14 janvier 2025 | Animée par Leanne Kaufman
Apprenez les signes avant-coureurs de maltraitance des aînés et des conseils pour protéger les adultes vieillissants.
« Il faut tenir compte que le manque d’action ou des actions inadéquates, ce qu’on appellerait de la négligence, va aussi entrer dans cette définition [de maltraitance]. Donc, de ne pas agir va aussi être ou causer de la détresse ou du tort à une personne et être considérée de la maltraitance. »
Leanne Kaufman
Bonjour, je m’appelle Leanne Kaufman et je vous souhaite la bienvenue à l’émission « Au-delà de la richesse » de RBC Gestion de Patrimoine Canada. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de vous présenter notre animatrice invitée, Carmela Guerriero, cheffe nationale et vice-présidente, Vente et Expérience client à RBC Trust Royal. Allez-y, Carmela.
Carmela Guerriero
Merci, Leanne. C’est un fait triste que la maltraitance envers les aînés devienne un problème de plus en plus important dans notre société. Les fraudes visant les grands-parents semblent attirer le plus d’attention médiatique, mais malheureusement, ce n’est pas la seule forme de maltraitance des aînés qui existe. Beaucoup de nos aînés se retrouvent seuls, isolés ou éprouvent de la solitude, voire les trois à la fois. Ce genre de vulnérabilité, parfois accompagnée d’un déclin des fonctions cognitives, peut mener à des situations de maltraitance. Et bien que l’on entende parler de plus en plus, ce problème reste un sujet que beaucoup hésitent à aborder. Peut-être à cause de la stigmatisation, de la honte ou simplement du fait de ne pas reconnaître ce qui constitue réellement une forme de maltraitance.
Bonjour, je suis Carmela Guerriero et bienvenue à Au-delà de la richesse de RBC Gestion de patrimoine Canada. Aujourd’hui, j’ai le grand plaisir d’accueillir Madame Mélanie Couture, professeure à l’Université de Sherbrooke et titulaire de la chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées. Mme Couture, merci d’être avec moi aujourd’hui pour explorer ce qui est la maltraitance envers les aînés, comment reconnaître les signes et surtout comment la prévenir et pourquoi cela est important au-delà de la richesse.
Mélanie Couture
Merci beaucoup pour l’invitation.
Donc, Mme Couture, plongeons dans ce sujet très pertinent et parfois triste. La maltraitance envers les aînés existe malheureusement depuis longue date. Elle peut prendre de nombreuses formes, soit physiques, émotionnelles, financières ou même par négligence. Comprendre ce que ce terme signifie est la première étape pour aborder le sujet, selon moi. Peut-être que nous pourrions commencer par comprendre comment la maltraitance envers les aînés est définie et quels types de maltraitances sont les plus souvent reconnues.
Tout à fait. Au Québec, on considère que la maltraitance, ça peut être une attitude, un geste, des paroles aussi qui vont causer du tort ou de la détresse à la personne aînée. Ce qui est important de comprendre, c’est que la maltraitance, c’est à l’intérieur d’une relation où il devrait y avoir de la confiance. Et donc, ça peut être des personnes, des groupes de personnes, mais ça peut aussi être une organisation envers laquelle on devrait avoir confiance aussi.
Ça, c’est important de comprendre, mais ce n’est pas juste des actions aussi. Il faut tenir compte que le manque d’action ou des actions inadéquates, ce qu’on appellerait de la négligence, va aussi entrer dans cette définition-là. Donc, de ne pas agir va aussi être ou causer de la détresse ou du tort à une personne et être considérée de la maltraitance. Il faut faire attention. Par exemple, si la personne, on doit lui apporter de la nourriture parce qu’elle ne peut pas se nourrir elle-même et qu’on ne lui apporte pas. Donc, le fait de ne pas agir, c’est aussi de la maltraitance parce qu’elle va, par exemple, perdre du poids. Donc, il va y avoir de la détresse plus sur le plan physique peut-être et psychologique aussi en même temps de ce côté-là. Il ne faut pas juste considérer qu’il y a de la violence, donc un geste ou quelque chose qui va causer du tort, mais le manque d’action peut aussi causer du tort ou de la détresse.
Puis, les formes les plus courantes qu’on va voir, c’est vraiment de la maltraitance psychologique. Les études le démontrent. On est vraiment ça qu’on va voir le plus souvent. Mais il faut toujours penser que la maltraitance, c’est souvent plusieurs types en même temps. Ça ne sera pas juste de la maltraitance psychologique, ça peut être de la maltraitance physique en même temps. Donc, on peut faire des menaces plus, mettre les menaces à exécution et faire du mal à la personne physiquement. Ça peut être de la maltraitance financière, vous l’avez dit.
Il ne faut pas oublier non plus la maltraitance sexuelle. Et quand je parle sexuelle, oui, il y a les agressions sexuelles, mais c’est aussi, par exemple, un proche aidant qui va donner des soins plus intimes et qui va être un peu raide en donnant les soins. Ça peut être considéré aussi sexuel, de la maltraitance sexuelle et aussi, par exemple, empêcher la personne d’avoir son intimité, de pouvoir être toute nue dans sa chambre librement, par exemple. Ça pourrait être aussi considéré de la maltraitance sexuelle. Donc, il y a tous ces types-là qui sont intégrés, mais les plus courants, c’est vraiment psychologique, physique, matériel et financière. C’est surtout celles-là qu’on va voir principalement. Et comme je vous dis, tous ces types-là interagissent ensemble aussi.
Merci beaucoup. La maltraitance sexuelle, je n’avais même pas pensé à ça. Ce n’est pas parmi les types de maltraitance qu’on entend souvent parler. Donc, un gros merci de soulever ça aussi. Ce n’est pas toujours évident de reconnaître la maltraitance envers les aînés. Elle peut se manifester de manière très subtile. Selon vous, quels sont des signes indiquant qu’une personne pourrait subir de la maltraitance? Et la deuxième partie de ma question est en quoi ces signes manifesteront différemment si on compare une maltraitance physique versus émotionnelle?
C’est sûr que la maltraitance physique, les signes, il faut faire attention parce que ça peut être des bleus ou des blessures inexpliquées. Mais ces blessures-là, ces bleus-là, peuvent être des fois expliquées pas juste par de la maltraitance, mais par une maladie qui n’est pas diagnostiquée ou un problème de santé. Ce que je vous dirais, c’est que si vous voyez des signes comme ça, aussi de la malnutrition, que la personne perd du poids, c’est sûr que ça vaut la peine d’enquêter un petit peu plus loin, de parler à la personne et de l’amener chez le médecin. Donc, parce que ce n’est pas à vous de déterminer si c’est de la maltraitance ou une maladie physique, le médecin va pouvoir vérifier si c’est une maladie physique ou autre chose qui est en train de se manifester. Le physique est un peu plus complexe, il ne faut pas sauter aux conclusions, il faut faire attention.
Pour ce qui est du psychologique, souvent ça va être des résultats de la détresse psychologique et du tort psychologique, comme par exemple de la dépression, de l’anxiété. Donc, la personne va avoir une certaine hypervigilance, elle va faire le saut facilement. Mais je dirais que le point le plus important, c’est quelqu’un qui a peur. Parce que normalement, dans la vie, on n’a pas peur en continu. Donc, si la personne démontre de la peur envers beaucoup de choses, envers d’autres personnes, ça c’est un signe quand même important que probablement qu’il y a de la maltraitance aussi, de ce côté-là. Mais ce n’est pas à vous d’investiguer, de dire est-ce que c’est de la maltraitance ou pas. C’est pour ça qu’il faut aller chercher de l’aide, mais ça donne des indices que peut-être il faut parler à la personne. Puis les gens n’iront pas tout droit de dire « je me fais maltraiter. » Ça, c’est impossible, ça n’arrive pas.
Donc, il faut parler à la personne, il faut développer un lien de confiance pour que peut-être elle réussisse à dire que quelqu’un lui fait du mal ou lui cause de la détresse. Et ça peut être long et il faut être patient parce que les gens, des fois, ne réalisent pas qu’ils vivent de la maltraitance, ils ne se sentent juste pas bien. Ils ne sont pas capables de mettre des mots là-dessus. Ça fait que c’est surtout de parler à la personne puis de lui donner le temps de vous faire confiance puis de parler avec elle. Mais ça vaut la peine d’aller un petit peu plus loin. Quelqu’un est anxieux, déprimé, à moins qu’il y ait un diagnostic, puis même là, il vaut mieux poser des questions puis ne pas blâmer personne aussi.
Parce que je trouve ce qui est important de comprendre aussi, c’est que quand on veut régler une situation de maltraitance, c’est de ne pas avoir de jugement envers la personne qui se fait maltraiter, mais envers la personne qui maltraite non plus. Il faut partir avec le principe que n’importe qui peut maltraiter. Tout le monde perd les pédales ou devient de mauvaise humeur à un moment donné dans certaines situations. Puis il ne faut pas se penser à l’abri de maltraitance nous-mêmes parce que souvent, c’est très insidieux et ça va escalader tranquillement. Donc, c’est plutôt d’arriver sans jugement puis juste dire qu’il y a une mauvaise situation pour voir ce qu’on peut faire et pour la personne qui maltraite et pour la personne maltraitée, de vraiment considérer les personnes impliquées là-dedans, c’est important.
Puis, tu sais, dans la définition au Québec aussi, il y a le principe d’intentionnel ou non. Donc, que ce soit intentionnel, que la personne veut faire du tort ou que la personne… La majorité du temps, les gens ne veulent pas faire de tort. C’est juste qu’ils en font des fois sans même s’en rendre compte. Donc, c’est ça. Ça fait que sans jugement, c’est super important de ce côté-là.
Ce sont des très, très bons points. D’ailleurs, j’avais lu un article récemment, mais c’est un article qui date quand même il y a deux ans. Puis, c’est un article de Radio-Canada qui décrivait une augmentation de plaintes pour maltraitance envers les aînés et des personnes vulnérables de plus de 50 % au Québec. C’est comme des bonnes nouvelles puis des mauvaises nouvelles dans le sens que mauvaises nouvelles, c’est sûr que c’est triste d’entendre dire qu’il y a une augmentation de maltraitance. Mais de l’autre côté, des bonnes nouvelles parce que là, les gens sont plus sensibilisés à signaler une maltraitance. Est-ce que vous voyez ça aussi dans votre travail?
Oui, tout à fait. Mais tu sais, il faut remettre en perspective la prévalence, donc à quel point c’est courant, la maltraitance. Il y a une étude qui a démontré qu’au Québec, il y avait à peu près, on va dire, proche 6 % des personnes aînées de plus de 65 ans par année qui se font maltraiter sous une forme ou une autre. Donc, ça représenterait à peu près 80 000 personnes au Québec par année, si on y pense comme ça. Mais on n’a pas 80 000 plaintes. Il faut toujours tenir compte qu’il y a toujours de la maltraitance que les gens vont gérer eux autres-mêmes. C’est-à-dire, par exemple, que la personne me crie des noms, je ne la laisse plus rentrer chez nous puis ça finit là. Donc, des fois, on se fait maltraiter, mais on va régler la situation de nous-mêmes. Quand les gens vont faire une plainte, par exemple, c’est parce que là, ils ont besoin d’aide pour se sortir de la situation. C’est comme si ça n’a pas fonctionné, s’en sortir soi-même. Fait qu’il faut voir les plaintes comme « j’ai besoin d’aide pour faire cesser la situation » et « je reconnais qu’il y a une situation où j’ai besoin d’aide aussi ».
Mais c’est excellent, comme vous dites, c’est que les gens commencent à être sensibilisés. Ils commencent à comprendre qu’ils peuvent faire des plaintes, aller chercher de l’aide. Et ça, c’est super important. Donc, il y a des gens qui vont régler la situation eux-mêmes, parce que les personnes aînées, je veux dire, c’est comme n’importe quel adulte, des fois, on est capable de régler les chicanes ou les problèmes ou les gens qui nous maltraitent. On fait comme, « je les sors de ma vie. » Mais des fois, on a besoin d’aide parce que c’est beaucoup plus complexe que ça. Fait que oui, c’est bon. Mais il n’y en a pas encore assez, selon moi, si je regarde les chiffres de prévalence. Et la prévalence est encore plus grande au Canada, qui est évaluée à peu près à 10 %. Donc, c’est beaucoup, beaucoup de gens qui vivent des choses difficiles à chaque année. Et certaines de ces personnes-là, oui, ont besoin des mécanismes et de faire une plainte pour avoir de l’aide pour s’en sortir, justement.
Sur ce sujet, les aînés disposent quand même des droits spécifiques conçus pour les protéger contre les abus. Mais beaucoup de gens ne connaissent pas les règles. Quelles sont les protections juridiques qui existent, ou quels droits les aînés ont-ils pour se protéger, et comment peuvent-ils exercer ces droits de manière assez efficace?
Bien, souvent, les gens vont penser tout de suite crime, police. Donc, oui, il y a le système criminel, le système de justice criminelle qui peut être utilisé. Bon, il y a des lois au niveau fédéral, au niveau provincial aussi. Donc, il y a des lois quand même qui sont différentes d’une province à l’autre. Si je prends le Québec, par exemple, ici il y a une nouvelle loi, qui est une loi pour lutter contre la maltraitance, qui a été mise en place en 2017. Mais cette loi-là n’est pas nécessairement pour, comme je dirais, criminaliser la maltraitance. Parce que le but de la maltraitance, comme je dis tantôt, quand on gère une situation de maltraitance, c’est entre deux personnes qui devraient avoir un lien de confiance, ça fait qu’on ne veut pas nécessairement détruire la relation, envoyer quelqu’un en prison et dire que c’est réglé. Des fois, c’est plus des interventions psychosociales. Et je vous dirais que le côté criminel, justice, c’est minoritaire. On va être vraiment plus dans un travailleur social qui va essayer de régler la situation entre des amis, des voisins, de la famille.
Par contre, la loi qui a été mise en place au Québec, c’est plus pour structurer, peut-être, la réponse à la maltraitance au niveau du Québec. C’est-à-dire que les CISSS et CIUSSS, que je ne sais pas si vous regardez le nom avec les changements au niveau de Santé Québec et tout, mais les structures au Québec doivent avoir une politique pour contrer la maltraitance à l’intérieur de l’établissement. Et l’idée, c’est qu’on a aussi des commissaires à la qualité des services et aux plaintes qui peuvent recevoir les plaintes des personnes qui sont maltraitées, mais qui peuvent aussi recevoir ce qu’on appelle des signalements, de la part d’autres personnes témoins ou qui veulent aider la personne qui vit de la maltraitance. C’est parce que, et dans certaines situations, il y a un signalement obligatoire qu’on appelle, donc la personne aînée n’a pas à donner son consentement pour qu’un signalement soit fait. Ça, c’est les personnes, par exemple, qui vivent en CHSLD, donc quelqu’un d’autre, un intervenant ou tout ça peut signaler la situation. Il y a les personnes en situation de vulnérabilité qui sont en résidence privée pour aînés qui ont été ajoutées en 2022. Il y a les gens qui sont inaptes sur le plan médical aussi, c’est intégré. Et donc, il y a certains contextes, donc vous informez un petit peu plus en détail, vous n’allez pas apprendre la loi par cœur.
Mais donc, il y a des structures qui se mettent en place, incluant ce qu’on appelle la Ligne Aide Maltraitance Adultes Aînés, donc la LAMAA pour les intimes, qui est une ligne au Québec que vous pouvez appeler en tant que personne du public, ou même les professionnels, pour justement être accompagné. Donc, dès qu’on pense qu’il y a une situation de maltraitance, on a besoin d’en parler, on ne sait pas quoi faire, on peut appeler cette ligne-là, ce qui est un luxe parce que ce n’est pas partout dans le monde qu’il y a ça. Et c’est vraiment la première place à appeler qu’ils sont spécialisés en maltraitance et qu’ils vont vous soutenir dans les démarches. Ça peut être juste pour jaser et voir si c’est de la maltraitance ou pas.
Appelez-les, ils vont vous suivre dans votre cheminement, ils vont vous diriger au bon endroit parce que, comme je disais, on essaie d’avoir une structure au Québec, mais pour ne pas que les gens se perdent dans la structure, on a mis la ligne en place, une place à appeler, donc Ligne Aide Maltraitance Adultes Aînés, je vais vous donner le numéro. C’est le 1-888-489-2287. Donc, 1-888-489-2287. Vous pouvez aller sur le site Web aussi pour avoir plus d’informations de LAMAA. Donc, ça, c’est important. Ça, c’est la première place à vous consulter si vous avez besoin de quelque chose pour pas que ça soit compliqué. Après, ils vont vous dire où aller.
Mais au Québec, on essaie d’avoir une structure de plus en plus en place, comme je vous dis, qui est beaucoup plus axée sur les interventions psychosociales pour l’instant et aux besoins juridiques. Donc, si votre situation est vraiment complexe. Mais si votre vie est en danger, qu’il y a vraiment un danger pour vos proches parce que la personne est rendue dangereuse, vous vous êtes fait voler de l’argent, regarde, appelez la police. La police, si ce n’est pas la bonne personne, ils vont vous envoyer vers Santé et services sociaux et un autre endroit. Ils sont tous entraînés au Québec pour savoir où vous envoyer, si ça ne marche pas, si ce n’est pas eux autres. Si vous vous trompez de place entre la police et la ligne, ils vont vous envoyer à l’autre endroit. Il n’y a pas de problème, sentez-vous à l’aise. C’est normal, vous ne connaissez pas toutes les ramifications du système. Mais appelez, puis ils vont vous aider pour les suites.
C’est vraiment bien de savoir qu’il y a tellement de ressources, en fait, par rapport à ça pour le Québec, parce que la population est vieillissante. On va avoir de plus en plus de personnes avec des cheveux gris, donc ça se peut que ça va accroître les maltraitances en conséquence. Donc, c’est bon de savoir qu’il y a quand même une protection en tant que telle. Avec l’âge, les familles et les proches aidants sont souvent confrontés à des décisions éthiques difficiles, en particulier lorsque les aînés dépendent fortement des autres pour leur soutien. Quels, selon vous, sont certains des défis éthiques que les familles et les proches aidants doivent considérer pour s’assurer qu’ils continuent à offrir un soutien, mais tout en respectant l’autonomie des aînés?
Justement, à la Chambre de recherche, on a présentement un projet sur la maltraitance en contexte de proches aidants. Je vous dirais que nous-mêmes, on a appris plein de choses en faisant ce projet-là. Une des choses qui est importante de comprendre, c’est que le contexte de proches aidants amène plusieurs facteurs de risque de maltraitance. Donc, ça peut être de la dépression, problème de santé mentale, on amène de la maladie, on amène de l’isolement social, on amène plein de choses. Donc, on est dans une situation très stressante parce que les proches aidants, il y a une augmentation de la charge de travail, les relations aussi changent. La personne aînée, elle ne se sent pas bien parce qu’elle est malade, on s’entend. Donc, toute cette situation-là devient un petit peu frustrante pour tout le monde et explosive, je dirais, jusqu’à un certain point.
Et ce qu’on se rend compte aussi, c’est qu’il y a de la maltraitance, des fois, envers la personne aînée, mais la personne aînée envers le proche aidant aussi, et d’autres personnes envers toutes ces personnes-là. Par exemple, le système de santé qui n’offre pas des services, d’autres membres de la famille qui s’en mêlent et qui ne sont pas gentils ni l’un ni l’autre. Donc, ça, c’est des situations beaucoup plus complexes. Puis, ce qu’on apprend aux gens, c’est de regarder, de dire, encore une fois, un peu comme j’ai dit tout à l’heure, regarder la situation au complet. Il n’y a pas un méchant et un gentil. Il faut régler la situation, et les deux, probablement, sont dans une mauvaise situation. Et ne pas sous-estimer la maltraitance envers les personnes proches aidantes. Parce que la personne malade, elle peut se mettre à crier après l’autre, de dire que ce n’est pas correct, qu’elle ne fait pas son job comme il faut, qu’il y a un dénigrement. Donc, ce n’est pas automatiquement la personne aînée et d’aller voir les deux.
Et là, si on pense un petit peu, qu’est-ce qui peut aider peut-être à réduire un peu les risques ou que ça se passe mieux, l’idée c’est vraiment d’intégrer la prise de décision partagée. Ça veut dire ça, que tout le monde est impliqué dans les prises de décision et a l’espace pour exprimer leurs besoins aussi. Parce que le proche aidant a des besoins, la personne aînée a des besoins, et de trouver qu’il y a une façon de faire qui va répondre aux besoins de tout le monde et non que tout le monde se sacrifie, non plus pour la personne aînée ou vice-versa, que la personne aînée n’a plus le droit de rien dire et que tout le monde décide pour elle.
Et ça, c’est un point important. Prise de décision partagée, incluant les intervenants qui doivent aussi écouter les deux parties pour répondre aux besoins de tout le monde et pas tout mettre la charge sur le proche aidant non plus parce que c’est une forme de maltraitance en soi de trop tout mettre sur le proche aidant aussi. Donc, on travaille là-dedans présentement et c’est ça, c’est de changer la vision d’un, il y a juste une victime puis il y a un perpétrateur [auteur], une victime puis une personne qui maltraite. Les deux ont besoin d’aide, peu importe. Puis des fois, et même très souvent, ça va dans les deux sens et surtout dans les cas de déficit cognitif. Une personne avec des déficits cognitifs peut des fois être très violente et intense aussi. Et non, le proche aidant n’a pas à endurer ça non plus. Il faut mettre des choses en place pour gérer ces situations, ces comportements difficiles là.
Vous avez raison. C’est quand même un problème complexe. Il y a tellement d’intervenants. Donc, il y a des émotions dans tout ça aussi.
Oui.
Ce n’est pas évident. Vous avez vraiment, vraiment raison. Vous avez mentionné tout à l’heure l’isolement social. L’isolement social est un facteur de risque majeur de maltraitance envers les aînés parce qu’il peut en fait priver les personnes âgées du soutien dont elles ont besoin pour se protéger. Quel rôle jouent les liens sociaux et l’implication communautaire pour mitiger le risque de maltraitance et comment, selon vous, les familles peuvent jouer un rôle dans tout ça?
Bon, c’est important de comprendre que l’isolement social, ce n’est pas le nombre de personnes qui est important. C’est la qualité des relations. Je vous parlais tantôt de relations de confiance, mais c’est l’idée aussi d’avoir une personne à qui on est capable de parler de n’importe quoi. Donc, d’avoir une relation en profondeur.
Puis, il y a aussi différents types de besoins parce que des fois, on a besoin de quelqu’un pour faire le ménage. C’est un type d’interaction sociale, versus on a besoin de quelqu’un à qui on peut partager nos expériences, avoir du plaisir aussi. Il faut aussi tenir compte de l’isolement social, c’est que des fois, on a quelqu’un pour faire le ménage, mais on n’a personne à qui parler. Donc, ça, c’est important aussi que ces besoins-là. Et comme je vous disais, par rapport à la maltraitance, d’avoir au moins une personne à qui on a confiance, qu’on est capable de parler de n’importe quoi, c’est super important pour justement cette divulgation-là. Et aussi, cette personne-là va se sentir à l’aise de poser des questions s’il y a des signes de maltraitance. Parce que c’est bien rare que les gens vont eux-mêmes, comme je disais tout à l’heure, divulguer la maltraitance. Ça fait que souvent, il faut être accompagné dans ce processus-là. Ça fait que d’avoir quelqu’un de confiance va aider beaucoup à divulguer la maltraitance et aussi aller faire les démarches pour peut-être s’en sortir également. Ça fait que ça, c’est super important.
Et aussi, il ne faut pas se le cacher, quelqu’un qui est tout seul va paraître plus vulnérable et les gens vont des fois prendre plus avantage de ces personnes-là que quelqu’un qui a un réseau beaucoup plus complet. Mais ça protège, mais en même temps, ce n’est pas non plus automatique que si tu as plein de monde autour de toi, tu ne seras jamais maltraité non plus. Il faut faire attention que, comme je disais tout à l’heure, il n’y a personne qui est à l’abri non plus. Il y a des chances, des fois, selon certains critères, que plus de chances ça arrive, mais ça ne fait pas qu’on est protégé automatiquement. Moi, je vois que tout le monde comme peut-être à risque et comme je dis, d’être la personne maltraitante et d’être maltraitée et ça, il faut le garder en tête parce que ça enlève le jugement, ça enlève la honte aussi qui va avec. C’est des choses qui arrivent.
Des fois, on est plus vulnérable dans certaines situations et au Québec, on parle de personnes en situation de vulnérabilité, d’adultes en situation de vulnérabilité, pas juste les personnes aînées qui sont à risque de maltraitance. Puis, être en situation de vulnérabilité et ça revient au soutien social, c’est quelqu’un qui a des embûches ou des obstacles à la demande d’aide. Ça peut être qu’il n’y a pas de personne, mais des fois, ça peut être qu’il n’y a pas de personne de confiance.
Donc, c’est des embûches à la demande d’aide qui fait qu’on est vulnérable. On peut être entouré de personnes, mais qu’il n’y a personne autour finalement à qui on fait confiance ou qu’on sent qu’on peut demander de l’aide. Il faut faire attention.
Oui, c’est un autre bon point dans le sens que ce que je retiens, c’est que la qualité de la personne est plus importante que les quantités de personnes qui sont autour de nous.
Exactement.
C’est la confiance de la personne qui va nous soutenir pendant notre vulnérabilité.
Tout à fait.
Ça, c’est un point important. J’ai une dernière question…Il me reste deux questions à vous poser. Savoir vers qui se tourner pour obtenir de l’aide primordiale pour traiter ou prévenir la maltraitance. Quelles sont les ressources disponibles au Québec pour les aînés et leurs familles? Et où peuvent-ils trouver du soutien, des informations ou des services d’intervention si nécessaire?
Donc, la première étape, comme je vous disais, c’est de trouver une personne quand même de confiance à qui vous confier. Parce que c’est quelque chose de difficile, la maltraitance. Puis, même si vous faites des démarches, faites une plainte et vous voulez que ça arrête, c’est bon d’avoir du soutien pour tout faire ça. Si vous êtes capable, comme je dis, ce n’est pas tout le monde qui a des amis proches nécessairement. Des fois, il y a eu des décès, on avait des amis, on ne les a plus. Bon, la vie change.
Ça, si vous êtes capable d’en premièrement à parler à une personne, faire du sens de tout ça. Parce que des fois, c’est dur de réaliser que c’est de la maltraitance. On est comme, il me semble que je ne me sens pas bien dans cette relation-là. Donc, d’en parler pour, des fois, clarifier les choses. S’il n’y a personne autour de vous, puis même s’il y a quelqu’un autour de vous, la prochaine étape, je vous dirais, ou la première, dépendamment de votre choix, c’est d’appeler justement à la Ligne Aide Adultes Maltraitance. Excusez-moi, c’était la ligne LAMAA, Ligne Aide Maltraitance Adultes Aînés. Ça fait 10 ans que je le disais de l’autre façon, c’est normal, je me trompe. Je vous redonne le numéro, donc c’est le 1-888-489-2287. C’est important de comprendre, c’est de 8 heures le matin à 8 heures le soir, 7 jours sur 7. Et en plus, si vous laissez un message parce que vous êtes un peu en dehors des heures, vous vous êtes le genre à vous coucher tard, bien, ils vont vous rappeler quand même assez rapidement aussi. Fait que laissez un message, laissez votre numéro, ils vont vous rappeler. Donc, c’est important, c’est des professionnels cette ligne-là, c’est pas des bénévoles. Tu sais comment que c’est dur d’avoir des professionnels puis des fois avoir accès, bien là, vous avez accès à des professionnels directement à la ligne pour vous soutenir, pour vous dire vers quoi aller, c’est quoi les prochaines étapes, etc. Faire du sens de ce qui se passe. Fait que c’est super important, profitez-en, elle est là, puis elle est là pour ça puis c’est quand même un luxe d’avoir ça aussi au Québec. Fait que, tu sais, gênez-vous pas, ils sont là pour ça. Fait qu’appelez, puis comme je dis, ce n’est pas juste les personnes aînées, ça peut être les professionnels aussi et aussi les membres de la famille qui se posent des questions aussi.
Super. Merci beaucoup pour le numéro au téléphone encore. Madame Couture, s’il y avait une seule chose que vous aimeriez que nos auditeurs retiennent de cette conversation, quelle serait-elle?
N’ayez pas honte d’être maltraitant ou maltraité. Vous pouvez aussi appeler la ligne si jamais vous êtes quelqu’un qui maltraite quelqu’un d’autre parce que vous êtes à bout, vous n’êtes plus capable, vous vous sentez mal, vous avez le droit d’appeler la ligne aussi. L’idée, c’est de défaire cette situation-là, que tout le monde se sente mieux là-dedans et que le monde ait besoin de chercher de l’aide qu’ils ont besoin. C’est ça qui est important. Pour les personnes qui se font maltraiter, ça peut arriver à n’importe qui. Vous allez apprendre de cette situation-là, vous allez être mieux par la suite, mais la première étape, c’est d’appeler puis d’aller chercher de l’aide puis d’en parler pour être capable de vous en sortir si vous n’êtes pas capable de le faire vous-même, puis passer à l’action, allez-y. Ça vaut la peine de le faire aussi.
N’ayez pas honte. C’était des bons conseils. Vraiment. Merci, Mme Couture, de vous joindre à moi pour nous aider à mieux comprendre la maltraitance des aînés et pourquoi cela est important pour la société.
Merci.
Pour en savoir plus sur Mme Mélanie Couture, vous pouvez consulter le site de répertoire d’Université de Sherbrooke ou sa page LinkedIn. Si vous avez apprécié cet épisode et que vous souhaitez contribuer à appuyer notre balado, partagez-le avec d’autres personnes, publiez-en sur les réseaux sociaux ou laissez une note et un commentaire. En attendant la prochaine fois, je suis Carmela Guerriero remplaçant Leanne Kaufman. Merci de vous joindre à nous.
Orateur final :
La liquidation d’une succession peut se révéler ardue, en particulier au cours d’une période déjà difficile et chargée d’émotions. Nombreux sont les personnes qui découvrent qu’elles ne sont pas prêtes à accomplir cette tâche, d’autant plus que cela exige du temps et que les fonctions à remplir peuvent être stressantes. Si vous êtes en train de régler une succession ou qu’un de vos proches vient de vous désigner comme liquidateur, RBC Trust Royal peut vous aider. La trousse à outils de l’assistant liquidateur ARTI, qui est offerte gratuitement à tous les Canadiens sur le site Web de RBC Trust Royal, peut vous aider à comprendre la complexité de la succession que vous réglez et vous guider dans les tâches qui y sont associées. Visitez l’adresse rbc.com/trustroyal pour en savoir plus.
Merci d’avoir été des nôtres pour cet épisode de Au-delà de la richesse. Pour en savoir plus sur RBC Trust Royal, visitez notre site Web à rbc.com/trustroyal.
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