Un marché qui n’est pas donné

Analyse
Perspectives

Nous discutons des principaux facteurs qui ont ramené la valorisation de l’indice S&P 500 à des niveaux élevés et de la façon dont les investisseurs devraient en tenir compte dans le processus décisionnel de leur portefeuille.

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24 juillet 2025

Kelly Bogdanova
Vice-présidente et analyste de portefeuille
Services-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis

L’indice S&P 500 a pris de la valeur depuis la panique tarifaire du printemps, et la valorisation du marché a augmenté presque en parallèle, ce qui a ramené le ratio cours-bénéfice (C/B) à un niveau que nous jugeons cher.

À la fermeture des marchés hier, l’indice S&P 500 avait gagné 27,6 % depuis son creux du 8 avril et de 8,1 % depuis le début de l’année.

Et depuis le creux du 8 avril, le ratio C/B sur 12 mois prévisionnel du marché est passé de 18,0 à 22,3, soit une hausse de près de 24 %. Ce niveau de valorisation est supérieur à la moyenne sur 10 ans de 18,6 fois et est nettement supérieur à la moyenne de 16,5 fois depuis 1990.

Il n’y a pas que le secteur des technologies de l’information et les sept magnifiques qui affichent des valorisations élevées. Même lorsque ces deux secteurs sont exclus, les valorisations sont élevées.

Le marché semble élevé, même lorsque certains des secteurs affichant un ratio C/B élevé sont exclus

Ratios cours/bénéfice prévisionnels de l’indice S&P 500 sur 12 mois selon les prévisions consensuelles de Bloomberg

Ratios cours/bénéfice prévisionnels de l’indice S&P 500 sur 12 mois
      selon les prévisions consensuelles de Bloomberg

Le graphique linéaire montre le ratio cours/bénéfice prévisionnel de l’indice S&P 500, de l’indice S&P 500, excluant le secteur des technologies de l’information, et de l’indice S&P 500 excluant les titres des sept magnifiques depuis juillet 2018. Au départ, les valorisations étaient les suivantes : S&P 500 16,89x, S&P 500 hors technologies 17,1x, S&P 500 sans les sept merveilles 15,9x. Les trois indices ont progressé jusqu’à la fin de 2019. Peu après, ils ont tous fortement augmenté, atteignant un sommet au milieu de 2020. Les trois indices se sont ensuite négociés en baisse jusqu’en septembre 2022, atteignant un creux se situant entre 13,9x et 15,2x, l’indice S&P 500 sans les sept merveilles étant le plus faible et l’indice S&P 500, le plus élevé, alors que l’indice S&P 500 hors technologies se situait au milieu de cette fourchette. Depuis, ils ont tous rebondi à des niveaux élevés. Les points de données les plus récents du 30 juin 2025 sont les suivants : S&P 500 22,5x, S&P 500 hors technologies 20,4x et S&P 500 sans les sept merveilles 20,3x. Pendant la majeure partie de cette période, la valorisation de l’indice S&P 500 a été la plus élevée.

  • Indice S&P 500
  • Indice S&P 500 excluant les technologies de l’information
  • Indice S&P 500 excluant les sept magnifiques*

* Les titres des sept magnifiques sont Microsoft, Apple, NVIDIA, Alphabet, Amazon.com, Meta Platforms et Tesla.

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg Intelligence; données de fin de mois jusqu’au 30 juin 2025 (le ratio C/B du 8 avril 2025 de l’indice S&P 500 de 18,0 fois n’est pas représenté dans la série de données mensuelles)

Principaux facteurs d’expansion du ratio C/B

De notre point de vue, il existe des raisons logiques et rationnelles qui expliquent l’expansion des valorisations :

Les craintes à l’égard des politiques tarifaires de l’administration Trump ont diminué. Les intervenants du marché semblent penser que les pires annonces sur les tarifs sont derrière nous.

Les données économiques nationales sont demeurées plutôt robustes. Toutefois, les investisseurs devraient demeurer vigilants à cet égard. Les économistes de RBC s’attendent toujours à ce que les droits de douane freinent la croissance économique et alimentent l’inflation pendant la deuxième moitié de cette année et au moins jusqu’au début de 2026.

Les intervenants des marchés boursiers ont bien accueilli les dispositions de la One Big Beautiful Bill Act, qui sont favorables aux contribuables et aux entreprises. Le marché boursier fait essentiellement fi de l’incidence négative du projet de loi sur le déficit fédéral. Or, selon nous, ces risques se manifestent sur le marché des titres du Trésor américain, sur la partie à long terme de la courbe des taux. Le taux des obligations à 30 ans a été élevé, à près de 5 %, ces derniers mois.

Les perspectives de bénéfices des sociétés – la mère nourricière du marché boursier – sont toujours bien perçues. La période de publication des résultats du deuxième trimestre a été de bonne à très bonne jusqu’à présent, selon nous. Les prévisions quant à la croissance des bénéfices pour le S&P 500 de 12,6 % ont réjoui les optimistes, mais nous nous interrogeons toujours à savoir si ce scénario se concrétisera étant donné les vulnérabilités de l’économie.

L’intelligence artificielle (IA) est un facteur clé. L’IA est maintenant perçue par de nombreux intervenants du marché comme une technologie transformationnelle – quelque chose qui se compare au moins à l’avènement de l’ordinateur personnel et au développement de l’Internet, ou même potentiellement à la révolution industrielle et à la construction des chemins de fer il y a plus de 100 ans. L’universitaire chinois Wang Wen, professeur et doyen de l’Université Renmin à Beijing, va encore plus loin. Il parle de l’IA comme l’un des plus grands changements des quatre derniers siècles.

C’est aux États-Unis et en Chine que la transformation de l’IA avance le plus vite, et de loin. Il n’est donc pas surprenant que le marché américain profite de son exposition relativement élevée aux technologies émergentes.

L’IA n’a pas seulement une incidence sur la valorisation des sociétés technologiques qui sont à l’épicentre du phénomène depuis quelques années. Certaines sociétés des secteurs des produits industriels, de la finance et des services publics ont vu leurs valorisations boursières augmenter au cours de la dernière année grâce en partie à leur éventuelle capacité à tirer parti de l’IA pour réduire leurs coûts et/ou améliorer leurs biens et services. Il est raisonnable de croire que les actions d’autres secteurs pourraient profiter de l’IA dans l’avenir.

Un mauvais outil pour anticiper les marchés

Pour les investisseurs individuels, la valorisation du marché – qu’elle soit élevée, bon marché ou entre les deux – a toujours été un mauvais baromètre pour anticiper les marchés.

Les ratios C/B et les autres mesures de valorisation peuvent rester élevés plus longtemps que ce qu’on pourrait croire raisonnable, comme ils l’ont fait pendant la bulle technologique il y a plus de 25 ans. À l’inverse, ils peuvent aussi osciller à des creux durant de longues périodes, comme ce fut le cas pendant des années après l’éclatement de la bulle technologique, et surtout après la crise financière mondiale.

Nous pensons qu’il est imprudent de prendre des décisions d’achat ou de vente uniquement ou principalement en fonction des valorisations. Nous recommandons plutôt de considérer les valorisations comme faisant partie d’un grand ensemble de facteurs pouvant servir à déterminer l’ampleur de l’exposition aux actions d’un portefeuille qui convient à un moment donné.

La diversification devient plus pertinente

Même s’il y a eu des raisons valables pour la récente expansion des valorisations, et nous sommes conscients qu’elles pourraient demeurer élevées tout au long du présent cycle haussier, comme elles l’ont parfois fait dans le passé, le ratio C/B actuel nous donne à réfléchir. C’est pourquoi nous continuons de recommander de maintenir une pondération des actions américaines dans les portefeuilles qui ne dépasse pas celle du marché.

Deux autres raisons expliquent notre réticence à courir après le marché et à nous positionner de façon plus offensive : les éventuelles vulnérabilités économiques qui découleront des droits de douane et la possibilité que les résultats pour la deuxième moitié de 2025 et pour l’année 2026 soient inférieures aux estimations consensuelles actuelles.

Parmi les secteurs de l’indice S&P 500 dont les cours sont raisonnables par rapport à leurs moyennes sur 10 ans, nous privilégions l’immobilier et les soins de santé. À l’autre extrémité du spectre, dans la catégorie « plus chère », nous aimons toujours la technologie de l’information, mais nous n’ajouterions pas de placements aux niveaux actuels.

Certains secteurs semblent plutôt surévalués, tandis que ce n’est pas le cas pour d’autres

Ratios cours/bénéfice sur 12 mois selon les prévisions consensuelles de Bloomberg

Ratios cours/bénéfice sur 12 mois selon les prévisions consensuelles de
      Bloomberg

Le graphique présente les ratios cours/bénéfice (C/B) actuels et les ratios C/B moyens sur 10 ans de l’indice S&P 500 et de chacun des 11 secteurs qui en font partie. Les données sont les suivantes, dans cet ordre : actuelles, moyenne sur 10 ans. Indice S&P 500 : 22,3x, 18,6x. Services de communications : 19,9x, 16,7x. Consommation discrétionnaire : 28,5x, 24,3x. Consommation de base : 21,8x, 19,9x. Énergie : 14,9x, 24,1x. Finance : 17,0x, 13,8x. Soins de santé : 16,2x, 16,4x. Produits industriels : 24,9x, 19,0x. Technologie de l’information : 29,6x, 22,0x. Matières : 20,8x, 17,6x. Immobilier : 19,9x, 20,1x. Services publics : 18,3x, 17,6x.

  • Actuelles
  • Moyenne sur 10 ans

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg; données au 23 juillet 2025

Les valorisations élevées de l’indice S&P 500 justifient également une diversification sur les marchés à l’extérieur des États-Unis.

Les valorisations des marchés développés européens et asiatiques et des marchés émergents asiatiques sont proches ou légèrement inférieures à leurs moyennes sur 10 ans. Nous estimons que les investisseurs qui ont traditionnellement une grande exposition aux actions américaines dans leur portefeuille devraient faire une certaine place aux placements dans ces marchés aussi.


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