce moment-là, la Fed concurrencerait véritablement les institutions de dépôt et de prêt dans leurs activités de base.

En 2022, lors d’allocutions devant le Congrès sur les MNBC, les PDG des grandes banques ont adopté une position ambiguë ou se sont prononcés contre, critiquant principalement les MNBC pour des raisons pratiques. Compte tenu des enjeux pour ces acteurs financiers bien établis et politiquement habiles, nous prévoyons qu’ils s’opposeront de manière bien plus farouche si le projet d’un dollar numérique devait un jour se concrétiser.

Le soutien des professionnels de la finance en faveur des MNBC est fortement influencé par leur localisation géographique

Pourcentage de répondants favorables au lancement d’une MNBC

Soutien des analystes financiers agréés en faveur des MNBC en fonction de leur localisation géographique

Le graphique à barres montre le soutien des analystes financiers agréés en faveur des MNBC en fonction de leur localisation géographique. En Chine, les analystes financiers agréés sont les plus nombreux à affirmer leur soutien avec un taux de 70 %, tandis qu’aux États-Unis, seulement 31 % d’entre eux sont favorables au lancement d’une MNBC. Taux des autres régions géographiques présentées : Ensemble des marchés développés : 37 % ; Canada : 38 % ; Monde : 42 % ; Royaume-Uni : 46 % ; Amérique latine : 56 % ; Moyen-Orient et Afrique du Nord : 60 % ; Ensemble des marchés émergents : 61 % ; et Inde : 66 %.

Source : Modification par RBC Wealth Management d’un graphique publié dans l’article Reuters du 26/07/23, « Support limité pour les monnaies numériques des banques centrales dans l’enquête mondiale sur le secteur de l’investissement ». Données du CFA Institute ; les répondants étaient titulaires du titre CFA.

Notre conclusion est que, compte tenu des questions de protection des renseignements personnels, de sécurité et du lobbyisme, il sera très difficile de vendre l’idée d’une MNBC au Congrès américain.

Technologie incrémentielle, mais non transformatrice

Au lieu de mettre directement en place une MNBC, nous prévoyons que la Fed et la plupart des autres banques centrales adopteront une approche plus mesurée, qui s’appuiera étroitement sur la technologie pour atteindre l’efficience tout en continuant à fonctionner en parallèle avec les structures de paiement existantes.

Prenons l’exemple de FedNow, un nouveau système de paiements en temps réel créé par la Réserve fédérale. Tout comme une MNBC, ce système permet un règlement électronique immédiat, mais surtout, il fonctionne entre des institutions de dépôt. Compte tenu de sa portée limitée, il ne soulève pas de préoccupations majeures en matière de sécurité. Sa compétitivité devrait séduire les particuliers qui pourront réaliser des économies de temps et d’argent. À notre avis, une approche hybride publique-privée serait le scénario le plus adapté et le plus probable.

La montée de grandes banques commerciales mondiales fragilise également les arguments en faveur d’une MNBC. Bon nombre des avantages de la centralisation des paiements existent déjà, puisque les échanges commerciaux entre les multinationales sont souvent réglés auprès de l’une ou l’autre des douzaines de banques d’envergure réellement mondiale. Ces services bancaires ne sont pas gratuits, mais ils peuvent permettre d’atteindre un niveau d’efficience proche de celui qu’offre une MNBC tout en s’évitant le fardeau d’un contrôle centralisé.

Nous pensons que la Fed continuera probablement d’étudier le projet d’un dollar numérique et de diriger des programmes pilotes. Il serait malavisé de ne pas le faire, car le rôle prépondérant du dollar dans les échanges pourrait un jour nécessiter une monnaie numérique. Nous croyons que la Réserve fédérale pourrait même lancer une sorte de « dollar numérique » qui n’en porterait que le nom, simplement pour montrer que les États-Unis ont eux aussi le dernier gadget à la mode.

Les banques centrales avancent lentement dans le domaine des MNBC

Nombre de projets de MNBC par stade de développement

Number of CBDC projects by stage of development

Le graphique de surface suit l’évolution des actions entreprises par les banques centrales dans le domaine des MNBC. En 2015, il n’y avait que deux banques centrales présentes dans ce domaine. En 2022, plus de 135 projets de MNBC étaient actifs, dont 92 étaient en phase de recherche, les autres étant en phase de validation du concept, en phase pilote ou déjà lancés.

  • Recherche
  • Validation du concept
  • Pilote
  • Lancé
  • Annulé

Sources : CBDCTracker.org, Fonds monétaire international, RBC Gestion de patrimoine

Pour rester toutefois réalistes, nous pensons que la monnaie physique et les comptes de dépôt individuels dans des banques commerciales seront toujours au centre du système américain dans un proche avenir.

La Chine se retrouve en tête

Contrairement aux États-Unis, la Chine s’est positionnée en chef de file dans le domaine de la monnaie numérique, en lançant son yuan numérique, également appelé e-CNY, et en encourageant activement son utilisation. Les Chinois ont fait plusieurs entorses intéressantes au concept de MNBC. Tout d’abord, l’e-CNY ne produit aucun intérêt, ce qui en fait un substitut parfait aux espèces en comparaison avec les autres MNBC à l’étude qui autorisent le versement d’intérêts. De plus, l’utilisation de l’e-CNY se fait sur une base volontaire et passe par l’intermédiation des grandes banques. Ces écarts visent à limiter l’impact du yuan numérique sur le système bancaire traditionnel, mais ils peuvent aussi réduire une grande partie des potentiels gains d’efficience.

L’adoption du e-CNY est restée limitée, les autorités ayant déclaré que moins de 0,2 % des opérations en espèces avaient été remplacées par des opérations en yuan numérique. Selon nous, l’un des principaux problèmes que rencontre l’e-CNY est la prépondérance, la qualité et l’intégration des plateformes de paiement numérique existantes. Le secteur privé gère les paiements mobiles en Chine depuis près de 20 ans, et les deux principaux acteurs contrôlent 90 % du marché des paiements numériques du pays. L’e-CNY se développe, mais les alternatives proposées par le secteur privé sont déjà bon marché et bien ancrées dans le quotidien numérique des utilisateurs. L’un des avantages du e-CNY est qu’il peut fonctionner même lorsque l’utilisateur est hors ligne, un facteur clé de différenciation dans les zones reculées ou lors de catastrophes naturelles. Toutefois, cet avantage ne séduit pas encore assez pour que l’utilisation du yuan numérique se généralise.

Jusqu’à présent, la Chine a essentiellement adopté une approche progressive, semblable à celle que nous voyons la Fed retenir. La différence est que les Chinois comptent sur la structure de l’e-CNY pour limiter son impact sur l’ensemble du système bancaire, tandis que nous voyons la Fed rejeter la mise en place d’un dollar numérique, du moins dans un avenir proche.

La Chine continue de promouvoir l’utilisation des MNBC dans les échanges internationaux. L’étape la plus récente de ce projet a été le lancement de mBridge, une plateforme de règlement des opérations uniquement en monnaie numérique, à laquelle ont participé la Chine, la Thaïlande, les Émirats arabes unis et Hong Kong. Cette infrastructure représente une avancée importante, mais sa portée restera limitée tant que les devises les plus largement utilisées, comme l’euro ou le dollar américain, ne seront pas intégrées dans le système. À notre avis, les avantages des règlements en MNBC seront insuffisants pour faire évoluer les préférences des investisseurs et des sociétés en matière de devises.

Des débuts timides, un long chemin encore à parcourir

Les monnaies numériques de banque centrale, sous une forme ou sous une autre, devraient être adoptées par un nombre croissant de pays. Les pays ayant un pourcentage élevé de paiements électroniques, ou dont le système bancaire est relativement petit et concentré, pourraient plus facilement introduire certaines formes de MNBC. Avec le temps, ces pays comme d’autres se rendront peut-être compte des potentiels gains d’efficience qu’offre une monnaie numérique de banque centrale émise sous un format sûr. Toutefois, pour le moment, nous pensons qu’il faut considérer les MNBC comme une solution complémentaire aux paiements et aux systèmes bancaires existants. Il s’agit pour nous d’une évolution, et non d’une révolution.


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