Une banque centrale au repos a tendance à rester au repos

Analyse
Perspectives

Une fois de plus, la Réserve fédérale a maintenu les taux inchangés, mais avec l’arrivée de perspectives plus sombres, elle devrait repousser davantage le moment d’une baisse.

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31 juillet 2025

Thomas Garretson, CFA
Premier stratégiste, Portefeuilles
Stratégies des titres à revenu fixe
Services-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis

Il en va de même pour la première loi du mouvement de Newton : un corps qui ne bouge pas demeurera stationnaire à moins qu’une force agisse dessus. Si une chose était claire à la réunion de la Réserve fédérale américaine (la « Fed ») cette semaine, c’est qu’en l’absence d’une force extérieure, la Fed est plus qu’heureuse de rester au repos en maintenant les taux inchangés.

Comme beaucoup s’y attendaient, la Fed a laissé son taux directeur dans la fourchette cible de 4,25 % à 4,50 % pour une cinquième réunion consécutive. Lors de sa conférence de presse, le président de la Fed, Jerome Powell, a résumé succinctement les raisons de cette décision : « Il me semble, ainsi qu’à presque tout le comité, que l’économie ne se comporte pas comme si une politique restrictive la freinait de façon inappropriée. Une politique légèrement restrictive semble appropriée. »

Nous trouvons cette impression difficile à réfuter. Lorsque la Fed a opéré la première d’une série de réductions de son taux directeur en septembre dernier, l’inflation de base des dépenses personnelles de consommation était à un taux annuel de 2,7 %; en date de la publication des données de juillet ce matin, ce rythme avait légèrement augmenté à 2,8 %. De même, en septembre dernier, le taux de chômage était de 4,1 % et il est demeuré stable, autour de ce pourcentage, cette année.

Par conséquent, avec si peu de changement dans les deux volets du mandat de la Fed, soit la stabilité des prix et le plein emploi, il nous semble que l’inertie des taux directeurs actuels persistera. Les attentes du marché quant à une baisse sont maintenant de moins de 50 %, comparativement à près de 70 % avant la réunion. Nous prévoyons maintenant une baisse du taux directeur d’ici décembre, au plus tôt.

Forces extérieures et intérieures

Aucune surprise notable n’est ressortie de la réunion, mais deux choses en ont étonné plus d’un : le ton ferme perçu de M. Powell et deux dissidences conciliantes venant des gouverneurs.

À propos du ton, M. Powell a rapidement souligné que les répercussions inflationnistes éventuelles des tarifs ne font que commencer à se faire sentir. Comme d’autres accords commerciaux ont été annoncés cette semaine et que de nombreux tarifs douaniers seront finalement mis en œuvre à compter du 1er août, il faudra probablement encore plusieurs mois pour que leurs effets se reflètent dans les données. Il a également souligné que la hausse des prix des biens, et la possibilité qu’ils continuent d’augmenter, pourrait justifier un relèvement de taux.

Au-delà des risques liés aux droits de douane, nous croyons qu’il y a un autre facteur qui explique le raffermissement du ton de la Fed cette semaine : les conditions financières ont rarement été aussi faciles. En fait, elles n’ont presque jamais été aussi faciles depuis que la Fed a commencé à augmenter les taux en 2022. Les indices boursiers à des sommets records, les écarts de taux serrés entre les obligations de sociétés et les obligations du Trésor et la dépréciation du dollar sont des facteurs financiers qui pourraient poser des risques de hausse de l’inflation tout en stimulant l’activité économique. Nos croyons que réduire les taux alors que les conditions financières sont déjà aussi faciles sur fond de solidité économique ne ferait probablement qu’amplifier ces risques.

La facilité des conditions financières ne facilite pas la réduction des taux

Indice des conditions financière de Goldman Sachs

Indice des conditions financière de Goldman Sachs

Le graphique présente un indice des conditions financières, composé d’une mesure générale des cours boursiers, des taux de change, des écarts de taux et des taux obligataires à long terme, de 1990 à 2025. Le graphique montre que les conditions financières ont été serrées de 1990 aux alentours de 1997. Les conditions se sont assouplies vers 2001, jusqu’à ce qu’elles se resserrent de nouveau. Les conditions se sont ensuite assouplies et se situaient autour du niveau moyen jusqu’aux environs de 2008, moment où elles se sont fortement resserrées. Elles se sont de nouveau assouplies et se situaient généralement autour du niveau moyen jusqu’en 2020, lorsqu’elles se sont fortement resserrées. Les conditions sont revenues à peu près au niveau moyen en 2023, avant de commencer à se détériorer de nouveau en 2024. Le graphique montre que les conditions les plus serrées correspondent à des périodes de récession aux États-Unis. L’assouplissement des conditions financières tend à soutenir le raffermissement de l’activité économique et les pressions inflationnistes plus fortes.

  • Moyenne

Remarques : les barres grises indiquent les récessions aux États-Unis; les chiffres plus élevés (en rouge) = resserrement des conditions et les chiffres plus faibles (en vert) = assouplissement des conditions

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg, indice des conditions financières de Goldman Sachs

En revanche, une force extérieure qui tente de faire baisser les taux est, bien sûr, le président Trump. Ses attaques contre M. Powell se sont poursuivies cette semaine, mais après les récents événements concernant le projet de rénovation de la Fed, nous pensons que les risques à court terme d’un congédiement « justifié » se sont estompés. Or, nous avons encore des réserves, surtout si la Fed reste sur la touche jusqu’en décembre, à savoir que la patience du président pourrait s’épuiser et que la situation dégénère.

Enfin, des forces internes ont agi sur la Fed à la réunion de cette semaine. Les gouverneurs Christopher Waller et Michelle Bowman ont exprimé leur dissidence à la réunion de cette semaine et on dit être en faveur d’une baisse du taux directeur d’un quart de point.

C’est la première fois que deux des sept gouverneurs qui composent habituellement le conseil entrent en dissidence depuis 1993. En pratique, cela n’a pas beaucoup d’importance, et les divergences de points de vue sont bien accueillies par la Fed, mais le ton ferme de M. Powell nous donne à penser qu’ils représentent une anomalie au sein de la Fed et que la majorité du comité appuie l’approche attentiste actuelle.

Cela dit, Waller est celui qui s’est fait entendre le plus fort au sujet des réductions du taux directeur, arguant que la Fed devrait prendre des mesures pour devancer les risques menaçant le marché de l’emploi. Mais a-t-il des arguments convaincants?

Ça travaille ou ça chôme?

Dans l’ensemble, les données sur le marché du travail demeurent solides, mais contrastées. Comme nous l’avons mentionné, le taux de chômage est demeuré stable, voire a diminué, cette année, car le ralentissement de la demande de main-d’œuvre a été contrebalancé par une légère baisse de l’offre de main-d’œuvre.

Les données sont très nombreuses, mais une est particulièrement éloquente selon nous : l’humeur des consommateurs qui consultent les affichages de postes. Le pourcentage de consommateurs qui estiment qu’il est difficile de trouver un emploi présente l’une des corrélations les plus élevées avec le taux de chômage officiel.

Le refroidissement de la confiance des consommateurs à l’égard du marché de l’emploi laisse entrevoir un risque de hausse du taux de chômage

Corrélation entre les indices de confiance des consommateurs à l’égard du marché de l’emploi et le taux de chômage

Le graphique montre la corrélation entre les indices de confiance des consommateurs à l’égard du marché de l’emploi et le taux de chômage. Un pourcentage plus élevé de personnes considérant les emplois comme étant difficiles à trouver sur le marché de l’emploi tend à être corrélé avec un taux de chômage plus élevé.

  • 1950 à 2019
  • 2022 à aujourd’hui
  • Estimation pour juillet

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg, indice de confiance des consommateurs du Conference Board; données de 1959 à 2025 (2020 et 2021 sont exclues en raison des valeurs extrêmes; corrélation = 90 %)

Un indice du pourcentage de personnes qui considèrent qu’il est difficile de décrocher un emploi a augmenté à 19 % cette semaine pour juillet, contre environ 14 % au début de l’année, malgré un taux de chômage qui demeure stable. Par le passé, lorsque cet indice se situait autour de 20 %, le taux de chômage se rapprochait de 5 %. Nous ne prévoyons certainement pas que le taux de chômage atteindra ce niveau de sitôt, mais cela laisse entrevoir un risque de hausse du taux de chômage actuel de 4,1 %, à commencer par le rapport de demain sur les emplois non agricoles pour juillet.

À notre avis, cela reflète simplement une baisse normale de la confiance, qui tend à survenir aux dernières étapes de la plupart des expansions économiques, et n’est pas encore un signe que le marché de l’emploi est sur le point de s’effondrer.

Le retour des « taux plus élevés pendant plus longtemps »?

En l’absence d’une force extérieure, nous pensons que l’inertie qui sous-tend le niveau actuel des taux d’intérêt devrait persister.

Les récentes remontées des marchés boursiers et des obligations de sociétés ont été alimentées, du moins en partie, par les attentes selon lesquelles même si les réductions du taux directeur ont été retardées, cela ne signifierait qu’une augmentation du rythme de celles-ci l’année prochaine.

Même si nous prévoyons actuellement plusieurs réductions du taux directeur à partir de la réunion de décembre, les analystes de RBC Marchés des Capitaux prévoyaient encore en mars dernier qu’il n’y aurait aucune baisse du taux directeur jusqu’en 2026. Étant donné que les pires menaces tarifaires semblent maintenant derrière nous et que la performance économique est stable, la préférence pour ce type de résultat pourrait revenir.


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