26 septembre 2023 | Animée par Leanne Kaufman
Apprenez comment contribuer à repérer la maltraitance financière des personnes âgées, à l’atténuer et en quoi la planification pourrait contribuer à prévenir ce phénomène
« La maltraitance financière représente sur l’ensemble du spectre social et économique la forme de criminalité qui connaît la croissance la plus rapide au XXI<sup>e</sup> siècle. »
Orateur initial:
Bonjour, et bienvenue à Au-delà de la richesse avec votre animatrice, Leanne Kaufman, présidente et cheffe de la direction de RBC Trust Royal. Pour la plupart d’entre nous, parler de sujets comme le vieillissement, la fin de la vie et la planification successorale n’est pas facile. C’est pourquoi nous leur consacrons ce balado qui vous donne l’occasion d’en entendre parler tout en profitant des grandes connaissances de certains des meilleurs experts dans le domaine au pays. Aujourd’hui, nous voulons vous fournir des renseignements qui vous aideront à vous protéger, vous et votre famille, dans le futur. Voici votre animatrice, Leanne Kaufman.
Leanne Kaufman :
Nous avons tous vraisemblablement entendu parler des escroqueries des grands-parents et des autres façons dont les criminels tentent de prendre avantage des Canadiens d’un certain âge. Cependant, dans certains cas, le fraudeur est plus proche de sa victime que s’il s’agissait d’un fraudeur anonyme. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières ont constaté que près de 29 % des Canadiens affirment connaître une victime de maltraitance financière des personnes âgées. Mais, fait intéressant, seulement 47 % d’entre eux savent à qui s’adresser pour signaler ces cas. La maltraitance financière de nos citoyens d’un certain âge est un problème de plus en plus important au Canada, problème qui, en plus d’être insuffisamment déclaré, passe souvent inaperçu. En fait, il arrive que, dans certains cas, les victimes ne se rendent compte du fait qu’elles ont été exploitées qu’une fois qu’il est trop tard.
Bonjour, mon nom est Leanne Kaufman, et je vous souhaite la bienvenue au balado Au-delà de la richesse de RBC Gestion de patrimoine Canada. Je suis accompagnée aujourd’hui de l’estimée Marilyn Piccini Roy, associée et responsable du groupe Successions, testaments et fiducies chez Robinson Sheppard Shapiro LLP, à Montréal. Pour plusieurs d’entre nous à RBC, Marilyn est une amie précieuse. Elle enseigne à la faculté de droit de l’Université McGill. Elle a aussi rédigé de nombreux articles et communications portant sur les successions, les fiducies et le droit des aînés, en plus d’avoir organisé des séminaires sur ce thème. Elle a été lauréate des prix Chambers High Net Worth, elle figure dans le Who’s Who Legal Canada, elle a été sélectionnée comme leader d’opinion en 2020, en plus de figurer dans le classement Best Lawyers depuis 2008. Elle a également été sélectionnée comme meilleure avocate de l’année, Fiducies et successions, à Montréal en 2011 et 2020.
Marilyn, merci d’être ici avec moi aujourd’hui pour parler de la maltraitance financière des Canadiens d’un certain âge, en soulignant pourquoi cette question importe au-delà de la richesse.
Marilyn Piccini Roy :
Merci, Leanne, et merci de m’avoir invitée.
J’ai donc évoqué plus tôt ces escroqueries des grands-parents, dont nous savons pertinemment qu’elles sont commises par des fraudeurs qui, espérons-le, ne connaissent pas leurs victimes. Cependant, lorsqu’il est question d’exploitation financière, nous ne parlons généralement pas d’étrangers, n’est-ce pas ? Comment décririez-vous ce phénomène de maltraitance financière des personnes âgées ?
En termes simples, Leanne, je définirais ce phénomène comme tenant à l’utilisation illégale ou inappropriée des fonds, des biens ou des actifs d’une personne âgée. Il existe fondamentalement trois catégories, qui ne sont pas clairement délimitées et qui se regroupent malgré tout sous les thèmes de l’exploitation financière, de la maltraitance par les soignants ou les aidants et de la fraude criminelle.
Permettez-moi de dire quelques mots sur le sujet de l’exploitation financière. L’exploitation financière consiste à fournir des informations trompeuses ou déroutantes, la communication de cette information étant fréquemment assortie d’une pression sociale visant à obtenir le consentement en vue de l’utilisation de l’argent d’une personne âgée. Et cette définition du phénomène d’exploitation financière comporte un volet de recherche de profit, une forme de position d’autorité, le tout étant bien évidemment au détriment des intérêts de la personne vulnérable. On observe donc ce déséquilibre entre la personne responsable de l’exploitation et la personne exploitée. À titre d’exemple d’exploitation financière, on pourrait citer l’encaissement de chèques sans permission ou autorisation, la falsification de signatures, l’utilisation abusive ou le vol d’une carte de guichet automatique, le recours à la contrainte ou à la tromperie pour inciter une personne âgée à signer des documents, qu’il s’agisse de contrats, de baux, de testaments ou de cadeaux. L’exploitation financière peut également découler d’une administration déficiente en vertu d’une procuration.
Dans la deuxième catégorie que représente la maltraitance par les soignants, de l’argent ou des effets personnels sont perdus par suite d’une tromperie ou d’un vol rendu possible par l’existence d’une relation de confiance visant généralement un membre de la famille, mais parfois aussi un aidant rémunéré, un ami, un avocat, un comptable, un gestionnaire financier, ce phénomène étant parfois accompagné d’abus physique et de négligence. Un exemple flagrant et malheureusement fréquent tient au refus de payer ou d’acquitter les frais nécessaires à la prestation de soins appropriés pour une personne âgée, en vue de préserver l’héritage. En vertu du Code civil du Québec, tout don ou legs, même en l’absence de contrainte ou d’influence indue de la part de quiconque, est sans effet s’il est fait au propriétaire, à l’administrateur ou au salarié d’un établissement de santé ou de services sociaux.
Qui se retrouve donc dans la situation la plus à risque ? J’aimerais, si vous me le permettez, développer un peu cet aspect. Les personnes âgées qui sont extrêmement amicales perdent quatre fois plus du fait de la maltraitance financière des personnes âgées, cette réalité s’expliquant probablement parce qu’elles sont plus accessibles et qu’elles pourraient être incitées à donner le bénéfice du doute à des étrangers. Les personnes âgées compétentes sur le plan financier sont plus fréquemment victimes de fraudes, ce phénomène s’expliquant vraisemblablement du fait qu’elles sont habituées à déplacer des sommes d’argent conséquentes. Enfin, les études démontrent que les personnes âgées économes perdent cinq fois plus à la suite de fraudes parce qu’elles sont attirées par la perspective de réaliser de bonnes affaires.
La maltraitance financière représente sur l’ensemble du spectre social et économique la forme de criminalité qui connaît la croissance la plus rapide au XXIe siècle, et cette réalité a défrayé la manchette au cours des dernières années alors qu’on a appris que ce phénomène touchait des personnes telles que des vedettes d’Hollywood comme Mickey Rooney, Liliane Bettencourt, l’héritière de L’Oréal, et Brooke Astor, la philanthrope newyorkaise. Enfin, au cours des dernières années, fut évoqué le cas de Veronika Piela, montréalaise, qui a été escroquée par des proches, un avocat, un médecin et une travailleuse sociale.
Dans la troisième catégorie de la fraude criminelle, on retrouve, comme vous l’avez signalé, Leanne, les escroqueries des grands-parents, les faux billets de loterie, les faux cadeaux et le vol d’identité.
Absolument. Il existe une telle multiplicité de façons dont nos Canadiens d’un certain âge, qui, s’ils ne sont pas tous parfaitement vulnérables, le deviennent davantage avec le passage du temps, me semble-t-il, peuvent véritablement être touchés. Quels sont donc certains des signes de maltraitance financière auxquels nous devrions être attentifs auprès des membres plus âgés de notre famille et de nos amis ?
Eh bien, force est de constater que l’isolement social – et cette réalité a probablement été accentuée pendant la COVID – constitue un terrain fertile pour les abus. Par ailleurs, le phénomène des personnes âgées seules est de plus en plus répandu, et ce sont les femmes âgées qui composent majoritairement ce groupe. L’âge rend également vulnérable à la maltraitance. En ce qui concerne la dynamique familiale, il faut être prudent puisque peuvent être en cause des intérêts concurrents. Citons aussi la dépression et les troubles cognitifs, la santé physique, la perte de poids, le fait de ne pas s’alimenter convenablement, les problèmes d’hygiène ou de sécurité, les chutes, par exemple, de même que la prise conforme des médicaments, sans compter les opérations immobilières et les contrats. Évoquons, par exemple, le don d’une maison à un soignant, qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un tiers, non assorti d’un droit d’occupation légalement exécutoire. Mentionnons également le fait d’aller s’installer dans une résidence pour préserver l’héritage parce que les personnes en cause ne veulent pas assurer l’entretien de la maison. Et, bien évidemment, aux procurations et aux problèmes bancaires sont associés une panoplie de signes ou d’indices.
L’aspect que vous venez de mentionner et qui m’a vraiment marqué est celui des personnes âgées seules, que nous désignons parfois par la formule des « orphelins d’un certain âge ». Je pense que vous faites sans doute référence à la même chose.
Oui.
Il s’agit là de l’un des plus importants groupes parmi nos proches dont nous devrions nous occuper. En vérité, peut-être ces personnes ne sont-elles pas vraiment seules si elles peuvent compter sur nous pour leur prodiguer des soins, mais je fais ici référence à la catégorie des personnes qui n’ont peut-être pas de parents proches qui sont dignes de confiance et qui s’occupent d’elles. Que suggéreriez-vous que fassent les Canadiens pour se protéger ou pour protéger les membres d’un certain âge de leur famille contre ce genre de situation ?
Eh bien, plusieurs mesures de protection peuvent et doivent être mises en œuvre. Je dirais que la première chose à faire consiste à rehausser le niveau de littératie financière des clients d’un certain âge. Il faut tenir compte d’un certain nombre de facteurs de risque sous-jacents puisqu’il se trouve que de nombreuses personnes âgées ont peur des chiffres. Il est également question du processus d’homologation lorsqu’il s’applique. Ces personnes craignent également les avocats. Elles n’ont aucune éducation formelle en matière financière. Par exemple, nous savons qu’aucun cours en matière d’établissement du budget, de finance ou de gestion financière ne présente un caractère obligatoire à l’école. De nombreux Canadiens n’ont donc pas de bases solides sur ces questions. Il faut également noter le phénomène qui consiste à se fier de plus en plus aux points de vue et aux idées d’autres personnes et à leur faire confiance.
Comment pouvons-nous donc améliorer la littératie financière ? Eh bien, par l’auto-éducation. Il existe une foule de livres, de documents et de ressources en ligne. De nombreuses personnes âgées peuvent avoir un peu de mal à accéder aux ressources en ligne puisqu’elles ne maîtrisent pas bien l’utilisation de l’ordinateur. Il serait également possible d’améliorer les choses en offrant l’accès à un conseiller financier dûment qualifié travaillant pour une institution financière réputée ainsi qu’en obtenant des conseils juridiques et fiscaux de sources indépendantes. C’est important… ainsi, par exemple, si l’on se réfère à la situation des personnes âgées seules, il faut noter que, dans bien des cas, c’est le conjoint, c’est-à-dire le conjoint décédé, qui gérait les finances. Et aussi pour les immigrants qui ne maîtrisent pas bien le français ou l’anglais et qui ne connaissent pas bien les procédures bancaires et fiscales canadiennes… Il est donc extrêmement important de rehausser ce niveau de littératie financière, en plus de s’employer à comprendre les fournisseurs de services financiers dans la mesure où tant les clients que leurs représentants doivent savoir avec qui ils font affaire. C’est à cet égard que le fait de pouvoir compter sur une personne-ressource de confiance peut être utile. Les clients devraient être informés des paramètres qui encadrent les personnes-ressources de confiance et leurs fonctions. C’est véritablement le client qui concède à l’institution financière l’autorisation de communiquer avec la personne-ressource de confiance, et c’est bel et bien cette dernière qui peut, au besoin, tirer la sonnette d’alarme. Cependant, une personne-ressource de confiance n’a pas forcément à être un avocat dont les pouvoirs sont établis en vertu d’une procuration. Chacune de ces personnes remplit une fonction différente et a un statut juridique différent.
Les personnes âgées doivent également être au fait du phénomène que représente le mariage de prédation. Les membres de leur famille doivent aussi être conscients de cette réalité, de même que des opérations réalisées sur son lit de mort et de celles qui consistent à céder des biens pour éviter d’acquitter les frais de soins de longue durée. Les personnes âgées devraient être incitées et enjointes à tout le moins à s’adresser à des professionnels qui pourraient agir de manière multidisciplinaire et gérer leur situation globalement. Elles devraient être réceptives à la tenue de réunions familiales de même qu’aux mécanismes que représentent la conciliation et la médiation.
Mais, avant toute chose, Leanne, il importe d’insister sur la vigilance sociale et familiale. Il s’agit véritablement d’un devoir moral et social qui incombe à la famille, aux amis, aux voisins, aux professionnels comme les avocats, les notaires, les comptables, les conseillers en placements, les banquiers. Ils doivent protéger les plus vulnérables d’entre nous.
Je pense que vous soulignez là un point important au sujet des conseillers, et je ne peux m’empêcher de croire que, si une personne est entourée de conseillers qui connaissent vraiment bien leurs clients, cela leur permettra de jouir d’une mesure de protection additionnelle, n’est-ce pas ? Du simple fait de la présence de quelqu’un d’autre apte à jeter un regard différent sur la situation.
Nous avons consacré un balado entier au thème de la personne-ressource de confiance de sorte que je suis ravie que vous ayez mentionné cela. Nous pouvons certainement attirer l’attention sur cet épisode pour ceux qui souhaitent en apprendre plus sur ce sujet. J’aimerais aborder l’aspect de la planification successorale de la question. Cependant, avant de le faire, vous avez évoqué plus tôt l’existence fréquente de ce lien de dépendance, n’est-ce pas ? Il pourrait exister une relation de dépendance entre la victime et l’agresseur ou l’agresseur présumé. Ainsi, par exemple, la victime pourrait être tributaire de cette personne pour lui prodiguer des soins ou du simple fait qu’elle vit sous le même toit. Que suggéreriez-vous dans ce genre de situations qui mettent en cause ce lien avec une autre personne pour subvenir à des besoins, qu’ils concernent les soins de santé ou le logement ?
Il s’agit là de situations délicates auxquelles on ne peut fournir de réponses faciles. Manifestement, si la personne âgée est victime d’abus et en est consciente, elle souhaite que cette situation prenne fin et que les torts soient redressés. Cependant, cette personne veut également que la situation soit gérée de manière qui respecte les droits juridiques et les relations familiales, aussi dysfonctionnelles puissent-elles être. Il s’agit donc d’une situation délicate qu’il convient de gérer en faisant preuve de doigté. Dans certains cas, on pourrait se demander s’il serait judicieux de recourir aux tribunaux. Cependant, les personnes âgées sont souvent réticentes à remédier à leurs griefs par la voie des tribunaux.
Mais s’offrent également d’autres recours. Par exemple, au Québec, il est possible de compter sur le Curateur public, alors que des entités comparables existent dans d’autres provinces. De surcroît, au Québec, nous disposons de la Charte des droits et libertés de la personne, telle que mise en œuvre par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, et il est possible de déposer une plainte. Toute personne qui est au courant de l’abus peut déposer une plainte. Les plaintes sont anonymes. La Commission mène ensuite une enquête. Enfin, l’article 48 de la Charte québécoise constitue un outil puissant qui a été mis à profit dans certaines décisions judiciaires pour corriger la maltraitance envers les aînés.
Enfin, en guise de dernier recours, s’offrent en vertu du Code criminel des recours en cas de vol par une personne détenant une procuration et de distraction de fonds détenus en vertu d’instructions.
Oui. Et c’est sur ce plan que la situation se complique véritablement, n’est-ce pas ? Parce que, si l’on revient au fait que ces personnes sont généralement des membres de la famille, des amis ou des personnes dont elles sont tributaires, vers qui les personnes âgées touchées peuvent-elles se tourner pour intervenir ?
C’est votre profession… et la raison pour laquelle je vous connais est que vous êtes une spécialiste de la planification successorale. Je sais que des mesures de planification et des documents appropriés peuvent contribuer à atténuer une partie de ce risque, mais non à l’éliminer complètement. Et je sais que vous exercez au Québec de sorte qu’une partie de l’information que vous venez de soulever pourrait concerner spécifiquement cette province, mais dites-nous-en un peu plus, de manière générale, sur la façon dont ces documents pourraient s’avérer utiles.
Eh bien, tout d’abord, la préparation et l’exécution d’une procuration pour l’administration des biens et les soins personnels font partie intégrante de la planification du troisième âge, en plus de représenter un complément essentiel sur le plan de la planification fiscale. Par ailleurs, ces mesures de planification en matière d’invalidité ne devraient jamais passer au second rang par rapport à la planification fiscale ou successorale. À travers le Canada, sont employés une multiplicité de termes ou de formules. Au Québec, il est question du mandat de protection tandis que, dans d’autres régions, il est question de procuration perpétuelle, de directives préalables, etc. L’attrait de ces instruments juridiques tient au fait qu’ils permettent d’éviter les procédures traumatisantes et coûteuses assorties aux régimes de supervision de protection contrôlés par l’État.
Si j’en réfère à mon expérience, le choix de l’avocat ou du mandataire – tel est le terme utilisé au Québec pour désigner l’avocat dans de tels documents – est primordial dans l’établissement de cette relation qui repose sur la confiance et la dépendance. Ce choix est crucial parce qu’il se trouve que l’avocat ou le mandataire pourrait devenir l’auteur de la maltraitance.
Il convient de porter attention à un certain nombre de choses et d’éviter certaines erreurs en marge de la préparation de ces documents. Tout d’abord, la question est la suivante : qui est le client ? Cette question importe particulièrement dans le cas des personnes âgées ou infirmes, notamment lorsque la partie ayant pris l’initiative de rencontrer l’avocat ou le notaire tente de façonner ou de contrôler l’intégralité du processus de nomination de l’avocat, de telles situations nécessitant la tenue d’une réunion en privé avec le client.
Le deuxième point fait référence au manque d’écoute. À titre d’avocate, je tente d’éviter le piège que représente la tentation de fournir les justifications que plusieurs de mes clients plus âgés pourraient ne pas être en mesure de fournir. Je tente de m’efforcer d’inviter le client à s’exprimer et de l’amener à faire part de ses souhaits avant d’offrir quelque suggestion ou proposition que ce soit.
L’autre point que je souhaite mentionner concerne le fait de se nommer soi-même. Je fais ici référence aux situations où nous nous nommons nous-mêmes à titre d’avocat ou de notaire à titre de mandataire. Il importe que les professionnels comprennent bien qu’en acceptant de telles nominations, la relation professionnelle s’inverse. Elle place alors le professionnel dans la situation du décideur plutôt que dans celle de la personne qui reçoit les instructions. Mais il existe bien d’autres raisons pour lesquelles un professionnel devrait accepter de telles nominations, et le simple fait d’exclure une telle avenue priverait la communauté d’une ressource importante pour assurer la protection des personnes âgées. Je souligne cependant qu’il est important de ne pas adopter automatiquement la pratique qui consiste à se nommer soi-même à titre d’avocat, puisqu’un tel geste ne cadre pas avec l’obligation qui est la nôtre de fournir des conseils professionnels indépendants et utiles au client. De sorte qu’on ne devrait jamais proposer rapidement ses propres services à titre d’avocat potentiel, puisque cela pourrait simplement confondre le client en l’amenant à prendre une décision rapide et, peut-être irréfléchie.
L’autre point que j’aimerais souligner est celui de l’étroitesse technique. L’aspect de la compétence technique dans le choix d’un avocat est utile et important. Cependant, ce n’est pas le facteur le plus important. Le facteur le plus important tient à l’honnêteté, à la tolérance et à la diplomatie. Par ailleurs, certains pensent fréquemment que choisir un mandataire consiste simplement à nommer quelqu’un qui possède les compétences techniques appropriées ou, en quelque sorte, à rendre honneur de manière générale en choisissant l’ensemble de ses enfants. Ces deux avenues sont en soi plutôt dangereuses.
Les avocats sont inévitablement soumis à des tensions. Il s’ensuit que, si un avocat adopte une approche technique étroite pour s’acquitter de ses responsabilités, il pourrait être amené à prendre de mauvaises décisions et à susciter un antagonisme inutile, même si, en vérité, c’est une fille ou une petite-fille adorée. Il en va de même pour les avocats nommés parce qu’on les aime, bien qu’ils soient égoïstes, malhonnêtes ou non fiables. Ainsi donc, un bon avocat doit à la fois posséder la maîtrise technique ou, à tout le moins, savoir où aller chercher des conseils et trouver la compétence technique professionnelle nécessaire et être doté d’une approche sensible qui l’amène à rendre des décisions de manière équitable et tolérante.
L’autre point important que j’aimerais souligner est le fait que les mandataires ou les avocats devraient débuter du bon pied de telle sorte qu’ils devraient savoir ce en quoi consiste leur travail. Malheureusement, de nombreux mandataires ne reçoivent pas de conseils juridiques, financiers ou fiscaux initiaux dès le début lorsqu’ils sont appelés à assumer leurs fonctions. Ils ne tiennent pas de registres adéquats. Ils ne placent pas convenablement les fonds dont ils assurent l’administration. Ils se font des cadeaux non autorisés ou ils en font à des membres de leur famille. Ils produisent les déclarations de revenu tardivement. Ils ne mènent pas une enquête exhaustive à l’égard de tous les actifs et passifs.
J’estime qu’une partie de mon rôle de conseillère à titre d’avocate consiste à inviter mes clients qui sont les constituants ou les mandants à envisager la possibilité de faire participer l’avocat qu’ils nomment à une séance d’information de telle sorte que les tâches et les responsabilités fondamentales des avocats et des mandataires puissent leur être expliquées. Et si cela s’avère impossible, peut-être y aurait-il lieu de joindre une lettre d’information avec la permission du client. Cette idée devrait à tout le moins être évoquée.
J’aimerais souligner que j’ai eu connaissance de procurations et de mandats pour lesquels le remplacement de l’avocat ou du mandataire s’est avéré problématique, soit du fait de l’absence totale de mécanismes de remplacement, soit du fait du caractère illégal du mécanisme prévu. Il convient donc d’examiner cette question avec prudence.
Enfin, un aspect important tient manifestement à la responsabilité. Au Québec, une modification de notre code civil a été adoptée en novembre 2022, modification qui avait pour objectif de corriger deux omissions flagrantes de notre droit concernant la protection des personnes en prévoyant deux mécanismes de protection, soit la reddition de comptes annuelle et l’inventaire des biens.
Eh bien, Marilyn, vous nous avez communiqué énormément d’informations sur la question de la nomination de l’avocat ou du mandataire approprié. Et j’ai beaucoup aimé votre commentaire quant aux nombreuses raisons pour lesquelles chacun devrait envisager la possibilité de faire affaire avec un professionnel. J’ajouterais RBC Trust Royal à cette liste de professionnels car, à tout le moins en ce qui concerne les biens, il s’agit là d’une fonction que nous sommes appelés à assumer à titre de tierce partie indépendante.
Oui. Clairement, les sociétés de fiducie ont un rôle important à jouer. Je suis tout à fait d’accord parce que beaucoup de gens n’ont pas de cercle d’amis. Qu’il suffise de penser aux personnes âgées seules. Cela va de soi.
Oui. Et j’ai également beaucoup aimé ce que vous avez dit au sujet de la séance d’information ou d’une forme quelconque de formation à l’intention des avocats. Notamment avant qu’ils commencent à intervenir, de telle sorte qu’ils puissent, s’ils le souhaitent, dire : « non, merci, vous feriez mieux de trouver quelqu’un d’autre »…
Exactement.
… dans l’éventualité où ils décideraient qu’ils ne souhaitent pas accomplir ce genre de mission.
Marilyn, permettez-moi de soulever une dernière chose avant de mettre fin à notre entretien. Vous nous avez dit beaucoup de choses aujourd’hui. Mais si vous souhaitiez que les personnes qui nous écoutent ne se rappellent que d’une seule chose de notre entretien d’aujourd’hui, quelle serait cette chose ?
En fait, j’aimerais évoquer deux points…
Très bien.
… et ils sont reliés. D’une part, soyez vigilants sur la question de l’isolement. Soyez conscients du fait que les abus et la négligence peuvent survenir n’importe où et être commis par n’importe qui. En deuxième lieu, encouragez et facilitez la littératie financière.
Voilà deux excellents conseils. Je suis ravie que vous ayez eu deux conseils à nous soumettre.
Marilyn, merci encore de vous être jointe à nous aujourd’hui pour parler des diverses façons dont nous pouvons détecter la maltraitance financière des personnes âgées, des moyens de l’atténuer ou peut-être de l’empêcher en soulignant pourquoi cette question importe au-delà de la richesse.
Merci, Leanne.
Vous pouvez en apprendre plus sur Marilyn sur le site rsslex.com. Si vous avez aimé cet épisode du balado et si vous souhaitez contribuer à l’appuyer, nous vous invitons à en faire part à d’autres personnes, en parler sur les médias sociaux ou à donner une note et à rédiger une critique. Mon nom est Leanne Kaufman. Au plaisir de vous retrouver et merci de vous être joints à nous.
Orateur final :
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