Perspectives mondiales – Panorama 2024 : Le retour en force des obligations

Analyse
Perspectives

Puisqu’on se demande toujours si l’économie américaine tombera en récession et que les obligations constituent un complément intéressant aux actions, les investisseurs ont amplement matière à réflexion en 2024.

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9 janvier 2024

Frédérique Carrier
Première directrice générale et chef, Stratégies
de placement - RBC Europe Limited

Selon nous, une récession aux États-Unis est l’issue la plus probable des prochains trimestres. La combinaison des taux d’intérêt élevés et des normes restrictives des banques en matière de prêts, la situation actuelle, a historiquement entraîné des récessions. Les atterrissages en douceur ont par le passé été caractérisés par une hausse des taux d’intérêt, mais sans resserrement manifeste des normes de crédit. La présence de ces conditions, c’est-à-dire des taux élevés et des conditions d’octroi de crédit restrictives, a déjà des répercussions au Canada, au Royaume-Uni et dans la zone euro.

Toutefois, il se pourrait que les changements importants et décisifs apportés aux politiques budgétaire et monétaire ces dernières années continuent d’avoir des effets persistants sur l’évolution de l’économie américaine et que nous assistions simplement à un ralentissement de la croissance au lieu d’une baisse du PIB en 2024.

Quelle que soit la manière dont la situation évoluera, il est probable que les difficultés économiques qui se sont accumulées s’estompent complètement plus tard en 2024.

Les bénéfices des sociétés de l’indice S&P 500 devraient ainsi continuer de croître, et toute croissance de ceux-ci laisserait une marge de manœuvre pour que les cours boursiers progressent d’ici la fin de 2024, même si l’on ne s’entend toujours pas sur la direction que les choses prendront.

Nous recommandons une pondération en actions mondiales égale à celle du marché, mais croyons que les investisseurs devraient envisager de limiter la sélection de titres individuels aux sociétés de grande qualité, soit celles qui ont un bilan solide, qui versent des dividendes de façon soutenue et dont les modèles d’affaires ne sont pas très sensibles au cycle économique.

À notre avis, les portefeuilles qui maintiennent leur valeur à un niveau supérieur à la moyenne seront les mieux placés pour profiter des occasions qui se présenteront inévitablement lorsque la croissance économique reprendra son rythme de croisière.

Le marché boursier devra s’adapter au fait que les obligations se démarquent en tant que nouvelles concurrentes au chapitre des placements. Pour la première fois en plus de dix ans, les taux de rendement obligataires ont renoué avec des niveaux faisant des titres à revenu fixe un complément utile et intéressant aux actions dans un portefeuille équilibré. Les obligations offrent, comme c’est habituellement le cas, un mélange de volatilité réduite, de rendements plus prévisibles et de valeur à l’échéance.

S’il est éventuellement nécessaire d’établir une structure plus défensive pour un portefeuille équilibré, le fait que les obligations soient une solution de rechange raisonnable pour un investisseur qui cherche à réduire le risque est une bonne nouvelle.

États-Unis

Positionnement souple dans les actions; les obligations pourraient enregistrer de solides rendements

Les actions américaines font face à un nombre exceptionnellement élevé de contre‑courants en 2024.

Le champ des possibles sur le plan économique est vaste, comme nous l’avons décrit plus haut.

Le marché semble bien positionné pour un scénario optimiste. Selon les prévisions consensuelles des analystes du secteur, les bénéfices des sociétés de l’indice S&P 500 s’établiront à 244 $ l’action en 2024, ce qui représente une croissance de 11,1 % sur 12 mois. Ces prévisions, combinées au ratio cours/bénéfice supérieur à la moyenne de 19,3 du marché, laissent peu de place aux déceptions économiques.

L’élection présidentielle aux États-Unis fera nécessairement du bruit. Les investisseurs devraient se rappeler que, depuis 1928, l’indice S&P 500 a progressé de 7,5 % en moyenne durant les années d’élection présidentielle et a terminé ces dernières en territoire positif presque 75 % du temps. Nous estimons que la politique de la Fed et le cycle économique jouent un plus grand rôle dans les rendements des marchés que le parti politique aux commandes à Washington.

Dans l’ensemble, nous croyons que les rendements de l’indice S&P 500 pour les 12 à 18 prochains mois dépendront largement de la matérialisation ou non d’une récession aux États-Unis. Cependant, même si une récession se produit et déclenche une correction, le marché renoue habituellement avec une nouvelle tendance haussière vers le milieu d’une période de marasme.

Le marché boursier américain a historiquement évolué sur une période de quatre ans associée aux élections

Rendement de l’indice S&P 500 pendant les cycles d’élections présidentielles depuis 1928

Rendements moyens et médians de l’indice S&P 500 au cours des cycles électoraux de quatre ans aux États-Unis, de 1928 à 2022

Le graphique à colonnes présente les rendements moyens et médians de l’indice S&P 500 au cours des cycles électoraux de quatre ans aux États-Unis, de 1928 à 2022. Les rendements moyens et médians respectifs sont les suivants : rendements moyen et médian de 7,5 % et de 10,7 %, respectivement, pour l’année électorale; rendements moyen et médian de 6,6 % et de 8,1 %, respectivement, pour la première année du mandat présidentiel; rendements moyen et médian de 3,3 % et de 0,6 %, respectivement, pour la deuxième année du mandat présidentiel (il s’agit également de l’année des élections de mi-mandat); rendements moyen et médian de 13,5 % et de 17,3 %, respectivement, pour la troisième année du mandat présidentiel.

  • Moyenne
  • Médiane

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg; selon des données annuelles allant jusqu’en 2022.

Pour commencer l’année, nous recommandons de maintenir la pondération des actions américaines au niveau de celle du marché afin de tirer parti de la forte probabilité que l’indice S&P 500 atteigne de nouveaux sommets dans les prochains mois. Cette pondération vise aussi à équilibrer les risques d’une récession et la possibilité que celle-ci soit évitée.

Sur le plan du rendement, nous nous attendons à ce que la part du lion s’élargisse et ne reviennent plus seulement aux sept meneurs du marché des titres technologiques, lesquels ont largement mené le bal pendant la majeure partie de 2023.

Les investisseurs devraient envisager de limiter leur sélection de titres individuels aux sociétés qu’ils seraient disposés à détenir pendant une récession, soit celles qui possèdent une excellente équipe de direction, de solides flux de trésorerie et un bilan sain. Nous privilégions les titres de sociétés de grande qualité dont la valorisation est raisonnable. Les valorisations des actions de sociétés à petite capitalisation, en particulier, semblent déjà tenir compte d’une récession.

Pour ce qui est des titres à revenu fixe, nous nous attendons à un solide rebond en 2024. Lorsque les taux obligataires sont élevés, le revenu gagné est souvent suffisant pour compenser la plupart des fluctuations de prix. En fait, pour que les obligations du Trésor à 10 ans dégagent un rendement négatif en 2024, le taux de rendement devrait augmenter pour toucher 5,3 %. À notre avis, cette éventualité est relativement improbable, car nous prévoyons que la Fed amorcera une série de modestes baisses de taux au début de l’été prochain, à mesure que la croissance de l’économie s’essoufflera.

La prise en compte des baisses de taux par le marché obligataire se fera le plus sentir dans le segment à court terme de la courbe des taux. À notre avis, compte tenu de ces prévisions, les investisseurs devraient être proactifs et délaisser les liquidités et les équivalents de trésorerie pour investir dans des titres à plus long terme afin de bloquer les taux de rendement plus longtemps – et avant qu’ils ne s’estompent.

Canada

Les risques de taux d’intérêt sont de plus en plus divergents

La politique monétaire restrictive continue d’influer sur l’économie canadienne et d’en ralentir la croissance. Par ailleurs, les risques d’inflation semblent s’atténuer, et la Banque du Canada (BdC) devrait en rester là pour ce qui est des hausses de taux, selon nous.

En ce qui concerne les marchés boursiers, la trajectoire des taux d’intérêt et l’impact définitif sur les consommateurs auront des répercussions évidentes sur les banques canadiennes à notre avis. Les valorisations des banques reflètent le contexte incertain et les cours dans ce groupe avoisinent un creux.

Nous nous attendons à ce que le rendement des actions du secteur de l’énergie soit largement influencé par les prix des marchandises. Nous remarquons également que les sociétés énergétiques canadiennes présentent des bilans plus solides et des dépenses en immobilisations raisonnables.

Pour ce qui est des titres à revenu fixe, la prolongation de la duration à la suite de la dernière hausse de taux de la BdC a généralement entraîné une augmentation des rendements totaux par rapport aux stratégies à duration courte dans le passé. Nous recommandons de prolonger les échéances de manière échelonnée et ainsi, d’exposer les portefeuilles à une plus grande sensibilité aux taux d’intérêt, tout en réduisant au minimum la volatilité des rendements, ce qui devrait se traduire par des rendements plus réguliers.

Royaume-Uni

Des occasions malgré la faiblesse de l’économie

Les données économiques devraient fléchir davantage, car l’incidence de l’envolée des taux d’intérêt ne s’est pas encore fait sentir pleinement sur l’économie. Nous pensons que la Banque d’Angleterre maintiendra probablement son taux directeur à un niveau élevé pendant la majeure partie de 2024, car l’inflation de base reste stable et demeure supérieure à 5 %. Nous entrevoyons un risque de stagflation au Royaume-Uni.

Malgré ces perspectives difficiles, nous continuons de recommander une pondération en actions du Royaume-Uni égale à celle du marché. Leurs qualités défensives et leurs valorisations attrayantes devraient se révéler avantageuses, étant donné la volatilité accrue que nous prévoyons en 2024. Selon nous, le profil risque-rendement du secteur de l’énergie est actuellement favorable.

Dans le cas des titres à revenu fixe, nous augmenterions la part des obligations d’État britannique et la duration. Les écarts de taux pourraient s’élargir à mesure que les fondamentaux du crédit se détériorent. Il existe des occasions parmi les émetteurs non cycliques et les obligations bancaires de premier rang.

Europe

Rester prudent, mais à l’affût de la prochaine reprise économique

Il est probable que l’Europe soit également aux prises avec une croissance économique anémique en 2024. La pandémie et la guerre en Ukraine ont aggravé les enjeux structurels de longue date du bloc, comme le manque de concurrence, qui mine l’efficacité du marché unique de l’Union européenne (UE). La Commission européenne devrait formuler ses recommandations pour remédier à la situation en mars 2024.

Nous continuons de recommander une sous-pondération des actions européennes, car l’affaiblissement de l’élan macroéconomique et des bénéfices nuira encore à la capacité de la région à dégager des rendements supérieurs. Toutefois, nous sommes à l’affût de lueurs d’espoirs et de signes d’amélioration de l’élan de croissance économique relative de la zone euro. Il s’agirait d’un catalyseur clé pour augmenter les pondérations, compte tenu des valorisations bon marché.

Dans le volet des titres à revenu fixe, nous étofferions les positions en obligations d’État et augmenterions la duration, car les perspectives économiques devraient se détériorer davantage, ce qui favoriserait une duration plus longue et les positions souveraines.

Asie-Pacifique

Surpondération des actions japonaises; préférence pour les obligations asiatiques de catégorie investissement

Nous recommandons une surpondération d’actions du Japon, où les perspectives semblent prometteuses grâce au lancement d’un nouveau programme de placement exonéré d’impôt pour les résidents, aux réformes des régimes de retraite des sociétés, aux tendances en matière de rapatriement et aux efforts visant à améliorer la gouvernance des entreprises. La stabilité économique et politique relative combinée à de faibles valorisations accroît l’attrait de ce marché.

Étant donné que la reprise économique en Chine et la confiance des investisseurs demeurent fragiles, les actions chinoises pourraient continuer de se négocier dans une fourchette restreinte. Nous privilégierions les occasions dans les secteurs où la Chine possède des avantages concurrentiels ou qui peuvent profiter de facteurs favorables sur le plan des politiques, comme la fabrication de pointe et les soins de santé.

Dans le segment des titres à revenu fixe asiatiques, nous continuons de privilégier les obligations de catégorie investissement pour 2024. La baisse des taux de rendement des obligations du Trésor américain que nous prévoyons jusqu’en 2024 devrait globalement favoriser les titres de créance asiatiques. Nous préférons conserver une duration courte du côté des obligations asiatiques de catégorie investissement en raison des écarts de valorisation. Nous aimons le portage intéressant des coupons pour ce segment résilient, mais cherchons également à limiter l’incidence potentielle sur le rendement si les valorisations devaient se renverser.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur ces perspectives ainsi que sur les prévisions relatives aux marchandises et aux devises, veuillez consulter nos Perspectives mondiales – Panorama 2024 , l’article Investir en vue d’une nouvelle réalité (article de fond) ainsi que nos commentaires régionaux sur les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, l’Europe et l’Asie.


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