Les cibles d’inflation des banques centrales sont en vue, mais les tendances des prix ne se sont pas toutes normalisées. L’inflation n’est pas le casse-tête qu’elle était, mais les investisseurs devraient en tenir compte dans leurs décisions de répartition de l’actif.
17 octobre 2024
Par Josh Nye
Les banques centrales ont fait des progrès considérables dans la lutte contre l’inflation, grâce à l’amélioration des chaînes d’approvisionnement et à la baisse des prix des marchandises. L’inflation globale est inférieure à 2,5 % aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans la zone euro, tandis que la Banque du Canada (BdC) a réussi à atteindre sa cible de 2 % en août pour la première fois en 3,5 ans. Les décideurs se concentrent maintenant sur la croissance et l’emploi et cherchent à orchestrer un atterrissage en douceur.
Mais les investisseurs ne verront pas encore les banques centrales crier mission accomplie sur le plan de l’inflation. Il existe encore des foyers de pression sur les prix, en particulier dans le secteur de l’habitation et d’autres services, qui nous préoccupent, et les risques d’un bond de l’inflation demeurent. Il existe également plusieurs forces structurelles qui pourraient maintenir l’inflation à un niveau supérieur à 2 % à moyen terme, contrairement à ce qui s’est produit tout au long des années 2010, lorsque l’inflation avait tendance à être inférieure aux cibles des banques centrales.
Le graphique à colonnes montre l’inflation de l’indice des prix à la consommation (IPC) sur 12 mois aux États-Unis et au Canada, ventilée par catégories alimentation, logement, énergie, services autres que logement et biens de base. La moyenne pour les années 2010, au milieu de 2022 et maintenant. L’inflation moyenne dans les années 2010 était inférieure à 2 % dans les deux pays. L’inflation a atteint son sommet au milieu de 2022, à environ 9,1 % aux États-Unis et à 8,1 % au Canada. Les données les plus récentes sur l’inflation sont d’environ 2,4 % aux États-Unis et de 1,9 % au Canada.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, Statistique Canada, Bureau of Labor Statistics des États-Unis
Le ralentissement spectaculaire de l’inflation par rapport à son sommet du milieu de 2022 a été concentré dans les prix des biens. La croissance des prix de l’énergie s’est normalisée après que la guerre en Europe et la reprise postpandémique des voyages ont exercé d’importantes pressions à la hausse en 2022. Les problèmes liés à la chaîne d’approvisionnement et la demande exceptionnellement élevée qui ont fait grimper les prix des aliments et des biens de base (excluant les aliments et l’énergie) ont depuis diminué. Les banques centrales peuvent s’attribuer une partie du mérite pour le resserrement de la politique monétaire qui a comprimé la demande de biens, mais des facteurs indépendants de leur volonté ont également été essentiels pour contenir l’inflation.
Les prix des services ne se sont pas normalisés dans la même mesure. L’inflation des services autres que l’habitation, qui est considérée comme un bon baromètre des pressions sur les prix générées au pays, a diminué par rapport aux sommets cycliques, mais demeure élevée par rapport aux niveaux d’avant la pandémie, en particulier aux États-Unis. Malgré le ralentissement du marché de l’emploi, la croissance des salaires aux États-Unis demeure robuste et s’est, en fait, légèrement accélérée au cours des derniers mois. Toutefois, la solide croissance de la productivité de l’économie américaine semble justifier les excellents gains salariaux. Ce n’est pas le cas au Canada, où la productivité a été anémique et où la croissance des coûts unitaires de main-d’œuvre demeure trop élevée pour que la BdC soit rassurée.
Les décideurs espèrent que la hausse du chômage réduira les pressions sur les coûts de la main-d’œuvre. Toutefois, les récentes perturbations liées à la main-d’œuvre et les importants règlements salariaux des deux côtés de la frontière montrent que les travailleurs qui cherchent à faire du rattrapage après une période d’inflation élevée peuvent faire en sorte de maintenir la croissance des salaires.
L’inflation des prix des habitations est une autre source de pressions persistantes sur les prix en raison des marchés de la location et de l’habitation serrés. Aux États-Unis, le loyer et l’équivalent loyer des propriétaires (le prix qu’un propriétaire pourrait imposer pour louer sa maison) ont été à la traîne de la hausse des loyers et des prix des maisons pendant la pandémie et n’ont pas ralenti aussi rapidement que prévu auparavant. Au Canada, les loyers toujours croissants et les coûts d’intérêt hypothécaire élevés (qui ne sont pas une composante directe de l’indice des prix à la consommation [IPC] des États-Unis) maintiennent une pression à la hausse sur l’inflation des prix des habitations. Le ralentissement de l’immigration des deux côtés de la frontière pourrait aider à atténuer certaines pressions sur le marché locatif, mais les taux d’inoccupation historiquement bas pourraient faire en sorte que le retour de l’inflation des prix des habitations à son niveau prépandémique sera retardé, voire difficilement atteignable.
Même si les banques centrales doivent composer avec les pressions persistantes sur les prix des services, elles doivent également être conscientes des risques de hausse des prix des biens. Les prix du pétrole ne sont pas plus élevés qu’il y a un an, avant l’éclatement de la guerre entre Israël et le Hamas, mais ils ont récemment bondi en raison des craintes d’élargissement du conflit dans la région. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a fortement contribué à l’augmentation des prix de l’énergie et au sommet de l’inflation en 2022, et les tensions géopolitiques demeurent un risque clé pour l’inflation, même si l’énergie n’est pas un facteur déterminant selon les données actuelles sur l’IPC.
De nombreuses comparaisons ont été faites entre le cycle actuel et les deux vagues d’inflation observées dans les années 1970. Même si nous pensons que ces comparaisons sont exagérées, il convient de rappeler que la situation géopolitique et les prix du pétrole ont été les principaux facteurs de cette deuxième vague d’inflation dans les années 1970.
La politique commerciale est un autre sujet chaud entourant l’inflation à l’approche des élections américaines. Aucun des deux partis politiques n’a été en faveur du libre-échange récemment, mais comme nous l’avons indiqué dans un récent article, Donald Trump a déclaré qu’il était en faveur de redoubler d’efforts en matière de politiques protectionnistes. Sa proposition d’imposer des tarifs douaniers généralisés sur toutes les importations de 10 % ou plus et des tarifs douaniers élevés sur les importations chinoises de 50 % ou plus pourrait ajouter 0,8 point de pourcentage à l’inflation intérieure, selon l’analyse de RBC Gestion mondiale d’actifs dont nous avons récemment discuté. Même si ces politiques ne sont mises en œuvre que partiellement, les tarifs douaniers supérieurs pourraient causer des maux de tête inflationnistes indésirables pour la Réserve fédérale américaine.
Au-delà de ces risques à court terme, un certain nombre de facteurs structurels pourraient exercer des pressions à la hausse sur l’inflation à moyen et à long terme :
Aucun de ces facteurs n’agira nécessairement comme un choc aigu sur les prix, mais ils pourraient faire en sorte que l’inflation soit supérieure aux cibles des banques centrales au fil du temps.
L’inflation pourrait entraîner des risques de baisse, tout comme la croissance lente en Chine (une source clé de la demande de marchandises) et les craintes persistantes d’une récession dans les économies du G7. Les pressions structurelles et les risques de hausse n’empêchent pas que l’inflation soit temporairement inférieure aux cibles des banques centrales. Et même si nous ne suggérons pas que les investisseurs feront nécessairement face à une autre vague d’inflation comme celle qui est apparue en 2022, lorsque les actions et les obligations faisaient l’objet de ventes massives, nous sommes d’avis qu’il est trop complaisant de miser sur un retour durable au contexte d’inflation basse des années 2010.
Comment les investisseurs devraient-ils tenir compte des risques d’inflation dans leurs décisions de répartition de l’actif? Nous pensons que l’effet de l’inflation sur les titres à revenu fixe est bien connu, la hausse des prix à la consommation réduisant les rendements réels. Les acheteurs d’obligations peuvent se protéger contre ce risque grâce aux obligations indexées sur l’inflation. Le point mort d’inflation – le taux d’inflation au-dessus duquel une obligation indexée sur l’inflation surpassera sa contrepartie nominale – a diminué parallèlement à l’IPC, offrant une couverture contre l’inflation moins chère. Toutefois, la faible liquidité (en particulier au Canada) et les problèmes fiscaux potentiels associés aux obligations indexées sur l’inflation peuvent être défavorables pour certains investisseurs.
Les actions peuvent offrir une meilleure couverture contre l’inflation, ce qui permet aux investisseurs de profiter de la croissance de flux de bénéfices nominaux. Toutefois, comme nous l’avons vu en 2022, cet effet peut être contrebalancé lorsqu’il est attendu que l’antidote à l’inflation élevée – le resserrement de la politique monétaire – freine l’économie et réduise les bénéfices futurs. Les actifs réels, comme l’immobilier, les marchandises et l’or, ont tendance à enregistrer des rendements supérieurs en période de hausse de l’inflation, mais nous pensons que le contexte macroéconomique élargi aura également une incidence sur leurs rendements.
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