1 octobre 2024 | Animée par Leanne Kaufman
« … les fiducies peuvent combler de nombreux objectifs différents. Les fiducies permettent de protéger la confidentialité, d’être efficaces sur le plan fiscal, d’assurer la succession d’une entreprise familiale, et même d’administrer de l’argent au bénéfice des générations futures. Cependant, les fiducies sont également compliquées... »
Leanne Kaufman :
On tient fréquemment pour acquis que le sujet des fiducies n’est évoqué que dans le cadre de discussions portant sur les options en matière de planification qui n’intéressent que la clientèle ultraprospère, voire sur les fiducies destinées aux enfants ou aux petits-enfants qui n’ont pas encore atteint l’âge de la majorité. Et tout le monde ne connaît pas la différence entre ce qu’est une fiducie testamentaire, c’est-à-dire une fiducie établie par testament qui n’entre en vigueur qu’à votre décès et une fiducie créée de votre vivant. Aujourd’hui, nous souhaitons nous attarder au sujet que représentent ces fiducies créées de votre vivant, c’est-à-dire aux « fiducies entre vifs », ou fiducies non testamentaires. Bien que, de manière générale, les concepts sont identiques, quelle que soit la façon dont la fiducie est créée ou peu importe le document qui permet de la constituer, les fiducies peuvent remplir des fonctions différentes et présenter des avantages et des inconvénients distincts.
Bonjour, mon nom est Leanne Kaufman. Je vous souhaite la bienvenue au balado Au-delà de la richesse de RBC Gestion de patrimoine – Canada. J’ai le plaisir d’être accompagnée aujourd’hui de Barbara Kimmett, associée au sein du cabinet d’avocats Bennett Jones de Calgary, qui se spécialise dans le domaine des successions, des fiducies et de la planification en cas d’inaptitude.
Barbara, permettez-moi de vous remercier de vous joindre à moi aujourd’hui pour discuter des différences entre les fiducies entre vifs, les testaments et les fiducies testamentaires, et de l’importance de cette question au-delà de la richesse.
Barbara Kimmett :
Eh bien, je vous remercie, Leanne, de m’avoir invitée. Je suis ravie d’être ici.
Nous sommes heureux de pouvoir compter sur votre présence à titre d’experte de ce domaine. Il se trouve que nous avons déjà fréquemment collaboré avec vous précisément sur ce type de question. Au-delà de ce que je viens de dire dans ma très brève introduction, comment, de manière générale, décririez-vous ce qui distingue une fiducie créée du vivant de quelqu’un d’une fiducie qui ne produit ses effets qu’au moment de son décès ?
Eh bien, la principale différence entre une fiducie testamentaire, c’est-à-dire une fiducie qui ne produit ses effets qu’au décès d’une personne, et qui est normalement établie dans son testament, et une fiducie non testamentaire ou fiducie entre vifs, tient précisément à cette notion même. En effet, l’une de ces formes de fiducie produit ses effets au décès tandis que l’autre produit les siens du vivant de la personne, bien qu’elle puisse se poursuivre même après son décès. Cela étant dit, la principale différence que je perçois entre les fiducies entre vifs et les fiducies testamentaires tient aux règles fiscales. En effet, dans un contexte de fiducie entre vifs, le transfert de biens à une fiducie peut entraîner l’application d’un impôt. Par ailleurs, la politique fiscale canadienne s’emploie à dissuader les Canadiens d’avoir recours au mécanisme que représente la fiducie pour fractionner le revenu entre les membres d’une même famille ou pour reporter indéfiniment le paiement de l’impôt. Interviennent donc une multitude de règles fiscales complexes.
Cela dit, toutes les fiducies, qu’il s’agisse des fiducies entre vifs ou des fiducies testamentaires, sont régies par des lois différentes. Le concept de fiducie est très ancien. En fait, nous pouvons en retracer l’origine au Moyen Âge, soit entre 500 et 1500 après Jésus-Christ. Il faut savoir qu’une fiducie n’est pas une compagnie constituée en personne morale ou une société puisqu’on ne considère pas qu’une fiducie est une entité en elle-même. Il s’agit plutôt du résultat d’un acte en vertu duquel une personne détient et administre des biens pour une autre personne, voire pour d’autres personnes, ou même, à titre d’exemple, pour un organisme de bienfaisance. Cependant, la situation est un peu déroutante puisque, même s’il se trouve qu’une fiducie n’est pas une entité, elle est néanmoins traitée comme s’il s’agissait d’un particulier aux fins de l’impôt canadien. Et comme les fiducies existent depuis longtemps, elles se sont développées et transformées au fil du temps.
Cela signifie que le fonctionnement des fiducies est assujetti à plusieurs paliers sur le plan des lois ou du droit :
Cependant, la législation s’applique à l’ensemble des fiducies, qu’il s’agisse de fiducies entre vifs ou de fiducies testamentaires. De sorte que, de ce point de vue, qu’il soit question d’une fiducie établie par testament ou non, les lois s’appliquent de la même façon à toutes les formes de fiducie.
Pour résumer, qu’il soit question d’une fiducie entre vifs ou d’une fiducie testamentaire, il y a énormément d’aspects à prendre en considération, et quiconque envisage de créer une fiducie serait probablement avisé de solliciter des conseils avant de poser un tel geste.
Comme vous venez de l’indiquer, on a en effet vraiment l’impression que les fiducies existent depuis le Moyen Âge. Dans certains cas, pourrais-je même dire, on a aussi l’impression que les lois remontent à cette même époque, sans parler de leur complexité…
En effet, on a certainement l’impression que ces lois remontent au Moyen Âge. Je dois dire que nous disposons en Alberta d’une législation moderne qui est entrée en vigueur en février 2023. Si l’on retrouve également des lois plus modernes au Nouveau-Brunswick, un peu partout ailleurs on a un peu l’impression d’être encore au Moyen Âge…
Au sens propre comme au sens figuré… Nous venons donc de parler de la fiducie testamentaire, c’est-à-dire de la forme de fiducie qui ne prend effet qu’au décès et qui est généralement établie par testament, et de l’autre forme, soit la fiducie entre vifs, qui est établie dans un document de fiducie autonome distinct, appelé acte de fiducie. Qu’en est-il de la structure de ces fiducies, si l’on compare, par exemple, ces deux types de fiducie ou les types de biens qui peuvent être placés dans une fiducie ? Existe-t-il une véritable distinction entre la forme que prennent les fiducies et les biens qui peuvent être placés dans une fiducie ?
Absolument. Avant de vous répondre, je dois vous rappeler que l’une des meilleures stratégies fiscales consiste à s’employer à reporter le paiement de l’impôt le plus longtemps possible. Il arrive que nous ne puissions espérer faire mieux. En effet, si nous allons devoir payer de l’impôt, nous aimerions pouvoir retarder cette échéance le plus longtemps possible. Le principe est simple : il est préférable de pouvoir compter sur les sommes payables au titre de l’impôt de telle sorte qu’elles puissent être placées, produire des intérêts ou qu’elles nous permettent d’acheter les choses dont nous avons besoin ou que nous voulons pour satisfaire notre mode de vie. Personne ne souhaite être tenu de payer de l’impôt avant qu’il devienne payable.
Revenons maintenant à votre question concernant les différences entre les types de biens qui peuvent être placés dans une fiducie, en gardant à l’esprit le commentaire que je viens de faire au sujet du paiement de l’impôt et de la démarche qui consiste à reporter le plus possible cette échéance. Toute personne qui souhaite créer une fiducie entre vifs doit réfléchir à la nature des biens qu’elle souhaite placer en fiducie. En effet, si elle souhaite placer des espèces, il n’y a aucun problème. Cependant, si l’objectif est d’y transférer des biens qui, s’ils devaient être vendus, entraîneraient le paiement d’un impôt, le constituant devra vraisemblablement payer de l’impôt au moment même du transfert de ce bien à la fiducie de la même façon qu’il aurait dû en payer s’il avait vendu ce bien.
Pour citer un bon exemple, évoquons le cas de quelqu’un qui souhaite céder sa résidence de vacances – dans l’Ouest, nous utilisons le terme chalet pour désigner ce genre de résidence – à une fiducie. Le chalet est un bien immobilier. Et à moins qu’il ne puisse être visé par l’exemption pour résidence principale, il sera imposé sur la base de la hausse de la valeur depuis le moment de son achat, cet impôt constituant l’impôt sur les gains en capital. Actuellement, toute personne qui cède son chalet à une fiducie entre vifs est tenue d’inclure dans son revenu imposable de l’année la moitié du gain en question.
Le gouvernement fédéral a récemment annoncé des changements sur le plan de l’impôt sur les gains en capital, changements qui pourraient entraîner une augmentation du montant d’impôt qu’une personne devrait payer si elle devait céder son chalet à une fiducie entre vifs. En vertu des nouvelles propositions, les fiducies qui détiennent elles-mêmes les biens, soit les biens assujettis à l’impôt sur les gains en capital, pourraient être tenues de payer un impôt encore plus élevé que l’aurait été le particulier au moment de la vente du bien. Il faut donc penser à ces considérations lorsqu’on envisage la possibilité de placer des biens dans une fiducie.
Et le même traitement fiscal s’applique à toute personne qui transfère d’autres formes de biens en immobilisation à une fiducie, comme des titres négociables, j’entends par là des comptes de placement ou des actions d’une société fermée si vous disposez de votre propre entreprise qui se présente sous la forme d’une société. Et il se trouve qu’il est impossible d’échapper à cette mesure en liquidant les titres ou en vendant les actions avant de transférer la somme en espèces à la fiducie, puisque s’appliquera alors le même impôt que celui qui serait applicable à la liquidation.
De sorte qu’il faut savoir qu’une différence clé entre la fiducie entre vifs et la fiducie testamentaire tient au traitement fiscal.
Différentes règles fiscales s’appliquent au décès, mais ces règles visent la succession du défunt. Ce qui signifie qu’il n’y a généralement pas beaucoup de planification fiscale à faire, et les exécuteurs testamentaires établissent la fiducie testamentaire. De sorte que, lorsque les biens sont transférés de la succession à la fiducie testamentaire, l’impôt a déjà été payé. Les considérations ne sont pas les mêmes que celles qu’il y a lieu d’envisager lorsqu’il est question d’une fiducie entre vifs.
Une autre différence entre la fiducie entre vifs et la fiducie testamentaire tient au fait, en termes pratiques, que le document qui permet de créer la fiducie entre vifs, soit généralement l’« acte fiduciaire » ou l’« acte de fiducie », voire la « convention de règlement », est plus long et plus complexe que celui qui est associé à une fiducie testamentaire, soit en quelque sorte les clauses qui figurent dans le testament, qui sont sans doute parfois plus simples. Cependant, il s’agit en vérité dans les deux cas de fiducies qui présentent les mêmes complexités juridiques. Hormis le fait que les documents sont différents et plus compliqués, les deux formes de fiducie présentent un niveau de complexité identique ou similaire et sont assujetties à des considérations d’ordre juridique.
En termes simples, pourrait-on affirmer sans crainte de se tromper que la structure n’est pas vraiment différente, si ce n’est la façon dont les fiducies sont établies et à quel moment elles le sont ?
Oui, tout à fait. En vérité, elles sont identiques, quelle que soit la façon dont elles sont constituées. J’entends par là que, s’il se peut que les documents qui permettent dans une certaine mesure de situer le cadre d’application de la fiducie semblent légèrement différents, les lois applicables et leur fonctionnement sont identiques.
Permettez-moi de revenir à la question posée un peu plus tôt quant à la nécessité de réfléchir aux biens qui peuvent être placés dans une fiducie. J’ai évoqué certains des pièges qui sont associés au transfert de biens en immobilisation à une fiducie entre vifs, mais il existe un autre type de biens – des biens qui sont souvent transférés à une fiducie, même s’il faut être conscient du traitement fiscal – qui n’est pas normalement cédé à une fiducie, qu’il s’agisse d’une fiducie entre vifs ou d’une fiducie testamentaire. J’entends par là toutes les formes d’actifs enregistrés, comme les régimes d’épargne enregistrés ou les fonds enregistrés de revenu de retraite.
Cette question revient fréquemment lorsque je suis appelée à conseiller mes clients. Supposons, par exemple, qu’ils en sont à leur deuxième mariage et qu’ils tentent de déterminer comment ils pourraient laisser des biens à leur deuxième conjoint, tout en s’efforçant également de faire en sorte que les enfants issus de leur premier mariage puissent toucher un héritage. Le client souhaite adopter une stratégie fiscale optimale et il a à l’esprit plusieurs objectifs.
Dans de telles situations, je leur dis que l’une des options qui s’offrent à eux consiste, plutôt que de donner carrément leurs biens à leur deuxième conjoint, à créer une fiducie testamentaire spéciale, soit une fiducie au bénéfice du conjoint. Ce type de fiducie permet à la personne qui la crée de contrôler ce qu’il advient de ses biens au moment du décès de son conjoint. En effet, si la personne se contente de léguer ses biens à son conjoint et si ce conjoint, ou cette conjointe, hérite donc de ces biens et décède de nombreuses années plus tard, rien ne dit que cette personne ne choisirait pas alors de léguer ces mêmes biens à une œuvre de bienfaisance ou aux membres de sa propre famille et non aux enfants de son conjoint.
Voire d’en faire don de son vivant.
Tout à fait. La fiducie au bénéfice du conjoint présente en effet de nombreux avantages dans la mesure où elle permet de contrôler le sort qui est réservé aux biens. Sans compter qu’il s’agit d’un mécanisme intéressant sur le plan fiscal qui peut être extrêmement utile.
Il arrive que le régime d’épargne enregistré ou le fonds enregistré de revenu de retraite constitue le bien le plus précieux d’une personne. Si cette personne désigne son conjoint ou sa conjointe à titre de bénéficiaire du régime d’épargne enregistré ou du fonds enregistré de revenu de retraite à son décès, ce régime d’épargne enregistré ou ce fonds enregistré de revenu de retraite est transféré à cette personne à l’abri de l’impôt.
Il s’agit là d’une considération importante car, au décès du titulaire de rente, l’intégralité de son régime d’épargne enregistré est considérée constituer un revenu. À titre d’exemple, si la valeur du régime d’épargne enregistré est de 500 000 $, une même somme sera ajoutée au revenu de la personne dans la déclaration de revenus de l’année de son décès, ce qui signifie que près de la moitié de cette même somme sera payée sous forme d’impôt.
Il peut donc être très intéressant de désigner son conjoint à titre de bénéficiaire du régime d’épargne enregistré. Cependant, et il s’agit là vraiment de ce que je souhaitais vous souligner, il faut savoir que, si une personne transfère son régime d’épargne enregistré ou son fonds enregistré de revenu de retraite à une fiducie au bénéfice du conjoint, un tel report d’impôt n’est pas autorisé. Ce qui signifie que l’impôt sera payable au décès. De ce point de vue, il est important de réfléchir à la nature des biens qu’il y a lieu de transférer à une fiducie, même dans le contexte d’une fiducie testamentaire.
Il se trouve donc que certains types de biens peuvent ou non convenir à une fiducie pour des raisons tactiques ou stratégiques. Cependant, pour l’essentiel, hormis le cas des régimes enregistrés, il n’existe pas véritablement de différence, à tout le moins en théorie, quant au type de biens qu’il est possible de transférer à une fiducie, qu’il s’agisse de biens immobiliers, d’actifs de placement, d’espèces, etc. La réponse devrait être pratiquement identique, qu’il s’agisse d’une fiducie testamentaire ou d’une fiducie entre vifs.
Oui, pour l’essentiel. Un certain nombre de règles s’appliquent en ce qui concerne le transfert de votre résidence principale à une fiducie. Qu’il suffise de garder en mémoire le fait qu’il est important de se faire conseiller et que les lois évoluent au fil du temps. Il y a manifestement toujours lieu de vérifier ces aspects.
Tout particulièrement les règles fiscales et, selon moi, ce sont bien ces règles qui sous-tendent une partie importante de cette réflexion.
Peut-être pourriez-vous nous dire pourquoi certaines personnes créent des fiducies entre vifs plutôt que de tout simplement s’en remettre à leur testament et au mécanisme que représente la fiducie testamentaire ?
Voilà une excellente question. Les gens choisissent de créer une fiducie entre vifs pour une foule de raisons. En vérité, tout dépend des faits propres à la situation.
Certaines personnes créent par exemple une fiducie entre vifs à des fins de restructuration d’entreprise et d’efficacité fiscale. On pourrait imaginer un scénario en vertu duquel le propriétaire des actions d’une entreprise familiale engage la restructuration de son entreprise de telle sorte que le fondateur échange ses actions pour des actions à valeur fixe, puis crée une fiducie qui possède les actions dont la valeur augmentera au fil du temps. Voilà une façon d’économiser de l’impôt ou d’en retarder le paiement au décès du fondateur et d’en transférer la propriété aux enfants et aux petits-enfants. Ce mécanisme est appelé gel successoral.
Une autre raison qui justifie la création d’une fiducie entre vifs tient à la protection contre les créanciers. Cependant, il convient de garder à l’esprit le fait que s’agissant de protéger vos biens contre les créanciers, le niveau de protection augmente avec la mesure dans laquelle vous cédez le contrôle et la propriété des biens détenus dans la fiducie. Comme la plupart des gens ne souhaitent pas vraiment renoncer à la propriété ou au contrôle, il est essentiel de discuter des objectifs souhaités avec des conseillers appropriés. Certaines personnes pensent que, si elles se contentent de transférer leurs biens à une fiducie, elles pourront tout de même agir à titre de fiduciaire ou en être le bénéficiaire, auquel cas la fiducie ne serait que moyennement utile à des fins de protection contre les créanciers.
Une autre raison d’avoir recours à une fiducie que j’observe relativement couramment en ce moment concerne les personnes qui achètent une maison aux États-Unis. Aux États-Unis, est prévu un impôt de succession important, de telle sorte que ces clients choisissent souvent d’acheter leur maison par le truchement d’une fiducie qui tient compte des règles fiscales américaines applicables au décès, ce qui empêche l’application de l’impôt successoral américain. De manière générale, l’impôt successoral américain ne s’applique qu’aux personnes plutôt fortunées de telle sorte qu’il n’est pas toujours nécessaire d’avoir recours à une fiducie entre vifs.
Mais même les Canadiens qui ne font pas partie de cette catégorie pourraient trouver intéressant d’envisager la possibilité de devenir propriétaire par le truchement d’une fiducie entre vifs afin de se soustraire à l’homologation dans l’État où ils choisissent d’acheter leur maison. Il faut savoir que, dans certains États, comme en Californie, il existe des processus d’homologation extrêmement complexes et onéreux qu’il est utile de s’efforcer d’éviter dans la mesure du possible.
Bien qu’il existe une foule d’autres raisons, la dernière dont je ferai mention ici concerne le fait que certaines personnes souhaitent parfois donner de leur vivant plutôt qu’à leur décès. Elles choisissent alors de créer une fiducie de leur vivant.
Permettez-moi de vous donner un exemple. L’un de mes clients souhaitait créer de son vivant une fiducie pour chacun de ses petits-enfants. Il voulait être en mesure de parler à ses petits-enfants de ce qu’il comptait leur donner, de ce qu’il avait à l’esprit, et des raisons pour lesquelles il avait mis en place de telles dispositions. Dans ce cas précis, il souhaitait faire en sorte que ses petits-enfants ne seraient pas en mesure, sous quelque forme que ce soit, de toucher une partie quelconque du capital de la fiducie avant d’avoir atteint l’âge de 50 ans. Il avait choisi d’agir de la sorte car il voulait s’assurer qu’ils puissent disposer d’économies intéressantes à leur retraite bien qu’ils soient toujours incités à travailler.
Nombreuses sont les raisons pour lesquelles il peut être utile d’envisager un tel mécanisme. Manifestement, pour qu’une telle solution soit fonctionnelle, il faut tenir compte d’une foule d’obligations en matière d’administration et de production de déclarations, mais, dans ce cas précis, cette solution a parfaitement fonctionné. De sorte qu’en transférant des fonds à une fiducie – dans le cas précis de mon client, avant son décès –, il a également profité du fait qu’il a pu transférer l’impôt sur le revenu lié aux placements réalisés dans le cadre de la fiducie à cette même fiducie et à ses bénéficiaires plutôt qu’à lui-même. Il a cependant dû renoncer au contrôle et à la propriété. Il s’agissait en effet d’une fiducie de bonne foi qu’il souhaitait mettre en place pour sa famille. Nombreuses sont donc les raisons pour lesquelles il est possible d’envisager de créer une fiducie.
Vous avez parlé des frais d’homologation élevés qui prévalent dans certains États. C’est également le cas dans certaines provinces canadiennes. Je sais que l’Alberta n’est pas touchée puisque vos frais d’homologation sont si peu élevés que les mesures de planification n’ont pas pour objectif de s’y soustraire. Mais je sais que la planification de l’homologation constitue une autre raison qui justifie pour certaines personnes ne vivant pas en Alberta d’avoir recours à une fiducie entre vifs. Existe-t-il d’autres avantages outre la planification de l’homologation et les aspects que vous venez d’évoquer, comme dans le cas du grand-père qui souhaitait être en mesure d’expliquer sa démarche à ses enfants et de les voir profiter de la fiducie qu’il avait créée de son vivant ? Au Canada, un type ou l’autre de fiducie présente-t-il d’autres avantages ou inconvénients ?
Vous avez raison. En effet, chaque fiducie a une vocation bien précise, et nous devons nous efforcer de bien cerner la nature des objectifs au moment de la création d’une fiducie. Et comme vous l’avez indiqué, pour plusieurs Canadiens, il est vraiment important de s’efforcer d’éviter l’homologation. Et pour revenir sur ce que vous avez dit, en Ontario sont perçus des frais d’homologation équivalant à 1,5 pour cent de la valeur brute de la succession. En Colombie-Britannique, ce pourcentage est de 1,4 pour cent. Jusqu’à présent, nous pouvons nous compter chanceux en Alberta puisque les frais maximaux payables s’élèvent à une somme forfaitaire de 525 $. J’aime souligner le fait que, même si vous vous appelez Warren Buffett et que vous décidez de transférer tous vos biens en Alberta et d’y décéder, lorsque vos exécuteurs testamentaires produiront une demande d’homologation, ils n’auront à payer qu’une somme de 525 $. Voilà qui est intéressant en soi. Peut-être serait-il utile de ne pas en informer le gouvernement albertain, mais, à vrai dire, la situation est extrêmement intéressante dans cette province. Pour revenir à ce que nous disions tantôt, même des taux de 1,5 et de 1,4 pour cent sont relativement peu élevés, si on les compare avec les taux de l’impôt sur le revenu. Malgré tout, vous avez tout à fait raison puisque, lorsqu’il est possible de s’y soustraire, tel est généralement ce que l’on choisit de faire.
Si vous transférez vos biens à une fiducie de votre vivant, à votre décès, ces biens ne feront pas partie de votre succession et ils ne seront dès lors pas assujettis aux frais d’homologation. Cependant, comme nous en avons discuté plus tôt, il convient de procéder avec soin lors du transfert de biens à une fiducie entre vifs puisqu’en agissant de la sorte, vous pourriez vous exposer au paiement d’un impôt sur-le-champ plutôt qu’à votre décès. Et pourquoi choisiriez-vous de payer de un impôt sur les gains en capital d’environ 25 pour cent maintenant alors que vous pourriez conserver ces espèces jusqu’à votre décès, même si cela devait signifier que votre succession soit alors tenue de payer des frais d’homologation de 1,5 pour cent sur ces mêmes biens ? Cela ne semblerait en effet pas judicieux.
La réflexion qui entoure la possibilité de créer une fiducie ne doit pas reposer simplement sur des considérations fiscales. Il y a en effet des considérations administratives. Par exemple, vous devez décider qui en sera le fiduciaire. Le fiduciaire a toujours beaucoup à faire. J’entends souvent dire de la part de personnes qui effectuent leur planification qu’elles ne pensent pas que le fiduciaire aura beaucoup à faire. Et si j’en juge par ma propre expérience, tel n’est jamais le cas. Les fiduciaires ont toujours beaucoup plus à faire que ce qui était prévu.
Ce rôle n’est jamais un rôle purement cérémonial.
Oui, et si tel devait être le cas, ce serait aux risques et périls du fiduciaire puisque, inévitablement, quelque chose ne se passera pas bien… Comme le fiduciaire est la personne responsable, c’est à elle qu’incombera la responsabilité de ne pas avoir bien administré la fiducie.
De sorte que les fiduciaires sont eux aussi exposés à un risque important. J’entends par là que les fiduciaires ont des obligations fiduciaires envers les bénéficiaires de rendre compte des gestes qu’ils posent et de fournir de l’information financière. Les fiduciaires doivent s’assurer que les biens sont convenablement administrés et placés. Ils doivent examiner les demandes de distribution formulées par les bénéficiaires. Les fiduciaires doivent parfois faire preuve d’une grande rigueur et répondre par la négative aux bénéficiaires qui s’adressent à la fiducie pour obtenir de l’argent. Ils doivent par ailleurs respecter leurs obligations en matière de production de déclarations de revenus et de divulgation. Il importe donc de bien s’assurer de nommer à titre de fiduciaire quelqu’un qui est apte à assumer toutes ces responsabilités.
Ainsi, sur le plan pratique, il n’est pas toujours avantageux de créer une fiducie entre vifs au simple motif de se soustraire à l’homologation. Il existe cependant un type de fiducie auquel on a fréquemment recours pour se soustraire à l’homologation puisqu’elle présente en quelque sorte un caractère neutre sur le plan fiscal. Il s’agit de la fiducie en faveur de soi-même, ou, lorsqu’un couple est en cause, d’une fiducie mixte au bénéfice du conjoint. Seuls les résidents canadiens âgés de plus de 65 ans inclusivement peuvent constituer ce type de fiducies.
Je pourrais continuer, mais en vérité nous pourrions probablement consacrer une session au complet au sujet que représentent les fiducies en faveur de soi-même et les fiducies mixtes au bénéfice du conjoint.
Je pense que vous avez raison, mais il me semble qu’il importe à tout le moins d’évoquer cette distinction particulière en soulignant que cette forme spéciale de fiducie existe. Je pense que l’autre chose que chacun doit savoir avant d’entreprendre de fouiller la question trop en profondeur est qu’il faut être âgé de 65 ans ou plus. De sorte que ce mécanisme présente une application limitée à quiconque a moins de 65 ans, à tout le moins à cette étape de leur planification. Et il me semble par ailleurs que ce que vous venez de dire au sujet de l’homologation est intéressant.
L’autre aspect qu’on ne comprend pas toujours au sujet de l’homologation est qu’il s’agit d’un processus public. Nous nous retrouvons parfois en présence de personnes qui manifestent de l’intérêt à l’égard de la solution que représente la fiducie entre vifs, ou idéalement la fiducie en faveur de soi-même pour les raisons de neutralité fiscale que vous venez d’évoquer. Cependant, si vous n’avez pas encore 65 ans, cela pourrait ne pas être possible… Ce que je veux dire par là est qu’une fois qu’un testament a été homologué, il devient public de sorte que quiconque peut effectuer des recherches et accéder à ces dossiers pour autant que l’on connaisse la façon de s’y prendre. Et il n’est même pas alors nécessaire d’établir l’existence de quelque forme de lien avec le défunt ou la famille que ce soit. Est-ce bien le cas ?
Oui, c’est absolument le cas.
Même en Alberta, province où nous avons indiqué que les frais d’homologation ne sont pas très élevés, le recours à une fiducie en faveur de soi-même ou à une fiducie mixte au bénéfice du conjoint pour soustraire des biens de votre succession présente un avantage sur le plan de la confidentialité puisque vous avez tout à fait raison : toute demande d’homologation produite est assortie d’un inventaire de l’ensemble des biens de la succession au moment du décès et, généralement, tout citoyen, moyennant qu’il débourse les frais de recherche qui, si je me souviens bien, sont de 10 $, peut s’adresser aux tribunaux, chercher votre dossier et obtenir une copie de l’intégralité de la demande, incluant l’inventaire.
Par ailleurs, les personnes qui obtiennent cet inventaire en Alberta sont les bénéficiaires, ou d’autres personnes, comme un parent qui pourrait souhaiter revendiquer quelque chose auprès de votre succession. Dans des provinces comme la Colombie-Britannique, lorsque vous présentez une demande d’homologation, vous devez également en informer les personnes qui devraient hériter si le testament n’était pas valide. De sorte que nombreuses sont les personnes qui, en définitive, obtiennent de l’information sur le contenu de votre succession et, pour des raisons tout à fait compréhensibles, cela ne plaît vraiment pas à certains.
En vérité, cela nous amène à une autre question : si vous disposez de biens – et, dans une certaine mesure, cet aspect est quelque peu lié à celui de la protection contre les créanciers – qui se retrouvent dans une fiducie, une fiducie en faveur de soi-même ou une fiducie mixte au bénéfice du conjoint plus particulièrement, puisqu’on envisage fréquemment ces mécanismes comme des mécanismes de substitution au testament, telle est en quelque sorte leur fonction, il faut savoir que toutes les provinces et tous les territoires de notre pays disposent de lois que l’on qualifie généralement comme étant des lois d’aide aux personnes à charge. Il s’agit de lois de justice sociale qui prévoient que toute personne admissible à titre de personne à charge – la définition de ce qui constitue une personne à charge variant d’une province et d’un territoire à l’autre –, toute personne à charge peut s’opposer au testament si elle estime que le testament est inéquitable envers elle. Et les tribunaux jouissent de pouvoirs très étendus en vertu desquels ils sont habilités à modifier les conditions du testament de manière à mieux répondre aux besoins de quiconque est une personne à charge.
Il existe toutefois une jurisprudence substantielle qui prévoit que, si vous avez transféré des biens à une fiducie de votre vivant, de telles revendications ne s’appliqueront pas aux biens placés en fiducie. Il s’agit donc d’un moyen intéressant de protéger votre succession des revendications liées au statut de personne à charge fallacieuses. Si je ne souhaite manifestement pas inciter quiconque à ne pas subvenir aux besoins de ses personnes à charge, il se trouve que, dans certains cas, ces demandes présentent tout simplement un caractère fallacieux. Voilà donc qui constitue une avenue intéressante.
Et qu’arrive-t-il d’une fiducie entre vifs à votre décès ? Nous savons que le testament entre alors en vigueur et prend effet. Mais qu’advient-il des biens placés en fiducie au moment du décès du constituant ?
Si vous avez créé une fiducie entre vifs, votre décès n’a aucune incidence sur la continuation de la fiducie, à moins qu’elle n’en entrevoie autrement.
Ainsi donc, pour toute personne ayant transféré de l’argent à une fiducie entre vifs avant de faire l’achat d’actions de l’entreprise familiale, en vertu de cette réorganisation de société que j’ai évoquée plus tôt, il se trouve que le décès de n’a ordinairement pas d’incidence sur la fiducie. Son existence se poursuit comme si rien ne s’était passé.
Cependant, dans le cas des fiducies en faveur de soi-même ou des fiducies mixtes au bénéfice du conjoint, qui, comme je l’ai dit plus tôt, constituent en quelque sorte un moyen de substitution au testament, les règles fiscales prévoient l’application d’une cession réputée à l’égard des biens de la fiducie de la même façon que dans le cas d’un particulier. Il est donc relativement courant d’observer que les conditions mêmes de ces fiducies prévoient la fin de leur existence de la même façon qu’un testament prévoit la façon dont les actifs doivent être distribués.
En effet. Tout cela est très complexe. Pour dire vrai, vous et moi avons passé de nombreuses années à étudier ce domaine et à y travailler. Vous parvenez à rendre les choses simples, mais, manifestement, elles ne le sont pas ; qu’il s’agisse des répercussions juridiques ou peut-être, plus significatif encore, des répercussions fiscales. Cependant, Barbara, si nous devions nous référer à la présentation relativement générale que nous avons fait de ce sujet aujourd’hui, et s’il y avait une chose que vous aimeriez que les personnes qui nous écoutent gardent en tête au terme de notre entretien, de quoi s’agirait-il ?
Je pense que j’aimerais qu’elles se rappellent que les fiducies peuvent combler de nombreux objectifs différents. Les fiducies permettent de protéger la confidentialité, d’être efficaces sur le plan fiscal, d’assurer la succession d’une entreprise familiale, et même d’administrer de l’argent au bénéfice des générations futures. Cependant, les fiducies sont également compliquées, à la fois, comme vous l’avez dit, dans la façon dont elles sont constituées et dans la façon dont elles sont administrées, de même qu’au chapitre des règles fiscales qui s’appliquent. Il est donc important de discuter de ses objectifs avec ses conseillers. Si vous n’avez pas besoin d’avoir recours au mécanisme que représente la fiducie, n’en créez pas. Cependant, si une telle avenue peut s’avérer intéressante, assurez-vous de faire les choses comme il se doit en retenant la structure optimale et en veillant à ce que vous puissiez compter sur les fiduciaires appropriés pour administrer convenablement la fiducie.
Voilà d’excellents conseils. À l’évidence, il s’agit là de quelque chose qu’on ne peut envisager de réaliser de soi-même pour quelque raison que ce soit. Il faut manifestement pouvoir compter sur des conseils juridiques et fiscaux d’excellente qualité en cette matière.
Absolument. Il se trouve qu’on ne sait tout simplement pas ce que l’on ne sait pas…
Voilà qui est bien dit.
Merci beaucoup, Barbara, de vous être jointe à moi aujourd’hui pour nous aider à mieux comprendre le sujet que représentent les fiducies entre vifs et nous expliquer en quoi elles peuvent différer du testament et des fiducies testamentaires en soulignant les raisons pour lesquelles cette question importe au-delà de la richesse.
Merci, Leanne.
Vous pouvez en apprendre plus sur Barbara en consultant l’adresse bennettjones.com .
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Mon nom est Leanne Kaufman et j’ai très hâte de vous retrouver lors de notre prochain balado. Merci d’avoir été des nôtres.
Orateur final :
Qu’il s’agisse de planifier votre succession ou les besoins de votre famille ou de votre entreprise, ou de bien remplir votre rôle d’exécuteur testamentaire (appelé liquidateur au Québec) de la succession d’un être cher, nous pouvons vous guider, aplanir les difficultés et soutenir votre vision. Faites équipe avec RBC Trust Royal afin que les générations futures profitent longtemps de votre legs. Laissez un héritage, pas un fardeau™. Allez à rbc.com/trustroyal.
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