En sensibilisant les jeunes à l’écoresponsabilité, les parents soucieux de l’héritage qu’ils laisseront œuvrent dans le bon sens.
Jyoti Stephens a grandi avec l’idée qu’il fallait « laisser la Terre en meilleur état qu’à sa naissance ». Ce principe que lui a inculqué son grand-père est aussi la devise de Nature’s Path , son entreprise familiale d’aliments certifiés biologiques.
« Tout jeunes, nous avons appris deux grandes valeurs : respecter la terre et faire sa part pour la collectivité », explique Mme Stephens, vice-présidente à la mission et la stratégie. Établie à Richmond (C.-B.), son entreprise, reconnue pour l’importance qu’elle attache au développement durable, privilégie l’approvisionnement éthique, l’efficacité énergétique, la réduction des déchets, l’engagement communautaire et les emballages écologiques.
Mme Stephens se rappelle avec bonheur le jardin de ses parents où elle faisait pousser les fruits et les légumes qu’elle consommait. Sa connaissance des principes de régénération des sols date de cette époque. Ce mode de vie et cette façon de conduire des affaires, elle les transmet aujourd’hui à sa fille, dans leur propre jardin et pendant les repas.
Mme Stephens encourage tous les parents à parler du respect de l’environnement avec leurs enfants.
« C’est des systèmes en jeu qu’il doit être question. Il faut éviter de noyer nos enfants sous les détails complexes. Par contre, on peut les amener à réfléchir à tout ce qu’exige de pouvoir vivre et savourer la vie pendant longtemps. »
La prise de conscience s’intensifie, mais Mme Stephens s’inquiète de l’avenir de la planète et des effets dévastateurs des changements climatiques sur nos enfants.
« Les répercussions que subira la prochaine génération me font peur. »
Elle n’est pas la seule dans son cas. Selon le rapport de RBC intitulé Façonner l’avenir, aujourd’hui, près des trois quarts des parents fortunés de la prochaine génération sont d’avis que la vie de leurs enfants sera plus difficile que la leur, et les changements climatiques sont au cœur de leurs préoccupations. L’étude portait sur la prochaine génération des familles qui dirigent une entreprise au Canada, aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Plus de la moitié des répondants (56 %) pensent qu’il est important que les enfants acquièrent le sens des responsabilités sociales et environnementales à la maison.
« Deux grandes tendances m’effraient, explique un répondant de la génération X. Les changements climatiques et le fossé grandissant entre les nantis et les démunis. »
Un autre répondant, qui fait partie de la génération du baby-boom, est également inquiet. « J’ai l’impression que les jeunes devront relever des défis que mes proches (du moins ceux de ma génération) et moi-même n’avons pas connus. »
La durabilité devient aussi une priorité pour les investisseurs, de plus en plus nombreux à choisir leurs placements en fonction des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
À l’échelle internationale, 67 % des investisseurs institutionnels intègrent les critères ESG à leur méthode de placement et à leur processus décisionnel, selon le Sondage sur l’investissement responsable mené en 2022 par RBC Gestion mondiale d’actifs. D’après 74 % des répondants, les portefeuilles qui tiennent compte de ces critères auront des rendements au moins aussi bons que les autres.
Melanie Adams, première directrice générale et cheffe, Investissement responsable, RBC Gestion mondiale d’actifs, affirme que les critères ESG jouent un rôle essentiel dans la façon dont son équipe investit aujourd’hui en vue de produire des rendements corrigés du risque à long terme.
« Pour beaucoup de gens, il s’agit de rendre le monde meilleur, mais pour les investisseurs, le rendement revêt aussi une grande importance. Si vous ne portez pas attention aux critères ESG importants, il vous manque des éléments pour évaluer les placements. »
De plus en plus de sondages montrent d’ailleurs que les milléniaux et la génération Z veulent investir dans des sociétés responsables, toujours d’après Mme Adams.
« Un transfert de richesse aura lieu et la prochaine cohorte d’investisseurs se préoccupe de ces enjeux. Nous devons être prêts à satisfaire leurs exigences de placement. »
Il est également essentiel que les entreprises repensent leurs stratégies ESG, souligne Mme Adams, notamment en ce qui concerne les changements climatiques et l’adaptation à la transition vers une économie décarbonée.
« Les entreprises qui réfléchissent à ces questions seront plus résilientes et devraient afficher de meilleurs résultats à long terme. »
Les consommateurs peuvent également être acteurs du changement, grâce à des achats stratégiques ciblant des entreprises et des marques qui soutiennent le développement durable. Jane Mosbacher Morris mise sur cette tendance (le « consumérisme responsable »). Sa société, TO THE MARKET, permet aux entreprises et aux particuliers de se procurer des produits fabriqués de manière éthique partout dans le monde.
Financée par capital-risque et soucieuse d’abord d’exercer un impact positif, l’entreprise est en lien avec 200 fournisseurs (au bas mot) établis dans plus de 60 pays. Elle a recours à la technologie pour aider les détaillants et les marques à assurer la transparence de leur chaîne logistique afin d’obtenir des produits fabriqués dans le respect des normes sociales et environnementales.
« Nous voulons changer les modes de fabrication afin d’améliorer la vie des gens, l’état de la planète et, au bout du compte, les entreprises », explique celle qui a fondé TO THE MARKET après avoir travaillé pour un organisme public d’action humanitaire et un important groupe de réflexion établi à Washington.
Mme Morris a aussi œuvré dans le domaine du contre-terrorisme au département d’État américain, où elle a été confrontée pour la première fois à des groupes vulnérables – les femmes, en particulier. C’est lors d’un voyage à Kolkata, en Inde, alors qu’elle occupait le poste de directrice de l’action humanitaire au McCain Institute for International Leadership, qu’elle a eu l’idée de créer TO THE MARKET.
« C’était pour moi une excellente occasion de m’investir dans un secteur d’activité où, en plus d’un problème social et environnemental intéressant à résoudre, le marché offrait la possibilité de changer les choses. J’ai pensé qu’en tirant parti des forces du secteur privé, mon action aurait des retombées plus appréciables sur la population que j’avais à cœur de servir. »
Mme Morris est aussi l’auteure de Buy the Change You Want to See: Use Your Purchasing Power to Make the World a Better Place. Cet ouvrage publié en 2019 aide les consommateurs à accroître leur impact social par le truchement de leurs achats courants. Selon Mme Morris, les parents peuvent lire ce livre non seulement pour s’informer, mais aussi pour sensibiliser leurs enfants au consumérisme responsable.
Qu’il s’agisse des changements climatiques ou de l’autonomie financière des femmes, « il s’agit de réaliser l’adéquation entre votre pouvoir d’achat et vos valeurs ».
Mme Adams pense que les parents peuvent apprendre à leurs enfants de nombreuses façons de contribuer à rendre le monde meilleur, notamment en utilisant le « pouvoir du portefeuille ».
« Parlez-en à vos enfants. Il y a là une occasion d’investir judicieusement. Ça peut aussi être amusant. »
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