Préparer les jeunes Autochtones à un avenir numérique

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Perspectives

Au cours des dix prochaines années, ce sont 750 000 jeunes Autochtones qui termineront leurs études et commenceront leur carrière. De quoi auront-ils besoin pour réussir ?

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Économique RBC

La découverte de tombes anonymes d’enfants autochtones sur les terrains d’anciens pensionnats canadiens est un rappel douloureux de notre histoire et souligne bien la nécessité de continuer à mettre l’accent sur la vérité et la réconciliation. L’oppression systémique exercée durant des siècles a toujours des répercussions sur la vie des peuples autochtones. Ce rapport se tourne vers la prochaine décennie et présente certaines mesures favorables à la réussite de la nouvelle génération d’Autochtones dans le contexte économique en constante évolution.

Les grands enjeux d’un avenir où tout va plus vite

Au cours des dix prochaines années, ce sont 750 000 jeunes Autochtones qui termineront leurs études et commenceront leur carrière. De quoi auront-ils besoin pour réussir dans l’économie canadienne des années 2020 ? Les technologies de pointe transforment le pays, secteur par secteur. De l’exploitation minière à la foresterie, en passant par le commerce de détail et le divertissement, la demande d’aptitudes numériques s’accélère, venant perturber les méthodes et les emplois traditionnels. Le capital financier avait l’habitude d’être considéré comme le principal moteur de développement économique. Mais on sait aujourd’hui qu’il faut allier les capitaux avec la technologie et les compétences. Nous tentons continuellement de comprendre les défis auxquels sont confrontés tous les jeunes Canadiens en matière de compétences. Dans le présent rapport, nous examinons le capital humain et les aptitudes nécessaires pour que les jeunes Autochtones puissent réussir dans une économie hautement technologique.

Dans les 18 derniers mois, les groupes Services économiques et Leadership avisé de RBC se sont entretenus avec des jeunes, des enseignants, des employeurs et des dirigeants de collectivités autochtones pour évaluer les occasions et les obstacles à venir. Est-ce que cette nouvelle génération sera prête à tirer parti de la quatrième révolution industrielle ? Les entretiens ont commencé en personne, puis se sont poursuivis en ligne à cause de la pandémie de COVID-19. D’ailleurs, la crise nous a amenés à réorienter nos conversations. Des jeunes Autochtones de partout au Canada nous ont raconté comment ils se sont adaptés à l’apprentissage en ligne, ont amélioré leurs compétences techniques, et ont tenté de trouver leur place dans l’avenir numérique qui se dessine tout autour d’eux : un monde où les télécapteurs, les véhicules automatisés et l’intelligence artificielle sont légion. Leur vision d’eux-mêmes est celle d’un pont permettant d’amener aptitudes numériques, occasions économiques et prospérité à leurs familles, à leurs pairs et à leurs collectivités.

Pour savoir ce que l’avenir peut offrir, il faut tenir compte du chemin déjà parcouru. Les générations de jeunes Autochtones ont été confrontées à des obstacles uniques les empêchant d’avoir accès à des occasions et, souvent, elles ont été repoussées vers la périphérie de la vie économique. Dans nombre d’endroits, des besoins urgents (eau potable, logement convenable et éducation comparable) attendent toujours d’être comblés. RBC tient à ce que la réconciliation se poursuive ; depuis plus de 25 ans, elle fait équipe avec des peuples et des collectivités autochtones dans le cadre d’initiatives visant à entraîner de réels changements. Et ce n’est pas terminé. Dans le présent rapport, nous nous sommes concentrés sur l’orientation de l’économie en général et sur les changements qui, selon nous, devront s’opérer pour que les jeunes Autochtones puissent profiter des occasions que les années 2020 auront à offrir.

La réussite de ces jeunes sera déterminante pour le succès du Canada, de même que pour la poursuite de la réconciliation jusque dans les années 2030.

La grande réorientation des compétences

Si vous allez à Meadow Lake, en Saskatchewan, vous verrez des travailleurs en train de préparer le terrain et d’installer des canalisations et des câbles, dans le cadre d’un projet de bioénergie mené par des Autochtones qui, un jour, fournira de l’énergie propre au réseau de SaskPower. À Yellowknife, la joaillière Tania Larsson crée de nouveaux bijoux pour ses 17 300 abonnés Instagram. Plus à l’est, à l’île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, la Première Nation de Membertou exploite sans relâche un centre de données de renommée mondiale qui offre des services de stockage et de récupération.

La quatrième révolution industrielle avait déjà commencé à changer nos façons de travailler et de vivre. L’essor des activités en ligne est venu perturber les entreprises et les secteurs établis et nous a forcés à repenser l’éducation et la formation. La pandémie n’a fait qu’accélérer ce virage. Bien sûr, ce ne sont pas tous les jeunes Canadiens qui deviendront programmeurs ou spécialistes de l’apprentissage automatique. C’est plutôt le signe que les connaissances de base nécessaires pour avoir un emploi comprennent désormais les aptitudes requises pour travailler avec des outils numériques et d’autres technologies de pointe comme les drones, la robotique et l’Internet des objets. Et les attentes vont croissant. Ces changements nous concernent tous. Or, ils représentent des défis uniques pour les peuples autochtones, des défis susceptibles d’influer sur leurs progrès socioéconomiques, leurs occasions et leur chance de participer davantage à l’économie canadienne au cours des prochaines années.

Dans notre rapport de 2018 intitulé Humains recherchés , nous avions dressé la liste des aptitudes qui prépareraient les jeunes Canadiens à réussir dans les milieux de travail de demain. Nous avions conclu que cette réussite dépendait de deux choses : les aptitudes requises pour travailler avec les autres (ce que nous avons appelé les aptitudes fondamentales) et les aptitudes nécessaires pour travailler avec la technologie (ou aptitudes numériques). Si les aptitudes fondamentales comme la réflexion critique et la communication ont toujours été importantes, ce sont les aptitudes numériques qui permettront aux jeunes de travailler avec la technologie, au lieu de rivaliser contre elle tandis qu’elle envahit le marché du travail.

Dans ce plus récent volet de l’aventure Humains recherchés étalée sur trois ans, nous avons concentré notre recherche sur les jeunes Autochtones. Ces jeunes sont moins nombreux que les personnes non autochtones à occuper un emploi qui exige des aptitudes axées sur l’avenir telles que la réflexion critique et la compréhension de lecture. De plus, près de deux emplois sur trois détenus par des travailleurs autochtones exigeront une tout autre combinaison de compétences dans l’avenir. Les sociétés minières auront besoin de moins de camionneurs, mais de plus de personnes pour contrôler à distance des camions sans conducteur ou pour les programmer, les entretenir et les réparer. Les infirmières des collectivités éloignées devront utiliser des outils numériques pour communiquer avec des médecins qui se trouveront à des centaines de kilomètres de distance.

Le virage numérique bouleverse des secteurs où les peuples autochtones se sont bâti des carrières, dont les métiers spécialisés, les ressources naturelles et l’agriculture, et la vente et le service (consultants, réparateurs, etc.). D’un autre côté, il fait naître des occasions d’emploi importantes, mais où l’avancement professionnel est lent, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

On s’attend à ce que l’automatisation et l’humanité revêtent une plus grande importance dans les années à venir, et à une nouvelle ère créative jetant un pont entre elles. Les jeunes Autochtones sont-ils prêts ?

Commençons par la bonne nouvelle. Les jeunes Autochtones ont confiance en leurs aptitudes fondamentales. C’est ce qu’ont révélé des sondages d’Objectif avenir RBC menés en ligne de 2019 à 2021 auprès de milliers de participants au programme, dont 2 000 jeunes Autochtones de 15 à 29 ans, que l’on a interrogés sur le perfectionnement de leurs compétences. (Les répondants qui ont donné une note d’au moins 7 sur 10 à leurs aptitudes sont considérés comme étant « confiants ».)

De la pensée critique à la communication et à la collaboration, les jeunes Autochtones et non autochtones ont attribué des notes comparables à leurs aptitudes.

C’est toutefois sur le plan des aptitudes numériques qu’il y a un fossé. En effet, le sondage a révélé un écart de 13 points de pourcentage entre jeunes Autochtones et non autochtones en matière de littératie numérique. L’écart est surtout prononcé chez les répondants qui sont toujours à l’école et il diminue à mesure que les jeunes gagnent de l’expérience de travail.

Pour combler les écarts, il faut commencer par le commencement. Le fait est qu’une grande partie du Canada rural et du Nord canadien n’a pas encore accès à Internet haute vitesse, ce qui limite les activités en ligne de nombreux Autochtones. En 2017, le CRTC a découvert que, dans les collectivités des Premières Nations, environ 24 % des ménages avaient accès à Internet haute vitesse, contre 97 % des ménages en milieu urbain et 37 % des ménages en milieu rural. Chez les Autochtones âgés de 15 ans et plus, 76,4 % utilisent quotidiennement Internet ; dans l’ensemble de la population canadienne de la même tranche d’âge,  ce taux s’élève à 91 % .

Combler l’écart permettrait aux jeunes Autochtones d’accroître leur maîtrise de la technologie et leur potentiel de revenu à long terme : il a été démontré que l’amélioration des habiletés numériques est liée à une augmentation de la rémunération  pouvant atteindre 36 % pour les travailleurs autochtones. Par ailleurs, l’inaction coûte cher : les travailleurs autochtones sont sous-représentés dans les secteurs de technologie de pointe. Seul 1,2 % des employés de ces secteurs s’identifient comme Autochtones. En juin 2020, d’éminents représentants des secteurs de la technologie, de l’innovation et de l’industrie de pointe ont créé la Coalition of Innovation Leaders Against Racism (CILAR). Cette coalition se donne pour mission d’aider les personnes noires, autochtones et de couleur à intégrer le secteur de l’innovation en privilégiant cinq grands axes : le perfectionnement des compétences des jeunes, les occasions d’emploi, le capital de risque et le soutien à la création d’entreprises, l’investissement et le financement, et le leadership communautaire.

Le risque est de voir les jeunes Autochtones globalement sous-représentés, car le numérique fait aujourd’hui partie intégrante de tous les secteurs d’activité. Comme l’ont révélé nos tables rondes et nos entrevues, de nombreux jeunes sont conscients que des connaissances de base comme l’utilisation du courriel et du traitement de texte ne suffisent pas à trouver un bon emploi, et ils sont frustrés par l’absence de possibilités d’apprentissage.

Laissés à eux-mêmes, beaucoup de jeunes se forment seuls à l’utilisation des outils numériques et perfectionnent leurs compétences par des moyens créatifs et non traditionnels. Sur TikTok, Shina Novalinga (@shinanova), une étudiante collégiale inuite, partage de courtes vidéos de ses chants de gorge avec ses 2,3 millions d’abonnés. Theland Kicknosway, défenseur de la jeunesse et danseur de cerceaux autochtone, a fait appel à ses abonnés Instagram (@the_landk) pour recueillir de l’argent pour les femmes, jeunes filles et personnes bispirituelles disparues ou assassinées.

Ces exemples montrent que les jeunes Autochtones joueront un rôle de trait d’union essentiel entre leurs collectivités et l’ère numérique. Imaginez tout ce qu’ils pourraient faire de plus avec les bons outils… En août 2020, alors que l’apprentissage en ligne était devenu la norme en raison de la pandémie de COVID-19, le groupe De Beers a fait don de 117 ordinateurs portables neufs à des écoles de sept collectivités autochtones des Territoires-du-Nord-Ouest et de 10 ordinateurs remis à neuf à la Yellowknife Public Library (bibliothèque municipale de Yellowknife). D’autre part, dans le cadre de l’acquisition de Shaw, Rogers s’est engagée à investir un milliard $ dans le Fonds Rogers pour la connectivité rurale et autochtone et a déclaré que l’entreprise consulterait les collectivités dans le but de créer des fournisseurs de services Internet autochtones.

L’optimisme à l’égard de l’avenir est l’une des principales caractéristiques des tables rondes et du sondage, et près de 40 % des personnes interrogées ont dit être optimistes quant à l’atteinte de leurs objectifs. De nombreux jeunes envisagent de déménager dans une nouvelle ville et de fréquenter un établissement d’enseignement postsecondaire pour développer leurs habiletés et créer des conditions propices à une carrière professionnelle réussie.

Dans le cadre de cette transition, les jeunes sont à la recherche de mentors. Leur tâche est compliquée par le fait que beaucoup de jeunes ne voient pas les Autochtones dans les rôles auxquels ils aspirent compte tenu de l’évolution rapide de l’économie – mais lorsque ces mentors existent, ils peuvent jouer un rôle crucial dans le développement personnel et spirituel des jeunes Autochtones et aider la nouvelle génération à atteindre ses objectifs.

Les expériences professionnelles positives en début de carrière renforcent la confiance des jeunes Autochtones : le sondage Future Launch révèle que les jeunes employés autochtones sont encore plus confiants en leurs capacités de communication, de collaboration et de réflexion critique que leurs homologues non autochtones. On notera plus particulièrement que les jeunes employés autochtones se considèrent plus persévérants (ou capables de bien gérer le stress) que les jeunes non autochtones, avec un taux de 76 %, contre 69 % pour ces derniers.

Recommandations

La responsabilité d’offrir à la nouvelle génération de Canadiens autochtones une éducation, des compétences et des possibilités en vue de l’avenir est partagée. Les gouvernements, les employeurs, les éducateurs et les collectivités jouent tous un rôle clé. Voici quelques mesures qui pourraient aider :

  1. Respecter l’engagement du gouvernement fédéral à assurer à tous les Canadiens d’ici 2030 un accès Internet haute vitesse, y compris le réseau à large bande et l’infrastructure connexe, en donnant la priorité aux communautés autochtones mal desservies.
  2. Accroître l’accès au capital de risque en procurant un appui particulier au nouveau Fonds de croissance autochtone, fruit d’un engagement de 150 millions de dollars du gouvernement du Canada, de la Banque de développement du Canada et d’autres organismes gouvernementaux, ce qui pourrait être de bon augure pour des investissements futurs.
  3. Allouer des fonds supplémentaires pour les cours de technologie et les appareils numériques dans les écoles primaires et secondaires, tant dans les réserves qu’à l’extérieur, en tirant parti des programmes de paiements de transfert utilisés par Services aux Autochtones Canada et les ministères provinciaux et territoriaux de l’Éducation.
  4. Résoudre les problèmes d’accès à l’apprentissage intégré au travail pour les jeunes Autochtones en consolidant la subvention accordée aux étudiants autochtones dans le cadre du Programme de stages pratiques pour étudiants, en élargissant les options d’apprentissage intégré au travail à distance et en établissant des mécanismes de jumelage entre les employeurs et les candidats.
  5. Élargir les programmes de transition dans les universités et les collèges, et les programmes d’apprentissage qui perfectionnent les compétences fondamentales et numériques des apprenants autochtones et améliorent leurs résultats dans les programmes d’études supérieures.
  6. Combler la grande insuffisance de données sur la participation des Autochtones du Canada au marché du travail en augmentant le financement accordé à la collecte et à la coordination des données dans le cadre du programme fédéral de formation pour les compétences destiné aux Autochtones.
  7. Tirer parti des récents investissements dans l’éducation en ligne par les commissions scolaires et les établissements d’enseignement postsecondaire pour élargir l’offre de cours STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) aux étudiants autochtones grâce à un programme d’apprentissage à distance et hybride de grande qualité offert dans leurs écoles.
  8. Accroître la représentation de la culture, des langues et du contenu autochtones dans les espaces en ligne en rendant l’adoption d’une approche numérique prioritaire pour les conseils des arts et en augmentant la portée des influenceurs autochtones qui mettent en valeur leur culture dans les médias sociaux.

Le présent article contient des extraits du rapport de RBC intitulé « Des connexions à bâtir : Préparer les jeunes Autochtones à un avenir numérique », qui se tourne vers la prochaine décennie et présente certaines mesures favorables à la réussite de la nouvelle génération d’Autochtones dans le contexte économique en constante évolution. Lisez le rapport complet ici .

Ce rapport de RBC s’inscrit dans son programme de recherche Humains recherchés. Il fait suite à une série de tables rondes et d’entretiens avec des jeunes, des dirigeants, des employeurs et d’autres intervenants autochtones au cours des 18 derniers mois. Il s’appuie sur les résultats des sondages auprès des participants Objectif avenir RBC, dont 2 000 jeunes Autochtones, et sur des analyses de données sur l’emploi provenant du recensement et d’autres produits de Statistique Canada. Objectif avenir RBC est un engagement sur dix ans visant à aider les jeunes Canadiens à se préparer à l’économie des aptitudes des années 2020 et après.

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