Le maintien de l’ACEUM dans sa forme actuelle et la réaffirmation de ses engagements renforceraient la position du Canada en tant que partenaire commercial concurrentiel avec les États-Unis.
Tasneem Azim-Khan Vice-présidente et stratège en chef, placements
À la mi-septembre de cette année, les États-Unis ont officiellement entamé les discussions sur l’avenir de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM ou l’accord) en prévision de l’examen formellement prévu le 1er juillet 2026. Les intenses négociations concernant sa reconduction ou son remplacement devraient s’étendre sur plusieurs mois.
L’accord ne prendra automatiquement fin qu’en 2036, mais cet examen pourrait être particulièrement lourd de conséquences compte tenu de la politique tarifaire agressive de l’administration Trump. Un point plus préoccupant, c’est que l’un des trois pays signataires de l’accord peut décider de se retirer moyennant un préavis de six mois. Les deux autres options sur la table sont les suivantes : la reconduction de l’accord pour une nouvelle période de 16 ans ou le déclenchement d’un examen annuel jusqu’à l’expiration de l’accord en 2036.
Nul ne saurait contester que le maintien de l’ACEUM est essentiel pour soutenir l’économie du Canada dans les années à venir. Lorsque les États-Unis ont imposé des droits de douane généralisés de 25 % sur les produits canadiens et mexicains au début de l’année (qui ont ensuite grimpé à 35 % en août pour le Canada), l’ACEUM a joué un rôle crucial pour protéger les exportateurs du pays. Selon Services économiques RBC, au deuxième trimestre de cette année, environ 90 % des importations américaines en provenance du Canada n’ont pas été soumises aux droits de douane grâce aux exemptions prévues par l’ACEUM.
En outre, cet accord a permis au Canada d’être imposé à un taux effectif moyen de droits de douane compris entre 1 % et 5 %, soit un chiffre bien inférieur au taux moyen des droits de douane appliqués par les États-Unis à l’ensemble des importations en juin. Une prolongation et un maintien de l’ACEUM dans sa forme actuelle renforceraient la position concurrentielle du Canada en tant que partenaire commercial des États-Unis, par rapport aux autres pays.
En vue de parvenir à une entente commerciale et de préparer le terrain pour des négociations plus sereines sur l’avenir de l’ACEUM, le Canada a déjà augmenté ses dépenses militaires et renforcé la sécurité frontalière au cours des derniers mois. Le sous-financement perçu dans ces deux secteurs par l’administration Trump était l’un des principaux points de discorde. Par ailleurs, le Canada a annulé la taxe sur les services numériques (TSN) pour les grandes sociétés américaines du secteur Internet qui exercent des activités au Canada. Plus récemment, le premier ministre Mark Carney a supprimé les droits de douane de représailles sur les produits américains conformes à l’ACEUM.
Au fil des discussions, nous soupçonnons que l’administration Trump pourrait soulever d’autres sujets de discorde avec le Canada, notamment le système de gestion de l’offre sur les produits laitiers, les œufs et la volaille, dont les importations aux États-Unis sont lourdement taxées. Elle pourrait également exiger une part plus importante de contenu nord-américain pour le secteur automobile (75 % actuellement), tout comme demander à ce que chaque véhicule soit fabriqué avec un certain pourcentage de pièces automobiles américaines. Le caractère perçu comme « insulaire » du secteur bancaire et financier au Canada pourrait aussi être remis en question.
Nous nous attendons à ce que les négociations, qui portent officiellement sur les échanges commerciaux, servent largement à répondre aux enjeux géopolitiques et au souhait de l’administration Trump de rallier davantage ses alliés autour de ses priorités en matière de sécurité nationale. À cet égard, la Chine reste dans le collimateur des États-Unis, qui cherchent à l’isoler sur le plan technologique et à relancer l’industrie manufacturière américaine.
L’ACEUM comporte une clause qui interdit à ses signataires d’entamer des négociations commerciales avec une « économie non marchande » (autrement dit la Chine) avant d’en informer les autres parties. Les États-Unis pourraient chercher à réduire davantage les investissements directs étrangers de la Chine en Amérique du Nord. Même si le Canada a par le passé adopté une position à l’égard de la Chine relativement proche de celle des États-Unis, un durcissement de ton vis-à-vis de la deuxième économie mondiale pourrait entraîner des répercussions économiques et politiques pour Ottawa. Notamment parce que le gouvernement libéral a fondé sa campagne sur un programme visant à transformer l’économie canadienne, principalement grâce à une diversification des échanges commerciaux et des partenariats économiques mondiaux. Washington souhaite voir l’Amérique du Nord fonctionner comme si elle ne formait plus qu’un seul « bloc » en vertu d’une nouvelle version de l’ACEUM aMn de contrer la menace concurrentielle que représenterait la Chine. Dans un tel scénario, le Canada pourrait dépendre encore davantage des États-Unis en tant que partenaire commercial.
En définitive, nous pensons que le Canada et le Mexique devront faire certaines concessions pour que l’ACEUM version 2.0 reprenne à l’identique les dispositions les plus générales et les plus importantes du cadre actuel.
Même si beaucoup d’énergie et de papier sont à juste titre consacrés à souligner la nature stratégique de cet accord pour les perspectives économiques du Canada, il est important de noter que la révision de l’ACEUM pourrait également entraîner des répercussions significatives sur plusieurs secteurs tributaires des échanges commerciaux aux États-Unis.
Selon Services économiques RBC, les importateurs américains seraient actuellement soumis à un taux effectif moyen de droits de douane américains proche de 15 % (contre seulement moins de 3 % l’an dernier), soit son plus haut niveau depuis les années 1930 (mais ce taux est principalement attribuable aux importations en provenance de régions autres que le Canada).
Face à la réorganisation du commerce mondial impulsée par Donald Trump, l’ACEUM offre une protection à toutes les parties impliquées, y compris aux États-Unis, en leur permettant de bénéficier de droits de douane relativement plus bas. Services économiques RBC estime qu’au moins 95 % des produits américains exportés au Canada en 2024 ont été exemptés de droits de douane en vertu de l’accord. On peut noter que le Canada était le premier marché d’exportation pour 32 États américains l’an dernier. Selon Services économiques RBC, si les exemptions prévues par l’ACEUM devaient être finalement supprimées, les importateurs américains seraient alors soumis à un taux effectif moyen de droits de douane américains qui pourraient grimper jusqu’à 20 %.
Même si nous avons déjà connu une situation comparable, les choses paraissent différentes cette fois-ci. Les enjeux pour le Canada semblent considérables au vu de la faiblesse persistante des données économiques, d’un chômage élevé et de la croissance anémique du PIB. L’histoire ne nous donne que peu d’indications claires sur ce qui pourrait se passer. D’un côté, si l’on se fie à l’approche adoptée jusqu’à présent par l’administration Trump sur les négociations de droits de douane, les Canadiens devraient s’attendre à faire face à plusieurs mois de tension et de potentielle volatilité, tout comme à une incertitude économique accrue. L’administration Trump pourrait très bien tirer avantage de la dépendance du Canada à l’égard de ses échanges commerciaux avec les États-Unis (comme elle l’a fait dans le passé).
De l’autre, la renégociation réussie de l’ALENA (qui a précédé l’ACEUM) au cours du premier mandat de M. Trump donne des raisons d’être optimiste. De même, la décision du président d’accorder des exemptions de droits de douane aux produits conformes à l’ACEUM est aussi à notre avis un signe encourageant. Enfin, compte tenu des avantages commerciaux et économiques que procure l’ACEUM aux États-Unis, nous pensons que M. Trump sera enclin à montrer à son électorat qu’un accord satisfaisant a été conclu à temps pour les élections de mi-mandat qui se tiendront aux États-Unis à l’automne 2026.
Il est important de noter que la Cour suprême des États-Unis a annoncé qu’elle entendra le 5 novembre les plaidoiries orales sur la légalité des droits de douane généralisés imposés par M. Trump à tous les pays, et qu’elle rendra sa décision d’ici la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. Cette annonce fait suite à une décision rendue par une cour d’appel fédérale plus tôt cette année, qui a statué que le président Trump avait outrepassé ses pouvoirs en invoquant l’International Emergency Economic Powers Act (IEEPA ou la Loi) pour imposer des droits de douane mondiaux généralisés (y compris sur la Chine, le Canada et le Mexique au printemps dernier). La majorité des juges de la Cour d’appel des États-Unis pour le circuit fédéral a fait remarquer que la Constitution des États-Unis confère le pouvoir d’établir des droits de douane au Congrès, et non au président. En effet, dans d’autres affaires, la Cour suprême a exigé que le Congrès donne une autorisation explicite lorsqu’il délègue son pouvoir sur une question économique ou politique majeure.
Les partisans de la politique des droits de douane imposés par M. Trump ont fait valoir que cette politique est autorisée en vertu de l’IEEPA, une loi qui permet au président de prendre une multitude de mesures d’urgence en cas de menace pour la sécurité nationale, la politique étrangère ou l’économie. Il importe toutefois de relever que l’IEEPA ne mentionne pas explicitement les droits de douane parmi ces mesures, même si une disposition clé stipule que le président peut « réguler » les « importations » en cas d’urgence.
Devant la Cour suprême, la plaidoirie de la partie adverse devrait mettre en avant le fait que le déficit commercial des États-Unis, qui est la raison avancée par M. Trump pour justifier sa politique, ne constitue pas une « menace inhabituelle et extraordinaire », telle qu’exigée par la loi, et ne permet donc pas de conférer au président des pouvoirs d’urgence en vertu de l’IEEPA.
La décision finale qui sera rendue, dans un sens comme dans l’autre, aura une incidence importante. Si la Cour suprême venait à statuer contre les droits de douane, le taux effectif moyen des droits de douane, qui se situe actuellement entre 15 % et 19 %, serait au moins divisé par deux, selon Bloomberg Economics. Par la suite, le gouvernement des États-Unis serait alors contraint de rembourser des dizaines de milliards de dollars perçus au titre de ces droits de douane. Par ailleurs, la validité de tous les accords commerciaux provisoires déjà conclus par M. Trump avec certains pays pourrait être remise en question.
Toutefois, les représentants du gouvernement ont laissé entendre que les conséquences associées à ce litige pourraient être surévaluées et qu’il existerait d’autres recours juridiques permettant d’imposer ces droits de douane. Par exemple, les droits de douane de M. Trump sur les importations d’acier, d’aluminium et d’automobiles ont été imposés en vertu d’une autre loi, l’article 232, et ne sont donc pas directement concernés par la procédure de pourvoi. De fait, le département du Commerce, qui supervise les droits de douane imposés en vertu de cette loi, cherche à élargir le champ d’application de ces droits de douane pour pouvoir inclure d’autres produits tels que le bois, les minéraux critiques, les avions et les éoliennes. Au final, cela pourrait engendrer une nouvelle salve de droits de douane.
Selon les spécialistes du droit aux États-Unis, l’article 232 serait relativement à l’abri de contestations juridiques. De même, les arguments invoquant la sécurité nationale pour appliquer des droits de douane sur des articles tels que les armoires de cuisine et les meubles rembourrés pourraient bien nécessiter une justification de la part de l’administration Trump.
En définitive, nous croyons qu’il est raisonnable pour les investisseurs d’anticiper une certaine volatilité du marché à l’approche et tout au long des négociations sur l’ACEUM. Toutefois, comme nous l’avons mentionné, à moyen et à long terme, les répercussions de l’ACEUM sur les marchés seront probablement négligeables au regard des perspectives qu’offre cet accord pour la croissance du PIB et les bénéfices des sociétés. À long terme, nous penchons pour la conclusion d’un accord favorable qui au final profitera aux trois pays.
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