15 octobre 2024 | Animée par Leanne Kaufman
Apprenez-en plus sur les responsabilités et les obligations potentielles de l’exécuteur testamentaire, ainsi que sur les caractéristiques idéales requises pour remplir ces fonctions.
« … si vous découvrez tout d’un coup que vous avez été nommé dans un testament à titre d’exécuteur testamentaire, vous n’avez pas à remplir ces fonctions. Vous pouvez en effet renoncer à ce rôle à condition que vous n’ayez posé aucun geste pour agir à ce titre. »
Leanne Kaufman :
Je ne parle pas beaucoup de mon travail au quotidien dans ce balado. Cependant, l’un de nos rôles principaux à RBC Trust Royal consiste à agir à titre d’exécuteurs testamentaires1 des successions de nos clients. Le rôle d’exécuteur testamentaire n’est certes pas nouveau pour mes collègues. Même s’ils peuvent avoir été nommés dans un testament à titre d’exécuteurs testamentaires, les Canadiens, en très vaste majorité, ne connaissent cependant probablement pas grand-chose de ce rôle, de ce qu’il implique et de ce qu’il y a à faire le moment venu. Pour se faire une idée de ce que représente ce rôle, nous pourrions dire qu’il nécessite de son titulaire qu’il soit tout à la fois détective, comptable, gestionnaire immobilier, thérapeute familial et, de surcroît, qu’il parvienne à porter tous ces chapeaux en même temps ! Voilà ce que représente le fait d’être exécuteur testamentaire. Si l’existence de cette fonction est susceptible de procurer une grande tranquillité d’esprit aux familles et de préserver leurs acquis, elle peut également les déchirer. Elle peut aussi, à n’en pas douter, représenter un véritable fardeau et provoquer de multiples maux de tête. De sorte que si vous avez été invité à agir à titre d’exécuteur testamentaire, si vous envisagez la possibilité de demander à quelqu’un de l’être pour vous, voire si vous souhaitez tout simplement en apprendre plus sur ce sujet, nous nous proposons de discuter de cette responsabilité que vous n’avez jamais demandé d’assumer, soit celle d’exécuteur testamentaire.
Bonjour, mon nom est Leanne Kaufman. Je vous souhaite la bienvenue au balado Au-delà de la richesse de RBC Gestion de patrimoine – Canada. J’ai le plaisir d’être accompagnée aujourd’hui de Clare Burns, associée au sein du cabinet d’avocats WeirFoulds à Toronto. Clare est une spécialiste fort respectée dans le domaine des litiges relatifs aux fiducies, aux successions et à la capacité.
Clare, permettez-moi de vous remercier de vous joindre à moi ici aujourd’hui pour parler des qualités des bons exécuteurs testamentaires et des raisons pour lesquelles cela importe au-delà de la richesse.
Clare Burns :
Je suis absolument ravie d’être ici, Leanne.
Peut-être pourrions-nous commencer par les notions fondamentales. Qu’est-ce qu’un exécuteur testamentaire et pourquoi ce rôle est-il si important, tout compte fait ?
L’exécuteur testamentaire est une personne désignée dans le testament. Son rôle consiste en quelque sorte à se substituer à la personne vivante et à faire ce qu’elle a demandé qu’il soit fait de ses affaires et de ses biens après son décès. C’est donc un rôle très important qui nécessite que l’on puisse avoir énormément confiance envers son titulaire.
Quelles sont certaines des principales responsabilités d’un exécuteur testamentaire et que retrouve-t-on généralement sur sa liste de choses à faire ?
Eh bien, son rôle débute véritablement dès que survient le décès, ce dont beaucoup de gens ne se rendent pas compte. En effet, l’exécuteur testamentaire est responsable de la dépouille. Ainsi donc, l’un des premiers points de friction au sein de la famille consiste à déterminer ce qu’il adviendra en fait de la dépouille du défunt. Sera-t-il incinéré ? Sera-t-il enterré ? Ses cendres seront-elles dispersées illégalement dans un lac ontarien quelconque ? Toutes ces questions relèvent en vérité du rôle de l’exécuteur testamentaire et, pour plusieurs, cela constitue une véritable surprise.
Une fois cette question réglée, la tâche consiste en tout premier lieu à rassembler et à protéger les biens ou les actifs. Je ne parle pas ici uniquement d’actifs comme des comptes bancaires, des comptes de placement ou des maisons, bien qu’il s’agisse là dans tous les cas d’éléments importants, je fais ici plutôt référence à tout le reste…
L’exécuteur testamentaire doit se soucier, par exemple, du contenu de la maison et de qui y a accès. Il doit se demander qui a accès au chalet. Qui a accès au hangar à bateau du chalet où se trouvent les motomarines, les canots, les kayaks et les pagaies, de même que, probablement, la sculpture de papier mâché qui a été faite par quelqu’un qui était alors âgé de huit ans… C’est à l’exécuteur testamentaire qu’incombe la responsabilité de trouver tout cela et de s’assurer qu’il puisse en dresser une liste afin de protéger ces biens. Ce qui veut également dire que tous ces biens doivent être assurés.
Ce dont on ne se rend souvent pas compte, Leanne, est le fait qu’en vieillissant il arrive parfois que certaines personnes oublient de payer leurs factures… De telle sorte que l’exécuteur testamentaire se retrouve à l’occasion dans une situation délicate alors qu’il découvre que la maison, le chalet ou la voiture ne sont pas assurés. Il faut donc se pencher sur toutes ces questions.
La tâche suivante consiste à payer toutes les dettes du défunt, ce qui signifie :
L’exécuteur testamentaire doit s’assurer que le défunt ou la défunte était en règle sur le plan fiscal. Il doit remonter quelques années en arrière… Il doit vérifier qu’il a produit ses déclarations de revenus et qu’il n’a pas essayé de déduire des choses tout à fait ridicules. Au fil des ans, nous avons pu relever un certain nombre de tentatives de déduction ridicules pour des choses comme des vêtements pour animaux et d’autres articles tout à fait surprenants. L’exécuteur testamentaire doit déterminer si des vérifications fiscales sont en cours et s’en occuper, le cas échéant. Enfin, il doit veiller à ce que les taxes foncières ont été payées.
Voilà donc une brève liste des choses dont il faut s’occuper, et je dois dire que c’est généralement la question du règlement de la dette qui permet de faire ressortir bon nombre de squelettes du placard familial, puisque c’est alors que vous découvrez que votre père avait prêté 150 000 $ à votre jeune frère. Si tous les autres frères et sœurs estiment que leur jeune frère devrait rembourser cette somme, lui n’est pas de cet avis. Ce que je veux dire par là est qu’il ne faut pas simplement s’intéresser à la question des dettes officielles et aux obligations fiscales, mais qu’il faut aussi penser à ce genre de choses.
Il faut également s’assurer que tous les soignants ont été payés, en plus de veiller à ce que soit payé le coiffeur ou la coiffeuse qui n’a pas touché un sou depuis six mois. Toutes ces situations doivent être réglées comme il se doit.
Mais votre travail n’est pas terminé pour autant. En effet, vous devez alors prendre connaissance des conditions du testament et distribuer l’ensemble des biens conformément à ces conditions.
Si cela semble extrêmement simple, ce n’est absolument pas le cas. Les gens se tiennent généralement le raisonnement suivant : « Eh bien, c’est très simple, j’ai rédigé mon testament. J’ai trois enfants. Et j’ai demandé que tout soit divisé en parts égales. » Cela vous semble-t-il simple ? Eh bien, en fait, ce ne l’est pas. Pourquoi ? Parce que l’un de ces enfants voudra le chalet. Un autre enfant souhaitera prendre possession de la maison. Un autre souhaitera mettre la main sur votre vieille Mercedes. Enfin, un autre lorgne avec intérêt le service de mariage en argent sterling de sa grand-mère. C’est à vous qu’incombera la tâche amusante d’examiner tous les biens présentant une valeur quelconque, et ce, non en faisant un petit calcul rapide et improvisé, mais en trouvant des évaluateurs en bonne et due forme. Votre rôle consistera donc à obtenir des évaluations et à faire en sorte que tous les membres de la famille s’entendent sur cette évaluation finale de telle sorte que vous puissiez vraiment exécuter la tâche dont tout le monde vous avait dit qu’elle portait sur « un testament extrêmement simple qui prévoit tout simplement que tout soit divisé en trois ».
Comme vous le savez, Leanne, je dois dire que l’une de mes bêtes noires, ce sont les bibelots. Car, inévitablement, dans le testament sera prévue une condition du genre : « Répartissez ces biens conformément à ce que prévoit une liste que je pourrais avoir dressée quant aux destinataires de chacun des trophées de cricket et de hockey. » Voire une multitude d’autres biens, ma bête noire préférée étant les figurines Royal Doulton. Inévitablement, cette liste n’aura pas été dressée avant que le testament soit exécuté, ce qui signifie qu’elle ne sera pas juridiquement contraignante. De sorte que, à titre d’exécuteur testamentaire, c’est à vous qu’incombera la tâche de négocier à qui reviendra la dame au ballon, à qui reviendront les animaux Tetley Tea, etc.
Vous riez Leanne… Je peux vous voir, mais vous qui nous écoutez ne la voyez pas…
Cependant, au bout du compte, il faut savoir que cette tâche prend des heures et des heures, et est donc très laborieuse. Tout cela pour dire qu’en vérité cette tâche n’est pas simple.
Et ce que je viens de vous dire ne tient même pas compte des situations propres aux successions plus compliquées. Par plus compliqué, j’entends une situation selon laquelle nous sommes, disons, en présence d’une maison en Ontario, mais aussi d’une copropriété à Whistler. De telle sorte que l’exécuteur testamentaire doit traiter avec deux ressorts fiscaux différents pour déterminer la façon dont les biens immobiliers doivent être gérés.
Peut-être s’agit-il plutôt d’une copropriété en Arizona ou d’une maison en Floride. Ou, Dieu nous en garde, d’une maison en Espagne, de telle sorte que vous vous retrouvez à administrer des biens situés dans des ressorts multiples assujettis à des lois et à des droits successoraux différents. Et c’est à vous qu’incombe la tâche de débrouiller tout cela dans le contexte du « testament simple » qu’a laissé maman ou papa.
Et si votre père était dentiste, médecin ou avocat, peut-être était-il propriétaire d’une société professionnelle, laquelle sera tenue à un certain nombre de règles. Et, Dieu nous en préserve encore une fois, peut-être votre père était-il à son décès le seul signataire et administrateur d’une société en exploitation, auquel cas ce sera tout simplement le chaos.
Je sais, Leanne, que les propos que je viens de tenir pourraient permettre de croire qu’il s’agit là d’un travail peu attrayant. À dire vrai, c’est parce que j’estime, pour ma part, qu’il s’agit en effet d’une fonction peu attrayante…
Oui. Et je pense que les propos que vous venez de tenir sont tout à fait justes et que vous n’avez pas exagéré car, comme vous l’avez souligné, même dans le cas des successions les plus simples, lorsque l’exécuteur testamentaire est appelé à tenir compte de la dynamique familiale et particulièrement en ce qui concerne ces articles personnels que vous avez évoqués, dont la valeur monétaire n’est peut-être pas significative, il faut reconnaître que ces questions nécessitent énormément de temps et peuvent avoir des répercussions sur les relations. Et, à l’égard de toutes ces questions, l’exécuteur testamentaire sera l’ennemi commun, il faut le reconnaître.
C’est tout à fait vrai.
Comme vous venez de le dire, cela me rappelle que la chose la plus difficile à partager est en fait les photos de famille, car quelqu’un voudra immanquablement mettre la main sur les originaux. Il ne suffit pas de veiller à ce que chacun reçoive une copie de ces photographies.
Tout à fait. Oui, tout cela est très compliqué et, pour vraiment prendre conscience de ce que cela signifie, il faut en vérité avoir été confronté à un certain nombre de ces situations.
Donc, Clare, il faut savoir que vous êtes une avocate plaidante, ce qui explique pourquoi j’aime tant vous écouter et entendre ce que vous avez à raconter lorsque l’occasion se présente, puisque vous intervenez en effet lorsque quelqu’un n’a pas fait son travail convenablement, ou que quelqu’un prétend peut-être que quelqu’un d’autre n’a pas fait son travail convenablement, voire, lorsque les relations se sont détériorées à un point tel que la seule façon d’en venir à une entente consiste à avoir recours aux tribunaux. Auriez-vous donc la bonté de nous parler de certaines des obligations et de ces difficultés potentielles qui sont associées au fait d’être exécuteur testamentaire ?
L’une d’elles tient à la reddition de compte, ce qui signifie que tout bénéficiaire peut, en Ontario, demander à un exécuteur testamentaire de se présenter devant les tribunaux et de rendre compte au tribunal de chacun des gestes qui a été posé à l’égard de chacun des biens. Et ici, Leanne, je tiens à préciser que le niveau de détail est tel qu’il est parfois question de sous. Cela n’est manifestement pas une tâche simple. Elle peut être à la fois onéreuse et demander énormément de temps.
L’exécuteur testamentaire est donc tenu de répondre à des questions – et je n’invente rien ici – telles que : « Mais qu’est-il donc advenu de la veste Northland que portait papa lorsque nous étions au chalet ? » Et vous trouverez des échanges par écrit entre les avocats portant sur cette veste, en faisant d’ailleurs totalement abstraction des sommes qui sont engagées en frais juridiques sur cette question de ce qu’il est advenu de la veste Northland. J’ai vu des exécuteurs testamentaires devenir extrêmement frustrés car il s’agit très souvent de membres de confiance et fort bien intentionnés de la famille qui estiment que cela n’a absolument aucun sens que de payer des avocats pour discuter du sort de la veste Northland. S’ils n’ont certes pas tort, ils se retrouvent coincés dans une situation telle qu’ils sont tenus de rendre des comptes sur le type de contrôle diligent qu’ils ont engagé dans le but de retrouver la veste.
L’autre type de responsabilité associée au rôle concerne la question des impôts. Il faut savoir qu’une fois que vous assumez le rôle de fiduciaire de la succession testamentaire, s’il se trouve que vous distribuez quoi que ce soit, et je dis bien « quoi que ce soit », à un bénéficiaire avant d’avoir reçu un certificat de décharge de l’Agence du revenu du Canada (ARC), vous êtes tenu personnellement responsable de la valeur de ce bien jusqu’à concurrence du montant de l’impôt impayé. Peut-être vous ferez-vous la remarque suivante : « Eh bien, cela ne semble pas très difficile, Clare, il suffit d’obtenir le certificat de décharge. » Mais il faut savoir qu’en réalité il faut parfois compter entre huit mois et un an pour obtenir un tel certificat de l’ARC, même après avoir présenté une demande en ce sens. Et vous ne présentez généralement une telle demande qu’une fois que vous avez rassemblé tous les biens et payé toutes les dettes.
Vous gérez donc la succession depuis un ou deux ans et les bénéficiaires veulent savoir où se trouve leur argent. Vous leur répondez que vous ne souhaitez pas leur remettre leur argent parce que vous ne voulez pas être tenu responsable des impôts… Il arrive donc parfois que les exécuteurs testamentaires procèdent à des distributions intermédiaires et concluent un accord avec les bénéficiaires de telle sorte que, s’il y a d’autres impôts à payer, ces bénéficiaires restitueront les fonds à la succession. Mais j’ai vu beaucoup de situations où, lorsqu’une telle situation se présente, les bénéficiaires ont déjà dépensé l’argent et ne sont donc pas en mesure de le restituer. Les exécuteurs testamentaires se retrouvent alors dans une situation où ils sont exposés à titre personnel.
Une autre responsabilité à laquelle l’on ne pense pas est la responsabilité environnementale. Vous vous dites que tout va bien se passer, que les choses seront faciles, et vous oubliez le fait que, dans le garage du chalet, le père avait un atelier de métallurgie jusqu’à ce que vous découvriez avec effroi que le père en question déversait depuis 25 ans des biphényles polychlorés (BPC) dans le puits du chalet lorsqu’il s’affairait à nettoyer le garage. Et quelqu’un vient de découvrir ce problème… Ou encore il se trouve que des PCB s’infiltrent dans la propriété d’un tiers… Vous voilà alors impliqué dans un litige environnemental.
Voilà une situation qui est manifestement grave. Il y a également un autre type de difficulté qui tient au fait qu’il arrive que certaines personnes décèdent et décident, dans leur testament, de ne pas laisser d’argent à un membre en particulier de leur famille, et ce, souvent pour des raisons tout à fait justifiables. Cependant, il arrive parfois qu’une telle personne intente une action en justice. Vous voilà donc confronté à un litige, et vous ne pouvez y échapper si vous êtes l’exécuteur testamentaire. En effet, vous devrez continuer à représenter la succession jusqu’à ce que les tribunaux vous déchargent de cette obligation. Je viens donc de vous présenter un certain nombre de types de responsabilités auxquelles vous pourriez être exposé.
L’autre enjeu majeur tient aux placements mal avisés. Par exemple, si vous réunissez les actifs, décidez de les placer dans une société et que vous perdez 50 pour cent de la valeur de l’investissement, vous serez poursuivi en justice pour avoir fait un mauvais choix en matière de placement. Voilà donc le genre de risques que vous prenez.
Et ce, même si le litige dans lequel se retrouve l’exécuteur testamentaire ne le vise pas personnellement et s’il ne met pas potentiellement en péril ses propres actifs personnels, ce qui peut être le cas. Il me semble qu’il y a également lieu de ne pas sous-estimer le temps, l’énergie et le stress qui sont inhérents à ce processus. Seriez-vous d’accord ?
Je suis tout à fait d’accord. J’aime penser que je suis une personne de commerce agréable, mais je comprends parfaitement pourquoi mes clients préfèrent se retrouver sur un terrain de golf plutôt que de me parler des nouvelles complications auxquelles donne lieu leur administration successorale.
Oui, oui, je n’ai pas de mal à le croire.
Si quelqu’un envisage d’assumer un tel rôle pour un être cher, ou si vous réfléchissez à la personne que vous devriez désigner dans votre propre testament, voire si vous envisagez de mettre de l’ordre dans vos affaires… Parlons un peu, si vous le voulez bien, de quelques-unes des qualités personnelles dont votre expérience vous a appris qu’elles font, ou non, de certaines personnes de bons exécuteurs testamentaires, notamment si l’on tient compte de l’expérience que vous avez acquise en débattant de ces questions devant les tribunaux. Quelles sont certaines des choses qu’il y a lieu d’éviter au moment de choisir son exécuteur testamentaire ?
Voilà une excellente question, Leanne.
Je pense tout d’abord qu’il convient de ne pas choisir quelqu’un dont vous savez qu’il n’a pas déjà pu tenir sa propre comptabilité. Il vous faut quelqu’un qui est extrêmement bien organisé.
Je ne peux vous dire combien de fois, au cours des 30 dernières années, j’ai dit, à un exécuteur testamentaire se présentant à mon bureau : « Je dois pouvoir consulter tous vos reçus et tous les relevés bancaires. » On nous remet – en vérité, cela remonte avant qu’on interdise l’usage des sacs en plastique – donc, on nous remettait jadis des sacs de plastique de la chaîne Loblaws remplis de petits morceaux de papier et de papillons adhésifs, en nous demandant de tenter de débrouiller tout cela. Vous voyez ce que je veux dire ? Au fil de ma carrière, je pense que je ne me suis retrouvée en présence d’un exécuteur testamentaire muni de documents reliés par des anneaux plastiques et de feuilles de calcul qu’en deux occasions. Ce ne sont pas eux qui se retrouvent en situation de litige. De sorte que, si vous n’estimez pas que la personne à qui vous pensez est du type à faire usage de classeurs convenablement reliés, et ne maîtrise pas non plus l’utilisation des feuilles de calcul, ne lui demandez pas d’assumer cette responsabilité. Le résultat pourrait être désastreux.
Je pense aussi que votre candidat ou votre candidate doit être disponible. Il me semble que, si quelqu’un passe six mois de son année dans un autre pays en tant qu’hivernant et que vous devez gérer des propriétés qui nécessitent de l’entretien, de la maintenance et que l’on s’en occupe, il est probablement préférable de ne pas faire appel à un tel hivernant à titre d’exécuteur testamentaire.
Je crois qu’il faut aussi penser à la question de l’âge. Non pas que je fasse de l’âgisme, mais… par exemple, si je prends mon cas, si mon mari est désigné comme premier fiduciaire de la succession dans mon testament, nous n’avons pas désigné nos amis à titre de remplaçants puisqu’ils vieillissent tous en même temps que nous et qu’ils ne souhaiteront pas assumer la responsabilité de nettoyer mes petits trésors personnels, parmi lesquels, je m’empresse de le souligner, ne figurent pas de figurines Royal Doulton…
Je vais vous en acheter une, Clare. Je vais vous acheter une figurine Royal Doulton, juste pour que vous pensiez à moi lorsque vous la regarderez.
Formidable. Je vous conseille de vous procurer celle de la dame au ballon, puisque tous se la disputent…
Je pense que vous voulez que la personne fasse preuve d’impartialité et, à cet égard, vous devez vous montrer réaliste. Chaque personne que j’ai rencontrée m’a toujours dit : « Ah ! oui ! Mes enfants, ils seront tous exécuteurs testamentaires ensemble. » Ou, encore mieux : « J’ai choisi Robert, le cadet, à titre d’exécuteur testamentaire puisqu’il est aimé de tous les autres enfants. » Voilà qui sera désastreux. Si vous choisissez de les nommer à titre d’exécuteurs testamentaires, vous devez penser à vos enfants de manière réaliste et franche en plus de vous interroger sur la nature des relations qu’ils entretiennent. J’entends par là non seulement la nature des relations en tant que telles, mais également la nature des relations qu’entretiennent les membres de la belle-famille entre eux. Comme vous le savez, Leanne, dans mon domaine, nous avons pour habitude de faire preuve d’un peu de scepticisme quant au qualificatif « belle » du terme « belle-famille » puisque c’est souvent à cause des membres de cette belle-famille que les administrations successorales tournent au vinaigre. De sorte que, si vos enfants, toute leur vie durant, se sont chamaillés à propos de la télécommande ou de celui ou de celle qui a le privilège de s’asseoir à l’avant de la voiture, et s’ils se disputent toujours à la table à dîner, il serait préférable de s’abstenir de choisir l’un de vos enfants.
Dans l’ensemble, je dirais que vous avez vraiment besoin de quelqu’un qui est très habile sur le plan de la communication. Quelqu’un qui saura rester en contact avec les principaux bénéficiaires. Qui pourra expliquer ce qui se passe et exposer le processus. Enfin, quelqu’un qui saura répondre au téléphone, aux courriels et aux textos. Et advenant que cette personne soit appelée à répondre à des textos, qu’elle saura y répondre convenablement, et non en envoyant des émojis inappropriés, situation que j’ai tendance à observer dans les cas litigieux.
Voilà le genre de profil que je vous suggère de rechercher. Et, comme vous le savez, il nous arrive fréquemment de recommander le recours à une société de fiducie dans les situations mettant en cause des familles dont les enfants ne s’entendent pas bien ou lorsqu’il y a eu de multiples mariages, que les conjoints et conjointes sont toujours en vie et se détestent tous, car sont alors réunis tous les ingrédients pour mener à des litiges.
Absolument. L’impartialité constitue indiscutablement un facteur clé sur ce plan.
Eh bien, nous avons parlé du rôle de l’exécuteur testamentaire de manière générale, mais nous savons pertinemment que toutes les successions ne sont pas les mêmes. Quels sont les facteurs susceptibles de rendre une succession particulièrement complexe à gérer pour un exécuteur testamentaire ou qui font en sorte qu’elle serait plus susceptible de mener ultimement à un litige ?
Le tout premier cas de figure vise indiscutablement toute personne qui a une famille recomposée. Ce genre de situation est beaucoup plus susceptible de mener à des litiges. En particulier, si vous n’avez pas résolu l’ensemble des questions financières avec votre premier conjoint ou votre première conjointe, il est plus susceptible que votre succession se retrouve en situation litigieuse. Par ailleurs, s’il y a un fossé générationnel entre les enfants du premier mariage et ceux du deuxième mariage, le risque de litige est accru. Et cela, en grande partie du fait que les membres de la première famille auront grandi avec le défunt à l’époque où, peut-être venaient-ils à peine de terminer leurs études universitaires, le patrimoine était moindre. Ces personnes n’étaient pas en mesure d’offrir à ces enfants autant qu’ils ont été en mesure d’offrir aux enfants de leur deuxième mariage, lequel est survenu lorsqu’elles avaient acquis une plus grande maturité, lorsqu’elles avaient déjà peut-être une carrière florissante et que leur patrimoine était plus conséquent. De telle sorte que les enfants du premier mariage n’auront pas forcément joui de tels avantages, ce qui pourrait mener à des dissensions majeures. Voilà donc un type de situation.
Le deuxième élément qui mène souvent à des litiges est le chalet familial. Vous m’avez déjà entendu dire, chère Leanne, que la seule façon de s’assurer qu’il n’y ait pas de litiges au sujet du chalet familial consiste à le faire disparaître en fumée alors qu’il n’est pas assuré, voire à le vendre avant votre décès. En effet, le chalet familial est le lieu où toutes les dynamiques familiales se cristallisent. Il se pourrait fort bien que vous ayez vendu la maison où vos enfants ont grandi. Cependant, vous n’aurez probablement pas vendu le chalet. Si vous n’avez pas eu des discussions franches, sincères et courageuses au sujet de celle ou de celui qui héritera du chalet, et de la façon dont ce geste sera compensé dans votre succession, en précisant par ailleurs qui mettra la main sur les motomarines et quelles règles régissent la prise de possession des animaux familiaux en papier mâché qui se trouvent sur l’étagère de la véranda depuis, comme c’est généralement le cas, la nuit des temps… le chalet familial sera une pomme de discorde.
Par ailleurs, vous ne devez pas tout simplement vous contenter de le séparer en quatre si vous avez quatre enfants puisque l’un d’eux ne sera pas en mesure de se le permettre. L’un des enfants aura épousé quelqu’un ou vivra en union de fait avec une personne qui, elle, possédera son propre chalet familial et refusera d’aller dans le vôtre. Un autre de vos enfants travaillera pour une multinationale et sera affecté en Amérique du Sud ou en Afrique de telle sorte qu’il ne pourra jouir du chalet et qu’il ne souhaitera pas dès lors en assurer les frais d’entretien. Vous ne devez donc pas caresser le rêve si charmant selon lequel tout le monde vivra, comme aime le dire l’un de mes collègues, dans un monde où tous voient la vie en rose et s’entendent à merveille. Tel n’est pas le cas en ce qui concerne le chalet familial.
Un autre aspect tient au fait que les testaments qui présentent un caractère trop restrictif peuvent mener à des litiges. J’ai déjà rédigé des testaments comportant des clauses obligeant une personne ou une autre à ne pas fumer ou à ne pas prendre de médicaments sans ordonnance avant un certain âge, l’argent étant conservé en fiducie jusqu’à ce que la personne en question atteigne cet âge. Les pauvres administrateurs de la succession devront alors déterminer comment ils s’y prendront pour procéder aux tests de dépistage de drogues. Ces tests seront-ils aléatoires ? Comment s’y prendront-ils pour s’assurer que les tests ne soient pas manipulés ? Tous ces genres de gestes par lesquels le défunt essaie, après son trépas, de contrôler la vie des personnes qui lui survivront mènent à des litiges.
Nous nous retrouvons parfois confrontés à des cas très tristes, comme dans celui où le défunt a laissé un testament qui prévoyait que soit remise à tous ses petits-enfants une somme de 100 000 $ à l’obtention de leur diplôme universitaire. Et il se trouve que l’un de ses petits-enfants a été victime d’un grave accident d’automobile et qu’il n’avait plus dès lors les capacités intellectuelles d’obtenir son diplôme universitaire. En agissant de la sorte, le testateur aura fait en sorte que cet enfant n’obtienne pas le même avantage que celui dont profiteront les autres petits-enfants, bien que je ne doute pas qu’il aurait probablement souhaité que cet enfant puisse profiter de ces 100 000 $ pour subvenir à ses propres soins.
De sorte que ce genre de situation mène à d’autres litiges. J’ai déjà été appelée à traiter une affaire dans le cadre de laquelle l’exécuteur testamentaire avait investi une somme de 2 millions de dollars dans des go-karts. Ce dossier s’est mal terminé et a donné lieu à des litiges, ce qui, à mon avis, n’était pas surprenant, et il se trouve, chère Leanne, que les tribunaux n’ont pas été impressionnés par cet investissement dans les go-karts. Les tribunaux ne se sont pas du tout amusés de ce fait.
Je ne saurais imaginer pourquoi ils auraient pu penser, ne serait-ce qu’un instant, qu’il ne s’agissait pas là d’un investissement imprudent.
Oui, les choses ont mal tourné.
Voilà donc dans l’ensemble, si vous me le permettez, le genre de situations dont il y a lieu d’être conscient. Je pense que les deux facteurs les plus importants sont les familles recomposées et le chalet familial. Mais j’ai la chance que me rende visite un ami dont je tairai le nom et qui est psychiatre. Il ne cesse de me répéter que, s’il y a plus de cinq enfants, les poursuites judiciaires sont inévitables…
Eh bien, voilà peut-être, me semble-t-il, un autre signal d’alarme.
Eh bien, Clare, j’aime toujours parler avec vous et, comme je l’ai dit plus tôt, écouter les choses que vous avez à dire ainsi que vos récits édifiants… Pour conclure notre entretien d’aujourd’hui, j’aimerais vous demander ceci : si vous souhaitiez que les personnes qui nous écoutent ne se souviennent que d’une seule chose de l’entretien que vous et moi avons eu aujourd’hui, de quoi s’agirait-il ?
N’acceptez jamais à la légère d’être fiduciaire d’une succession testamentaire. Je plaide en matière de litiges successoraux depuis plus de 30 ans déjà, et il n’y a que trois groupes de personnes au monde pour lesquels j’accepterais d’être fiduciaire de la succession testamentaire : mon conjoint, mes parents et mes enfants. C’est tout. C’est absolument tout. Vous devez donc y réfléchir à deux fois avant d’accepter.
La dernière chose est celle-ci : si vous découvrez tout d’un coup que vous avez été nommé dans un testament à titre d’exécuteur testamentaire, vous n’avez pas à remplir ces fonctions. Vous pouvez en effet renoncer à ce rôle à condition que vous n’ayez posé aucun geste pour agir à ce titre. Vous ne devez donc pas vous affairer à aider les autres à mettre de l’ordre dans leurs affaires. Vous devez tout d’abord vous demander si vous souhaitez vraiment assumer de telles fonctions.
Voilà un excellent conseil. Un excellent conseil sur lequel nous ne saurions mieux clore notre entretien. Merci beaucoup, Clare, de vous être jointe à nous aujourd’hui pour parler de ce rôle d’exécuteur testamentaire ou de fiduciaire de la succession testamentaire, car, comme vous l’avez souligné, c’est l’appellation que l’on retient en Ontario, en nous soulignant pourquoi cette question importe au-delà de la richesse.
Tout le plaisir est pour moi, Leanne.
Vous pouvez en apprendre plus sur Clare Burns en consultant le site WeirFoulds.com ou sur LinkedIn .
Si vous avez aimé cet épisode et si vous souhaitez contribuer à appuyer notre balado, je vous invite à en faire part à d’autres personnes, à en parler sur les médias sociaux, ou encore à donner une note et à rédiger une critique.
Mon nom est Leanne Kaufman et j’ai très hâte de vous retrouver lors de notre prochain balado. Merci d’avoir été des nôtres.
Orateur final :
Qu’il s’agisse de planifier votre succession ou les besoins de votre famille ou de votre entreprise, ou de bien remplir votre rôle d’exécuteur testamentaire (appelé liquidateur au Québec) de la succession d’un être cher, nous pouvons vous guider, aplanir les difficultés et soutenir votre vision. Faites équipe avec RBC Trust Royal afin que les générations futures profitent longtemps de votre legs. Laissez un héritage, pas un fardeau™. Allez à rbc.com/trustroyal.
Merci d’avoir suivi cet épisode d’Au-delà de la richesse. Pour en savoir plus sur RBC Trust Royal, veuillez visiter notre site à rbc.com/trustroyal.
1 liquidateurs de la succession, au Québec ; fiduciaires de la succession testamentaire, en Ontario ; exécuteurs testamentaires, ailleurs au Canada.
RBC Trust Royal désigne Société Trust Royal du Canada ou Compagnie Trust Royal, ou les deux. RBC Trust Royal et RBC Gestion de patrimoine sont des secteurs opérationnels de Banque Royale du Canada. Pour en savoir plus sur les sociétés membres de RBC Gestion de patrimoine, veuillez consulter le https://www.rbc.com/conditions-dutilisation .
®/MC Marque(s) de commerce de Banque Royale du Canada. RBC et Trust Royal sont des marques déposées de Banque Royale du Canada, utilisées sous licence. © Banque Royale du Canada 2024. Tous droits réservés. Ce balado est fourni à titre indicatif seulement et ne vise pas à donner des conseils ni à approuver ou à recommander un contenu ou des tiers qui y sont mentionnés. Veuillez consulter un conseiller professionnel en ce qui concerne votre situation particulière. Les renseignements présentés sont réputés être factuels et à jour, mais leur exactitude n’est pas garantie et ils ne doivent pas être considérés comme une analyse exhaustive du sujet abordé.
Apprenez pourquoi votre dynamique familiale importe au moment de choisir un exécuteur, de transmettre vos biens et plus encore
Changements juridiques apportés aux mandats de protection et incidences concrètes pour les Québécois