Si le patrimoine est divisé entre plusieurs bénéficiaires, quelle est la différence entre une répartition égale et une répartition équitable? Les propriétaires d’entreprise doivent-ils tenir compte de facteurs particuliers?
Dans certains cas, les mots « équitable » et « égal » peuvent être utilisés indistinctement. Par exemple, il peut être exact de dire qu’un match nul entre deux équipes de hockey était équitable et égal, ou que donner une pomme pour une pomme est un échange équitable et égal. Même les définitions fondamentales des mots « équitable » et « égal » suggèrent une superposition de sens, le premier s’entendant de ce qui est « impartial, juste et équitable », et le deuxième de ce qui est « de même quantité, dimension, nature, qualité ou valeur »8. Toutefois, lorsqu’on parle de planification successorale, une distinction s’impose : « équitable » est considéré comme étant un terme subjectif lié à la situation, alors qu’« égal » est plus objectif et concret. Si on priorise l’équité dans la planification successorale, des difficultés pourraient survenir en raison du fait que ce qui semble équitable pour une personne n’est pas nécessairement égal et que l’interprétation du donateur de ce qui est équitable peut ne pas cadrer avec le point de vue ou les attentes des enfants ou des autres bénéficiaires. Ces divergences peuvent donner lieu à de graves problèmes plus tard, allant du mécontentement et de la mésentente familiale à la contestation du testament si une personne se sent lésée ou pense qu’elle n’est pas traitée de manière adéquate.
La tendance semble indiquer une hausse des contestations de succession au Canada. Cela est attribuable aux facteurs souvent liés à l’augmentation de la proportion de testaments contestés, notamment la complexité croissante des structures familiales, les changements économiques, ou simplement l’augmentation du nombre de succession en raison du vieillissement de la population9. Bien qu’il n’existe pas de statistiques sur l’évolution historique des litiges en matière de succession, des données non officielles recueillies en Ontario il y a trois ans révèlent qu’environ une succession sur neuf est contestée devant les tribunaux, comme mentionné dans l’article « Jusqu’à ce que la mort nous sépare. Mais qu’arrive- t-il ensuite? »10 publié par RBC Gestion de patrimoine. Ces éléments et statistiques illustrent comment il est important de prendre en considération l’ensemble des facteurs et de se concentrer sur une division équitable des actifs tout en gardant à l’esprit que dans bien des cas, « équitable » ne signifie pas nécessairement « égal ». En définitive, il faut trouver les solutions qui permettront d’atteindre le bon équilibre selon la situation de chacun et faire en sorte que la communication et la compréhension soient constantes tout au long du processus.
Les décisions qui entourent la division d’une succession et la transmission du patrimoine sont souvent étroitement liées à ce que chacun perçoit comme étant « équitable ». Ces perceptions reposent souvent sur une série de considérations et d’hypothèses, comme la situation des bénéficiaires visés, la dynamique familiale, la situation actuelle, les besoins financiers des membres plus jeunes de la famille ou les relations, pour n’en nommer que quelques- unes. Toute combinaison de ces facteurs peut amener une personne à prendre certaines décisions qu’elle considérera comme équitables de son point de vue. Toutefois, le résultat financier réel de ces décisions pourrait ne pas se traduire par une répartition égale des actifs et du patrimoine entre les bénéficiaires.
Il faut bien comprendre que chaque personne et chaque situation familiale sont uniques et que dans certains cas, « équitable » ne signifie pas nécessairement « égal » (nuance qui sera abordée plus loin dans ce rapport). Cependant, sauf dans certaines circonstances particulières, la planification successorale devrait reposer sur une division équitable des actifs afin d’éviter tout mécontentement parmi les enfants ou les autres héritiers et de maintenir l’unité familiale.
Selon la situation de chacun, il faudra peut-être tenir compte de certains facteurs d’inégalité au moment de la planification. Il faut tout d’abord établir la distinction entre ce qui est équitable et ce qui est égal en fonction de la situation, et ensuite structurer les décisions de manière à favoriser l’équité. Voici quelques facteurs importants à évaluer et à bien comprendre :
Joe a trois enfants : Marc, Ashley et Jason. Joe a décidé de laisser à chacun de ses enfants un héritage égal pour être certain que chacun se sente traité de manière équitable. Joe n’a toutefois pas tenu compte du fait que de son vivant, il a fait un don à Marc pour l’aider à payer le versement initial de sa première maison et il a aidé Ashley à payer son mariage. Il n’a jamais fait de don à Jason, puisque ce dernier a obtenu un très bon emploi après ses études universitaires et qu’il n’a pas eu besoin d’être aidé financièrement. Il sera essentiel pour Joe de parler de sa position quant à l’équité avec ses enfants et du fait qu’il n’a pas tenu compte de ces dons faits de son vivant dans l’égalisation globale. Joe pourrait aussi envisager de diminuer l’héritage de Mark et d’Ashley en fonction de ce qu’il leur a donné respectivement pour le versement initial et le mariage, s’il veut avant tout assurer une égalisation globale entre ses trois enfants.
Même s’il faut se demander ce qui est équitable et ce qui est égal dans le contexte de la planification successorale, il n’en demeure pas moins que les sentiments et les hypothèses à l’égard de la situation présente ou future des êtres aimés entrent en ligne de compte. Si on ajoute à cela le fait que la notion d’équité est souvent ouverte à l’interprétation (et peut même varier d’une génération à l’autre), il est évident que des problèmes et des conflits peuvent survenir et prendre de l’ampleur si les membres de la famille n’en parlent pas dans le cadre de la planification et du processus décisionnel.
Même si des rencontres et des discussions familiales ont lieu, il est conseillé de documenter le raisonnement qui sous- tend certaines décisions. Pour ceux qui ne sont vraiment pas à l’aise d’en discuter avec leur famille au préalable, il est essentiel de consigner ces raisons, car ce sera la seule explication que vos proches auront à propos de votre raisonnement et de ce que vous percevez comme étant juste et équitable. Certaines personnes ne voulant pas avoir ces discussions au préalable choisissent même d’enregistrer des vidéos ou d’écrire des lettres pour expliquer leurs décisions. D’autres ont recours à un conseiller familial qui relaie les informations aux bénéficiaires.
Il s’agit d’une question que beaucoup de gens ne prennent pas le temps de bien planifier ou de bien discuter avec les membres de leur famille. Souvent, une simple division de la propriété en parts égales entre les enfants n’est ni la meilleure décision, ni même celle que les enfants espèrent. Les chalets sont d’ailleurs souvent à l’origine de litiges en matière de succession, parce que souvent la personne n’a pas tenu compte de la dynamique et la situation particulières de la famille et s’est plutôt concentrée sur le désir d’être purement équitable. Avant d’opter pour un partage à parts égales entre les enfants, il faut se poser les questions fondamentales suivantes :
À cet égard, les rencontres familiales peuvent être très utiles, car elles constituent souvent la seule manière d’établir clairement les intérêts et la position de chaque membre de la famille. Si un enfant n’est pas intéressé, vous pourriez envisager d’autres manières d’égaliser les parts du patrimoine sans l’inclure dans la division de la propriété, en sachant que chacun considérera votre décision comme juste et équitable.
En matière de planification successorale, les entreprises familiales figurent parmi les sujets qui suscitent beaucoup de questions quant à ce qui est juste et de ce qui équitable. C’est là une des principales situations où l’équité n’a pas nécessairement à être synonyme d’égalité. Les difficultés surviennent souvent dans un environnement de méritocratie, où existent des points de vue bien arrêtés quant au fait que certains enfants méritent davantage d’hériter de l’entreprise familiale que d’autres, surtout si un enfant a consacré plus d’efforts, de temps et de travail à l’entreprise. Il pourra arriver aussi que plusieurs enfants soient impliqués dans l’entreprise, mais que l’un d’eux se démarque pour avoir rendu l’entreprise plus profitable ou l’avoir fait croître et par conséquent avoir fait fructifier le patrimoine familial.
Étant donné que près de 80 pour cent des entreprises au Canada sont des entreprises familiales et que leur taille varie, allant de petites entreprises à de grandes sociétés12, il ne faut pas sous-estimer l’importance d’une planification successorale complète et détaillée. Bien qu’une crainte souvent formulée par les propriétaires d’entreprises familiales concerne la création de discordances dans la famille au sujet de la cession de l’entreprise, il faut savoir qu’il existe des stratégies pour gérer les différents types de situations tout en préservant les valeurs et les objectifs de la famille.
Une des premières étapes pour planifier la relève d’une entreprise familiale est de faire comprendre vos objectifs en discutant de la question avec les autres générations. Une manière d’en discuter efficacement est de le faire lors de réunions de famille. Ces réunions permettent de créer un environnement et un forum pour discuter de l’ensemble des valeurs familiales, en plus de mieux comprendre les intérêts et les points de vue de la génération suivante à l’égard de l’entreprise.
À partir de là, l’étape suivante consiste à vous servir de ces objectifs clairement définis comme d’une boussole qui vous orientera vers les buts que vous (votre famille) vous êtes fixés à l’égard de l’entreprise familiale. Le processus de définition des objectifs commence par l’établissement d’énoncés généraux, lesquels évolueront à mesure que vous comprendrez mieux votre situation personnelle, ainsi que celles de la famille et de l’entreprise.
Il faut reconnaître que chaque membre de la famille définit son programme personnel selon sa situation particulière. Par exemple, le fait de jouer un rôle dans l’entreprise familiale crée des besoins très différents de ceux d’une personne ne participant pas aux activités de l’entreprise. De même, les personnes qui détiennent des parts d’une entreprise familiale peuvent avoir une autre vision de ce que représente ladite entreprise. Le modèle des trois cercles est un outil utile qui fait ressortir les différences dans les besoins et points de vue. Les trois cercles schématisent les trois groupes dans lesquels se situent les membres d’une famille (ainsi que les non- membres). Les cercles se chevauchent pour montrer que des personnes peuvent faire partie de plusieurs groupes. Une fois le schéma établi, on devrait voir plus clairement les besoins et points de vue des membres de la famille en fonction du groupe dans lequel chacun se situe. Ces renseignements pourront alors servir de principe directeur pour diviser l’entreprise de manière à favoriser l’équité et trouver d’autres approches pour égaliser au besoin.
Au moment de prendre compte tous les facteurs qui touchent l’entreprise, peu importe la complexité de la situation ou des circonstances, il existe des approches et des outils de planification successorale qui permettent d’aborder efficacement chaque besoin potentiel. Ces options aident à garder l’équité à l’avant-plan et à obtenir en même temps un résultat qui permet d’atteindre l’égalité grâce à des moyens secondaires.
Tout comme la planification successorale personnelle, la planification de la relève d’une entreprise repose sur une communication ouverte entre tous les membres de la famille. Cela est particulièrement vrai si l’entreprise n’est pas transmise à parts égales. Les enfants doivent comprendre les décisions et les structures, et à plus forte raison le contexte et le raisonnement qui les sous-tendent. Si les enfants ne reçoivent pas de parts de l’entreprise, mais que l’égalité à leur endroit est assurée autrement, il est essentiel d’expliquer comment l’équité a été préservée par d’autres moyens qui conviennent mieux à leur situation.
Source : Réussir sa relève : préservez l’harmonie familiale au moment de la relève en entreprise. RBC Services de gestion de patrimoine.
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